Pas de répétition aujourd'hui, et le jeune Emanuel Magnussen se trouvait en ville, célébrant la vie. Un sourire accroché aux lèvres, l'homme divaguait dans les rues de la ville, profitant de ce début de nuit fort confortable.

A 18 heures, il avait été adresser deux mots à des amis de sa connaissance, était un peu resté avec eux pour leur tenir compagnie. Il avait mangé, leur avait adressé un léger salut et puis s'était dirigé vers l'Aquarium, où il commençait à avoir ses habitudes.

Presque nonchalamment, plus l'air d'un type parfaitement normal, du genre qui n'avait pas connaissance de tout ce qui nous entourait que d'un chevalier de l'Ordre, Emanuel avait ouvert la porte de ce bar si atypique. Il appréciait l'ambiance à bord, les poissons que l'on pouvait observer dans les...dans les airs, c'était si curieux.

C'était à la fois un endroit agréable, et où il se plaisait à retrouver parfois son amie Victoria, entre deux cocktails et jeux subtiles de drague. Pas avec Victoria, hein...enfin quoique, si c'était le cas, lui-même ne s'en rendrait compte. Emanuel se rendait compte du charme naturel qu'il exerçait avec les femmes et les hommes et en jouait souvent. Pour autant, il n'avait encore jamais trouvé de compagnon stable pour satisfaire son cœur.

Et là, malgré l'apparente joie qu'il affichait sur son visage, Emanuel était en proie au doute. Les ragots allait bon train et s'il les écoutait, il comprenait que nuls autre que sa chère amie et son collègue au sein de l'Ordre étaient en couple. C'était une nouvelle qui aurait dû le réjouir, sans aucun doute, mais qui le laissait une pointe d'épine dans le cœur. Etait-ce seulement de la jalousie ? Un petit sentiment d'amertume qu'il avait besoin d'exprimer à ladite Victoria ?

C'était d'ailleurs probablement pour cela qu'il s'était dirigé vers l'Aquarium...Pas de Victoria à l'horizon, alors, Tyr se rapprocha du barman – il les avait vus plusieurs fois parler ensemble, il semblait être un bon type, le genre à répondre à ses questions.

« Excuse-moi... », il ne fallait pas trop se vexer pour l'absence de vouvoiement, Tyr tutoiement tout le monde..., « Tu ne saurais pas où est Victoria ? Je suis un ami. »

Il lui accorda un sourire convenu, puis commença à jouer avec un des stylos, auparavant dans sa poche. Lui, stressé ? Non, pas du tout.

« Ton prénom, c'est...déjà ? »

L'après-midi avait été calme, vraiment très calme. Ça lui avait donné l'occasion de penser à plein de choses. Vraiment plein de choses. Comme, par exemple, le fait qu'il avait ressenti la même inquiétude pour Xander que pour Toria, quand il lui avait annoncé qu'il partait en mission au milieu des feux de forêts.

Le genre d'angoisse qui le bouffait au beau milieu de la nuit, qui lui donnait envie de téléphoner, ou d'envoyer des messages, juste pour s'assurer que ça allait, ce qu'il ne faisait évidemment pas.

Quand on l'interpelle, Tullio relève la tête et lâche le chiffon qu'il triture depuis déjà un bon moment et reconnaît un chevalier qu'il avait déjà vu plusieurs fois. Pas aussi souvent que d'autres, mais suffisamment pour qu'il n'ait pas de doutes sur son visage. [i]Je crois que je l'ai déjà vu parler avec Toria? Ah, ouais, normal s'ils sont amis.[i]

"Ah, non, je sais pas."

Commence le consultant, avant de sortir son téléphone le temps de vérifier l'heure.

"Hum… tu as peut-être encore une chance de la croiser près du dojo, si elle a pas déjà fini. Sinon, à priori, elle est rentrée dîner. Elle viendra peut-être plus tard dans la soirée, cela dit."

Indique-t-il avec un sourire, quoique sans pouvoir promettre l'exactitude de ses informations. Puis, il rit quand le chevalier semble essayer de se souvenir, sans succès, de son prénom.

"Tullio. Et toi, c'est?"

Le consultant n'est pas certain d'avoir déjà entendu le prénom de son vis-à-vis et, au moins, l'autre lui a épargné la gêne de demander en premier.

"Du coup si tu veux avoir une chance de la choper au retour de son sport faut que tu y ailles, genre, maintenant. Ou sinon je te sers un truc et tu croises les doigts, c'est comme tu veux. Oh, par contre, elle cours tout les matins donc c'est sans doute là que t'auras le plus de chances de la choper."

Offre-t-il, si le chevalier a besoin de la voir en face-à-face.

"Ou j'peux lui porter le message, si c'est rien de trop perso, c'est ma coloc'."

...Evidemment, le sport. C'était parfaitement logique. Il fait genre qu'il encaisse le coup, puis soupira. Il finirait par croiser Victoria, ce n'était pas vraiment un problème, et savoir tôt ou tard ce qu'il en était de...cette relation avec Cy. Il fait un léger signe au barman, plus pour lui signifier de manière informelle et ce n'est pas grave, qu'il parlera avec Victoria le jour où il tombera dessus. Il n'avait pas vraiment envie de lui prendre la tête alors qu'elle sortait du sport, tout simplement parce que lui n'aurait pas vraiment aimé qu'on la lui prenne à ce moment fort précis. Question de logique.

« Tullio, son coloc' ? »

Il aurait pu lui dire que ça lui disait quelque chose, mais...cela ne lui disait absolument rien. Il se contenta de plisser les yeux et d'observer un homme fort charmant à son goût – et sans doute à celui de pas mal d'autres, décidant de rester un peu à ses côtés.

La belle Victoria attendrait un peu, de toute façon, si la rumeur disait vrai et que elle et son collègue étaient vraiment ensemble, ce n'était pas la choper juste après le sport qui le consolerait.

« Enchanté de te rencontrer, Tullio, je suis Emanuel. »

Il était possible que la belle lui ait déjà parlé de lui, mais il ne le savait pas vraiment, au fond. Ce qu'ils faisaient ensemble ne regardaient qu'eux d'eux ? S'asseyant sur un tabouret du bar, le chevalier de l'Ordre enleva sa veste, la posa sur ses genoux et croisa ses poignets sous son menton.

« Ne t'inquiète pas. Je croiserai Victoria un jour. Ce n'était vraiment pas urgent. », menteur. Quelque part, tu ne voulais pas un peu retarder la confrontation ? « Je peux t'offrir un verre, ou tu ne bois pas pendant le service ? Je veux bien que tu me serves une bière blonde, je te paie ce que tu veux. »

Grand sourire, Emanuel passa la main dans des cheveux qui avaient l'air de faire parler une ou deux femmes, là-bas, au fond du bar, et à qui il jeta un regard amusé.

Croisant les genoux, il retourna son attention vers le barman : diantre, Victoria choisissait bien ses colocataires.

« Et tu travailles ici la journée et une partie de la nuit ? Ce n'est pas épuisant ? »

Le consultant hocha positivement la tête avec un petit "Hmhm." pour confirmer à l'ami de Toria que oui, il était bien Tullio le coloc'. Ami qui se présente comme étant Emanuel… ce qui ne lui dit rien. De toute façon, la chevalière ne parlait que rarement de ses relations. Ça n'avait rien de surprenant ni d'inquiétant.

"De même."

Bien que la phrase ait été prononcée plus par politesse qu'autre chose, le sourire qu'il affiche n'en est pas moins sincère. Il a l'impression d'avoir eu un sacré lot d'emmerdeurs depuis quelques mois, alors avoir quelqu'un d'ouvert et de sympathique en face… C'était vraiment cool. Tullio hausse un sourcil quand l'autre propose de lui offrir un verre, et pouffe légèrement à la mention de ne pas boire au travail.

"A quoi ça servirait d'être barman si on ne boit pas pendant le service?"

Plaisante-t-il alors qu'il sort deux bouteilles de bière blonde, puisque c'était ce qu'Emanuel avait demandé, qu'il décapsule d'un geste expert non sans remarquer le manège des deux femmes du fond. C'est vrai qu'il avait de beaux cheveux.

"Naaah, ça va, c'est pas le pire shift."

Répond Tullio, balayant l'inquiétude d'un haussement d'épaule alors qu'il pose une bière en face de l'homme et garde la seconde en main.

"Le plus terrible c'est celui qui est supposé finir à 4h du mat' et qui termine à 5, parce que du coup j'ai juste le temps d'aller me coucher que le reste du monde commence à se lever et à faire du bruit sans considération pour nous autres, pauvres travailleurs de la nuit."

Raconte-t-il, avec des trémolos dans la voix sur la fin, avant d'adresser un clin d'œil au brun en face de lui.

"Aux amis des amis?"

Propose le consultant, inclinant sa bière pour proposer à l'autre de trinquer.

"Du coup t'es chevalier j'imagine? J'me souviens pas t'avoir vu souvent, t'étais en mission ou tu vis pas au QG?"

C'étaient des questions un peu bateau, Tullio en avait tout à fait conscience mais… il fallait bien commencer quelque part, et ça lui avait paru pas mal.

"En tout cas j'espère que tu vas être là un moment parce que si le mot a le temps de se répandre tu vas faire venir du monde."

Rajoute-t-il, avec un coup d'œil aux deux clientes qui gloussent à leur table.

Emanuel eut un petit rire : en effet, à quoi cela servirait d'être un barman si on ne pouvait même pas boire dans le service ? Il se rassit confortablement sur son siège, comme s'il ne tenait pas en place dessus et qu'il avait besoin d'en bouger très régulièrement – ce qui ne serait pas loin de la réalité, Emanuel ne tenant généralement pas en place plus de quelques minutes. Ensuite, il attrapa la choppe et trinqua avec Tullio, colocataire de Victoria.

Toujours le sourire aux lèvres, il jeta un coup d'oeil vers les demoiselles qui gloussaient au fond, puis retourna la tête vers le barman, d'un air habitué.

« Je vois, je vois. Ce doit être compliqué, en effet. », dit-il en commençant à boire le précieux nectar qui aurait le pouvoir de lui faire passer une excellente nuit.

Contre toute surprise, la bière était vraiment meilleure que tout ce qu'il avait goûté jusque là en mission. Il pensait, parfois, aux vieilles choppes pas lavées qu'il portait à ses lèvres et se dit qu'il retiendrait l'adresse. Au moins, l'alcool avait bon goût et la compagnie sympathique.

« Oh, je vis au QG quand je reviens, oui. Tu as un bon instinct, je suis souvent en mission par ci ou par là. Un destin parfaitement imprévisible, évidemment, qui aurait pu dire que nous nous prédestinions à ça, gamins...même que toutes ces créatures merveilleuses existaient ? »

Il eut pendant une seconde une pensée pour cette femme-serpent si magnifique qu'il avait rencontré dans sa prime jeunesse. La rencontre, dangereuse au possible, avait laissé ses marques, mais si Tyr aurait pu ressentir de la haine, il n'en était rien : au contraire. Régulièrement, la jeune femme envahissait ses pensées et il se réveillait, en sueur et un sentiment d'inachevé en tête.

À ce moment, les femmes du fond se surprirent de nouveau à glousser. Surpris, le jeune Tyr leur jeta de nouveau un regard, puis leur sourit doucement. Il n'était point moqueur, ni violent, ou encore vulgaire, ce n'était pas son style. Il ne toucherait pas non plus des créatures qui lui étaient à ce point conquises : ça l'était encore moins. Il se contenta de sourire à nouveau à Tullio, ses doigts pianotant, toujours aussi hyperactifs, sur le comptoir du bar.

« Oh, je ne suis pas sûr que ce soit moi. », clin d'oeil. « Tu es toi-même charmant, tu devrais tenter, tu sais ? Je suis sûr qu'elles doivent être de jeune femmes très biens...mais je peux revenir aussi. J'apprécie l'atmosphère, cette idée, avec les poissons...je trouve cela merveilleux, pas toi ? »

Il accompagna cette phrase d'un signe de tête vers les poissons qui voletaient dans l'air, maintenus dans une eau invisible par magie.

"Les créatures, j'ai plutôt pas eu de bol. J'ai su ça tôt. Mais ouais, j'm'imaginais clairement pas barman, et encore moins consultant pour l'ordre."

Plaisante Tullio, après qu'Emmanuel l'ait complimenté sur son instinct. Ça n'était guère plus que de la déduction, les nouveaux étaient généralement plus timides que ça, mais il n'allait certainement pas le corriger.

"Quoi, moi?"

Le consultant se sent rougir, aussi bien à l'idée de faire soupirer les foules qu'au clin d'œil du chevalier. Il a beau s'enhardir, et commencer à jouer un peu plus les séducteurs avec les clients, il ne pense pas s'habituer un jour au fait que, oui, il peut avoir du succès.

"Oh, non, je… j'ai déjà quelqu'un en tête."

Rétorque Tullio, alors qu'il plonge le nez dans sa bière pour essayer de masquer sa gêne. Il a conscience du fait que c'est probablement vain, mais jusqu'ici ça ne l'a jamais empêché de tenter le coup. C'est pas le moment de penser à Xander et à Toria. Emanuel à parlé de poissons, cause lui de poissons, c'est bien les poissons, c'est pas gênant les poissons.

"Je ne les vois presque plus."

Avoue-t-il, à l'évocation des poissons.

"On s'habitue, à force. Faut dire, je suis là cinq jours par semaine, alors… Mais ouais, les premières fois c'était ouf."

Est-ce que ça l'était? Il a du mal à se souvenir, c'est que ça commence à remonter à un peu loin maintenant. Mais vu comment tout le monde réagissait face à ces petits poissons, si c'était un mensonge, c'en était un pieux.

"Et toi, alors? Pourquoi tu ne te laisses pas tenter? J'suis sûr qu'il doit te suffire d'un sourire et d'un verre pour faire tomber n'importe qui sous ton charme."

Glisse Tullio par-dessus sa bière, alors qu'il laisse un sourire en coin étirer ses lèvres.

"A moins que toi aussi, tu aies quelqu'un en tête."

Il fixe Emanuel un instant, tâchant de deviner ce qui se cachait sous les épaisses boucles noires. Mais il n'est pas doué pour ce genre de choses, alors il se contente d'attendre la réponse.

Il lui fait un peu penser à Toria, au fond. Plus de charme que ça ne devrait être autorisé pour un être humain, une chevelure sombre et folle… cependant il semblait moins en jouer. Quoique la soirée était encore jeune, il pouvait encore se passer bien des choses.

Quelqu'un en tête ? Emanuel lui fit un clin d’œil, à ce gentil barman, pour le coup. Il avait l'air si gentil...si innocent. Il fit un petit mouvement de chope vers lui, trinquant à sa santé, comme s'il voulait vraisemblablement l'encourager à déclarer son amour. Il ne s'en rendait pas compte, mais que Tullio déclarât sa flamme ne l'aurait pas vraiment arrangé.

Aux mots de Tullio qui sous-entendait qu'il avait sans doute quelqu'un d'autre en tête, il décida de faire l'idiot. Et, évidemment, ce qui paraissait évident, n'évoqua pas Victoria. Evident. Ce qui était évident également, c'était que la jeune femme étant la coloc de ce cher Tullio et lui passant beaucoup de temps à son boulot « sans regarder toutes ces jeunes femmes autour de lui », c'était qu'il était sûr à à peu près 80 % que sa collègue ne laissait pas ce cher barman indifférent.

Enfin, peu importait, en réalité. Emanuel n'avait pas envie de compagnie à parler amour avec le barman. Si la conversation était rigolote pendant quelques minutes, elle l’embarrassait pas mal, surtout qu'elle lui faisait se souvenir du fait qu'il finirait sûrement ses jours seul, dans un appartement, avec un chat et une perruche.

Il étendit la main et tapota l'épaule du pauvre homme.

« Qui me tente ne regarde que moi, très cher. », il porta la bière à ses lèvres et quand il l'en enleva, on put voir un peu de mousse sur ses lèvres roses. « Et cela ne m'empêche certainement pas de passer de magnifiques nuits. »

Magnifiques, mais seul, si seul. Cette solitude le rongeait de l'intérieur et c'était sûrement pour cela qu'il se proposait autant que possible pour partir en mission, pour voyager et rencontrer des gens. Certains étaient conquis par son charme, d'autres s'y opposaient farouchement, et ce n'était pas un problème, Emanuel étant une personne plutôt sociable qui n'avait pas un mot plus haut qu'un autre.

L'alcool commençait à lui monter un peu à la tête, mais il n'en dit pas mot. La bière n'était pas un brevage très fort, donc...autant passer une soirée merveilleuse et donner à ces poissons volants un look de dragons.

« Dis, tu n'aurais pas un truc un brin plus fort ? Du rhum ? De la vodka ? J'suis sûr que tu peux nous préparer quelques petits cocktails maison bien sympathiques ! », puis Emanuel lui refit un clin d’œil.

Tullio se tend, juste un peu, quand Emanuel tend une main familière pour lui tapoter l'épaule, en ayant l'air de ne pas vouloir développer sur qui l'intéressait. Tant mieux, quelque part. De cette façon au moins le consultant ne se sent pas obligé de trouver une diversion pour ne pas avoir lui-même à en parler.

"Tant mieux alors."

Commente-t-il sobrement, alors que le chevalier lui assure que ça ne l'empêche pas de passer de magnifiques nuits. Il réalise, un instant trop tard, ce qu'il veut probablement dire par là et il se sent rougir derrière sa bière, tant et si bien qu'à force d'essayer de se cacher derrière il la termine.

"Si, si bien sûr."

Acquiesce l'italien, lorsqu'Emanuel lui réclame quelque chose de plus fort. Il hoche la tête à la mention du rhum, puis de la vodka, évidemment qu'ils ont ça, sans quoi on ne pourrait pas appeler l'Aquarium un bar, puis sourit quand l'autre parle de cocktails. S'il a pu en faire boire à Xander… Et puis.
Et puis il y a le clin d'œil.

"Cocktail, donc!"

Se réjouit Tullio, avant de proprement tourner le dos au chevalier pour rassembler ses ingrédients. Vodka, curaçao et jus de citron, pour un cocktail qu'il peut faire les yeux fermés parce qu'il est hors de question qu'il ait besoin de se concentrer alors qu'il doit, à moitié, lutter contre l'idée que peut-être Emanuel lui fait du charme.
Sauf que d'une, il n'est pas intéressé, et de deux ça n'est de toute façon pas le cas. Le chevalier ne lui fait pas les yeux doux. Absolument pas.
NOPE.
… c'était quand même le troisième clin d'œil.

"Blue Lagoon. Classique, mais efficace."

Annonce le consultant, lorsqu'il pose le verre à martini rempli d'une boisson bleu vif face à Emanuel.

"A base de vodka, puisque tu voulais quelque chose de fort."

Précise-t-il, tout en essayant de se raisonner. Le chevalier était ami avec Toria. Il y avait donc de bonnes chances pour qu'ils aient des points communs. Et vu la façon dont il agissait, ils avaient probablement la même tendance à flirter avec tout ce qui bougeait, ou presque. Rien de personnel, donc. Il devait s'amuser de le voir rougir aussi facilement.
Après tout, il est le seul que ça ne fait pas marrer.

"As-tu des plans pour ton séjour?"

Demande Tullio, pour faire la conversation plus qu'autre chose, alors qu'il s'oblige à être raisonnable et à se verser un verre d'eau. La soirée sera encore longue pour lui, et il n'a pas d'autre choix que de se modérer. Il sera toujours temps d'être moins sage quand la fin de son shift se rapprochera.

Cocktail, donc. Quelque chose de bien agréable qui, en plus de la petite bière de tout à l'heure, allait le transporter à quelques lieues du boulot et dans une ambiance de fête. Il approuva d'un signe de tête le nom du cocktail, appréciant le fait qu'il y ait de la vodka dedans, quelque chose d'un peu corsé pour qu'ils se mettent à pouffer de rire jusqu'à ne plus en pouvoir, puis lui sourit de nouveau.

« Très bien, le cocktail, j'en suis friand. », crut-il bon de préciser, avant de regarder d'un air rêveur un des poissons qui semblait s'être arrêté à côté de Tullio, comme victime d'un bug de la matrice. Il eut un petit gloussement.

« Attention, tu vas te faire pincer les oreilles ! »

S'il y avait une petite envie qui lui passait par la tête, là, maintenant, c'était probablement de tendre sa main et de toucher le poisson, ses écailles, et la sensation causée par l'afflux de magie qui permettait de simuler l'eau sans laquelle ce petit être ne pouvait vivre. D'ailleurs, il finit par y mettre la main, là, à quelques centimètres du poisson, puis la retirer avec un petit frisson, comme satisfait de sa trouvaille. S'il y avait eu un mot pour décrire cette sensation, ç'aurait été bizarre, très bizarre.

Ses mains, après s'être âprement attardée sur le flux magique, attrapèrent le verre qui dégageait, lui, une autre forme de froid. Il le leva à la santé de son interlocuteur et en but une gorgée...hey, pas mal ! Il tâcherait de ne pas absorber tout le liquide d'un coup car c'était le problème de tout cocktail sucré que de ne pas se rendre compte qu'on était en train de boire d'un seul coup un grand verre de vodka.

« Ce que je compte faire ici ? Mhh...Je pensais marcher, voir mes amis, faire des rencontres. C'est assez vague, mais m'amuser, quoi. », argumenta-t-il en comptant sur ses doigts. « Et toi, Tullio, tu ne pars jamais à l'étranger ? Ou de temps en temps, quand tu as des congés ? Je ne pourrais pas rester enfermé ici trop longtemps, j'ai vraiment la bougeotte ! »

Et hop, deuxième gorgée du cocktail qui commençait sérieusement à descendre. Même lui qui avait l'habitude se sentait plus libre de ses paroles, plus joyeux à ce moment-là.

« Tu aimes le métal, dis donc ? »

Ses doigts le démangeaient, il avait envie de toucher le métal froid d'une guitare électrique...qui d'ailleurs n'était pas si froid que cela, maintenant qu'il y pensait. Sentir les cordes vibrer sous ses doigts et l'excitation du moment, la foule en délire et le cœur qui battait fort, ça, c'était une sensation revigorante qu'il aurait aimé vivre à présente. Une drogue.

Tullio sourit quand le chevalier lui dévoile son programme, plutôt simple mais tout à fait charmant. C'était, typiquement, ce qu'il faisait quand il ne travaillait pas pour Lillian ou pour l'ordre, les rencontres en moins. Encore qu'avec les nouveaux qui arrivaient régulièrement, et les anciens qu'il découvrait… Il pouffe quand l'autre mentionne avoir la bougeotte, parce qu'effectivement il n'a pas arrêté de s'agiter depuis qu'il s'est installé.

"Pas pour visiter, non."

Répond le consultant avec un demi sourire, alors qu'il hausse une épaule.

"J'pars de temps à autre en mission, et si j'ai le temps j'en profite toujours pour visiter un peu. Après, des congés, j'en ai pas tant que ça du coup… En général je profite des gens qui sont ici. J'suis plutôt du genre casanier, j'avoue."

Toria, sa sœur… et Xander, bien sûr. Il a envie de sourire rien que de penser à eux, et il le dissimule à moitié en se tournant pour reprendre une bière. Il ne devrait pas, ça fait un peu trop longtemps qu'il a mangé, mais tant pis. Tant qu'il a les idées claires et les mains assurées, tout va bien. Et puis Lillian n'est pas là, de toute façon.

"Ouais, j'aime bien! Toria nous en passe parfois quand elle nous fait faire du sport. Ça ressemble toujours un peu moins à de la torture avec de la bonne musique en fond."

Plaisante Tullio, qui ne s'est pas encore vraiment remis de ses courbatures de la dernière fois. Au fond, maintenant, il n'y a qu'en mission qu'il ne fait plus de sport du tout et avoir des courbatures est presque devenu son état normal.

"Faudrait que j'aille à un concert, un jour. J'ai jamais été, et ça pourrait être une raison cool de voyager."

Restera juste à décider de quel groupe, et où, de qui inviter s'il n'y allait pas tout seul… et ça commence à sonner un peu trop compliqué pour qu'il soit vraiment motivé.

"Et toi alors? Tu aimes ça le métal? Je suppose que oui, sinon t'aurais pas posé la question. Ou alors tu détestes et je vais me prendre ma bière dans la tronche?"

Demande le consultant, alors qu'il fait mine d'éloigner la bière en question. Ça ne l'empêche évidemment pas de sourire de toutes ses dents, parce que même s'il devait se faire arroser ce qui l'emmerderait le plus ça serait de devoir repasser la serpillère.

L’herbe humide chauffée par le soleil lui lèche la peau quand elle se roule par terre, essoufflée, mais pleine de cette énergie cathartique propre au dépassement de soi.  

Victoria avait entrainé énormément de recrues au courant des dernières semaines. Pour se faire, son rythme s’était vu modéré ; ses actions, modelées et morcelées, voire complètement suspendues pour mieux accompagner les débutants qui avaient besoin d’un encadrement constant. Il va sans dire qu’à travers ce processus, elle n’avait pas souvent eu la chance de donner son maximum.

Le temps passé au Dojo, ce jour-là, avait été uniquement pour elle-même.  Victoria avait couru longtemps, jusqu’à dépasser ses propres limites, puis elle avait boxé jusqu’à ne plus sentir ses jointures. Elle avait aussi fait un peu de musculation, puis une longue séance de yoga sous le soleil décroisant. En somme, elle en avait fait beaucoup, en termes de qualité autant que de quantité, avide de rattraper le temps perdu.

Enfin, couchée dans l’herbe, elle contemple un moment le ciel qui commence à s’éteindre avant de rentrer manger, prendre une douche et se changer. Elle ressort peu de temps après, fraîche et éthérée, son sourire volatile flottant au-delà du brouillard d’endorphines dans lequel elle nageait aussi bien que les poissons le faisaient dans les airs de l’Aquarium. Un banc de poissons miroitants accompagne justement son entrée dans l’établissement dont l’ambiance tamisée accueille à merveille ses pas qui sont aussi légers que son humeur.

Elle salue Tullio d’un petit signe de main fatigué, mais content, alors que ses yeux las coulent dans la cascade ondulée des cheveux sombres d’Emanuel. Ce dernier lui faisait dos et qui ne l’avait pas encore vue arriver ; en observant l’échange d’un œil amusé, elle se dirige directement de l’autre côté du bar, signalant au passage sa présence au musicien en lui glissant une salutation soupirée et un effleurement de sa main dans son dos. La dernière question de Tullio était parvenue à ses oreilles et elle renâcle doucement, amusée, sans pour autant répondre, laissant à son collègue chevalier l’opportunité de cacher ou de révéler sa double vie de métalleux célèbre : elle savait que Cy, pour sa part, préférait ne pas en parler au sein de l’Ordre ...

Avec un verre de son scotch préféré, elle se hisse ensuite sur le tabouret à côté du brun. Étendant un bras sur la surface froide du bar et couchant sa tête dans le nœud de son épaule, elle s’éparpille dans un soupir d’aise avant de lever ses yeux dorés, courbés d’euphorie, vers ses deux amis.  

Une main sur le menton, Emanuel écoutait tranquillement le barman raconter ce qu'il faisait et ce qu'il aimait, sirotant tranquillement ce délicieux cocktail. On n'aurait pu rêver de meilleure situation que celle-ci, à part celle où, une guitare à la main, il se serait entraîné corps et âme.

Oh, Tyr n'avait pas l'intention de dévoiler sa double identité à ce barman qu'il ne connaissait que depuis quelques minutes à peine...encore moins envie, pour le moment, de lui donner une invitation spéciale à un de leurs concerts. Si un quelconque sentiment picotait son cœur, pour le moment, c'était une petite pointe de jalousie le concernait puisqu'il partageait la vie de la belle – cela dit, il n'avait pas Cy, et cela était amplement suffisant pour le réjouir.

Un nouveau sourire aux lèvres, fort de son savoir, il argumenta de nouveau :

« Je vois, tu dois connaître de sacrés histoires, donc ! ...Et ouais, ça te ferait une sacré bonne raison de voyager, je crois que Victoria m'a converti aus- »

Petit mensonge, Victoria ne l'avait pas du tout converti au métal, mais il n'avait pas du tout envie de révéler quelque chose de sa vie qui était si personnel. Et au moins, cela répondait à toutes les questions un peu trop curieuses de ce cher Tullio. On ne pouvait pas lui enlever la gentillesse qu'il avait de lui faire la conversation, mais bon...Il s'arrêta cependant net dans sa phrase lorsqu'il s'aperçut que la belle était dans son champ de vision. Un air un peu gêné sur le visage, surtout si elle l'avait entendu, il continue de sourire, plissant les yeux, puis posa la main sur les cheveux de celle qui était maintenant assise à côté de lui.

« Victoria ! Nous parlions de toi ! Alors comme ça, tu imposes des séances de sport démoniaques à ce pauvre jeune homme ? »

Il prit son verre à cocktail non pas à moitié plein, mais plutôt à moitié vide et trinqua sur son verre de scotch avec ce petit rire qu'ont les personnes à qui l'alcool commençait à monter à la tête. Lorsqu'on l'observait de près, la jeune femme était vraiment magnifique...pas aussi hypnotisante que sa muse personnelle, mais elle était très amusante. Il ne s'ennuyait aux côtés de ses amis, c'était au moins à bon point à faire remarquer.

« Je suis heureux d'avoir fait ta connaissance, Tullio. J'suis presque jaloux de Victoria d'avoir un coloc' aussi sympa ! », il fut gentil, il n'insista pas sur cette histoire de filles où de relations dont il parlait avant. « Et tu ne m'as pas dit, tu as visité quels pays ? »

Emanuel fixait le barman avec cette curiosité enfantine dans le regard qui n'appartenait qu'à lui.

« Tu as vu des choses ? Des fées ? Des créatures si belles que tu n'en es pas revenu ? »