Les excuses lui laissent sur la langue ce gout âpre qui rend sa déglutition difficile. À entendre comme la voix d’Emanuel s’enroue elle aussi, Victoria devine qu’il en est de même pour lui.

- N’oublie pas le modus operandi, rappelle-t-elle tout doucement, la gorge encore un peu nouée, on sait qu’ils n’enlèveront pas la prochaine victime avant demain et qu’ils ne la tueront pas avant vendredi… Ce qui ne les empêche pas de se donner rendez-vous maintenant pour préparer tout ça, certes.

Ils sont à nouveau debout, face à face, et Victoria acquiesce à sa consigne. Néanmoins, plutôt que de s’élancer sur le champ à la recherche de symboles tracés à la craie, elle fait un pas vers son amant et feint de replacer, autour de son cou, le collet de sa chemise déjà parfaitement en état.

- On peut regarder s’il y a d’autres pentacles, souffle-t-elle en s’attardant, avec deux doigts glissés dans la boutonnière fermée.

- Cherchons chacun de notre côté et envoyons les adresses à Max. Il pourra peut-être trianguler tout ça avec les endroits clés que nous avons déjà notés jusqu’ici.

Plutôt que de le laisser partir, cependant, elle tire doucement, mais fermement afin de l’obliger à pencher le cou.

- Et on se retrouve à la voiture dans 30 minutes, propose-t-elle contre son menton, tout en laissant le baiser sous-entendu dans son geste se faire attendre. Dans cette proximité languissante, il y a comme un relent de miel, si bien que l’amertume s’adoucit enfin, au moins un peu, quand elle happe finalement ses lèvres avant de partir de son côté.

Des pentagrammes, Victoria en trouve deux : un autre tracé à la craie, sur un coin de trottoir cette fois-ci, et un sur l’affiche imprimée d’un bar edgy auquel elle avait trainé quand elle était plus jeune. Sans discrimination, elle photographie et envoie les coordonnées à Max avant de revenir à la voiture sur laquelle elle s’accote sagement en attendant le retour de son partenaire.

Seule de son côté, elle avait eu le temps de réfléchir. À l’affaire, un peu, à Emanuel et à Alessio aussi, malgré elle. Peu désireuse de rester coincée plus longtemps avec tout ce qui s’entortille dans son esprit, elle regarde l’heure sur son téléphone et commence à lui écrire un texto quand un bruit, au bout de la rue, attire son attention et lui fait relever la tête.