Old Fyre - 26 Juin 2019

La journée n’avait vraiment pas été de tout repos. À peine levée, j’avais dû courir à l’autre bout du sanctuaire afin de gérer un conflit entre deux satyres, et pour une broutille en plus. Ces créatures étaient désespérantes ! Losmir, le plus jeune des deux reprochait à son frère, Fureon, d’avoir triché pendant leur partie d’échec. Bien entendu, dans n’importe quelle autre situation, je serai restée à l’écart, mais ces deux imbéciles avaient eu le chic de créer la zizanie dans une zone de la réserve qui n’était pas la leur. Il avait donc fallu donc que je répare leur connerie, et ça m’avait prit une bonne partie de la journée.

Je n’avais pas pu rentrer avant 14h30-15h, j’avais une faim de loup. J’avais passé le reste de l’après-midi à faire de la paperasse, rédiger mon rapport pour l’incident du matin et à faire des recherches pour trouver un moyen de tenir ces deux idiots de satyres en laisse - recherche infructueuse bien entendu. Il était maintenant presque 21h, j’en avais plein le dos et j’avais sérieusement besoin de me détendre un peu. Je décidais donc de laisser tous mes papiers en plan sur mon bureau, et je me dirigeai vers la sortie, ne manquant pas au passage d’attraper mon fidèle perfecto. Un verre me ferait vraiment du bien, et un peu de socialisation aussi. Je descendais jusque dans la rue, enfourchais ma bécane que j’avais stationné à l’entrée et je pris la route en direction de l’Aquarium. 

Arrivée sur place, je m’installais directement au bar, et pris mon mal en patience le temps que Tullio finisse de servir un autre client, un peu plus loin.

« Salut Tullio, je vais te prendre une pression s’te plaît ! »

La tireuse à bière était juste en face de moi et l’ambiance était plutôt calme ce soir. Je devrais donc me contenter de lui pour avoir un semblant de discussion civilisée. Ce n’était pas un mauvais bougre, loin de là. Peut-être un peu trop fragile, et visiblement totalement accro à ma cousine Victoria. On se côtoyait occasionnellement, soit ici au bar, soit en présence de Toria. Je connaissais un peu son histoire et son parcours, mais je n’avais jamais réellement eu l’occasion de créer de lien avec lui. Je n’avais pas vraiment le temps pour ça, ni la patience d’ailleurs. N’empêche que c’était un personnage attachant, et que j’appréciais pouvoir discuter avec lui. 

« J’ai passé une journée tellement pourrie ! Losmir et Fureon ont encore fait des conneries, va falloir que je trouve une solution pour les calmer, ça commence à être vraiment chiant à la longue de devoir passer derrière eux ! M’enfin, j’ai besoin de me changer les idées, comment s’est passé la tienne de journée ? Je vois que c’est plutôt calme ce soir, étonnant pour un jeudi ! »

Tullio adresse un signe de la main à la gardienne d'Old Fyre quand, du coin de l'œil, il reconnaît sa chevelure grise. Il termine de servir le chevalier qui lui a demandé une bouteille de bière, et qui lui tient la jambe en profitant du fait qu'il n'y a pas grand-monde, puis rejoint la demoiselle qui réclame une pression.

"Tout de suite."

Acquiesce-t-il, avant de s'exécuter. Quelques instants plus tard, une pinte de bière repose devant la cousine de Toria et le consultant attend qu'elle parle, parce que ceux qui s'installent au comptoir ont toujours quelque chose à dire.

Ça ne manque pas, évidemment. Elle parle de Losmir et Fureon, deux satyres s'il se rappelle bien de ce qu'elle lui raconte, qui apparemment ont encore foutu le bordel. Il se dit qu'elle devrait peut-être les confiner dans une toute petite zone, où ils n'auraient rien d'autre à faire que de s'ennuyer, mais ne lui en parle pas. Premièrement, parce qu'il n'y connaît absolument rien aux satyres, et ensuite parce qu'elle déclare avoir besoin de se changer les idées.

"La dernière mission a été éprouvante, j'imagine qu'ils doivent encore être en train de récupérer."

Il ne sait pas, évidemment, si c'est ça. Mais compte tenu du fait que lui-même se sentait encore parfois fatigué, il supposait qu'il ne devait pas être le seul.

"Sinon la journée ça va, pas grand-chose à raconter. J'ai pas de Losmir ni de Fureon pour venir mettre le bazar."

Répond Tullio, en haussant une épaule. La plupart de ses journées à l'Aquarium se déroulent sans accroc et, bien que ça soit agréable, ça n'aidait pas à faire la conversation.

"J'ai bientôt fini, tu voudras que je te rejoigne de ton côté du bar?"

Au fond, il ne connaît pas si bien Angie. Même pas suffisamment pour savoir si sa présence serait la bienvenue ou non. Ils se croisent régulièrement, parlent parfois, mais le consultant a du mal à se faire un avis à son sujet. Il faut dire qu'il l'a déjà vue dans son rôle de chef, et que ça ne lui donne pas vraiment envie de plus se frotter à elle.

"Sinon j'te confie à mon collègue, c'comme tu veux."

Alors que je m’interrogeai sur le calme inhabituel des lieux, Tullio me rappela que les chevaliers rentraient d’une grosse et épuisante mission à River Stone High. Après réflexion, il me semblait bien que Toria m’en avait parlé. Et puis comment oublier qu’un aussi grand nombre d’entre eux avaient été absents pendant plusieurs mois !

« Ah oui, en effet ! Tu y étais aussi d’ailleurs, non ? Tu arrives à t’en remettre de cette fichue mission ? Ils n'ont pas été tendres avec vous, je crois… »

Le pauvre avait l’air totalement blasé de sa journée, je pense que l’ambiance été au beau fixe depuis ce matin, le calme plat. Son service était bientôt fini et à défaut d’une autre compagnie, Tullio ferait largement l’affaire ! C’était aussi l’occasion de peut-être le découvrir un peu plus, nous avions rarement l’opportunité de nous retrouver en tête-à-tête, Vic était la plupart du temps présente entre nous deux.

« Avec plaisir ! À moins que tu ai des impératifs et que tu veuilles rentrer sur-le-champs, mais c’est vrai que j’apprécierai volontiers un peu de compagnie. »

Je pris une gorgée de ma bière, c’était rafraîchissant et ça faisait le plus grand bien. Je patientais quelques minutes, le temps qu’il passe la relève à son collègue, qu’il lui donne les dernières consignes et qu’il vienne s’installer à côté de moi au bar. Tullio paraissait très calme ce soir. Ça me faisait du bien un peu de tranquillité et de sérénité suite à cette matinée folle avec les phénomènes Losmir et Fureon.

« Quelles sont les dernières nouvelles de l’Aquarium alors ? T’as bien quelques potins à partager avec moi ? » lui lançai-je avec un gentil coup de coude dans les côtes. « Tu veux peut-être qu’on aille s’installer sur une banquette, on sera sûrement plus à l’aise que sur ces tabourets… »

"Ouais, j'y étais." Répond Tullio, avant d'hausser une épaule, "Ça va, c'était crevant, et la gestion était vraiment merdique, mais bon. On est rentrés maintenant."

Angie accepte sa proposition de lui tenir compagnie, et il secoue négativement la tête quand elle parle d'impératifs. Il abandonne d'ailleurs la gardienne, le temps de nettoyer encore un peu, d'informer vite fait son collègue sur l'état de leurs stocks, avant de la rejoindre de son côté du comptoir avec une bière qu'il s'est servi lui-même.

"Oh, pas grand-chose."

Réplique le consultant, sans doute un peu trop vite, lorsqu'il est interrogé à propos des potins de l'Aquarium. Il chasse très vite, très très vite, la moindre pensée concernant Marian. Ce ne sont pas des ragots qui concerne l'Aquarium, même si techniquement il pourrait avoir des choses à dire.

"Ouais, si tu veux. Moi de toute façon du moment que je suis assis, ça me va."

Cela le fera marcher, évidemment, quand ils voudront de nouvelles boissons mais… il est vrai que les banquettes sont plus confortables que les tabourets. Il se lève donc, et fait signe à la jeune femme de le précéder et de choisir où elle veut s'installer.

"Avec Lillian qui veille au grain, bon, ok, quand elle est là, on peut pas dire qu'il se passe grand-chose à l'Aquarium. En plus j'pense que tout le monde est juste… content d'être rentré. Genre là je m'attends pas à ce que ça soit moins calme avant encore quelques jours."

Ça n'empêche pas Tullio de réfléchir à ce qu'il pourrait éventuellement dire. Qu'une rumeur voulait que Toria sorte avec Cy? Non. Il préférait ne pas penser à cette insupportable représentation de tout ce qui se faisait de mieux chez l'être humain.

"Et toi alors? T'es la grande chef, tu dois forcément être au courant que nous, pauvres mortels, ignorons."

Il se moque gentiment, pour retourner la question vers elle, parce qu'au fond il pense à des tas de choses qu'il pourrait raconter… mais pas à Angie. Ils ne se connaissent pour ainsi dire pas et, dans les faits si ce n'est sur le papier, c'est tout de même sa chef. Plus ou moins? Il ne comprend rien à la façon dont l'ordre est organisé, mais s'il y a une autre personne que Lillian avec qui ne pas se fâcher, c'est bien la gardienne.

Je sentais Tullio sur la réserve, comme s’il n’osait pas me parler. Après tout, même si je n’étais pas sa supérieure, j’étais la gardienne d’Old Fyre et l’ordre dépendait plus ou moins de moi aussi. J’avais toutefois envie de le découvrir un peu plus et je voulais lui faire comprendre que je n’étais pas là en tant que gardienne, mais simplement en tant qu’Angelica, la cousine de sa plus chère amie.

« Oh, tu sais toujours la routine aussi. Je fais pas mal de recherches sur les créatures magiques et leurs fonctionnements. D’ailleurs à l’occasion, ce serait cool si tu pouvais venir me filer un petit coup de main. Enfin, si tu es d’accord et que tu en as envie, ce n’est absolument pas une obligation. Je sais que tu connais les langues féeriques et avec certaines créatures, je ne cracherai pas sur un interprète. »

Je fis une pause pour avaler une gorgée de ma bière, tout en l’observant pour voir sa réaction. Une idée me vint à l’esprit. Ce n’était peut-être pas la plus maligne qui soit, cependant voir la réaction du jeune homme pourrait être très amusante. Il faut dire que je prenais un certain plaisir à torturer le pauvre garçon.

« Mais arrêtons de parler affaires, je ne suis pas là pour ça ce soir ! Dis-moi plutôt… Depuis quand es-tu amoureux de Victoria ? Je sais que je ne tourne pas autour du pot, mais, nous sommes entre nous, elle n’est pas là pour entendre ce qu’on se dit et soyons honnête, ce n’est pas vraiment discret. La façon dont tu la regardes est assez… Révélatrice ! Je me trompe ? »

C’était plutôt audacieux de ma part, mais je n’étais pas vraiment réputée pour prendre des gants. Plutôt du genre à dire ce que je pensais. Ça faisait un moment que je le voyais tourner autour de ma cousine et ça commençait sérieusement à titiller ma curiosité.

"Mhmm. Faudrait qu'on s'organise ça."

Tullio n'a, bien sûr, aucune envie de se rendre dans le sanctuaire. Mais quoiqu'elle dise, peu importe la façon dont elle le formule, il sait bien qu'il n'a pas vraiment le choix. Si il n'accepte pas, elle en parlera à Toria, et la chevalière lui demandera de s'en occuper. Pour une fois, il préfère s'épargner cette peine et accepter tout de suite. Encore qu'il trouve ça étrange qu'une gardienne ait besoin d'un interprète mais… il ne va clairement pas lui dire.

Mais heureusement, Angie décide qu'ils ont assez parlé boulot et enchaîne sur un tout autre sujet… qui fait que le consultant avale sa bière de travers et manque de s'étouffer avec. Depuis quand est-ce qu'il est amoureux?

"Je… Je sais pas?"

Balbutie Tullio, dont les joues passent rapidement au rouge vif. Est-ce que c'est si évident que ça? Ah. Ou alors la chevalière en a parlé à sa cousine. Dans un cas comme dans l'autre, empourpré comme il est, il va être difficile de nier.

"Avant qu'elle m'amène ici, je pense."

Finit-il par admettre, alors qu'il essaye de réfléchir à quand exactement. Au fond, il pense à deux moments, sans pouvoir vraiment les départager. Le premier, quand elle est venue le chercher et est restée avec lui. Quand il s'est endormi contre elle, puis qu'elle l'avait calmé après le coup de feu. Le souvenir est vague, très vague, mais présent tout de même.
Et puis il y a le soir où il s'est présenté devant chez elle en Italie, drogué comme un cheval de course, parce qu'il ne pouvait plus rester tout seul.

"Ouais, c'est ça. En Italie je l'aimais déjà."

Avoue donc Tullio, même si le sujet ne le met pas particulièrement à l'aise.

"Et toi alors? Toujours célibataire? T'as quelqu'un dans le collimateur ou personne t'intéresse?"

Après tout, si elle se permet de l'interroger au sujet de sa vie sentimentale, il ne va pas se gêner pour lui retourner la question. Encore que si Angie est comme sa cousine, il va probablement le regretter.

Au vu de sa réponse quand je lui ai proposé de m’aider au sanctuaire, trop rapide et trop peu enthousiaste, je devinai que Tullio n’est peut-être pas si partant que ça. Bien que je trouve ça dommage, je ne voulais pas trop insister, mais je me permettrait quand même de lui rappeler qu’il m’avait dit oui un jour ou l’autre, quand j’en aurai vraiment besoin.

En entendant ma question sur ses sentiments pour ma cousine, le jeune homme était devenu rouge écarlate. Je ne pus retenir mon éclat de rire, c’était hilarant. Le pauvre, je l’avais mit dans tous ses états avec ma remarque et en même temps, il avait l’air très pensif d’un coup, comme s’il ne s’était jamais vraiment posé la question.

« Donc tu es amoureux d’elle depuis l’Italie? Et… est-ce qu’elle le sait? Je sais que ma cousine t’apprécie beaucoup aussi de son côté… » Je me voulais compatissante, je savais que ses sentiments étaient plus que sincères. J’avais de la peine pour lui, éperdument amoureux d’une femme aussi volage, ça ne devait pas être simple à gérer.

Au moment où il me retourna la question, je me sentie conne, prise à mon propre piège. Je ne m’attendais pas à ce qu’il ait le culot de me le demander. Soit, franchise pour franchise, il fallait bien que je lui réponde:

« Oui, toujours célibataire… J’aimerai bien rencontrer quelqu’un en effet, mais j’ai pas le temps je suis toujours partie à droite ou à gauche avec la gestion du sanctuaire… Il y a bien des chevaliers, mais soit ce sont de vieux grabataires, soit ils sont toujours partis en mission et je ne les croise que très rarement. Cela dit,  je serai pas contre des câlins réguliers avec quelqu’un, encore faut-il trouver le bon partenaire pour… T’as pas quelqu’un à me présenter des fois? »

Je concluais en avalant la dernière gorgée de ma bière. J’étais à sec et je reposais mon verre un peu bruyamment, espérant qu’il comprendrait que j’en boirai bien une seconde. J’attendais quelques secondes avant de m’apercevoir que son verre était vide également.

« Je vais m’en chercher une autre, je t’en reprends une aussi? » Lui lançai-je en me levant.

"Elle sait, oui. Si même toi tu as pu deviner, tu imagines bien qu'en vivant avec elle, c'est pas exactement passé inaperçu."

Réplique Tullio, avec un sourire amusé alors qu'il se moque un peu de lui-même. Il n'a juste jamais réussi à lui dire, sans doute en partie parce qu'il a toujours l'impression que ça tomberait comme un cheveu sur la soupe, que ça n'est jamais le moment.
Toujours est-il qu'au moins Angie répond volontiers à sa question, en expliquant qu'elle est toujours célibataire mais qu'elle aimerait bien… un plan cul? C'est, en tout cas, ce que le consultant comprend quand elle évoque des câlins réguliers.

"Tu pourrais essayer avec Marian."

Lance-t-il, quand la gardienne demande des recommandations, quoique sans pouvoir retenir un léger rire. Il ne voit vraiment, vraiment pas son collègue sortir avec elle. Bon, c'est vrai qu'il ne le voit sortir avec personne en fait. Il faut dire qu'à l'Aquarium il est toujours si… si Marian. Il est surpris quand Angie fait claquer contre la bière sur la table, et lève des yeux étonnés quand elle lui propose d'en reprendre une pour lui aussi.

"Euh, oui, volontiers, merci."

Tullio a hésité un instant, parce qu'il n'a pas vraiment l'habitude qu'on lui apporte sa bière. Quand il boit à l'Aquarium, il essaye généralement de s'installer au comptoir et, s'il est avec quelqu'un, il se dévoue généralement pour aller chercher les boissons. Il attend donc sagement, un peu mal à l'aise, que la gardienne revienne s'installer.

"Merci."

Répète-t-il, avant de reprendre leur sujet de conversation précédent.

"Si tu veux qu'on te présente du monde, tu ferais mieux de demander à ta cousine. Après tout, on peut pas dire que j'ai beaucoup de chance avec les gens."

Soupire le consultant, alors qu'il fait tourner sa boisson entre ses doigts, les yeux baissés sur la table.

"Enfin, on est pas là pour parler de trucs nazes, hein?"

C'est une piètre tentative de chasser le sujet, mais ça n'empêche pas Tullio d'essayer.

"Bref, selon le type de câlins auxquels tu penses, ta meilleure chance c'est de prendre un chat. Là par contre je peux te présenter quelqu'un qui pourra te conseiller."

Marian ? Est-ce que Tullio voulait vraiment de me brancher avec son collègue barman ? Je compris rapidement à son rire qu’il n’y pensait pas vraiment.

Je m’éclipsais donc et m’étais dépêché d’aller demander au bar pour qu’on remplisse nos verres. Marian, dont on venait de parler, s’exécuta, totalement ignorant de ce qu’on venait de dire le concernant. Je l’avais donc remercié avec un sourire amusé et charmeur, mais il ne réagit pas. J’étais donc repartie m’asseoir auprès de Tullio, surprise de le voir si embarrassé à l’idée de se faire servir.

« Bon, je pense que de toute façon, c’est mort avec Marian, j’ai essayé de le charmer avec un sourire, il n’a même pas relevé. Et puis, il est un peu petit pour moi, tu ne trouves pas ? Vu mon sale caractère, j’ai surtout besoin d’un homme grand et puissant pour assouvir mes ardeurs ! »

L’instant d’après, Tullio parût totalement affligé en me conseillant de demander plutôt des conseils à Victoria. Une part de moi eu envie de lui dire que je ne voulais pas passer derrière ma cousine qui était plutôt frivole, mais vu la détresse du jeune homme, je ne voulais pas l’accabler plus que nécessaire, je ne relevai donc pas son commentaire sur sa cousine.

Toutefois, il me proposa de me présenter quelqu’un pour avoir un petit chat à câliner. Je devais bien avouer qu’avoir un petit compagnon qui me tiendrait compagnie au quotidien était intéressant.

« Je ne pensais pas vraiment à ce genre de câlins, mais c’est vrai qu’une boule de poil à câliner ça pourrait être cool. D’instinct, j’irai plutôt vers un chien, un bon gros toutou qui pourrait me suivre dans le sanctuaire, mais il faudrait que je me renseigne quand même, je ne voudrais pas introduire un animal plus banal et risquer de déséquilibrer l’éco-système d’Old Fyre. D’un autre côté, les chats sont plus indépendants et pourraient rester à la maison pendant que je suis en vadrouille. Mais tu disais que tu connais quelqu’un qui peut m’aider à trouver un petit chaton ? De qui s’agit-il ? Peut-être que je le ou la connais ? »

Tullio n'avait pas relevé la tirade d'Angie sur les hommes, parce que d'une ça aurait été commenter son caractère, et il n'était pas suicidaire, et de deux ça aurait probablement mené la conversation sur un terrain glissant où il aurait été forcé d'admettre que ses pensées étaient régulièrement hantées par un homme grand et un homme puissant. Quant à ses ardeurs à lui… mieux valait ne même pas y penser.

"T'es bien comme ta cousine."

Marmonne-t-il, quand la gardienne clarifie que ce n'était pas de ce genre de câlins dont elle avait besoin, dissimulant son trait d'humeur derrière sa bière. Puis elle parle d'un chien, et c'est vrai qu'à une époque le consultant préférait les chiens mais… plus maintenant.

"Xander."

Répond Tullio, avec un sourire, quand il est interrogé sur la personne qui peut aider à trouver un chaton.

"Tu le connais forcément, au moins de vue. C'est un chevalier aux cheveux blancs, il était sur la mission à River Stone High. J'l'ai connu là."

Il ne rajoute pas qu'il a dormi dans ses bras, mais y pense forcément, et tâche de faire comme si de rien était.

"Il a un chat qui s'appelle Spike. Je sais pas quelle race c'est mais c'est un grand, grand chat avec une tonne de poils long. Le sien est un peu peureux, mais je pense qu'un chat comme ça c'est un bon compromis entre le le p'tit chaton meugnon et le gros chien. Parce que franchement, je voudrais pas me prendre un coup de griffe de sa part vu les patasses qu'il a, mais au moins si tu dois le laisser deux jours tu risques pas la catastrophe parce qu'il a pas pu sortir."

Peut-être que Tullio était partial parce que Spike était le chat de Xander. Peut-être. N'empêche qu'une boule de poils toute douce et toute chaude qui somnole avec vous en attendant le petit déjeuner, ça vaut tous les chiens du monde.

"Enfin après je sais pas comment ça se passerait, par rapport aux différentes bestioles du sanctuaire. Perso j'aurais trop peur que mon chat aille là où il est pas supposé aller. Ou mon chien, d'ailleurs. Au moins un petit ami ça devrait pas risquer de courir après un papillon. Ou une petite amie, hein, tu fais ce que tu veux."

Après tout elle avait parlé d'homme grand et puissant tout à l'heure, mais ça pouvait être pour l'exemple uniquement.

Je ne pus retenir un éclat de rire quand il mentionna que j’étais comme ma cousine. C’est vrai que nous partagions ce trait de caractère avec Victoria. Je n’étais pas vraiment volage, mais j’étais loin d’être chaste en effet. Et ma cousine n’était pas connue pour être un modèle de vertu… Étant donné qu’il avait marmonné en disant cela, je préférais ne pas répondre, la frivolité de Toria ne devait pas être très simple a encaissé pour lui qui était éperdument amoureux d’elle.

« Xander… Ah ! Bien sûr, je vois très bien de qui il s’agit ! Un ours mal léché, c’est bien ça ? Il me semble l’avoir déjà croisé plusieurs fois, mais je ne le connais pas personnellement… »

En effet, je voyais très bien de qui il s’agissait, le fils d’Eileen, une ancienne chevalière très reconnue. Il avait été recruté peu de temps après le décès de sa mère. Toujours grognon, il ne semblait pas trop se plaire parmi les chevaliers, mais il avait tout de même un certain charme. Tullio semblait beaucoup l’apprécier d’ailleurs…

« Oui, je me souviens de Spike, c’est vrai qu’il est assez imposant comme matou… Je l’ai vu il ya quelques jours alors que vous le gardiez, j'étais passé voir Victoria. Je suppose que son humain doit être en mission quelque part. »

Je ne sais pas si c’était parce qu’il me voyait comme une figure d’autorité ou s’il avait vraiment un problème avec moi, mais Tullio paraissait avoir du mal à s’apaiser en ma présence. Je m’étais alors souvenue d’une anecdote assez comique et je m’étais dit que la partagerai avec Tullio le détendrait peut-être un peu.

« Ce soir-là, Spike était venu sur mes genoux et je ne savais pas comment le faire partir ! J’avais envie d’aller au toilette mais pas moyen de le faire déguerpir. Je suis totalement de ton avis concernant ses coups de griffes, c’est bien pour ça qu’il est resté sur moi aussi longtemps ! »

Alors que le jeune homme évoquait l’idée d’un ou une petit.e. ami.e, mon esprit se perdit dans des pensées pour un homme bien précis. Je l’avais connu enfant, il était plus âgé que moi à l’époque et ne me prêtait guère d’attention, mais il avait toujours dégagé une forme d’apaisement pour moi. Rare sont les personnes qui y arrivait d’ailleurs. J’ai toujours été assez… Impulsive, peut-être trop énergique et son calme, bien que très déstabilisant était plutôt bénéfique sur moi.

« À vrai dire, il y a bien quelqu’un qui pourrait remplir ce rôle, mais il est souvent absent d’Old Fyre. C’est un vrai baroudeur… Je ne sais pas si tu as déjà rencontré Isaac.. ? » Demandais-je à Tullio.

Un léger sourire s’esquissa sur mes lèvres, assurément, j’avais hâte de le revoir.

"Pff. Je sais pas pourquoi vous dites tous ça, avec moi il est toujours super sympa."

Rétorque Tullio, quand la gardienne compare Xander a un ours mal léché. Alors certes, il lui avait paru grognon quand il l'avait rencontré au bar de l'hôtel où les chevaliers étaient logés, mais il fallait dire qu'ils avaient de bonnes raisons de tous l'être.
Et après ça… Après ça le chevalier a prouvé, encore et encore, qu'il est gentil, et digne de confiance, et doux, et… un peu maladroit, parfois. Mais le consultant l'est aussi et jusqu'à présent ça n'a jamais posé de soucis entre eux.

"Oh, mince. Tu m'aurais dit quelque chose je l'aurais récupéré, tu sais?"

Il se sent, un instant, un peu coupable d'avoir laissé Spike s'installer sur les genoux de la gardienne l'autre soir. Mais ça ne dure pas, parce qu'elle enchaîne sur un certain Isaac, souvent absent d'Old Fyre, qui pourrait tenir le rôle de petit ami.

"Tu vois que t'as pas besoin que je te présente des gens."

S'amuse-t-il, un sourcil haussé, alors qu'il tente de jauger Angie. Il n'a, bien sûr, pas le talent de Toria pour ça, mais… il y avait quelque chose.

"Mais non, je pense pas l'avoir rencontré. Ça fait pas si longtemps que je suis là, au fond, alors s'il voyage autant que ce que tu sembles dire… je suis pas surpris."

Elle a la réponse à sa question et, maintenant, c'est au tour de Tullio de s'amuser un peu aux dépens des autres.

"Du coup, il faut quoi pour plaire à la terrible gardienne d'Old Fyre, à part s'appeler Isaac, être grand et avoir des gros pecs?"

Quoique. Ce n'est peut-être pas un si bon plan finalement, puisqu'elle risque de pouvoir lui retourner une question du même style… ce qui finirait très certainement avec un consultant plus embarrassé qu'elle ne l'avait été. Et très rouge, sans doute.

D'un autre côté, ce n'était pas comme s'il savait vraiment quoi dire à Angie. Ils n'étaient pas spécialement proches, n'avaient sans doute en commun que Toria… et il pouvait difficilement s'extirper de la conversation avec un prétexte bidon, tout comme il ne l'aurait pas fait avec Lillian.