Elle n’allait pas bien, c’était l’évidence et ça me dévastait. Elle avait beau me dire le contraire, cacher ses larmes et ses angoisses dans de grandes envolées de rires, elle ne pouvait pas tricher avec moi. Alors pourquoi essayait-elle ? Pour me protéger ? Mais depuis quand c’était aux enfants de protéger leur parents ? Ça n’avait pas de sens et ça me dévastait.

Les cauchemars avaient commencés peu après l’incident à la clinique dont Victoria l’avait extraite. Pas toutes les nuits, heureusement, mais ils étaient suffisamment présents pour que je m’en inquiète. Cependant, depuis qu’Hyli tardait à rentrer, ils s’étaient amplifiés. Je n’avais pas eu à lui dire clairement qu’Hyli ne rentrerait plus, elle l’avait deviné dans mes silences et mon air gêné, comme si elle avait déjà subi trop de pertes dans sa vie pour ne pas comprendre et rester protégée par son innocence. Alors, toutes les nuits, je restai à ses côtés, alerte, prêt à lui fournir des bras réconfortants chaque fois qu’elle se réveillait en criant et pleurant. Ça me dévastait. Et dans ses yeux tristes, comme évadées d’un univers lointain et éthéré, flottaient une colère muette et une accusation : c’est de Ta faute. Ces yeux d’adulte me dévastaient. Et quelque part, je ne pouvais que me sentir coupable pour tous les deuils qu’elle devait endurer pour que je puisse simplement connaître le bonheur de ne plus être seul et sans famille.

Je la regardai, assise à côté de moi, qui attendait patiemment que la porte de la psychologue s’ouvre enfin. Elle était nerveuse, et peut-être un peu dubitative sur la capacité d’une étrangère à pouvoir changer quoique ce soit. Moi je n’avais aucun doutes, la jeune femme m’avait fait bonne impression au téléphone, bien que nous n’ayons échangé que peu de mots au final.

La porte s’ouvrit et une jeune femme nous accueillit avec un grand sourire. Elle était... vraiment jeune. Ou du moins, plus que ce que j’avais pu imaginé en l’entendant parler, mais c’était sans importance. Tout ce que je demandais était qu’elle inspire confiance à ma fille, et à la manière dont cette dernière lui avait sourie, j’ai tout de suite su qu’elle avait marqué des points. Nous la saluâmes de concert et l’avons laissée se présenter. Elle m’avait déjà expliqué les grandes lignes de la manière dont ces séances se dérouleraient, mais j’avais des choses à lui exposer. Des choses que je n’avais pas pu dire au téléphone à une inconnue. Des choses qui ne devaient pas être entendue par ma fille pour ne pas la dévaster.