Olivia poussa la porte de l’Aquarium avec l’idée de monter en ligne directe dans sa chambre, d’aller s’écrouler sur son lit et de dormir dix-huit heures d’affilée. Le partage de son temps entre Londres et Old Fyre était éreintant, et à cet enfer de trajet en charter s’ajoutaient les études de médecine et des examens qui approchaient. Alors la seule chose qu’Ollie désirait, à l’instant, c’était son lit.

Mais une fois la porte refermée dans son dos, et le bar animé s’offrant à elle, l’objet de ses désirs devint une bonne bière bien fraîche, pétillante et douce-amère. En plus, elle dormirait probablement mieux après avoir bu une bonne bière.

La jeune femme avisa un tabouret libre au bar, alla s’y asseoir et demanda une pinte à Tullio qui était de service ce soir-là, avant de croiser ses bras sur le bois et d’y poser sa tête. Quelques autres personnes étaient là, les poissons volants naviguaient entre les têtes et les lampes, le brouhaha de la salle, mélangé à l’ambiance musicale, était suffisamment fort pour l’empêcher de sombrer directement dans le sommeil, sans pour autant lui filer la migraine. Et le lieu avait en plus l’art de lui rappeler la maison, l’ambiance des pubs anglais dans lesquels elle avait l’habitude de traîner quand elle était à Londres, les poissons volants et les habitués parlant de leur dernière chasse aux gobelins en plus.

Si elle n’était pas mauvaise langue, elle pourrait dire qu’elle trouvait vraiment l’Aquarium agréable, qu’elle aimait bien le bruit incessant qui en émanait, les gens ayant bu un verre de trop qui haussaient la voix pour prendre l’avantage dans un débat sans queue ni tête, la joie assoiffée qui se répandait, se communiquait de l’un à l’autre, les éclats de rires, le bruit sec des verres vides que l’on posait sur les tables sans la moindre délicatesse, les noms d’oiseaux qui fusaient en signe d’affection. C’était comme si, l’espace d’une soirée, des inconnus formaient une famille en partageant leur lieu de détente. Et ça lui faisait du bien. Mais là, tout de suite, Ollie était crevée et elle suintait la mauvaise foi. Alors ce soir, le lieu était envahissant, bruyant, oppressant et désagréable… Du moins tant qu’elle n’avait pas bu sa première bière, que Tullio venait justement de poser devant elle.

- Merci, tu es un ange !

Elle enroula ses mains autour du verre glacé sur lequel la condensation perlait, et observa la mousse blanche se désintégrer particules par particules, avant de le porter à ses lèvres et d’en boire une longue gorgée.

- Ça fait tellement de bien !