Les méandres vaporeux tournoient doucement en portant l’odeur du thé au jasmin.

Les yeux rivés sur l’écran de son téléphone, elle était dans le salon, repliée au coin du divan, une couverture sur les épaules et son appareil sur les genoux. Tullio était présumablement au boulot, Elana, elle, sans doute en train de s’entrainer ou d’étudier quelque part.  Quant aux autres à qui sont envoyés des textos, aucun ne lui avait répondu pour le moment.

… Victoria aurait voulu voir des gens.

Alors que sa tasse diffuse sa chaleur entre les doigts, l’idée d’aller à l’Aquarium vient flirter avec son besoin de socialiser. Toutefois… Elle sait que ce ne serait pas une bonne idée. Excluant quelques verres de vin digestifs, Victoria avait presque complètement cessé de boire accordement aux récents développements en lien avec cette mission d’infiltration envahissante. Étant prédisposée à la dépendance, boire ce soir, quand elle en ressentait justement l’envie et le besoin, était un risque qu’elle ne pouvait pas prendre.

La solitude était cotonneuse, endormante.

… En vérité, elle ne sait même pas si elle aurait eu l’énergie de voir des gens, de toute façon.

C’est à se demander pourquoi elle était revenue ici, ce soir, pour ne rien faire sur son canapé alors qu’elle aurait pu rester tranquillement chez Even et faire exactement la même chose. La vérité étant qu’elle avait besoin, parfois, de sortir du rôle qui lui collait un peu trop à la peau, ne serait-ce que pour se souvenir de son identité.  

Son téléphone vibre doucement et elle se sent enfin un peu plus éveillée… Sauf que c’est Even, justement, qui lui demande comment se déroule son weekend entre filles – prétexte qu’elle avait inventé – ce à quoi elle répond en lui envoyant une photo de son mug accompagné de petits cœurs rouges. Ainsi écœurée, elle balance, avec un grognement, son téléphone sur les coussins du fauteuil voisin avant de s’affaler un peu plus sur son grand canapé.

Un peu plus tard, sa contemplation somnolente est à nouveau interrompue par le son caractéristique de la porte de l’entrée qui s’ouvre et qui se referme. Sa tignasse s’agitant tout juste sur la ligne d’horizon qu’est le dossier du canapé, elle n’a pas besoin de se redresser pour reconnaître Tullio au son de se démarche. Elle l’accueille, quand il passe près d’elle, d’un sourire las et d’un lent battement de paupières tandis que son bras tendu, lourd, peine à attraper la tasse de thé poussée juste un peu trop loin sur la table basse.

- Hiii, lance-t-elle doucement, il reste de l’eau chaude. Si tu veux te faire un thé.

Et m’en refaire un, surtout, dit silencieusement son regard fatigué.

Tullio a fini de travailler à l'Aquarium pour aujourd'hui mais, malheureusement, il est encore loin de la fin de sa journée. Il faut dire que la mission de Toria lui prend beaucoup de temps et qu'au plus ça avance, au moins elle est présente à Old Fyre… ce qui signifie qu'il n'a pas d'autre choix que de prendre le relais et de s'occuper de tout ce qu'elle n'est plus en mesure de faire. Il sollicite un tout petit peu plus Elana, mais pas beaucoup, parce que mine de rien il faut qu'elle étudie et qu'il ne veut pas trop lui en demander et la chasser comme la mère de la petite l'a fait.

Il monte les escaliers d'un pas lent, fatigué, et il liste toutes les choses qu'il lui reste à faire. Démarrer une lessive, passer le balais et la serpillère dans l'appartement, plier et ranger le linge de la veille. Le dîner, au moins, est déjà prêt. Il a monté une lasagne d'avance la dernière fois qu'il en a fait, dieu merci. Il hésite simplement entre utiliser ce temps pour se reposer ou pour prendre de l'avance… il aurait bien voulu voir Xander. Mieux valait prendre de l'avance, donc, pour pouvoir lui réserver une soirée complète.

"Hey."

Salue-t-il, un peu surpris, quand il se retrouve près de Toria. Il ne prendra sans doute pas d'avance ce soir finalement, mais ça ne l'empêche pas de sourire parce qu'il est content de la voir.

"Je vais nous faire une théière."

Annonce Tullio quand elle lui parle d'eau chaude, parce qu'elle a l'air tout aussi fatiguée que lui, et c'est aussi pour ça qu'il attrape la tasse de la chevalière pour la lui tendre.

"Tu es là longtemps?"

Demande-t-il, alors qu'il prépare leur boisson et se choisit une tasse, avant de finalement caler une boîte de biscuits au creux de son coude parce qu'un peu de sucre lui fait toujours du bien alors peut-être qu'à elle aussi?

Le consultant commence par tout poser sur la table basse, qu'il rapproche un peu, avant de se vautrer lui aussi sur le canapé, quitte à pousser un peu Toria au passage.

"Je suis content d'avoir prévu des lasagnes pour ce soir, du coup."

Ce n'est qu'un heureux hasard, mais tout de même, il en est content. Cela dit, ça ne l'empêche pas de grogner quand il réalise qu'il doit se redresser pour leur servir leurs boissons.

"Approche ta tasse."

Ses lèvres ses crispent contre le buvant de sa tasse tandis qu’elle avale le liquide rendu aussi froid qu’amère d’avoir trop longtemps infusé pendant qu’elle somnolait. Manifestement, entre le moment où elle avait balancé son téléphone et l’arrivée de Tullio, Victoria avait dormi plus longtemps qu’elle ne l’aurait cru.

- Le thé qui goûte le beurre ! Lance-t-elle à Tullio avant qu’il ne disparaisse du côté de la cuisine, avec ce ton enjoué d’enfant capricieuse lancé haut comme des confettis vifs qui trop vite retombent et se perdent dans le gouffre de sa lassitude.  

- Je peux rester jusqu’à dimanche soir au plus tard, répond-elle plus sobrement quand il réapparaît de derrière le mur qui sépare le salon et la cuisine, levant à peine les yeux sur lui avant de les replonger dans le fond acerbe de sa tasse encore froide, puis je retourne encore sur la même mission. Mission dont il ne savait finalement pas grand-chose hormis sa longue durée. Insistons par ailleurs sur le verbe pouvoir, car elle n’était pas certaine de rester aussi longtemps que deux jours, surtout si lui retournait bientôt à l’Aquarium, et surtout pas si son téléphone restait muet en plus. Les yeux glissent d’ailleurs sur celui-ci, encore sur le fauteuil, le fixant un instant avant de s’étirer mollement vers celui-ci pour l’attraper avec toute sa grâce paresseuse. Elle est en train de l’allumer quand Tullio s’installe à ses côtés ; inattentive et flexible, elle se laisse bousculer en repliant les genoux, s’ajustant ensuite avec fluidité en glissant distraitement ses mollets sur ses cuisses de la même façon que son index roule sur la fenêtre lumineuse.

Il y a encore de nouvelles notifications d’Even, mais rien d’Ollie, rien de Cy et rien d’Emanuel. En lisant les messages amoureux de son fiancé fictif, elle soupire profondément et dégouline un peu plus mollement entre le bras du canapé et les jambes de Tullio. Abandonnant à nouveau son appareil, elle lui tend enfin sa tasse en ronronnant faiblement son approbation devant la perspective des lasagnes... L’appréciation dans sa voix est réelle, mais le sourire qu’elle affiche, lui, un peu maussade.

Le thé sent bon et la tasse réconfortante réchauffe un brin son humeur. Fermant les paupières pour en humer le parfum onctueux, elle s’oblige à sourire avec un peu plus de vigueur avant de demander à son meilleur ami, dans un souffle léger, une question simple qui en sous-entend d’autres.

- Tu vas bien ?

Dans les courbes douces de son regard se lisent au moins : comment va le travail ; comment vont les plantes, l’entrainement, les études ; comment ça se passe avec Elana ; comment va Xander, et surtout ta relation avec Xander, et peu importe quoi d’autre il pouvait bien avoir à lui raconter.

"Ça va, oui."

Commence doucement Tullio, pendant qu'il se sert sa propre tasse de thé et essaye de réfléchir à ce qu'il pourrait bien lui raconter.

"On a eu quelques jours où il a fait vraiment froid, alors pour le moment c'est calme à l'Aquarium, mais je doute pas qu'on va avoir du monde bientôt. Genre, je vois bien deux ou trois jours où on va se faire ratatiner, puis après ça va revenir à la normale, comme d'habitude."

Explique-t-il doucement, commençant par son boulot parce qu'après tout il en revient. "J'embauche demain en milieu de matinée, normalement, mais si tu veux c'est pas trop tard pour essayer d'échanger un shift." Propose-t-il, parce que la perspective de passer du temps avec Toria est plus engageante que celle d'aller travailler, si elle est disponible.

"Elana se débrouille bien avec ses cours. J'essaye de pas trop lui en demander dans l'appart' pour lui laisser assez de temps pour ses cours et qu'elle puisse quand même s'amuser à côté. Vu mon niveau je sais pas comment j'aurais fait si elle s'était plantée à son dernier contrôle."

Avoue-t-il avec un léger rire, tandis qu'il hésite à contacter l'adolescente pour la prévenir que la chevalière est rentrée… peut-être plus tard. Elle sera de toute façon là pour le dîner quoiqu'il arrive, alors autant laisser un peu de calme et de repos à Toria qui a l'air d'en avoir bien besoin.

"Je vois un peu moins Xander, forcément, mais je lui réserve forcément un soir par semaine. En plus ça laisse l'appartement à Elana, comme ça si elle veut inviter une copine ou quoi… la seule condition c'est que l'appart' soit dans le même état que quand je suis parti quand je reviens, et qu'elle se lève pas après 10 heures le lendemain. Jusqu'ici ça marche plutôt bien."

Explique Tullio avec un sourire tandis que, lorsqu'il ne parle pas avec ses mains, l'une d'entre elle repose sur la cheville de la chevalière qu'il caresse distraitement du pouce.

"Bon par contre mon sport morfle un peu. Je cours quand j'ai un jour de repos et j'essaye de caser des séances ça et là mais ça dure rarement plus de 30 minutes parce qu'après je me dis qu'à la place je pourrais faire de la lessive ou étudier, ou des boutures... Oh d'ailleurs! Je sais pas si tu as vu mais j'ai une dionée maintenant, tu sais, les plantes carnivores avec les mâchoires là? J'aimerais bien avoir une népenthès aussi, apparemment il y a un pokémon basé dessus. Empiflor, je crois? Et puis une sarracénia, tant qu'à faire, celles-là ce sont les grands tubes avec un capuchon sur le dessus. … Elles ressemblent un peu à des poubelles, en vrai, maintenant que j'y pense."

Et le barman, bien sûr, essaye de mimer les mâchoires de sa plante avec les mains, et de dessiner les contours des autres dans les airs, des fois que Toria ne reconnaisse pas les plantes à leurs noms, lui-même ne les ayant appris que récemment.

"Et toi alors, ça va? Tu as des plans?"

Il évite soigneusement le tu as l'air fatiguée qui lui est venu à l'esprit, parce qu'elle est probablement déjà suffisamment consciente de ce fait et, puisque c'est probablement à cause de la mission, il préfère lui parler de son week-end.

Le thé est encore trop chaud, ce que n’empêche pas Victoria de pencher expérimentalement sa tasse sur son menton pour laisser le liquide brouillant frôler ses lèvres.  

Hochant tout juste la tête devant la possibilité qu’il prenne congé, elle le laisse lui parler d’Elana, en étirant un peu le cou pour demeurer attentive malgré sa fatigue, tout en restant muette malgré les recommandations qui s’imposent dans sa tête, mais qu’elle tait finalement, un peu par manque d’énergie, et surtout par confiance en ses capacités à gérer leur adolescente.  Quant à sa relation avec Xander, dans tous les cas, elle semble lui faire du bien en considérant la facilité inusitée avec laquelle il pose ses mains sur elle, avec cette affection distraite et confiante qui l’aurait autrefois rendu un peu trop conscient et encore plus nerveux. Elle sourit sereinement, donc, en se fondant un peu plus contre cette caresse chaste qu’il lui accorde et dont elle avait grand besoin, puis l’écoute avec politesse parler de plantes sans vraiment comprendre toutes les informations pelles-mêles qu’il lui lance. Même confuse, elle n’est pas moins attendrie devant cette motivation pétillante dont il avait trop longtemps manqué, et dans tous les cas, la végétation qui s’étendait progressivement dans leur appartement était bien entretenue et l’esthétique lui plaisait.

La chevalière s’apprête à répondre qu’elle n’a rien de prévu quand son téléphone vibre et qu’elle gémit finalement un peut-être, sans grande conviction. En déverrouillant l’écran, elle s’attend vaguement à ce que ce soit encore Even, mais elle est agréablement surprise de découvrir que c’est plutôt Emanuel. Sa main trouve le bras de Tullio sur lequel elle se hisse pour se redresser, en glissant presque sur ses genoux tandis qu’elle entreprend de répondre à son amant.

- Je vois Emanuel demain, on dirait bien, susurre-t-elle distraitement, avec un sourire tendre et paresseux qui se fond en un gémissement pensif tandis qu’elle relève les yeux vers son colocataire pour scruter sa réaction.

-…Je ne t’en ai pas parlé, réalise-t-elle plaintivement, un rire discret et dépité dans la gorge qu’elle réprime en posant son front contre son épaule, figure-toi que Monsieur pensait, lui aussi, que j’étais en couple avec Cy… Il y a, laissé en suspens, ce silence juste un peu trop long au sujet de cette idée-là, qui est son meilleur ami – si tu ne le savais pas – et c’était pour ça et uniquement pour ça qu’il refusait mes avances… Même s’il en avait très envie.  

Évitant soigneusement de lui parler de leur amour sur les tatamis et de leur phase de lune de miel en général, elle prend une gorgée encore très chaude, mais buvable, de son thé en guise d’ellipse explicative.

- Il me fait du bien, articule-t-elle après avoir avalé, c’est le premier homme dans ma vie depuis … Nawar, tait-elle, avant de reprendre avec une certaine amertume, que j’ai repris du service en tant que chevalière.    


- Il a même rencontré mon père, continue-t-elle sur un ton de conversation, pour se changer les idées, et il a même résisté à l’envie de l’étrangler, ajoute-t-elle, moqueuse, avant qu’une inspiration aigüe ne se coince dans sa gorge et qu’elle précise, prestement, il l’a rencontré pour une mission. Sans moi. Au début, au moins. Jusqu’à ce que l’Ordre me force à intervenir et à frapper un peu de sens dans le crâne dur de mon géniteur. Parce qu’il est consultant, mais pas toujours coopératif, tu vois...

Tullio lâche un soupir amusé quand la chevalière se sert de son bras pour se redresser, ce qui la fait pratiquement grimper sur ses genoux, et il la scrute alors qu'elle tapote frénétiquement sur son téléphone. Il hausse un sourcil quand elle lui apprend qu'il s'agit d'Emanuel, et penche un peu la tête pour avoir plus d'explications quand elle relève les yeux vers lui.

Un sourire en coin grimpe sur ses lèvres alors qu'il s'empêche difficilement de lui lancer qu'elle devrait peut-être réévaluer sa relation avec Cy s'il n'était pas le seul à se planter. Il retient aussi un "Tu l'as ferré, donc?", parce qu'il voit bien qu'elle n'a pas terminé de parler, alors il se contente d'attendre qu'elle poursuive en attrapant sa propre tasse de thé.

"C'est cool s'il te fait du bien."

Glisse-t-il, entre deux phrases, malgré ses sourcils qui se froncent un peu. N'était-elle pas sortie avec Nawar? C'était ce qu'il avait cru comprendre, en tout cas, et l'homme en question n'avait pas nié quand il avait évoqué le sujet. Peut-être… Peut-être que ça s'était tellement mal passé qu'elle préférait faire comme si ce n'était jamais arrivé. Il espère, un peu, que ça n'est pas ça, et se dit qu'il faudrait qu'il lui en parle. Mais pas maintenant, pas quand elle a l'air si fatiguée et qu'elle a besoin de se changer les idées d'une mission qui a l'air difficile. Elle a eu Ollie, aussi, il en est certain, mais après tout elle parle du premier homme dans sa vie alors ça doit sans doute l'exclure?

Le barman fait de son mieux pour ignorer la pointe d'amertume qui se glisse dans son "Ah?" étonné, quand Toria raconte qu'Emanuel, lui, a rencontré son père. Il préfère plutôt s'efforcer de se remémorer le fait que la chevalière déteste son paternel, et qu'elle l'aurait présenté à sa mère si elle avait pu. Qu'à la place elle l'a invité à vivre chez elle et, pour autant qu'il sache, il n'en a jamais été question pour qui que ce soit d'autre… quoiqu'elle ait tendance à lui parler des choses avec un train de retard.

"Oh, je vois. Ça a fini par se régler, du coup?"

Interroge-t-il doucement, lorsque sa colocataire termine son explication et évoque le manque de coopération de papa Machiavel. Il se demande, aussi, pourquoi l'homme reste consultant mais ne pose finalement pas la question. Après tout, ça n'a pas l'air de faire partie des sujets de prédilection de Toria puisqu'elle lui a parlé de son père trois fois au total, toujours brièvement. Mieux valait s'orienter sur des sujets plus légers.

"Bon cela dit je maintiens la règle comme quoi je veux voir personne en sous-vêtements dans les parties communes. Pas d'exception pour Emanuel, même s'il a de jolis cheveux."

Taquine Tullio, en référence évidente à la fois où il s'est retrouvé face à un Cy pratiquement nu, ce qui l'avait poussé à envoyer quelques messages en capslock.

"Tu penses que c'est un peu sérieux, vous deux?"

Après tout, la chevalière lui a dit plusieurs fois que les relations ça n'était pas son truc. Mais jusqu'ici elle ne lui a parlé de personne sans être mise devant le fait accompli, comme avec Nawar, comme avec Ollie, alors que cette fois-ci elle aurait très bien pu passer sa relation avec Emanuel sous silence. Forcément, ça le rend curieux.

"Parce que c'est quand même le premier à t'avoir fait te rouler sur le canapé comme une ado qui attend un texto de son crush!"

Rappelle-t-il, avec un tirage de langue très mature. Il n'arrêtera jamais de l'ennuyer avec cette histoire.

Son sourire en coin ne lui échappe pas et ses propres yeux se plissent pour toute réponse. Elle n’aurait pas su quoi lui dire, de toute façon. Sa relation avec Cy… était. Point. Était quoi au juste est une question à laquelle Victoria préfère ne pas trop réfléchir, surtout en sachant que la réponse qui en découlerait ne conviendrait probablement pas aux curieux de toute façon. Elle ressentait la même chose quant à la plupart de ses relations, en vérité, même si certaines – comme celle avec Emanuel – se conformaient mieux aux archétypes connus que d’autres.

L’aigreur ne lui échappe pas non plus et elle sourit lassement en contemplant, brièvement, la possibilité de changer de sujet de conversation en ignorant l’écho douloureux du conflit qu’ils avaient eu l’année précédente. Elle sait, néanmoins, que Tullio s’est trop souvent retrouvé blessé en trébuchant dans ses silences. Elle n’avait juste pas l’énergie de s’inquiéter pour lui en ce moment ; elle avait besoin, au contraire, que leur relation soit solide. Ainsi, elle soupire, décidée, tandis que sa main se glisse doucement sur sa nuque et qu’elle cherche son regard afin de lui expliquer la situation de sorte qu’il ne subsiste aucune ambigüité.

- Mon père dirige la brigade policière de Turin, expose-t-elle, il fait appel à l’Ordre quand ça lui convient, mais n’aime pas quand l’Ordre se mêle de ses affaires à lui.

Parallèlement au pincement de ses lèvres, ses doigts s’enfoncent et s’encrent un peu plus à la base de ses cheveux.

- Cette fois, il était convaincu que lui et ses détectives pourraient gérer la situation tout seuls… Et il avait tort, évidemment, mais refusait de relayer sa juridiction à l’Ordre. Emanuel et son partenaire ne pouvaient pas juste… voler les dossiers du département de police et interférer sur les scènes de crime sans risquer de sérieux problèmes légaux… Alors les RH m’ont supplié d’intervenir malgré mon autre mission à l'autre bout du monde. Si Monsieur avait daigné coopérer, il aurait fait affaire avec lui sans jamais savoir qu’il s’agissait de mon géniteur.

Quand elle relâche Tullio, son thé est enfin à la bonne température et elle termine sa tasse d’une traite, en gardant le récipient encore chaud entre ses doigts.

- Sinon, ce n’était pas une enquête facile, mais ça m’a fait du bien de travailler, au moins brièvement, sur autre chose qu’Even et nos fian-, son silence soudain dure une seconde de trop, avant qu’elle ne reprenne sa phrase autrement, -sur autre chose que mon autre mission.

La gorgée vide, qu’elle essaye de prendre à la fois par réflexe et pour meubler le silence subséquent, goûte la déception et réussit à souligner encore plus son malaise ; du moins, c’est comme ça qu’elle le perçoit. Elle est donc beaucoup trop contente quand Tullio enchaîne sur cette histoire de sous-vêtements et elle sourit, avec toute l’intention d’un éclat de rire qui ne vient pas.

- Ça va, il a son propre logement et on va chez lui, la plupart du temps… Ou au dojo, révèle-t-elle finalement malgré ses réserves initiales, avec un gloussement qui laisse peu de place aux différentes interprétations. C’est qu’elle préférait que ce soit ce détail qui lui reste en tête plutôt que le début du mot fiançailles dont elle n’avait vraiment, vraiment pas envie de parler.

- Moi, ça ne me gênerait pas de croiser Xander en sous-vêtements dans la cuisine, rit-elle ensuite, juste pour pouvoir vous le rappeler à la moindre occasion. C’était encore une idée provocante pour le distraire, mais c’était vrai, au fond, que ça l’amuserait bien.

Sa dernière question, enfin, flotte un instant entre eux et Victoria décide qu’elle aurait besoin d’une nouvelle tasse de thé pleine avant de lui répondre. Bras tendu, elle s’étire donc pour attraper la théière qui s’avère juste un peu trop loin pour être attrapée sans quelques contorsions qui l’amènent à rouler sur ses genoux.

- Pas sérieuse comme tu l’entends, commence-t-elle en soufflant sur le liquide ambré, une fois à nouveau recroquevillée contre lui, Emanuel est…Comme moi, reprend-elle doucement, il ne donne pas dans les relations traditionnelles... Ce qui fait qu’on vit très, très bien notre entente jusqu’ici.

Trop bien, en vérité, raison pour laquelle après une fausse alerte et un test de grossesse négatif, elle avait reconsidéré ses plans initiaux de l’utiliser comme géniteur afin de ne pas avoir à le couper de sa vie.

- Et qu’elle pourrait, en effet, durer très longtemps.

Tullio a doucement hoché la tête à plusieurs reprises, et a laissé échapper plusieurs "Ah", et des "Oh" à peine murmurés, juste là parce qu'il suivait la conversation, parce que les doigts de la chevalière sur sa nuque, dans ses cheveux, l'ont empêché de porter son attention ailleurs et l'avaient dissuadé d'essayer de l'interrompre.

Et quelque part, même s'il a préféré changer de sujet, dériver sur des choses plus amusantes, il n'est pas mécontent d'en avoir appris un peu plus sur la famille de Toria. Même si c'est ridicule, ça l'aide à regretter un peu moins son propre père, cette figure fantomatique qu'il s'imagine souvent absente et désapprobatrice le reste du temps, sans savoir s'il s'agit de véritables souvenirs ou d'une image qu'il s'est construite après son altercation avec sa mère.

Même s'il lâche un grand "Ah, vous êtes dégueu!" qui s'accompagne d'un rire quand la chevalière lui apprend que les tatamis du dojo ont été témoins de sa relation avec Emanuel, ça ne l'empêche pas de garder le mot avorté dans un coin de sa tête. Ça ne l'empêche pas de chercher ce que ça pourrait être.

Et c'est là qu'il réalise. Elle est en mission aux Etats-Unis. Elle doit y passer de plus en plus de temps, a de plus en plus de mal à ne trouver ne serais-ce qu'un week-end. Est-ce qu'elle se serait engagée dans l'armée? Ça correspondrait. Ça expliquerait pourquoi elle ne veut pas en parler. Parce que c'est dangereux. Parce qu'elle doit être tenue à un certain secret pour maintenir sa couverture.

"Rompicoglioni." Lui adresse-t-il, sans aucune méchanceté, quand elle évoque Xander, avant qu'il ne lève les yeux quand elle se tortille et roule pour attraper la théière alors qu'elle aurait simplement pu la lui demander. Puis Tullio écoute sa colocataire lui raconter la façon dont elle et Emanuel fonctionnent, et c'est une distraction bienvenue par rapport à l'inquiétude qui s'est logée au creux de son estomac.

"Alors il va falloir fêter ça." Sourit-t-il, en levant une main pour venir appuyer un doigt sur le bout du nez de la chevalière. Même si l'idée qu'elle puisse garder quelqu'un longtemps lui semble étrange, il est heureux qu'elle ait trouvé quelqu'un qui lui convienne.

"Il doit me rester de quoi faire du tiramisu. Tu le veux classique ou à un autre parfum?"

Reposant sa tasse sur la table basse, le barman essaye de rapidement faire l'inventaire des placards et du frigo de mémoire, même si le tiramisu fait partie de ces choses dont il essaye de toujours avoir les ingrédients. Au cas où.

"Et dans l'intervalle je vais nous refaire du thé." Tullio soulève doucement les jambes de Toria puis les repose sur le canapé avant de se figer parce qu'il a eu une idée. "Je sais! Je vais dégager un bout du congélo, et j'y mettrais des plats dans des barquettes en alu. Tu sais, comme les restos à emporter? Comme ça si la maison te manque mais que t'as pas le temps de rester, t'auras quand même quelque chose. Ça te ferait plaisir?"

Si ça ne la tente pas, il trouvera une autre idée, à un moment ou à un autre. Il vide donc le fond de thé qu'il reste dans sa tasse, et pianote contre la théière pendant qu'il attend que l'eau chaude. "Tu sais…" Commence-t-il doucement, alors qu'il se tient entre la cuisine et le salon, lui proposant de la resservir d'un geste, "Si jamais tu as envie de parler de ta mission, ça peut hein? T'as juste à me le dire. Et pareil si tu préfères te changer les idées. J'suis là."

Victoria pétille, doucement, dans la pénombre de la fatigue : sur ce ton, ses yeux roulent au sujet du dojo, puis elle renâcle gentiment quand il l’envoie promener au sujet de Xander.  

- Je me fais déjà un plaisir d’embêter Cy avec ça, révèle-t-elle au passage, avant d’être tue par une grande inspiration, fais-moi plaisir, reprend-elle sournoisement, si ça se produit à nouveau, tu lui diras que l’hybride cœur-de-Marie et amaryllis l’attend dans mon tiroir.

Il y a l’écho d’un rire qui vibre dans sa gorge, un clin d’œil au bout de ses cils et, sur ses lèvres, absolument aucune intention de lui expliquer l’origine de cette plaisanterie qui ferait blanchir de honte monsieur Thorne.  

- Je ne sais pas si c’est quelque chose à célébrer, dit-elle et fronçant le nez qu’il venait d’écraser de son doigt, avant d’ajouter, mais je ne dis pas non à du tiramisu maison, avec des étoiles dans les yeux et feux d’artifice déjà plein la bouche, le classique au café, ce sera parfait.

Tullio se lève et elle acquiesce volontiers à sa proposition, tout en ouvrant, pour la énième fois, l’écran de son téléphone où s'affichaient de nouvelles notifications. Une joie éhontée se dessine sur les lèvres tandis qu’elle répond à Cy qui, tout comme Tullio, semblait tout disposé à exaucer ses caprices. Elle est presque soulagée, ensuite, de voir que son faux fiancé n’avait rien ajouté depuis les messages ignorés plus tôt, et attendrie malgré elle en lisant qu’il lui souhaitait simplement de bons moments et qu’il pensait à elle.

- En fait, si je peux en avoir un plat à apporter, pour deux personnes de préférence, ce serait bon pour ma couverture.

Lance-t-elle distraitement à Tullio, au sujet du dessert, en se levant pour aller le rejoindre à la cuisine. Son invitation à en parler, alors qu’il réapparaît lui aussi au tournant du mur, la frappe au visage comme une claque : la voilà qui pensait encore à sa mission alors qu’elle devait être en congé, et pire, qui y faisait allusion alors même que Tullio, inquiet, lui tendait une oreille attentive. Ainsi, l’expression heureuse qui flottait jusqu’ici sur ses joues s’engrise soudainement comme un nuage de pluie et son sourire se transforme malgré elle en grimace alors qu’elle ferme les yeux et expire profondément une bourrasque qui annonce le déluge. De la tête, elle dit non ; elle dit oui ; elle dit tout et rien en même temps, et elle le dépasse pour venir s’appuyer sur le comptoir de la cuisine et détourner son regard en le dirigeant vers la baie vitrée qui donne sur l’extérieur.

- Je peux t’aider à cuisiner, offre-t-elle fébrilement, en allant ensuite ouvrir le réfrigérateur. À coté d'elle, l’eau écume et la bouilloire siffle ; Victoria, visage caché par la portière, sent Tullio qui arrive vers elle.

-C’est une infiltration et … Ça prend juste tellement de place dans ma vie et… L’émotion lui monte à la gorge, mais elle reprend, prudemment, j’ai l’impression de me perdre dans un rôle et je me sens…

La tension dans sa mâchoire est épouvantable et l’air émanant du frigo refroidit l’humide brûlure qui irradie ses paupières.  

- Je ne sais pas si je peux continuer ça très longtemps, avoue-t-elle en sentant les gouttes s’accumuler à la frontière de ses yeux, et je ne sais pas si je veux vraiment qu’il soit arrêté.

Tullio, bien sûr, réfléchit aussitôt à adapter les quantités de sa recette quand sa colocataire lui demande si elle peut avoir du tiramisu pour deux à emporter. S'il peut l'aider ne serais-ce qu'un peu, surtout avec quelque chose d'aussi facile que deux parts de dessert en plus, ce sera bien volontiers. Il ne se formalise pas de son manque de réponse et il la laisse s'appuyer contre le comptoir de la cuisine sans commenter, les yeux posés entre ses omoplates.

"… si tu veux, oui."

Répond-t-il doucement à la proposition de la chevalière, lui laissant le soin de sortir les ingrédients du frigo pendant qu'il verse l'eau dans la théière. Quand il tourne à nouveau son regard sur Toria, elle n'a pas bougé du tout alors il s'approche, peut-être pour lui montrer où il a rangé le mascarpone, peut-être pour lui demander si ça va, et elle parle. Explique que c'est une infiltration, même s'il s'en doutait déjà un peu vu les proportions que ça prenait, ce qu'elle souligne justement.

"Je suis là, ok?"

Souffle le consultant, un peu désemparé quand elle achève en disant qu'elle ne sait pas si elle peut continuer très longtemps, qu'elle ne sait pas si elle veut qu'il soit arrêté, peu importe qui était ce il.

"Rappelle-toi pourquoi tu as commencé cette mission. Je suppose qu'il doit y avoir une bonne raison, si l'ordre estime qu'il doit être arrêté, peu importe qui il est et ce qu'il fait." Ajoute-t-il, alors qu'il referme la porte du frigo, pressant une main sur l'épaule de sa colocataire pour l'inviter à se tourner vers lui.

"Je sais pas quoi te donner d'autre comme conseils, parce que j'ai jamais eu à faire ça, mais je suis là. Si t'as besoin de passer à la maison, si t'as besoin que je vienne, ou de m'appeler, ou de n'importe quoi je suis là. T'es ma meilleure amie, et je te laisserais pas tomber, d'accord?"

Tullio ne sait pas quoi dire de plus, n'est pas sûr de quelle serait la meilleure chose à faire. En revanche, il sait ce qui a fonctionné pour lui, ce qu'il aurait probablement voulu si la situation avait été inversée. Alors il ouvre les bras et attire Toria pour la serrer contre lui.

Très vite, Olivia de Clairbois avait appris à sa fille Victoria qu’un éclat de rire était, en toutes circonstances, plus efficace que des larmes. Au mieux, des gloussements et des échos limpides avaient su rapidement effacer ses peines d’adolescence ; au pire, plutôt que de fondre en sanglots, elle avait souvent éclaté en ces incontrôlables esclaffements saccadés, quitte à ce qu’ils semblent déplacés aux gens présents autour d’elle. C’était arrivé à quelques occasions mémorables, par exemple, devant les méchancetés de sa grand-mère paternelle qui n’avait – et c’est le moins qu’on puisse dire – jamais apprécié qu’on se moque d’elle de la sorte ; ou plus tard, une fois devenue détective, quand elle s’était retrouvée à porter sur ses épaules la mort de ces victimes desquels elle avait tardé d’arrêter les assassins.

Parfois elle avait sangloté et ravalé ses larmes, comme elle l’avait notamment fait en se confiant à Xander au sujet de Nawar, et, incapable pour une fois de rire, elle avait notablement larmoyé d’impuissance et de colère, à chaud bouillon, à l’occasion des funérailles de sa mère.

Bref… Victoria n’avait pas pleuré souvent dans sa vie. Pleurer était cette action qui lui donnait l’impression d’être vulnérable et de perdre le contrôle, ce qu’elle abhorrait par-dessus tout.

Quand Tullio vient à la serrer contre lui, Victoria sent donc les larmes monter à ses yeux et, dans une grande inspiration, ravale l’effusion qui s’étouffe dans sa gorge. Ses yeux coulent, malgré tout, et les goûtes qui débordent sur ses joues sont une surprise qui vient la déstabiliser au moins autant que l’émotion qui en est la cause.

- Je ne pleure pas, s’étrangle-t-elle, effarée, dans une tentative peu fructueuse de s’en convaincre.

- Pourquoi est-ce que je pleure? reprend-elle ensuite avec cette incrédulité qui devient résignation tandis que son sanglot devient hilare. Et, juste comme ça, viennent enfin les rires, forts et limpides, sauf que les larmes ne s’arrêtent pas de couler pour autant. Les deux démonstrations opposées s’emmêlent ainsi avec autant de contradiction qu’elle en ressent, et bientôt elle ne sait plus trop ce qui alimente et ce qui est cause : elle rit parce qu’elle pleure ; elle pleure parce qu’elle est confuse, et elle est confuse parce qu’elle pleure.

L’eau continue de lui couler sur le visage tandis qu’elle cherche son souffle, et alors qu’elle a l’impression de se noyer, les bras de Tullio sont cette bouée à laquelle elle s’accroche comme si sa vie en dépendait. Serrant ses biceps et s’appuyant sur ceux-ci comme sur des béquilles, ses inspirations sont tremblantes, et quand elle ne retient pas sa respiration, ses expirations sont plaintives, sardoniques, dantesques.

Elle ne pense plus au tiramisu ou aux lasagnes ; en vérité, elle en oublierait même Even tellement elle se perd dans ce trouble étourdissant qui se transforme en un violent vertige. Si elle arrête de rire et de pleurer, enfin, c’est seulement parce que sa gorge se serre soudainement, parce que sa confusion devient panique et parce qu’elle ne sait plus comment respirer.

-Je vais être malade, articule-t-elle finalement, et soudain elle bat des bras pour se dégager, nageant dans le vide alors qu’elle cherche à l’aveuglette le comptoir et l’évier au-dessus duquel elle se penche avec la certitude absolue d’y vomir.

Sa nausée passe, néanmoins, mais elle n’ose pas bouger pour autant, cherchant plutôt dans la texture du granite blanc un peu de sens à tout ce qui n’en fait pas.

Toria inspire entre ses bras, trop fort pour que ce soit naturel, alors il la serre un peu plus fort et ne répond pas quand elle proteste qu'elle ne pleure pas. Que pourrait-il dire, de toute façon? Que non, c'est faux, elle pleure? Elle doit bien s'en rendre compte, et ça ne servirait qu'à la contrarier un peu plus.

"Je ne sais pas, Toria."

Murmure-t-il ensuite quand elle demande pourquoi, alors qu'il a envie de lui dire que c'est parce qu'à l'évidence sa mission la bouleverse. Il ne sait pas quoi faire, comment réagir, et ça ne s'arrange pas quand elle se met à rire mais elle s'accroche, elle se cramponne, alors il ne la lâche pas. Il la tient contre lui, fermement, comme il ne l'a jamais fait, jusqu'à ce qu'elle annonce qu'elle va être malade et batte des bras.

Là, le consultant la relâche et la laisse s'avancer vers l'évier, la suivant avec un temps de retard mais s'assurant qu'elle ne tombe pas. Il plisse le nez quand elle se penche au-dessus du granit et attends qu'elle vomisse, une main au-dessus de son dos sans oser la toucher pour autant, mais rien ne semble venir.

"Tu veux te rasseoir un peu?"

Propose doucement Tullio, un peu désemparé face à cet élan d'émotions qui ne ressemble pas à Toria.

"Le thé est prêt, si tu en veux une tasse."

Il se rend bien compte, évidemment, qu'un fauteuil et une tasse de thé ne sont pas suffisants, mais c'est la seule chose qu'il a à son arsenal. D'ordinaire les élans d'émotion sont plutôt de son domaine, et rien dans sa vie précédente ne lui a appris à les gérer.

"Ou si tu veux qu'on fasse comme si ça n'était pas arrivé, on peut faire ça aussi."

Propose-t-il encore, en déposant facilement une main sur son épaule, parce que la chevalière ne lui a jamais paru si vulnérable et que si elle préfère se replier comme un hérisson, il ne l'en blâmera pas, ne l'en empêchera pas.

"N'importe quoi, si ça t'aide."