Il y a des choses que j'affectionne plus que les affaires d'argent. L'argent lui-même, ça, ça va. L'argent c'est bien. Ça permet d'envoyer balader les gens qu'on veut envoyer balader. Ça permet d'acheter deux trois choses un peu rare pour je ne sais quel projet de potion bizarre que j'ai lu une fois ou l'autre dans un bouquin. Ça permet de faire le pleins d'alcool, beaucoup, et souvent. J'aime l'argent.

J'aime aussi les beaux habits. Les tenues juste un peu trop chères, le maquillage qui fait tourner les yeux juste assez. Ça aussi c'est bien. J'aime les acheter. J'aime les porter même, des fois. Quoi? Oui j'aime aussi les enfoncer dans la gorge des gens qui me- Ne change pas le sujet je m'éparpille là. Donc je disais que j'aime-

Tu vois, avec tes conneries, si je voulais en venir quelque part? Eh bah je sais plus c'est où. Ton attitude de merde elle commence à- Ah oui. Attitude. Oui. Oui. J'en étais où donc...


Je me râcle la gorge. J'ai promis de ne pas faire de scène tu dis? Moi? Moi j'ai promis ça? Non non, ça devait être une autre abrutie jamais j'aurais fait une promesse aussi conne.


Quoi? Il y a bien une ou deux personnes à l'étage du bas qui n'ont pas dû m'entendre. Si ça c'est pas une marque de respect de ma part, je sais pas ce qu'il leur faut. Le serveur soupire et acquiesce. avant de s'éloigner. À force de venir ici et de faire la même chose à chaque fois, ils commencent à avoir l'habitude il faut croire. Je leur laisse assez d'argent pour qu'ils me laissent un peu m'amuser. Est-ce que j'ai mentionné que j'aime l'argent? Oui? Parce que je peux refaire le speech sinon.

Les 3 hommes en face balbutient deux trois excuses. J'écoute à moitié. Je les tiens par les couilles de toute façon. Sans mon capital, leur firme est aussi bonne que morte. Ils font du bon travail en plus, d'habitude. Mais j'aime pas leur attitude. Qu'est-ce que j'aime pas dans leur attitude? Pourquoi je leur gueule dessus? Tu sais quand j'ai dit que j'écoutais à moitié? Ça devait être dans la moitié que j'ai pas écoutée. Je leur ai demandé de faire une transaction. La transaction n'a pas eu lieu. Leur faute... Pas leur faute... Je les paye pour ne pas avoir à demander à qui la faute. "Et la gentillesse c'est de la faib-"...

La migraine est fulgurante. Je cale le Negroni d'un trait. Voilà pourquoi j'aime pas les affaires d'argent... Ça me fait penser et parler comme... Ugh.

Définitivement pas ma semaine. Entre le faussaire qui essaye de me la mettre à l'envers et qui me coûte une très jolie paire de talon, les produits coincés aux douanes qui me coûtent un bras et- Je l'ai déjà faite cette blague ta gueule - et Sato qui n'arrive pas à boucler ma transaction... En plus je dois voir l'autre enflure demain. La seule chose pire qu'un trafficant, c'est un trafficant bureaucrate propre et bien habillé. Mais il peut faire bouger ma pièce, et il sait payer. Enfin, j'espère pour lui. J'en ai beaucoup, des jolies paires de talon.

La conversation continue, s'éternise. Deux 3 menaces, et 4 5 cocktails plus tard, on arrive à s'entendre. Enfin je crois. Tu as suivi toi? Moi? Oui bien sûr. J'ai suivi. Et tout. Oui oui. Et puis merde c'est mon argent, pourquoi j'ai besoin d'écouter ces conneries!? Je viens ici pour bouffer, les sushis sont géniaux et l'alcool est bon. D'ailleurs il est pas trop tard non? Si ils ont fini je peux aller tout balancer en o-toro et cocktails.

Je descend les escaliers, disant au revoir vite fait au groupe en beaux costumes. Voire qu'ils ont réservé tout l'étage du haut pour me faire perdre mon temps. Ils savent comment m'amadouer, il faudra que j'augmente leur paye. Ça c'est de l'initiative. Le bar donc. Où est le bar. Ah voilà. Échangeons deux trois regards mortels aux gens frustrés d'avoir entendu mes gueulements de toute à l'heure, au cas où quelqu'un a l'envie de se battre. On sait jamais, ma chance peut tourner à tout moment. Et je défoncerai bien une gueule au hasard pour le plaisir. Qu'est-ce qu'elles ont mes pulsions? Oh ça va une fille peut rêver. Ça serait pas la première fois. Ni en général, ni dans ce restaurant spécifiquement d'ailleurs. En plus ma robe est jolie et rouge. Si ça gicle ça se verra à peine.

En m'asseyant au bar, j'observe une tête qui me revient pas loin au fond. Meilleure vue sur la porte d'entrée et la porte de sortie. Aucun doute. Ugh. J'aurais pu me passer de voir sa sale gueule avant demain. On cale le verre. Ils ont déjà ma carte de toute façon. Allons rendre visite à ce bon vieux Even.

Et trébuchons sur une table en chemin, renversant un verre de vin. On n'est plus à ça près.

J'arrive à son niveau.


Oh. Oh my.

Le regard de Victoria est perdu, quelque part, comme le sont ces grains d’ombre volatiles à travers la lumière tamisée.

— You seem tense, are you alright? Perce la voix d’Even Strøm à travers le brouhaha de la foule, de la musique ambiante et des couverts qui tintent autour d’eux.

Il y a quelque chose de triste dans le petit sourire qu’elle lui accorde, ainsi que quelque chose de terne dans les yeux qu’il avait connus beaucoup plus vifs.

— Work has been very stressful lately, avoue-t-elle avec une sincérité désabusée. C’était vrai en soi, sauf qu’Even pense qu’elle parle du musée alors que c'est plutôt au sujet de... Lui. S’il avait su, peut-être qu’il n’aurait pas repris la parole ensuite.

— I've noticed. Let's hope it gets better soon... You know, I could find you any job you want if you...

Elle le coupe, non pas avec des mots, mais avec un sourcil haussé et moqueur qui ne manque pas d’éclairer un peu son visage amusé.

— I know you don't need my help, reprend-il avec un rire leger et plein de chaleur, I'm just saying: if your work makes you miserable, maybe you should just quite and... Ok, I will stop talking now.

Victoria glousse avec une tendresse qui la surprend un peu, tout comme elle s’étonne presque d’être en train de flatter du pouce, distraitement, cette main qu’il était venu glisser dans la sienne.

Quitter son emploi, c’était dans ses plans. Après presque deux ans, Even évitait toujours minutieusement de lui révéler quoi que ce soit au sujet de son véritable travail. Elle s’était dit qu’il s’ouvrirait peut-être enfin à ce sujet après leur mariage, mais ce n’était toujours pas le cas et, en vérité, elle avait cessé de gratter de son côté aussi. Que restait-il de sa mission à ce point-ci? Trop peu, mis à part pour le danger d’être démasquée. Sa plus grosse erreur avait été de s’attacher, sans doute. Ça lui faisait mal, cette idée de lui briser le cœur et de ne plus jamais le revoir, mais quelle autre option lui restait-il? Sa loyauté envers l’Ordre mise à part, Victoria n’était assurément pas faite pour devenir une compagne sincère, sans parler de devenir la mère de ses enfants... Au contraire, le test de grossesse positif qu’elle avait effectué et jeté loin de son attention, trois jours plus tôt, avait déjà marqué la fin de son débat intérieur. Il ne lui restait bien qu’à couper les ponts, quoiqu’en trouvant une façon de le faire sans mettre à feu et à sang tout le voisinage.

— Let’s just enjoy tonight, souffle-t-elle avec un brin de mélancolie.

— I love you, s’attarde-t-il contre la main qu’il avait tiré vers ses lèvres.

— I know, moque-t-elle en retour tendis qu’il échappe, à travers son sourire amoureux, plein de petits baisers papillons sur ses jointures.

Leur moment de romance est interrompu par le garçon qui leur amène leurs entrées et ils commencent à manger dans un silence relatif. Relatif car qu’il y a des échos, venant de l’étage, qui semblent rendre Even inconfortable. Il s’en excuse vaguement, d’ailleurs, parce qu’il lui avait promis une soirée tranquille, mais la vérité est que ça ne la dérange pas. Il y a comme quelque chose de familier, dans le fracas lointain, qui arrive presque à la détendre. Elle est donc sincère quand elle balaie son malaise d’un vague geste de la main.

Lillian. C’est sa voix que Victoria reconnait en premier. Pendant une fraction de seconde, leur expression est un parfait miroir.

Oh. Oh my.

— I did not expect to see you until tomorrow, Miss Faust. What a nice suprise.

Son ton est plaisant, mais Victoria connait assez son mari — et la réputation de Lillian — pour deviner qu’il est inquiet. Quant à la chevalière, elle est étonnamment blasée. Le rouge te va bien, convient même ses yeux qui longent sa silhouette.

— Faust, répète la jeune femme, indéniablement et manifestement étonnée.

Cette rencontre avait, comme la précédente avec Ambrose, le potentiel de ruiner deux ans d’infiltration. Elle trouve quand même cette perspective alarmante parce qu’elle n’est pas prête à ça, là, ce soir. Cela dit, c’est en sachant au moins que, cette fois, sa vie n’était probablement pas en danger. Se sentir plus en sécurité avec Lillian qu’autrement, moque-t-elle intérieurement, Victoria était probablement la seule personne au monde à pouvoir penser cela.

— Oh I'm sorry, I'm an art historian and you have a very interesting name, feint-elle à moitié pour expliquer sa surprise, now, where are my manners? It's very nice meeting you. I'm Victoria, the rat bastard in chief's bride.

Elle sentirait presque Even se tendre de l’autre côté de la table quand elle saisit diligemment la main de son amie de sorte à cimenter l’impression d’une nouvelle rencontre, ainsi qu’à leur convier à tous les deux son indifférence éclairée face aux animosités qui existent manifestement entre eux.

Ok. D'accord. Ça complique un peu la situation. Beaucoup la situation. Think fast. Think fast. Ok. Donc. Ce loser est là. Elle aussi. Qu'est-ce que ça implique. Option 1 elle a pèté les plombs. Possible, toujours. Probable, non. Option 2. Une mission. Oui. D'accord, beaucoup plus probable. Ne pas griller la mission est donc la priorité numéro 1. La rendre la plus inconfortable possible sans enfreindre la priorité numéro 1 est donc la priorité numéro 2. Je me frotte les mains ensemble et lui envoie un regard amusé en passant subtilement ma langue sur ma lèvre supérieure, imperceptible à son "Mari". Oh this could be good.

Problème numéro 2 cependant: Empêcher l'autre de trop me griller. Faust. J'aurais aimé éviter ça. Une excuse à deux ronds ne passera pas avec elle. Potentiellement, ça lui suffira, satisfaisant au pas. What's done is done, no use crying now. Heureusement, le connard est également professionel. Je doute fortement qu'il aille à l'encontre de la confidentialité de ses clients avec ses proches, aussi proches soient-il. Toutefois, ça rend le succès de la mission de l'italienne problématique. Si elle le fait tomber, ça pourrait révéler les identités des clients. La prudence indique donc qu'il faudrait me soustraire à cette opération. Oh non, un élan soudain d'alcoolémie me fait tomber un peu, m'accrochant à la table juste au moment où ma tête est au niveau d'Even.


As if I was risk averse. I want my money. J'enlève la poussière de ma tenue qui n'en a pas prise en me redressant après mes murmures, adressant un sourire radieux et 100% factice au "couple". This is gonna be fun.


Je dis en prenant une chaise directement malgré les protestations et m'asseyant triomphalement a leur table, bras et jambes croisées. J'ajoute subtilement une petite commande de o-toro au passage. Leur thon est à mourir. Et j'ai faim. Oui bon ok, j'ai TOUJOURS faim mais ta gueule.


Je me tourne vers elle, l'air faussement amoureux, mais définitivement narquois.

Il y a de jolies étincelles dans les yeux de Lillian qui terrifierait quinconce avec un tant soit peu de bon sens. Un coup d’œil vers Even permet de constater qu'il est déjà vigilant, mais qu'il savait mieux que de le montrer. Malgré lui, il s'hérisse un brin quand Lillian parle de la ramener à sa chambre d’hôtel. Il se racle même la gorge, prêt à rétorquer, mais Victoria l'arrête d'un petit geste indolent de la main. Ce n'est pas qu'il est jaloux, non - il est trop confiant pour ça - mais il peut se monter possessif et protecteur. Or, relation fictive ou pas - et Lillian étant secrètement son amante ou pas - Victoria n'était et ne sera jamais une demoiselle en détresse en besoin de sa protection.

— Well hold on a second, Miss Faust, interjette-t-elle avec un coulis d'ironie audible qui s'infuse à la texture autrement délicieusement onctueuse de sa voix amusée, I tough you didn't want to get fucked tonight.

C'est que Victoria avait depuis longtemps appris qu'enter dans le jeu de Lillian était la meilleure façon de ne pas se laisser entraîner dans le malaise qu'elle s'évertuait à provoquer chez les autres. Déjà, les pupilles de Victoria se dilatent parce que ça avait même quelque chose de grisant, en vérité, un peu comme le sont ces activités ludiques à haut risque qu'on pourchasse pour les endorphines.

— I work with artefacts and relics and I do like them, susurre-t-elle sur ce ton qui se serait davantage prêté aux mots d'amour, en lançant une oeillade discrete vers Even pour le désigner à Lillian, but to be perfectly candid, my current work environnement is shit. Not really what I signed in for to say the least.

Even demeure sur ses gardes. Il est attentif à leur échange, mais surtout fasciné du naturel avec lequel son épouse se penche maintenant vers l'autre femme. Il est assurément émerveillé - voire un peu plus amoureux de minutes en minutes - mais aussi de plus en plus inconfortable avec leur interaction.

— Actually, we were just talking about me quitting, ajoute-t-elle après un court silence enceint de son intention.

En parallèle, un garçon très stressé revient avec l'alcool et l'o-toro - tant de choses que Victoria ne peut pas consommer dans son état actuel - ainsi que les assiettes qu'ils avaient eux-mêmes commandées.  

— Anyways, enough about my work. What about you guys? My dear Even is sooooo secretive about his business.

— Victoria, intervient-il fermement, ce à quoi elle ne répond par un regard dont l’autorité tranchante sert à mieux lui couper la parole.

— But now I wonder, simule-t-elle, what possible arrangement he could have with a member of the Faust family.

Il y a, dans le ton qui pourrait être adressé à l'un comme à l'autre, quelque chose qui implique ce qu'elle sait, ainsi qu'un soupcons de reproche en lien aux secrets qu'on aura tenté de lui garder. La réaction de Lillian reste à voir, mais Even, pour sa part, se décompose un brin, un poing contemplatif devant son visage tandis qu'il fixe son épouse.

— We... will talk about this, avance-t-il prudemment, but not now and not here.

— Oh yes we will.

Son gloussement enamouré est une antithèse à la sévérité qui est sous-entendue. Tiens, se dit-elle, le fait qu'il lui relève son véritable travail pourrait être un motif raisonnable pour le quitter sans avoir à lui faire ses propres révélations. Comme quoi, c'est quand on lâche prise, parfois, qu'on trouve ce qu'on cherche. Elle clôturerait cette mission, dans tous les cas, mais pas en ignorant la mine inestimable d'informations et d'opportunités qui venait littéralement de s'ouvrir sous ses pieds au tout dernier moment.

— In the meanwhile, however, I do want to know all about you Miss..?

Ce serait étrange qu'elle refuse de lui donner son prénom devant Even, n'est-ce pas?

Oh she's fun. Rafraichissant, après cette semaine.


Je ris, un peu. Un peu parce que ça m'amuse, un peu parce que mes nerfs sont à bout et j'ai envie de briser des objets. Ou des os. Ou des gens. Par contre, voir ce raton agir comme un petit toutou obéissant, ça remontait un peu mon moral. Pas autant que de le fracasser, mais beaucoup moins que le gain en capital que j'allais effectuer. Et il me faut du capital. Les ingrédients rares, ça ne court pas les rues. Les brokers non plus. Il me faudrait un nouveau médecin spécialisé aussi, et pas associé directement à l'Ordre. Argent. Argent. Argent. Souillé ou pas, pas franchement mon problème.

Ce qui était franchement mon problème, c'était le nom de Faust. Il sonne -résonne- creux, amer. Un mal nécessaire pour s'infiltrer dans ce milieu souillé par le sang et la mort, mais pas pour autant un mal auquel j'arrive à m'habituer. Venant de sa bouche, c'est désagréable. Très désagréable. Trop désagréable.

Passer l'éponge, ça vaut mieux.


J'adresse moi aussi un coup d'oeil à l'autre interlocuteur, mimant de cracher par terre.


Je me retourne vers elle.


Je m'amuse. Beaucoup. Quoi? Pourquoi je suis aussi vulgaire? C'est une vraie question ou...? Sa gueule me revient pas, c'est tout. Moi? Jalouse? Haha. Pour être jalouse, il faut avoir peur de perdre. Et je ne perdrai plus jamais. Jamais.


Est-ce que j'ai dit ça trop fort tu dis? Les gens murmurent et nous jette des drôles de regards? Non non, je l'ai dit juste assez fort du coups.


C'est un peu hypocrite, je te l'accorde, vu qu'en l'appelant Rat Bastard in Chief, moi aussi j'ai vendu la mèche. Mon regard n'est pas enjoué.


Je me retourne vers Toria, l'air heureux, et délicat.


Mon visage s'assombri mortellement, pendant un instant, mais je reprend vite le contrôle.


Je prend une pause, et mon sourire disparait.


Je termine mon verre, en réclame un... 3ème. 4ème? 12ème? On perd si vite le fil, en bonne compagnie.

Sa première réponse, elle s’y attend, mais elle rit quand même. C’est un gloussement limpide et onctueux qui se tait très vite, mais qui se prolonge indéfiniment dans ses yeux souriants sous la forme d’un pétillement à la fois très vif et très tendre. Ce qu’elle voudrait répondre, hélas, ne pouvait se dire devant Even, ou au moins pas avec des mots. À la place, elle répond avec tout son corps : avec son visage, mais aussi avec sa posture qui s’assouplit sous le poids d’une volupté que Lillian connait déjà très bien. C’est qu’il y a indéniablement des éléments familiers dans cette situation; dans la façon dont elles sont assises et forcées à faire semblant, ainsi que dans leur manière de se comprendre, de se révéler des secrets — et de flirter tout à la fois — le tout sous le regard confus d’un homme qui ne peut même pas s’imaginer l’étendue de leur relation. Victoria ne sait pas si Lillian partage exactement son sentiment de déjà vu, mais il y a certainement, dans son regard suave, quelque chose qui se veut évocateur de leur intimité passée et qui est, tout en restant à une distance respectueuse, plein d’une proximité qui défie la l'écart physique. Il y a aussi, dans l’angle de son sourire en coin, un brin d’arrogance et de défi parce que la dernière fois, c’est Victoria qui avait eu le dessus, autant dans leurs échanges verbaux que charnels. Or, elle n'avait manifestement pas l'intention, aujourd'hui, qu'il en soit autrement.

— Very funny, lance Even, aussi fort que Lillian, avec en prime un petit rire un peu sec qui voudrait dissiper tout ça comme une mauvaise blague à l'intention des oreilles indiscrètes. En parallèle, il jette un regard désemparé à son épouse pour lui convier que rien de tout ceci n'était vrai... Évidemment, elle le sait. Non seulement elle connait Lillian, mais elle connait bien Even également. La drogue, ce n'était juste pas son style. Néanmoins, Victoria fait mine de le considérer longuement avant de lui accorder un petit battement de paupière qui lui permet de respirer. Elle fait un effort, après ça, pour paraître inconfortable à la mention du contexte familial. Après tout, toutes ces descriptions auraient eu de quoi la choquer si elle n'en avait jamais entendu parler auparavant.

— Believe me Miss Faust: one of you is more than enough, reprend-il distraitement au sujet de sa famille tandis qu'il soutient toujours le regard de Victoria. Avec une succession de mimiques et d’œillades amoureuses, il l'invite à s'attendrir, à sourire un peu malgré elle, immanquablement - ou au moins elle le prétendrait - par habitude.

Une simple déformation professionnelle, maintiendrait-elle en y croyant très fort.

— We met at the gym. He could just not take his eyes off of me.

— Neither could you, rit-il contre sa coupe de vin, manifestement plein de fierté.

— After three weeks, he finally found the courage to come up and ask me out, moque-t-elle, for a protein shake. 

— It worked, didn't it?

Pour toute réponse, Victoria adresse à Lillian un regard moqueur.

— It's been, what, two years now?

— Almost, yes.

Il y a un silence plein d'affection, au moins jusqu'à ce que la chevalière se retourne à nouveau vers l'autre femme.

— So, Lily, what about you? Is there a special someone you're gonna meet after this? 

Il y a un léger rictus, sur les lèvres d'Even, qui témoigne, d'à quel point il n'y croit pas. Les yeux de Victoria, pour leur part, expriment une interrogation sous-entendue qui n'a rien à voir avec la curiosité, mais plutôt toute l'intention d'une invitation.

Deux ans eh? Les patrons s'amusent bien, avec leurs plans à la con. Des fois, je me demande si ils savent ce que ça fait à la cervelle, le deep cover. Sacré bande d'irresponsables. Après, il y a quelques décérébrés qui sont faits pour ça.  Enfin, un décérébré. Ugh. Je suis sûre qu'elle s'en sort bien, ça c'est certain, vu ce qu'elle a été capable de me...

Bref. Bref. Par contre, je suis agacée. Agacée j'ai dit. A. Ga. Cée. Tu vois une syllabe en commun avec Jalouse? Le A? Le A c'est pas une syllabe. Ja c'est une syllabe. A c'est une lettre. Lettre. Non c'est pas pareil. Si ça change quelque chose. Non, ta gueule. Ta gueule. Je vais faire comme si je t'entendais pas, parce que c'est vrai. Connard.

RE BREF. Agacée. Oui agacée parce que- recommence pas - je suis pas particulièrement fan du regard qu'elle - NE RECOMMENCE PAS - lui jette. Non pas parce que- NON. NON. Oh eh puis merde. Ok j'arrête. Si c'est pour que tu réagisses comme ça tu mérites même pas que je continue le train de pensée.

...

....

......

Oui bon donc je me doute qu'elle est très douée et joue bien la comédie tout ça, mais elle a l'air un peu trop enamourée, et ça, c'est un problème. Pas PARCE QUE JE SUIS JALOUSE mais parce que cette ordure c'est du poison, et les longues couvertures c'est du pire poison. On peut pas rester si longtemps sans des séquelles. On s'entend, si séquelles il y a, c'est probablement chez moi qu'elles vont devoir être règlées - pas que ça me fasse plaisir vu que je ne suis PAS. JALOUSE. Mais c'est aussi dangereux, parce que lui est dangereux, et une erreur, ça arrive vite, et ça coûte cher. Non pas qu'il me fasse peur à moi parce que je pourrais broyer son crâne à deux mains là maintenant et d'ailleurs c'est excessivement difficile de ne pas le faire. Pourquoi? Parce que- ? Tu sais quoi? Crève.

À quoi ils ont pensé, les patrons? Sûrement à rien. Ça serait pas nouveau. Bande de- ... Ouais. Ouais.

Oh... Quand est-ce que c'est arrivé ça? C'est toi qui a broyé le bois de la table là où j'ai mis ma main? C'est tout fendu. Ça devait pas être une table très solide j'ai à peine mis de pression je pense. C'est du bois massif? Ah oui, c'est plutôt massif. Je devais être de mauvaise humeur. Je me demande pourquoi. Si t'as des suppositions, étouffe toi avec, c'est gentil merci.


Je prend une pause. Des images apparaissent devant mes yeux. Je n'aime pas ces images. Je n'aime pas ces images. Les fissures dans le bois se prononcent un peu plus. J'engouffre deux sushis d'une poignée.


......... Ma respiration devient un peu plus rauque. Ma tête se tourne vers Even. Lentement.


Je baille, et m'étire, tout sourire. J'essuie une petite larme de fatigue.

Uh. That's new.

J'essuie ma main sur la serviette de table, puis la repose, faisant attention de bien la mettre du côté opposé. Uh. Pourquoi la table est en aussi mauvais état? C'est pas très professionel, laisser ça comme ça. Où est-ce que j'en étais. Ah oui! Ah non. Pas là du tout. C'est pas grave! C'est pas comme si j'écoutais ce que je disais.


J'ai comme l'impression qu'il y a quelqu'un d'autre à notre table. Aussi comme un petit sentiment de déjà vu. Must be the wind.

Deux ans, c'est long. Encore plus quand on les passe en tant qu’otage d'un mensonge débordant de petites vérités. Sa relation avec Even était un chaos d'émotions complexes et de confusion; le fait de ne pas avoir pu en parler aux gens qui étaient sensés faire partie de sa vie n'aidant assurément pas la situation. En ces deux années, Victoria avait vu se creuser un faussé entre elle et ses proches; faussé que l'imposture avait fini par remplir en prenant les dimensions d'une nouvelle normalité.

Lillian aussi elle trouve que c'est trop, deux ans; il y a cet air dégouté sur son visage qui l'exprime bien. Ça, ou c'est la narration de leur rencontre qui l'irrite plus qu'elle ne le devrait. Elle a carrément l'air fâchée, soulève Victoria sans vraiment y croire. En parallèle, le bois craque et Even tire, presque imperceptiblement, sa chaise vers sa femme.

I've never been your toy, reproche son froncement de sourcil. 
You could not break me if you tried, défit son rictus arrogant.
And I won that fight, moque son sourire en coin.
Even if it was on a technicality, conclut un roulement d'yeux amusé.

Le bois craque à nouveau et cette fois, c'est pour l'interroger que se fronce l'arche de son regard. Toute plaisanterie écartée, la chevalière réalise que l'humeur de son amie s'anime au-delà de ses éclats habituels. La dernière fois qu'elle l'avait vue ainsi, en réalité, avait justement été à l'occasion qui venait d'être mentionnée et qui s'était sommée pour Victoria par de nombreuses ecchymoses et même quelques fractures. Ça ne l’effrayerait pas, en temps normal, si ce n'était de l'être fragile caché dans son ventre, ainsi que de la sécurité d'Even qui ne bénéficierait probablement d'aucunes merci. Even, qui, de plus en plus tendu lui aussi, interjette justement pour réponde à la dernière pique de l'autre femme.

— Of course not, il y a de l'indignation dans la voix de son mari face à l'idée qu'il pourrait vouloir lui faire du mal... Sauf qu'il lui en faisait, indirectement. En sa défense, il ne pouvait pas le deviner quand elle-même lui mentait depuis le début, et on ne pouvait le lui reprocher quand, pour sa part, elle s'apprêtait à lui fendre le cœur en deux. 

Peu à peu, il s'est approché d'elle, assez pour maintenant glisser un bras protecteur bas autour de sa taille. 

— And that's very generous of you, but that won't -
— Won't be my husband decision if it's a serious offer, in any case, tranche-t-elle en lançant à ce dernier un regard affûté.

Pour toute réponse, son étreinte se resserre un peu plus encore autour d'elle tandis que sa mâchoire se tend. Elle n'a aucune idée du danger dans lequel elle est en train de se mettre, se dit-il manifestement, et Victoria en rirait si elle le pouvait parce qu'il était assurément bien moins conscient du risque qu'elle. 

— If you were a living relic, I sure would like to study you, plaisante-t-elle tout naturellement, parce que l'humour, comme toujours, est le seul moyen qu'elle connait pour désamorcer les situations conflictuelles. 

— How about we eat now, propose prestement Even. Leurs assiettes à peine touchées, en effet, attendaient encore. Sa fourchette en main, Victoria prend une bouchée qui la fait presque gémir. C'est qu'elle avait toujours été expressive dans ses plaisirs - ce que les deux personnes à table sont d'ailleurs bien placées pour savoir - et se montrait tout particulièrement sensible aux saveurs depuis quelques jours. Deux bouchées plus tard, c'est avec peine qu'elle contient son extase.

— They must be using some sort of magical ingredient in here, dit-elle en accordant un clin d’œil discret à Lillian, cause this is out of this world.

Ma tête tourne. Je n'aime pas particulièrement la sensation. C'est comme si le sang dans mes tempes avait une pressante envie de me défoncer la cervelle. Très déplaisant. J'essaie d'avoir de la répartie et ouvre la bouche pour répondre, mais rien ne sort. C'est étrange, comme sensation, n'avoir rien à dire. Je cligne des yeux quelques fois. Je murmure quelque chose.


C'était pas cohérent, c'était pas des mots. Je fronce les sourcils et continue de me frotter les yeux. Peut-être que la sensation va partir si je frotte assez fort. C'est comme un vertige. Je n'aime pas le vertige. Surtout que j'aime les hauteurs donc le vertige c'est débile. Incohérent même. Oui. Oui. C'est incohérent. Incohérent. Incohérent.

C'est quoi ce goût métallique? J'ai la bouche sèche, si sèche. Je dois avoir soif. J'attrape le verre d'eau de Even et le bois d'un trait. Ça devrait passer. Oui oui. Ça va passer. Je respire. Inspire. Expire. Inspire. Expire. On va ignorer le goût bizarre à l'arrière de la bouche. Je continue de boire dans le verre vide, laissant les deux parler. Manger. Manger. Oui oui. Bonne idée. Je lève la main, délicatement. Un serveur arrive assez vite, un peu paniqué. Je vois pas de quoi il a peur. Je veux passer une commande, balbutie deux trois... sons... Ou pas. Est-ce que j'ai fait du bruit? Tant pis, je pointe vers l'assiette de sushi, faisant un petit signe de roulement, pour en avoir d'autre. Il comprend, je pense, et les apporte assez vite. Bon service. Brave gamin. Pourquoi la lumière est aussi forte? Pourquoi...

Oh... ça va mieux. Uh. Uh. Je tousse dans ma main, et n'ose instinctivement pas la regarder, la glissant secrètement sous la table. Ça va mieux. Ça va mieux. Respire. Respire. Respire. Ouf. En vrai ça a dû duré peut être 30 secondes, 1 minute... mais c'était pas génial. 2/10. Je préfère si ça le refait pas. Je ferme le poing, résolument, sous la table.

Ça a l'air bon, ce qu'elle mange. En tout cas, elle a l'air d'apprécier. Peut-être que je devrais prendre des notes. Il est jamais trop tard pour améliorer la carte de la maison. Même si notre nourriture n'a rien à envier à personne.

Il faudrait peut-être que j'y goûte, un jour.

Je suis pensive. Mon esprit est un peu tiraillé entre 4 5 choses. Distraitement, je continue à manger lentement, fixant mon assiette des yeux, et écouter, répondant par réflexe et par politesse le temps que je retrouve mes esprits.


Ah.

Ah.

Ah.

.......

Très, très lentement, je relève la tête, l'air un peu assomé. Je regarde Toria. Puis Even. Puis Toria. Puis Even. Even s'énerve, balbutiant quelque injure à mon égard. Toria réagit comme Toria.

Haha. Hahaha. HAHAHAHAHA.

Je pouffe. Je m'esclaffe. C'est trop. Leur visage. La situation. Le mal de tête. Oh putain j'en peux plus. Oh mon dieu. Hahahahaha c'est trop. C'est beaucoup trop. Regarde sa foutue gueule. Oh merde. Attend attend, on rattrape le coups c'est bon rien est perdu encore!


Impossible. Je pète de rire six fois plus fort. Je couvre mes yeux d'une main et tape du poing sur la table avec l'autre. Oh putain c'est trop bon. T'as entendu ce que j'ai dit? Quel bordel. C'est irrécupérable. C'est trop fort. Beaucoup trop fort. J'essaie de me calmer, mais plus j'essaie plus j'ai envie de rire. Respire respire respire.... Ok... Ok..... Calme... Caaaalme...


Je manque de repartir, mais réussi à récupérer mon rythme et me maîtriser à temps. Oh wow... Wow that felt good. Je lâche un soupir satisfait, et m'avachit sur ma chaise, sirotant ma boisson, recachant ma main sous la table pour le moment.


Je parle doucement, calmement, reposée. Don't ask me what the fuck we were talking about though.

Lillian ne va pas bien. Victoria le réalise maintenant pleinement, presque avec surprise. Ce n'est pas son genre d'ainsi perdre ses mots, ce que son amie ne souligne pas uniquement pour éviter de révéler leur relation à Even. Elle observe, néanmoins, avec un souci croissant et manifeste. Ça, ça passe, parce qu'Even lui-même semble un peu inquiet. Au-delà de son malaise, il le voit, lui aussi... Bien qu'il n'oserait pas le mentionner, peu importe les circonstances. En fait, il préfère manifestement ne pas s'y attarder: c'est probablement pour ça qu'il manque l'éclat rouge quand elle tousse, contrairement à Victoria qui, elle, suit le mouvement de main de Lillian. Son regard tombe, ainsi, sur la serviette de table mal dissimulée, abandonnée, sur laquelle fleurit une autre effusion écarlate. 

L'inquiétude sournoise lui martèle la gorge, lui irrite la langue. Victoria n'a envie, sur l'instant, que d'ouvrir la bouche pour intervenir auprès de son amie. Ses lèvres s'entrouvrent, finalement, mais aucun mot ne surgit. C'est que sur la table tombe la stupeur, ainsi que le poing désemparé d'Even. Si Lillian avait parlé de magie sur un ton léger, un peu comme elle l'avait fait au sujet de drogue, peut-être qu'il aurait à nouveau pu balayer le tout comme une mauvaise blague. La confusion authentique de l'autre femme, néanmoins, ainsi que sa réaction subséquente ne laisse que peu d'espace à cette option. Il y a de l'ironie, sans doute, dans le fait que c'est avec un rire qu'elle confirme tout le sérieux de ses paroles. 

— Damn it Faust, lâche-t-il presque doucement en contraste à la frustration violente qu'il ressentait. 

L'attention d'Even, à son tour, passe d'une femme à l'autre. Ça tourne, dans sa tête; dans un silence relatif, on en entendrait presque les engrenages hyperactifs. Il inspire, une fois, puis deux, comme s'il avait voulu prendre la parole avant de se raviser.

— Victoria, I ... 

Elle a de l'empathie pour lui, à ce point-ci. Elle lui sourit même doucement, un instant, quoique sans jamais baisser ce menton impérieux, levé vers lui comme il l'est toujours lorsqu'elle attend de quelqu'un rien de plus qu'une entière honnêteté.

— This must sound so crazy, it's not ... It's ...
— Just tell me, Even, exige-t-elle calmement. 

Les yeux de son mari l'observent, lourds d'hésitation. S'il lui avait menti jusqu'ici, ça avait toujours été par omission. Mentir sciemment à sa femme était, en contrepartie, une chose à laquelle il ne voulait juste pas se résoudre. Il ne sait pas quoi dire, donc, mais il y avait aussi autre chose: un questionnement, soudain, qui s'infuse dans son regard clair jusqu'à les éclairer d'une réalisation limpide. 

— You are waiting for me to tell the truth... But you're not trying to find out what the truth is, are you? 

Les yeux dorés de Victoria se ferment, sans doute juste un peu trop longtemps.

— Because you already know.

Ils se connaissent juste trop bien pour se cacher quoique ce soit, en fait. Essayer de prétendre ne la rendrait que plus suspecte.

— I do. A little. Yes. 

La prudence s'entend dans sa voix et leurs regards se croisent. Prenant le verre d'eau que le serveur lui amène, sa posture se détend après avoir été longtemps tendue. C'est à son tour de rire sobrement, dépité, mais aussi presque soulagé.

— Looks like I'm not the only one who has some explaining to do.

Avec l'ombre d'un sourire aux coins des lèvres, il observe Victoria, attentif. En retour, les sourcils de cette dernière se haussent et elle glousse.

— I'm a an art historian, my love, rappelle-t-elle sur un ton moqueur, I work with old artecfact all day. Magical properties, murmure-t-elle pour ne pas être entendue, avant de reprendre plus fort, are part of my job as much as color theory.
— You never talked to me about it, tente-t-il de lui reprocher.
— No, and I've never talked to you about color theory either, réplique-t-elle, rapide, mais pas sans croiser les bras avant de réaliser que c'est un peu trop sur la défensive.

Pour sa part, il ricane sèchement en venant toucher le tatouage, sur son poignet, mais elle respire et elle rejoint son rire en s’efforçant d'être pétillante pour qu'il s'adoucisse.

—...Did you knew I knew? tente-t-il prudemment.
— There's an enchanted trident in our living room, ironise-t-elle, of course I knew. I did not know it was such a big part your work, however. Nor what kind of work you did, whilse we are on the subject. Maybe, continue-t-elle en jetant un coup d’œil évocateur vers Lillian, I should have asked before marrying you.
Now: you talk, mister. No more secrets.

Après tout ceci, Lillian - ainsi que son sang - était encore bien présente dans son esprit. Il fallait juste qu'elle évite la catastrophe que cette dernière avait provoquée en priorité. Jusqu'ici, ça semble allez en sa faveur: Even reprend même cet air coupable, comme un enfant qu'on aurait surpris en plein méfait.  

— Once again... Not here. Once we're home. And you know what? Maybe we should get going.

Il y a un silence.

— ...But I wanted desert. 
Ils se mesurent, un instant, avant de pouffer de rire à l'unisson. 

. . .