Après que Victoria soit partie pour aller danser, je mettais trouvée quelques autres personnes avec qui discuter, puis une nouvelle fois isolée. On m’avait offert plusieurs verres et ne rien boire commençait à devenir suspect. Surtout pour les quelques connaissances que j’avais retrouvé et qui savaient que je n’étais généralement pas la dernière à boire. Cette phrase faisait alcoolique, mais j’appréciais m’amuser, pas boire à ne plus me souvenir. Je rattrapais mes jeunes années où je n’avais fait que m’entrainer et fuir tout le monde.

Enfin bref, depuis quelques minutes déjà, une silhouette avait attiré mon attention. Elle ressemblait à Victoria à cause de sa peau caramel et ses cheveux frisés, mais je savais reconnaitre mon amie et elle ne l’était pas. Pourtant, elle me disait quelque chose. Sa longue robe noire, ses formes, sa façon de bouger… Quelque chose m’était familier avec elle. Alors je m’étais rapprochée du cercle le plus proche des personnes et j’écoutais distraitement leur conversation. Je questionnais quelques chevaliers présents, qui furent incapable de me répondre. Pourtant, l’entendre parler de consultations et autres me firent remonter quelques souvenirs d’une nuit lointaine en Grèce. Est-ce que cela pourrait être elle ? Etrange… La curiosité me brûlait les lèvres et l’envie d’aller l’aborder me vint. Pas que je m’étais spécialement attachée à la jeune femme que j’avais côtoyé le temps d’une nuit, mais sa présence ici m’intriguait et j’avais envie de confirmer mon intuition. De plus, je voyais à la légère tension dans ses épaules et la façon de se tenir que quelque chose la dérangeait. Peut-être la situation ou l’homme avec qui elle parlait ?

Je me glissais alors jusqu’à elle, l’attrapant par le bras.

« Moira, c’est toi ? J’ai bien failli ne pas te reconnaitre ! Je levais mon regard vers l’homme masqué, une sensation étrange m’envahissant lorsque mes yeux tombèrent sur lui. Il n’était pas comme tout le monde. Veuillez nous excuser, c’est une vieille connaissance et nous avons beaucoup de temps à rattraper, bonne soirée. »

Oui, c’était d’un toupet monumental la façon dont je l’embarquais, surtout que je n’avais eu aucune confirmation que cette jeune femme était celle que je connaissais, mais après tout, j’avais l’étrange impression qu’elle ne serait pas gênée par mon intervention. Alors, avec un dernier sourire affable en direction de l’homme, j’entrainais la jeune femme plus loin, sur la piste de danse, pour être un peu plus certaine de ne pas se faire interrompre.

« J’espère ne pas t’avoir coupée dans une discussion trop intéressante, mais tu semblais mal à l’aise. » Une lueur amusée brillait dans mes yeux. « Une petite danse ? La dernière fois que nous nous sommes vu, nous n’avons pas vraiment eu le temps de parler n’est-ce pas ? »

La discussion avec Ambrose avançait doucement mais j’étais toujours aussi mal à l’aise. Mon verre de Whisky à la main, je me retrouvais malgré moi coincée avec lui. J’avais encore une fois fait preuve de maladresse et de toute façon, partout où je regardais je ne voyais que des inconnus.

Mais tout à coup, une jeune femme s’interposa entre lui et moi en m’attrapant par le bras. Je me souvenais d’elle, je l’avais remarqué tout à l’heure alors qu’elle discutait avec l’amie de Tullio. Elle portait une sublime robe bleue sombre, assortie à ses yeux qui semblaient si familier.

Alors qu’elle m’interpellait par mon prénom, j’étais toujours en train de chercher d’où je la connaissais. Ces yeux, ce parfum, je savais qu’elle n’était pas une inconnue.

« Euh, oui c’est bien moi en effet ! » Répondis-je à la jeune femme. « En effet, ça fait très longtemps ! Veuillez m’excusez Ambrose, nous avons en effet du temps à rattraper avec mon amie »

Je la laissais m’entraîner à l’écart, soulagée d’avoir une échappatoire à cette entrevue embarrassante. En la suivant, le souvenir de cette nuit me revint à l’esprit comme un éclair.

« Araya! En effet ! Ça fait un bail ! Mais qu’est-ce que tu fais ici? » Lui lançais-je avant d’ajouter, plus pour moi-même que pour elle « Je ne devrais pas être étonnée après tout, ton entraînement et ton mode de vie aurait du me mettre la puce à l’oreille… »

J’étais à la fois surprise et émerveillée de retrouver mon amante d’un jour. Nous avions passé une soirée et une nuit fabuleuse au large de la Grèce, dans un paysage idyllique, aussi magique que l’étreinte que nous avions partagé.

« Non, bien sûr que non, je lui ai renversé mon verre dessus par mégarde et je ne savais plus trop comment m’en dépêtrer. Et encore une fois, la ravissante Araya est venue à ma rescousse… »

Je ne pus contenir un petit rire à la fois gêné et en même temps révélateur. La jeune femme était aussi enchanteresse que dans mes souvenirs… Elle m’entraina alors sur la piste de danse et je la suivis volontiers.

« Et toi alors? Tu fais partie de l’Ordre depuis longtemps? Je dois bien être la dernière personne que tu t’attendais à voir ce soir. »

Alors qu’un léger doute planait encore sur l’identité de la jeune femme que je venais d’embarquer, elle me confirma que nous étions bien des connaissances. Je lui fis un sourire charmeur à l’entendre, laissant échapper un léger rire.

« Oh, tu serais surprise de savoir combien de personnes vivent ainsi sans faire partie de l’Ordre. »

Je n’en faisais d’ailleurs pas vraiment partie, puisque, contrairement à un certain nombre de chevalier, mon allégeance ne leur était pas acquise. A personne d’ailleurs, mise à part moi-même. Enfin bon, je ne devrais peut-être pas en dire plus, je ne voudrais pas créer de l’inquiétude chez la jeune femme. Beaucoup préféraient penser que les méchants des films n’étaient que dans les films.

« Eh bien… Je crois que tu vas finir par devoir prendre un abonnement pour mes services si cela continue, lui dis-je avec amusement. »

Je l’entrainais sur la piste de danse, ma main se plaçant dans son dos, peut-être un peu plus basse que la normale. Moira était aussi séduisante que la dernière fois que l’on s’était rencontré. Peut-être même un peu plus, les deux ans ayant donné à son visage un peu plus de maturité qui n’était pas pour me déplaire.

« Eh bien, je fais partie de l’Ordre depuis une dizaine d’année maintenant, mais je ne suis pas chevalière, simple consultante. »

J’aurais pu l’être plus tôt, mais comme il fallait être majeur, et que je n’avais certainement pas la confiance de mes gardiens au début à cause de mon histoire, il m’avait fallu attendre un temps avant d’être libre. Enfin bon, j’avais plus d’expériences que mes simples dix années dans l’Ordre, mais ce n’était pas la peine de le préciser. Garder un peu de mystère n’avait rien de désagréable.

« Et oui, je ne pensais pas te trouver ici. Tu connais l’existence des créatures depuis longtemps ? La questionnais-je. Et en plus faire partie de l’Ordre, j’avoue être surprise. Depuis combien de temps ? Tu ne sais peut-être pas ce que sont les consultants ? Le doute était permis, selon le temps passé depuis son entrée dans l’Ordre, vu qu’elle ne semblait accompagner personne. Tu étais étudiante en psycho la dernière fois, si mes souvenirs sont bons ? »

J’avais une bonne mémoire, mais elle n’était pas infaillible et, bien qu’on est passé une excellente nuit toutes les deux, ce n’était qu’une soirée parmi tant d’autres. Nous nous étions à peine échanger quelques informations avant de se jeter l’une sur l’autre. Ce qui n’avait pas été pour me déplaire.

« En effet, je ne serais pas contre un abonnement avec la grande Araya ! Mais je t’avoue que des leçons d’auto-défense et de combat au corps-à-corps ça pourrait être plus intéressant dans le temps, surtout avec mon arrivée dans l’Ordre. »  

En effet, j’avais commencé depuis plusieurs jours les leçons avec Cy qui m’avait apporter quelques cours de tirs et j’avais entrepris un entraînement sportif dans mon coin. Toutefois, j’avais encore pas mal de lacunes et quelques leçons complémentaires me ferait le plus grand bien. 

« À dire vrai, je suis aussi consultante, j’ai pas encore réussi à m’imprégner de tout le vocabulaire de l’Ordre ! Tu es bien plus ancienne que moi, j’ai été recrutée pendant l’été. Enfin l’hiver ici. En juillet quoi. J’ai encore un peu de mal avec les changements de saisons entre les deux hémisphères. »  

Il fallait bien avouer que pour une Écossaise comme moi, le changement de climat entre l’Europe et l’Australie était assez perturbant. Je sortais à peine de l’été et j’arrivais presque au printemps ici en Océanie. C’était quand même plutôt déroutant. Araya ne devait pas avoir ce genre de soucis, elle voyageait tellement que les différences de climat et de fuseau horaire ne devait être qu’un détail pour elle… 

« C’est grâce à Xander que j’ai découvert l’existence des créatures magiques. Je ne sais pas si tu le connais ? Une sombre histoire de bonbons qui lui permettent en fait de pouvoir les voir. »  

Un sourire se dessina au coin de mes lèvres quand je repensai à cet événement. Xander avait laissé trainer le pilulier de sa mère, dont il se servait pour garder ses pastilles, à côté d’autres trucs à grignoter quand on s’était revu fin juin. J’en avais pris un par mégarde alors qu’il regardait par la fenêtre et la suite de cette journée avait été forte intéressante. 

« J’ai été bercée toute mon enfance par les contes et légendes celtes, des histoires de fées, de Gobelin, de leprechauns, et j’en passe. J’ai toujours été captivée par ce folklore alors quand j’ai découvert que ça existait vraiment, j’étais aux anges ! Et oui, je suis bien en étude de psycho. D’ailleurs, je cherchais un stage pour cette année scolaire et c’est pour cette raison que j’ai été recruté par l’Ordre. J’avais une attirance particulière pour la cause et des compétences qui pouvait les intéressés. J’ai cru comprendre qu’une mission longue durée avait été assez éprouvante dernièrement et que mes services pourrait être un plus à Old Fyre. Je n’ai pas hésité et j’ai signé ! »  

L’été qui avait suivi fut riche en émotion et en découverte. Ma formation théorique avec Ollie, l’approfondissement de mes connaissances sur les créatures, mes différentes lectures et mon déménagement n’avaient pas été de tout repos. Je n’avais d’ailleurs pas encore défait mes bagages…

« En fait, je squatte encore mon bureau au QG. J’ai pas vraiment pris le temps de trouver un appartement pour le moment. J’étais trop captivée par mes recherches… Mais assez parlé de moi. Et toi que deviens tu ? C’est vrai qu’on n'a pas vraiment pris le temps de discuter la dernière fois… Nos langues et nos bouches étaient bien trop occupées à d’autres choses. »   Lui lançai-je avec un clin d’oeil. 

Le souvenir de cette nuit m’aurait presque fait rougir. Une rencontre improbable pendant une semaine de vacances paradisiaque. Elle avait été la cerise sur le gâteau pour clôturer ce magnifique séjour en Grèce. Araya était toujours aussi attirante… Sa robe la mettait terriblement bien en valeur… Mon esprit fut saisi de flash de cette nuit, de la douceur de sa peau et de la beauté de son corps. Je pouvais presque le deviner à travers le tissu qu’elle portait tellement cette image était gravée dans ma tête. 

Je ris à cette phrase sur l’abonnement à mon héroïsme. Bien que le moment ne s’y prêtait pas, et que cela n’avait pas été mon but, j’aurais pu apprécier avoir une petite récompense. Moira me faisait toujours autant d’effet qu’à l’époque.

« Si je t’apprends à te battre, je ne pourrais plus venir te sauver, lui répondis-je avec amusement, puis je repris un peu plus sérieusement. Mais oui, tu as raison, il vaut mieux que tu apprennes les bases, même si tu n’es pas dans l’Ordre pour venir te battre comme moi, lui répondis-je »

Personnellement, je me voyais mal devoir faire équipe avec quelqu’un qui n’avait que peu de compétences de combats. Je ne savais même pas ce que Moira pouvait faire sur des missions aussi dangereuses que certaines qu’on devait faire. Enfin bon, cela je le gardais pour moi.

« C’est que j’étais au courant bien avant toi de toute cette histoire aussi. Environ vingt ans écart. Encore un peu et c’était avant sa naissance. On s’habitue petit à petit aux changements de saisons. Disons qu’on prend l’habitude, si tu ne veux pas partir dans un endroit en pleine hiver en tenue d’été. »

Ca m’était déjà arrivé une fois, parce que je n’avais pas fait attention. Après cette fois-là, j’avais toujours fait en sorte de me tenir au courant de la température des endroits vers lesquels je me dirigeais. Au moins, je n’étais pas très sensible aux températures. Enfin bref… Cela n’avait pas grand intérêt, et je me concentrais à nouveau sur la conversation.

« Non, je ne le connais pas. Il faut dire que je suis loin d’être très présente auprès des chevaliers, et que je préférais les missions en solitaire. Tu as dû être plutôt choquer de voir soudainement des créatures. J’espère juste pour ta santé mentale que ça ressemblait plus à des fées qu’autre chose »

Je ne connaissais peut-être pas Xander, mais en tout cas, elle semblait plutôt amusé par cette journée, ou peut-être attaché à cet homme. Je n’avais pas trop de soucis à me faire sur sa capacité à réagir face à tout ceci. Tout le monde ne réagissait pas aussi bien, malheureusement pour eux. Moira me fit d’ailleurs part à quel point elle avait été heureuse de découvrir tout ceci. Ah… La naïveté des premiers moments, lorsque les créatures les plus agressives et terrifiantes n’avaient pas encore été vu. Etrangement… C’était aussi celles qui m’attiraient le plus. Pas étrangement… Merci mon père et mon côté charmeuse d’ombre.

« J’en ai entendu rapidement et un peu plus ce soir, mais je t’avoue que je ne faisais pas partie de tout ça. Contente que ces découvertes ne t’ont pas choqués. En même temps, je l’aurais pariée, même si on ne se connait pas vraiment. Je crois que tu vas avoir du boulot. Tu devrais demander à quelqu’un de tes collègues de venir ici, ils s’amuseraient bien »

J’aurais dû certainement consulté un jour, mais bon, je m’en sortais bien toute seule. Merci la notion de… Résilience ? Je crois que c’était ça le bon terme. Enfin bref, je n’étais pas psy et je ne voulais pas m’appesantir sur des choses passé depuis un moment.

« C’est dommage que ce ne soit pas l’endroit pour s’occuper autrement, lui dis-je en souriant, répondant à son clin d’œil, retenant une envie de la serrer contre moi et balancer sensuellement mes hanches contre elle. J’aimais la provocation, mais tout de même, un peu de tenu. Et sinon, pas grand-chose. Je voyage, je continue d’avoir des contrats de temps à autres en dehors des chevaliers. J’apprends. Ces derniers temps je me concentre sur l’arabe par exemple. Sinon j’ai un appartement du côté de la France, mais bon, je n’y vais pas régulièrement, lui dis-je »

Disons que mon appartement me servait surtout de stockage et histoire d’avoir un endroit où recevoir mes lettres.

« Tu sais qu’au-dessus du bar à Old Fyre il y a des chambres que tu peux louer en attendant d’avoir un lieu où loger ? lui dis-je. Ce serait toujours mieux que le canapé de ton bureau. Ou te trouver directement un appartement, il doit y avoir pas mal d’offre sans trop se casser la tête. Ma réponse me fit réfléchir légèrement. A cette idée qui tournait dans mon esprit depuis longtemps à dire vrai. Je devrais peut-être m’en prendre un aussi, histoire de pas dormir à chaque fois à l’Aquarium. Enfin, mauvaise idée… Je n’y vivrais pas assez longtemps, ce serait privé un appartement à quelqu’un à qui ça serait plus utile. Genre dix fois plus utile, si ce n’est plus. Enfin, je crois pas que mes réflexions sur mon appartement t’intéresse. Je ne voudrais pas que tu passes une mauvaise soirée à cause de moi »

Je souris à nouveau à Moira, bien qu’une pensée sombre vint troubler mes pensées, que je dissimulais habilement derrière l’éclat de mes yeux. Depuis un moment j’avais la mauvaise impression que quelque chose allait se passer. Je m’étais ça sur le compte du fait que j’étais certainement trop mal à l’aise dans ce genre d’endroit. Cela n’aidait pas à me sentir à l’aise.

« Certes, si je sais me battre, je n’aurai plus de raison de compter sur toi pour me sauver… Mais même avec beaucoup d’entraînement, j’aurai du mal à atteindre ton niveau. » Lui répondis-je.

Je n’avais pas rejoint l’ordre dans le but de partir en mission périlleuse, mais j’avais tout de même besoin de connaître les rudiments, au cas où. Je ne comptais pas passer ma vie enfermée à Old Fyre, et ma curiosité me pousserait sûrement à entreprendre quelques voyages pour l’Ordre malgré tout. J’avais une âme aventureuse ! Et puis avec le temps, peut-être que je deviendrais une guerrière aguerrie… C’était toujours bon de rêver non..?

« J’avoue avoir eu la chance de croiser plus de créatures lumineuse que de l’ombre… J’ai fait quelques recherches sur celles que j’ai rencontrées ce jour-là d’ailleurs. Principalement quelques fées et des dryades et plus près du centre-ville, il me semble avoir croisée un ou deux gobelins. Rien de bien méchant donc.. »

Araya répondit assez rapidement à mes avances, me faisant comprendre que la séduction qu’il y avait eu entre nous quelques années plus tôt était toujours bien présente. Notre attirance l’une pour l’autre était bien réelle et je présentais qu’elle allait continuer dans les semaines à venir. Maintenant qu’on s’était retrouvé et qu’on savait l’une comme l’autre que nous étions amenée à nous recroiser régulièrement, cela promettait de jolis moment en perspective.

« Oui, j’ai cru comprendre qu’il y avait des chambres au-dessus de l’Aquarium, mais j’aime le calme et la tranquillité que je trouve dans mon bureau et qui sont beaucoup plus difficile à avoir dans une auberge. Et puis, ça me permet d’être plus discrète aussi… J’aime la solitude et il y a parfois trop de monde à l’Aquarium. Mais en même temps, c’est paradoxal. J’ai pensé à prendre un appartement, mais je n’ai pas pour autant envie d’être totalement seule… Ce que tu dis me fait penser, que ce ne serait peut-être pas une si mauvaise idée d’envisager une collocation t’en penses quoi..? Je sais qu’on se connaît pas beaucoup et vu l’attirance qu’il y a clairement entre toi et moi, vivre sous le même toit pourrait amener quelques… quiproquo. Mais si t’es pas souvent là, ça me permet d’avoir la solitude dont j’ai besoin la plupart du temps. »

Cette proposition était peut-être un peu rapide et précoce, je devais bien l’admettre, mais maintenant que je l’avais formulé, ça me paraissait presque comme une évidence.

J’avais légèrement sourit à sa réflexion sur mon niveau. Peut-être pourrait-elle devenir une bonne combattante si elle s’entrainait sérieusement, mais mon niveau ne se résumait pas qu’à cela et là était toute la différence entre une personne expérimentée et qui avait fait de sa vie un combat, voir plus. Seulement, je ne pensais pas – et il valait mieux pour elle – qu’elle ne devienne pas une tueuse. Il valait mieux qu’elle ne le devienne pas. Ca la foutait mal une psychologue encore plus dingue que les patients qu’elle devait prendre en charge.

« Oh les gobelins sont plus dangereux qu’on ne le pense, lui dis-je, moi-même ayant eu quelques mésaventures avec ces créatures. Ils avaient tué mon père quand même… Enfin bref, ce n’était pas le moment de laisser mes vieilles rancœurs se glisser dans cette discussion. Mais c’est plutôt cool de voir des fées et des dryades en premier lieu »

Comme toujours, j’éloignais rapidement les pensées sombres qui menaçaient de venir assombrir mon esprit et cette conversation qui pouvait prendre des penchants agréables. J’étais heureuse de voir que l’attirance qui s’était crée entre nous durant une soirée n’avait pas disparu. C’était déjà arrivé par le passé, des rares personnes que j’avais recroisé une fois la nuit passé ensemble. Moira avait ce charme et cette attitude qui ne me laissait pas indifférente.

Malgré la situation agréable, je ne me laissais pas distraire par le décolleté, sur lequel j’avais une vue plongeante grâce à ma taille et mes talons. J’avouai lancé quelques regards pour profiter de la vue de cette poitrine bien formée et de cette peau dont je retrouvais lentement les sensations au fil de notre danse. J’écoutais pourtant les mots qu’elle formulait, hochant légèrement la tête à ses dires sur l’Aquarium. Je n’aimerais pas non plus vivre là-bas en permanence. Une chance pour moi, ce qui me servait d’appartement avait au moins une très bonne insonorisation, même si mon lieu de sommeil préféré restait la forêt. Je fus soudainement sortie de mes pensées lorsque la jeune femme engagea une idée des plus… nouvelles à laquelle je ne m’attendais pas. Pour une fois, je laissais filtrer une vague émotion de surprise teinter les traits de mon visage.

« Colocataire ? répétais-je, comme si j’avais besoin de le formuler à voix haute pour m’assurer de cette proposition. »

J’étais très surprise, mais je réussis à reprendre contenance. Ce n’était pas habituel que quiconque pense à moi de cette manière. Et si c’était le cas, je laissais rarement le temps de formuler ce genre de demandes. Peut-être était-ce ceux que je côtoyais en général, dont ils me donnaient l’impression de toujours vouloir me contrôler. Comme Nolan fut un temps.

« Tu es sûre de ta proposition ? C’est vrai que je suis du genre à ne pas passer beaucoup de temps au même endroit, même quand il s’agit de mon appartement, mais j’ai des horaires assez décalées et je peux revenir n’importe quand à n’importe quelle heure, je pourrais rajouter sans envoyer de messages mais comme je vis seule ce n’est pas une chose dont j’ai besoin. Ce n’est pas que la proposition de Moira me déplaisait, je craignais seulement que ce soit une chose à laquelle je ne pourrais pas me faire. Excuse-moi si je te semble réticente à cette idée, mais si tu te considères solitaire, alors je le suis encore bien plus que toi. Ce n’est pas tant sur l’attirance entre nous qui m’inquiète, mais plutôt le fait que je n’ai jamais vécu avec quelqu’un et j’aime avoir mon espace personnel… Certainement beaucoup plus que ce que ces quelques mots révélaient sur ma personnalité secrète. Mais… Je suppose que si l’on met en place quelques règles de bases, cela pourrait se faire et ça m’arrangerait pour avoir un pied à terre au quartier, ajoutais-je »

A dire vrai… Je n’étais toujours pas sûr de cette proposition à vrai dire, ni de ma potentielle acceptation. J’étais si habituée à la solitude et a échappé à tous ceux qui cherchaient à me connaitre. Alors accepter de vivre potentiellement avec quelqu’un… et m’approcher un peu plus du QG… C’est en parti ce que je voulais, mais cela me faisait prendre un potentiel risque. J’appréciais jouer avec le feu en temps normal, mais cette fois, cela me semblait différent.

« Enfin, si je t’ai pas fait peur avec mes histoires, on peut toujours tenter le coup alors pourquoi pas faire une tentative. Si on voit que ça ne fonctionne pas, on pourra toujours changer d’avis. Je suis sûr que tu ne tarderas pas à rencontrer des gens avec qui tu aimerais faire une colocation, lui dis-je sur le ton de l’amusement avec un sourire, bien que je sois plus sérieuse intérieurement. »