Appuyée contre un mur, dans l’un des rares coin isolé de la pièce, j’observais les gens autour de moi, ainsi que le capitaine faire son discours. Je dissimulais mon agacement derrière un visage neutre, seul quelques frémissements de mes lèvres venant casser ce masque. Ses paroles mielleuse, si elle en endormait plus d’un, glissait sur moi comme de l’eau. J’étais habituée depuis l’enfance à voir derrière les masques et les paroles et le capitaine nous cachait visiblement des choses. Je n’aimais pas beaucoup ça. Les masques que l’on nous avait donné… Je n’étais pas dans l’ordre à l’époque, mais je savais très bien ce qu’il représentait et ce qui avait failli causer la fin des Chevaliers. Quant à cette mauvaise gestion des fonds, cela était dit d’une curieuse façon que je me demandais qui n’aurait pas de soupçons. Et l’Etoile du Soir… Encore eux. Parler d’eux me ramenait de mauvais souvenirs, qui me donnaient plus envie d’esquiver ce genre de conversation qu’autre chose… Ou peut-être pourrais-je récupérer des informations auprès de mes anciennes connaissances. Seize ans dans cette organisation, même contre mon gré, ne s’effaçait pas en un clin d’œil.

Le discours terminé, je finis par me redresser, sortant de l’ombre. Ce fut ce moment que les regards se tournèrent vers moi. Pour une fois, j’avais mis une robe, certes simple, mais avec une certaine élégance. Le robe couleur bleu sombre laissé voir mon décolleté en V, mettant ma poitrine en valeur. Cintré à la taille par un effet ceinture et elle s’évasait légèrement ensuite pour un tissu plus large, recouvert par une tulle, soulignant mes courbes, tout en les dissimulant assez pour générer le fantasme. Le tout m’arrivait un peu plus haut que les genoux. Mes talons restaient tout aussi sobres, haut seulement de quelques centimètres. Pour une fois, j'avais laissé relâcher mes cheveux.

Je fis quelques sourires aux personnes autour de moi, avant de me glisser un peu plus loin, attrapant un verre pour paraitre plus intégré. Je n’avais aucune intention de boire ce soir. Mon instinct, que je suivais toujours, me dictais une conduite sage, enfin… Ma curiosité me poussait à aller voir ce que cachait ce soi-disant capitaine derrière les bandeaux jaunes qui me bloquaient le passage. Pour le moment, je me mêlais à quelques conversations, les faisant parler plus particulièrement sur cette affaire de River Stone High. Je n’avais pas pu y participer et je voulais en apprendre plus sur cette histoire et le reste. Cet homme ne m’inspirait aucune confiance, contrairement à ce que Stan pouvait dégagé à l’époque. A la fois, j’essayais de repérer ceux que je connaissais. Etant plutôt solitaire, je ne gardais que peu de lien avec les autres. Mon regard tomba néanmoins sur Victoria, visiblement en pleine discussion. L’homme fasse à moi ce fut un peu plus insistant dans ses paroles et je ramenais mon regard sur lui. Le sien était dirigé à un tout autre endroit. Je m’excusais et m’éclipsais, marchant vers le buffet.

. . .

Au courant de leur conversation, un gouffre se fend entre Victoria et Tullio, comme un précipice duquel elle veut s’éloigner de peur de tomber dedans et d’y rester. S’amuser des amourettes de son ami lui permet au moins de tisser une faible corde de rappel et de revenir à une distance respectueuse et sécuritaire de ce gouffre. Quand elle voit, au loin, la scène dépeignant Araya aux prises avec un malotru, elle ne saute pas moins sur l’occasion de s’écarter complètement de Tullio et de leur échange inconfortable.  

Victoria ne connaissait pas l’homme insistant qui se dirigeait vers sa vieille amie, et, en vérité, elle n’était pas particulièrement inquiète pour l’intégrité d’Araya. Elle savait très bien que la jeune femme pouvait parfaitement se défendre… Ce qui n’empêche pas qu’elle préfèrerait probablement éviter d’avoir à le faire. L’homme, pour sa part, n’avait aucune idée du pétrin dans lequel il se risquait et, même s’il le mériterait probablement, Victoria allait lui éviter de passer un mauvais quart d’heure.  

- Je dois aller sauver la vie d’un imbécile.

Avait-elle dit à Tullio, d’une voix moqueuse, avant de presser le pas vers le buffet.

Malgré ses talons hauts et le corps ajusté de sa robe, Victoria avance rapidement dans la foule. En tournant les épaules ou les hanches, elle se faufile habilement entre les invités anonymes sans les toucher, ou du moins, jusqu’à accrocher sciemment l’enquiquineur au moment de le dépasser. Elle s’amuse toujours de constater comment les hommes assument toujours que c’est la femme qui finira par se pousser pour les laisser passer. Il avait pu la voir arriver de loin en diagonale, et pourtant, il avait continué sans faire le moindre effort pour l’éviter. À l’impact, cependant, c’est lui qui chancelle et elle qui reste droite. Solide, elle continue ainsi son chemin sans discontinuer, l’obligeant à se pousser et à ralentir derrière elle.

Elle s’impose aux côtés d’Araya sans la moindre subtilité. Leurs robes, du même bleu foncé, se frôlent et se fondent ensemble alors que Victoria prétexte d’agripper une assiette en carton pour venir encadrer l’autre femme avec un bras, sans pourtant en venir à la toucher. L’autre bras se lève dans le vide et, dans un mouvement indifférent du dos de la main, elle déboute l’inconnu en lui faisant signe de laisser tomber.    

- Je pense que je ne suis pas la seule à beaucoup apprécier ta robe, raille-t-elle en jetant un bref un coup d’œil – incontrôlable – sur la forme de sa poitrine se dessinant dans ce décoté en V qui aurait aussi bien pu l’appeler par son initiale.      

Sous la courbe de ses lèvres souriantes, ses pommettes se soulèvent jusqu’à déplacer un peu son masque argenté.  

En me dirigeant vers le buffet, je lançais un regard par-dessus mon épaule, remarquant alors que l’homme que je venais d’éconduire, relativement poliment, me suivait. Je retins un soupir agacé, mon expression conservant ce sourire affable pour faire bonne figure. S’il continuait, j’allais devoir me montrer un peu plus cassante et son ego risquait d’en prendre un sacré coup. Fort heureusement, j’aperçus une jeune femme faire des siennes. Jeune femme que je reconnus aussitôt. Victoria percuta l’homme dont l’intérêt de sa conversation était inversement égale à la lourdeur de son ego et de sa chute. Un sourire en coin – réel celui-ci – étira une partie de mon visage, la situation prenant une allure comique. Comique pour moi en tout cas, car lui fut si surpris de l’impertinence de la jeune femme qu’il ne put réagir.

Je détournais le regard pour l’emmener sur le buffet, m’attendant à ce qui allait suivre. Je tournais la tête vers elle, un léger rire dépassant mes lèvres à sa remarque.

« Je crois également. Je commence à croire qu’il était préférable que j’ignore la demande et vienne à mon habitude, une chose dont j’aurais parfaitement été capable, bien que cela n’empêche pas vraiment les regards. Je t’en dois une, ou peut-être plutôt que c’est cet homme qui t’en dois une maintenant… »

Je me tournais totalement vers elle, me permettant un rapide coup d’œil pour voir que l’homme avait enfin accepté sa déconvenue et s’intéressait à une autre jeune femme – la pauvre. Je revins sur Victoria, jetant également un coup d’œil à sa robe, appréciant ses courbes tout aussi tentée par sa robe qu’elle l’était par la mienne.

« Quoique, tu dois être tout aussi ennuyée que moi »

Contrairement à l’autre homme, le regard qu’elle m’avait lancé ne me déplaisait pas. Quelle différence ? Peut-être parce que l’une avait une conversation agréable, qu’elle m’était sympathique et que son regard n’avait rien d’insistant ou de lourd. Le mien non plus d’ailleurs, car mes yeux clairs cherchèrent ceux plus sombres de Victoria.

« Ca faisait longtemps qu’on ne s’était pas vu. Comment vas-tu ? quelques questions avant de passer à des choses plus sérieuses. Cela ne voulait pas dire que les réponses ne m’intéressaient pas. J’ai l’impression avoir raté un certain nombre de choses, ajoutais-je en lançant un regard à la scène que le Capitaine avait quitté. »

Si Victoria était restée la même depuis la dernière fois, je ne serais pas surprise qu’elle n’apprécie pas beaucoup le capitaine. Je n’avais pas l’intention de parler clairement de mon désaccord avec lui. Qui sait qui faisait partie de ses alliés et nous écoutait discrètement ? Peut-être étais-je légèrement trop méfiante – certains diraient parano – et que nous n’étions plus à l’époque du Sphinx ou de l’Etoile du Soir, mais tout ceci me faisait un peu trop penser à ce qu’on m’avait appris de l’Ordre à l’époque.

Son sourire s’étire et ses yeux roulent alors qu’elle balaye et fait disparaitre, dans un rictus, cette idée déplaisante.

- Les deux… Mais je préfère que ce soit toi qui me rendes éventuellement la pareille, pouffe-elle, l’angle crispé qui demeure sur ses joues traduisant bien qu’elle ne souhaitait en rien que l’énergumène lui doive quoi que ce soit.

Elle suit d’ailleurs le regard d’Araya dans la foule, voyant, tout comme elle, l’homme qu’elle venait de décourager déjà s’intéresser à quelqu’un autre. C’était sage de sa part de ne pas s’obstiner avec l’inobstinable. Quant à la nouvelle demoiselle qu’il abordait… Assurément, un autre chevalier servant pourra lui venir en aide, et sinon, elle se débrouillerait très bien toute seule, Victoria en était persuadée.

Ses yeux glissent au passage sur un Tullio qui discute maintenant avec une jolie inconnue aux cheveux bouclés. Ça, c’était une surprise et elle était bien contente de le voir socialiser, car il avait cruellement besoin de se faire de nouveaux amis. Ainsi, elle est vaguement distraite quand Araya suppose que son ennui doit être égal au sien. Son attention revient sur elle avec un petit décalage, juste à temps pour capter son regard appréciateur et y répondre, comme un chat, en clignant lentement et délibérément des yeux.

- Ça vaaa, dit-elle nonchalamment, ça ne me gêne pas vraiment, et puis, je pense, les gens d’ici me connaissent assez pour comprendre que je leur ferais savoir si j'étais intéressée. Autrement, ils le comprennent assez vite, pense-t-elle en laissant s’évader son attention vers les couleurs appétissantes des petits fours.

- Je suis en vie, répond-elle simplement à son amie ; en même temps, elle hausse les épaules, son sourire suave tournant presque à l’amertume. Heureusement, la mousse violette et sucrée qu’elle goûte distraitement l’aide à retrouver sa bonne humeur. Fermant les yeux, elle gémit de plaisir en prenant une seconde bouchée. Quand Araya continue et l’interroge sur River Stone High, toutefois, son gémissement se transforme en plainte et son expression se tord. À nouveau, elle roule des yeux, renâclant en passant vite de l’agacement à la dérision.

- Tu as raté beaucoup et si peu en même temps, commence-t-elle avec ironie, soupirant de dépit en ne sachant pas trop par où continuer. Elle sait, cependant, qu'elle veut rependre de la mousse, et elle en tend même une cuillerée à la brune.

- Imagine vingt-cinq agents déployés pendant presque un an dans le cadre de la pire mission d’infiltration au monde… Qui se font finalement dire que la clé de leur enquête – pointant vers un coupable clair – ne serait pas prise en considération, résume-t-elle. Pour compléter son explication, ses yeux expressifs bifurquent sur la gauche, pointant vers la scène vide où le capitaine s’était tenu pendant son discours.

Mon sourire s’était légèrement étiré face à sa remarque, me tirant un léger rire sur son accord avec ma soi-disant dette.

« Eh bien je n’hésiterais pas à venir te sortir d’une situation aussi malaisante que celle-ci, lui répondis-je, agacée que des hommes comme ça existaient encore. Peut-être devrais-je penser à m’engager dans une association féministe. La bonne blague… »

Je remarquais que Victoria semblait légèrement distraite par tout ce qui se passait autour de nous. Bon, le début de la conversation n’avait rien d’intéressant, moi-même je passais souvent ce genre de détails assez rapidement. Voir, ne pas du tout demander. La plupart de mes connaissances ne se préoccupait pas spécialement de ce genre de détail ennuyeux.

« J’imagine qu’ils te connaissent mieux que moi oui. Quoique, il doit bien y avoir quelques personnes dont j’ai dû calmer les ardeurs et qui me fuient dans cette réunion, rétorquais-je en balayant à nouveau l’assistance. »

Je hausse légèrement un sourcil lorsqu’elle répond à ma question. Je n’avais pas raté l’amertume dans sa voix, mais je ne cherchais pas plus loin. Si elle désirait m’en parler, elle le pouvait parfaitement après cette soirée. De plus, cette soirée n’avait rien de très adéquate pour se dévoiler les soucis de la vie. Surtout de notre vie de chevaliers. Il y avait plus tranquille, moins dangereux et moins instable comme vie.

Heureusement, j’avais enchainé sur une autre question, un peu moins gênante. Je pris la cuillère qu’elle me tendait, la remerciant d’un signe de tête, goûtant avec plaisir le goût assez exquis de ce qu’on nous servait. Et donc… nous manquions de moyens ? Eh bien, c’était beau le pauvre monde de ces connards.

« Oui, je vois le genre. Une merveilleuse gestion des ressources. Je comprends mieux pourquoi j’étais débordée de missions, à croire que j’étais devenue une vraie chevalière. Il fallait compenser la manque d’effectif. Et avec autant de personnes mobilisées, il arrive à mettre ça de côté comme si c’était une simple mission banale et sans intérêt ? Soit ce type est le plus flemmard que je connaisse, soit il a quelque chose en tête »

Cela semblait plutôt logique. J’avais entendu des rumeurs sur cette mission évidemment, mais j’étais trop débordée pour faire des recherches trop approfondies.

« Décidément, avec ce Capitaine, on va pas s’en sortir. A croire qu’il veut plus nous faire couler que les anciens ennemis de l’Ordre. S’il voulait atténuer des soupçons ou des craintes, il n’est vraiment pas doué, ça va finir en psychose. »

Après tout, si les chevaliers tombaient, il n’y avait plus rien pour empêcher les gens dans son genre pour se faire de l’argent sur toutes les créatures qu’ils avaient sous leur protection. Ce genre de plan ne devrait pas trop me concerner, je n’étais pas spécialement attachée aux règles des chevaliers, si je m’y pliais, en partie, c’était pour la survie plus qu’autre chose. En tout cas, je voyais bien le retour à l’ancienne où, comme dans toute organisation persuadé d’avoir des espions en leur sein, devenait paranoïaque.

Je me penchais sur le buffet pour venir prendre un autre gâteau. Autant profiter de ce qui nous était offert. J’en pris deux autres, en tendant un à Victoria au cas où cela la tenterait.

« Toi qui est plus au courant de ce qui se passe dans l’Ordre, t’aurais pas des idées de ce que nous cache notre cher Capitaine ? Elle avait peut-être des informations des lieutenants qui sait… « Je vais finir par aller le voir directement pour lui faire passer un petit interrogatoire. Un léger rire sarcastique s’échappe de mes lèvres face à cet humour quelque peu douteux. Enfin bon, restons correct, je risquerais de me faire taper sur les doigts. »

Un nouveau faux rire, nouveau regard vers la scène. Ce n’était pourtant pas l’envie qui me manquait, mais dans un endroit comme ça, ce n’était pas le bon plan. Beaucoup trop loin de la terre.

Après la mousse, le gâteau. Victoria prend celui qu’Araya lui tend et le contemple avec curiosité. Le cake glacé et décoré ne ressemblait pas aux gourmandises vers lesquelles la chevalière serait attirée d’ordinaire, mais, fidèle à elle-même, elle reste ouverte à la nouveauté et l’essaye. Ainsi, elle porte la pâtisserie à ses lèvres, et, comme toujours, très démonstrative dans son appréciation, elle ferme les yeux en gémissant son plaisir dans un italien étouffé.

Ce buffet a été préparé par des brownies, réalise-t-elle tout en finissant la pâtisserie avec une deuxième bouchée décadente. Pour autant qu’elle sache, il n’y avait pas de colonie installée dans la zone habitable d’Old Fyre, mais elle prend une note mentale de questionner sa cousine Angelica à ce sujet…  

- Les ressources humaines auraient bien besoin d’une telle association, raille-t-elle au sujet de ses initiatives féministes, tournant les yeux pour balayer les souvenirs intrusifs des différentes expériences qu’elle avait vécues récemment, qui justifieraient effectivement ce besoin, mais auxquelles elle préférait ne pas penser pour le moment. Malgré tout, son retard se tourne momentanément vers le bar où il n’y a ni Nawar ni Xander et cette disparition simultanée l’inquiète… Plus tard, j’y penserai plus tard.  

Des plaisanteries aux banalités, la conversation prend enfin un tournant vers les conspirations. Ainsi s’évapore sa distraction et son regard s’aiguise au-dessus de ses joues crispées.  

- Oh, il a la tête pleine, assurément : pleine d’idées reculées, pleine de plans de retraite … Sa voix à elle est pleine de mépris.

Parallèlement, ses épaules se haussent. Elle aimerait pouvoir en dire plus, mais elle n’en sait pas davantage, peut-être parce qu’il n’y avait justement rien de plus à découvrir de plus au sujet de ses motifs.  

- Je ne pense pas qu’il soit assez con pour vraiment penser que la situation est sous contrôle… Il a les mêmes preuves que nous qui avons fait l’enquête de River Stone High, sinon je ne sais pas pour le reste… Mais sincèrement, c’est déjà suffisant.

Pour le reste, à l’idée de lui faire passer un interrogatoire, le sourire qui grimpe sur son visage étire ses joues en coins pointus et découvre ses dents brillantes. Dans les fentes de son masque, ses yeux pétillent.

- Il pisserait dans son beau pantalon et pleurerait comme le gros bébé difforme qu’il est. Murmure-t-elle entre ses dents. Sans être certaine que ça leur apporterait de nouvelles informations utiles, ce serait assurément un bon souvenir.  

Elle s’apprête à ajouter une nouvelle couche en faisant référence aux techniques qu’Olivia et Eileen leur avait appris quand elles étaient adolescentes, mais soudain, une main ferme se serre sur son bras. Victoria sursaute, coupable d’avoir été absorbée dans leur échange qui flirtait avec la mutinerie. Une figure masquée avec une belle allure et une tresse blonde vient lui murmure quelque chose à l’oreille, changeant sa surprise initiale en confusion amusée qu’elle partage à Araya dans un sourire éberlué, presque moqueur.

Là-dessus, elle se laisse entraîner sans opposition sur la piste de danse, esquissant tout juste une salutation à son amie qu’elle retrouverait assurément plus tard.  

. . .

Je mangeais quelques autres gâteaux en écoutant les petits gémissements de Victoria, riant devant son aspect si démonstratif. Personnellement, j’étais loin d’être comme elle, mon sourire ne faisant qu’étirer légèrement mes lèvres. Tout dépendait de la situation, mais ici-même je n’étais pas là pour éclairer les autres d’un sourire. Mais il faut dire que Victoria m’avait connu beaucoup moins expressive et sauvage que ce que je montrais actuellement. En même temps, après ce que j’avais vécu, ça n’avait rien de surprenant. J’avais appris à sourire de nouveau avec la patience d’Eileen, Olivia et Victoria, qui m’avaient plus appris sur la façon de s’amuser que de me battre, mais c’était une autre histoire.

Je revins à la réalité, haussant légèrement un sourcil derrière mon masque face à la réplique de Victoria. Je remarquais qu’elle semblait chercher quelqu’un du regard et la contraction inhabituelle de son corps. Quelque chose semblait ne pas aller.

« Je suppose que tu as raison, lui dis-je »

J’aurais aimé lui demander ce qui semblait tant la perturbée, mais notre conversation partait déjà sur autre chose. Et ce n’était pas vraiment le moment. De plus, je me demandais si nous étions réellement assez proche pour que je puisse lui poser ce genre de questions. Même maintenant je m’étais de nombreuses barrières entre moi et les autres.

« Qu’il parte à la retraite sans empirer la situation, lui dis-je en faisant rouler mes yeux vers le ciel. Enfin, avec ce genre de type, on se demande jusqu’où va sa connerie. Ou son intelligence pour avoir le plus de choses à son avantage »

Et ce genre de type m’agaçait, mais après tout, c’était les couards qui survivaient le plus longtemps. En tout cas, je sentis que ma proposition d’interrogatoire fit plaisir à Victoria. C’était presque une blague, mais nous pensions toutes deux à des choses pas aussi soft que l’on pouvait voir dans les séries policières. Quoiqu’il valait mieux une torture psychologique à physique pour obtenir ce que l’on désirait.

« Je crois bien que je serais particulièrement heureuse de voir ce spectacle, murmurais-je, retenant un léger rire qui pourrait mal passer »

Tout comme la discussion que nous avions actuellement. Les chevaliers ne devaient pas vraiment appréciés les dissidents. Dissidents comme moi. Comment allait-il traiter les anciens membres de l’Etoile comme moi ? Je n’avais fait que survivre en venant me rallier à l’Ordre, car c’était le meilleur moyen pour être plus libre. Deux ans sous surveillance, je n’avais certainement pas apprécié ce genre de choses.

Soudain, un homme apparut au côté de Victoria, lui murmurant quelques mots. Je formulais une question silencieuse à la jeune femme, qui n’eut pas grande réponse, à part une confusion amusée. Elle partit pourtant avec l’homme, me délaissant. Je comprenais déjà qu’ils se connaissaient et que notre conversation tournait rapidement court. Cela eut plus effet de m’amuser que de m’agacer. Je n’avais plus qu’à trouver d’autres personnes avec qui discuter, ou visiter le bateau. J’avais un mauvais pressentiment depuis que j’étais montée ici. Paranoïa ou sensation fondée ?