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Rien ne s'ébruite, hors de Vegas. Ou plutôt, tout se perd dans la cacophonie, dans le vrombissements des voitures, l'achalandage des commerces et la fissuration des voix qui font vibrer la ville. La tour Eiffel est cette simulation grandiloquente qui voile son regard d'or. Sa tresse balançant sur son pectoral, Ambrose remonte le long du boulevard que Sandro a su lui indiquer. Quelque part, dissimulées parmi les artifices qui vitalisent la cité, sont cachées des centaines d'ulmites attendant d'être vendues au plus offrant.

Une poignée d'échantillons ont été exhibés dans l'un des marchés noirs côtoyé par le sorcier, testament de la qualité de la cire et du miel vendus par les contrebandiers. Ce n'est qu'en se hâlant parmi la clientèle, attendant, écoutant aux portes, qu'il lui fut possible d'avoir vent d'une quantité de créature retenus contre le gré quelque part dans le désert de Mojave à Las Vegas. Là où les produits dérivés sont des denrées avec lesquelles Ambrose apprécie travailler, la cire d'ulmite étant particulièrement utile dans le cadre de certains de ses échanges avec son partenaire, rien n'a plus de valeur que la trace magique d'une créature en elle-même.

Ambrose se veut parfois être un savant  et les savants, les meilleurs d'entre eux, expérimentent.

Faire ce que Sandro qualifie de 'sale boulot' ne lui a jamais déplut.

L'orbe de distraction, artefact subtilisé aux affaires  de sa défunte génitrice, est calé au fond de la poche de son blouson. À peine plus grosse qu'une balle de tennis, Ambrose la triture de ses ongles.  Selon les informations récoltées par SEE, le réseau de traque à élu son domicile temporaire dans les sous-sol d'un casino barbouillé de violet, de bleu et d'ocre. Le Babylone.  

Entrant dans le bâtiment, Ambrose ne peut entièrement réprimer son sourire. Son orbe de distraction lui permet de passer les surveillances et de pénétrer l'enceinte sans s'encombrer des frais d'entrée. Personne ne l'attend, personne ne le cherche et, incidemment, personne ne le verra.

Une odeur de cramé, un néon qui a brûlé, lui souhaite la bienvenue. Il contourne les machines à sous qui accueillent les joueurs, traçant une ligne directe jusqu'aux portes qui picorent le mur du fond. Ses chaussures s'illuminent, se cintrant sous l'éclairage tamisé qui prédomine. Sa peau se veloute comme une nuit constellée de galaxies violacées. Les tables de black jack sont ces concertos de secrets hasardeux et numériques que, dans d'autres circonstances, Ambrose tenterait de dompter. Cet instant de la soirée, toutefois, est dédié aux affaires.

Rien ne l'empêche de célébrer sa pêche dans un autre casino, plus tard. Il jauge le bar du regard, glisse ses prunelles sur le comptoir miroitant, aiguillonne un barman au complet doré de ses prunelles. L'une des portes est encadrée par deux hommes qui se démarque par leur sobriété. Pas de couleurs vives, que du noir et des chemises bien droites à peine pressées.

Ambrose trouve cela presque trop facile. Ses prunelles claires, rendues multicolores par la violence des néons, se déposent sur l'alarme d'incendie qui trône près des toilettes. Il doit trouver une diversion, car aucun des enchantements en sa possession ne sont en mesure couvrir une porte qui s'ouvre sans qu'il ne se fasse remarquer.

Il patiente, un petit moment, tapis dans la lumière onéreuse du Babylone, cherchant  une ouverture propice à le laisser traverser cette porte sans attirer l'attention. Puis, félicité, leprechaun, chance, la porte s'ouvre d'elle-même et ses lourds gonds ne se referment pas tout de suite. Les hommes s'écartent, escortant un drôle d'individu, bouc blanc tressé et serti de pierres précieuses, jusqu'à l'extérieur. Ambrose lui jette un regard, enregistre son visage, mais ne perd pas de temps. Il fonce, dépasse l'embrasure de la porte et s'engage dans un couloir. Le béton claque derrière lui.

Il plisse le nez. La chance dont il fait preuve jusque là à presque fait de l'angoisser, mais il n'est pas assez prudent, assez idiot, pour la refuser.  Il progresse dans un long couloir, lumières de sécurité éclairant son avancée en se disant qu'il trouvera une parade pour assurer sa sécurité en temps venu. Il ne croit pas être attendu, mais que ce serait une existence sans surprise ?

Il entend un bourdonnement et se demande quelle genre de propriétés magiques les os des ulmites pourraient avoir, quel genre d'artefact de tels ingrédients pourraient faire naître entre ses doigts. Il entend les bourdonnement, ainsi qu'un autre son, moins caractéristique, moins précis, une sorte de plainte longue, ululée. Quelque part, dans un endroit sûr, les cliquetis d'une montre s'accélèrent.  
Y aurait-il davantage que des ulmites, ici ?

En voilà une surprise.

La tension est palpable. Les lumières aussi tamisées qu’agressives du Babylone dévoilent les gouttelettes de sueurs perlant sur le front de tous et chacun. Sur la table usée par le temps, une montagne de jetons comme peu ont l'occasion d'en voir. L'attroupement de gens autour de la table ne faisait que croître de minute en minute. Les mots "High Stakes Blackjack" écrit sur le petit panneau lumineux éblouissent.

Même le croupier, jeune et inexpérimenté, sa chemise réglementaire mal boutonnée, restait fébrile, et ne soutenait plus le regard perçant, persistant de l'illustre inconnue en robe rouge sur la table de laquelle il avait atterri il n'y a de ça que trente interminables minutes, prenant la relève de son exténué collègue. Les gens, bruyants et riant il n'y avait de ça qu'une panoplie de minutes-

Panoplie de minutes, oui, c'est comme ça qu'on dit, laisse moi terminer, merde, tu râleras après.

étaient désormais bouche bée, pendus au spectacle qui s'offrait à eux. Flottant au dessus du- c'est du velours le truc vert sur les tables? Right? Je suis pas conne? Répond pas à ça - velours vert de la table, la poussière dansait, virevoltant dans l'atmosphère étouffante du casino.

L'inconnue fixait le jeune croupier, carnassière, ne jetant même plus un œil à ses cartes. Devant elle, un 8 et un 9, abîmés par l'usure - usure que j'ai déjà sortie plus tôt, faut suivre - et dans sa main droite, un verre de martini à moitié vide, l'olive toujours sur le bord.

En vrai j'ai tellement envie de la bouffer l'olive mais ça casse le tableau. Je peux pas et me mordre la lèvre sensuellement ET bouffer une olive discrètement en vrai ça le fait pas. En plus c'est chiant quand tu bois, parce que c'est pas cool de se prendre le cure-dent pendant sa gorgée. Ça les casse un peu parce qu'il est bon leur martini. Faudra que... Oh. OH! Attend j'essaye un truc.

L'inconnue saisi délicatement le bâton, de son verre, utilisant son autre main et recentrant son verre et place l'olive délicatement (Deux fois!) sur sa langue, avant de serrer les dents et retirer brusquement le bâtonnet.

Et là, tu vois, je commence à parler. Ca fait genre "amorce", ça casse silence et tout. Ça a du style. En vrai elle est dégueulasse l'olive j'aurais pas dû. Bon et puis merde c'est fait c'est fait je peux boire mon verre tranquille maintenant me fait pas chier.




Le croupier pointe timidement son badge, et murmure sans grande assurance.







Elle continue sur sa lancée.




Le groupe autour de la table boit les paroles de l'inconnue. Son allure impeccable, son maquillage et son rouge à lèvre finement appliqués, soignés, sa magnifique robe hors de prix (Non, vraiment, hors de prix, je te jure celui qui me nique la robe ce soir je lui défonce le c-), sa forme voluptueuse et athlétique, lui donnent cet air surnaturel, hypnotisant qui fascine tout ce public.

Tu penses ils ont remarqué que j'ai bouffé du bois avec l'olive?




... ... ... ... ... ... ...









Petit rire de l'audience.



L'inconnue approche son visage, menaçante.




Elle se lèche la lèvre supérieure, lentement, dangereusement.




Elle recule faisant un geste vers les jetons posés devant elle.




Silence. Regards. Murmures.

Et puis, finalement, fatidique.




Étonnement, les murmures s'accélère, la tension est à son paroxysme.

Le croupier déglutit...... Retourne la carte...

......... REALLY!?! BOOYAH!!!!! What's that about "the house always wins"!? Who's the house now, BITCH?

La foule s'agite, stupéfaite de voir le 3 de pique se glisser à coté des deux autres cartes. L'inconnue tape dans ses mains, ne pouvant contenir sa satisfaction de voir son geste de folie payer enfin. Souriante, confiante elle fait signe de la main qu'elle reste sur son 20, brillante de fierté. Puis, se levant à moitié de son siège pour regarder la carte que le croupier aux multiples noms allait retourner, la foule suivant le geste, se penchant un peu plus au fur et à mesure que la main tremblante se rapprochait de la carte face cachée.... et.........

Tonnerre de cris et d'applaudissement, tandis que le valet de cœur est révélé.

Les jetons sont avancés, puis convertis.

400$ de pourboire sont avancés vers le jeune homme. Et un clin d'œil qui en dit long.




Ahhhhhh, et boom 30 000 $USD . Man I fucking love Vegas. High roller baby! Heureusement qu'ils étaient pas là y a 3 heures quand je me suis fait poutrée à roulette. Ça monte les gains à quoi? +1100? C'est cool, j'ai déjà payé la robe et les chaussures assez chères comme ça, ça m'aurait grave saoulée de perdre encore du pognon. C'est pas tous les jours que j'ai de la chance au Blackjack, on va en profiter! En plus j'ai assez bu pour penser que jouer une fraction assez énorme de l'argent de l'Aquarium dans l'année c'était une bonne idée alors ça aurait pu mal finir! Toute façon, c'est pas pour ça qu'on est là, pas vrai?

Leur cargaison, c'est bien plus rentable qu'une bonne main de Black Jack. Si j'arrive à mettre la main dessus... C'est fou ce que le nom de Faust m'ouvre encore comme portes. Ça a des avantages, venir d'une famille de sacrés fichus enculés. Vues toutes les enflures avec qui j'ai fait affaire quand j'ai vendu les biens familiaux et tous les gens mal famés qui ont des dettes pour moi, on apprécie de se faire mettre au courant de ce genre de bons coups. Ahh, des ulmites. C'est classe les ulmites. Oui bon, ok, je me souvenais pas de ce que c'était, mais avec les ingrédients qu'il y a là dedans je peux te faire de ces trucs... C'est de l'or pur ces machins. De l'or pur.

Quoi? Et est-ce que maintenant je me souviens de ce que c'est qu'un ulmite?

Bien sûr que je m'en souviens, t'as d'autres questions cons comme ça?

Et si je m'en souviens, qu'est-ce que c'est?

Bah c'est... C'est... uh... Oh et puis arrête de casser les couilles aussi, ça va quoi, t'es la police maintenant? C'est dans le bouquin de potion et puis c'est tout. Je m'en fiche de savoir si ça vole ou si ça chante ou si ça pleure. Si des braconniers à la con ont réussi à en capturer autant et qu'ils prennent ce risque, c'est que ça vaut le coup. C'est pas des gens qui se déplacent pour des petites sommes.

Le Babylone... En vrai, c'est un repaire de bandits pas croyable. C'est bien fréquenté, étonnamment, mais peu de gens qui sont ici savent vraiment où ils sont...

D'ailleurs moi non plus, sinon ça ferait pas 4 heures que je suis en mission de reconnaissance...

Et qu'est-ce que j'ai appris pendant les... 4 heures de reconnaissance? .... Bah déjà que.... Bah... Les martinis sont vraiment bons... et... Uh... Ah- yes, thank you, keep the change. Comme je disais, vraiment bon, don't judge. Et que... Que.... Mais putain lâche moi aussi!

Bon ok, je suis venue à Vegas en vacances. J'avais absolument aucune idée qu'il se trafiquait quoi que ça soit ici. J'aurais même préféré qu'il se passe rien ici! J'ai pas que ça à foutre moi! ...Ok, si, j'ai que ça à foutre mais ferme là. Bon! Du coups voilà, je réserve mon hôtel, je prend mon avion, atterri, je fais mon shopping, pas de problème. Et puis - formalité - je me donne bonne conscience en allant voir ma source... Et là il me balance les... uku-machin là. Mais je m'en fous moi des uku machins! Complètement! Alors je regarde le grimoire et.......

Et ouais en fait je m'en fous pas des uku-machins....

Alors je viens ici quand même pour voir si je peux pas apprendre un truc, et vu que je me fais chier je joue un peu... beaucoup....

Oh et puis merde! Je m'amuse au lieu de bosser go fuck yourself aussi tu vas pas me faire un procès non? En plus t'as vu ce que j'ai fais à la table de Blackjack!? Motherfucking Casino Royale up in here!

...Wait...Who... Who's the old guy down there?... Ah fuck, is that the guy? That's the guy... C'est quoi ce look kitsch aussi on dirait le type il s'est pris pour un warlock de Donjons et Dragons les sorcier ils ont plus cette tronche là en 2019 l'ami. De nos jours on peut faire de la magie sans essayer d'avoir la tronche de Merlin.

Du coup... Si il sort par cette porte gardée... c'est que y a de bonnes chances que les uku...ulu... uli... les ulysses soient cachés la-bas... Ma source m'a dit que le Babylone c'était un front donc ça confirme ce---

Regarde ce que t'as fait! Je boss maintenant! Tu niques mes vacances t'es content!? Maintenant je vais être obligée de- regarder l'aquarium. En vrai, c'est assez impressionnant comme variété de poissons. Ça doit être grave pénible à entretenir en plus. En même temps c'est pas étonnants que des braconniers et contrebandiers aient accès à des espèces de poissons rares. Ceux-là sont pas magiques en tout cas. Si ils ont des magiques ils sont probablement derrière la porte av-

....

........

............

Mais qu'est-ce que je m'en contrefous de l'aquarium.

Attends.... Pourquoi je regardais l'aquarium? Je voulais faire attention à la porte non? Parce que c'est là que....

.....

Oh putain je viens de me faire niquer c'est ça? Oh putain oh putain oh putain ça va pas se passer comme ça. Oh que non. Je suis Lillian Stingray, et je- oh, thank you, yeah yeah, keep the change it's all good, have a good night.

Ah.... qu'ils sont bons leurs martinis... Ok! Let's go kick ass! Plan B!

C'était quoi le plan A? Bah... uh...

Plan A!

Comment on passe les gardes... sans leur défoncer la gueule...

Si je les- Ah oui non, ça c'est juste leur casser la gueule en fait. Par contre si je- Oui non la même chose du coups mais en plus dégueulasse. Putain c'est dur d'être une diplomate. Bon... Oh... Oh! Du génie! Du. Génie.

***




Et hop, on murmure les graines de la discorde. Ce type m'a draguée deux fois depuis que je suis arrivée, et pas que moi. En plus bourré comme il est à ce stade il va probablement pas remarquer le grand type avec le tatoua- OUCH!

...Well that was violent. Lowkey feel bad now.

....Ow.... Ah- Ahhh, AH! Aïe! Oui bon, il a dragué ta femme ça va mais y a pas non plus besoin d- OU PAS ok apparemment y a besoin je juge pas je jug- putain elles saoulent ses chaussures. Voilà ok, la sécurité intervient et- OWWW! Dommage que je doive passer derrière la porte en douce parce que en vrai j'ai vraiment envie de voir la suite maintenant. C'est comme regarder un train dérailler - horrifiant mais étrangement fascinant.

Dure la vie de voleuse de urlubellules. Ah et puis merde! J'ai mal au pied droit. Je la garde à la main cette chaussure j'arrangerai ça tout à l'heure.

Bon. Couloir. Y a encore les bruits de bastons et les plaintes de douleur derrière la porte... Oops!

Bon on va pas s'attarder ça serait débile de me faire repérer maintenant. Ukuleles, here I come! J'avance! Confiante, et mon martini à la main! Ils sont tellement bons, ces martinis. C'est marrant, le bruit alternatif d'un pied nu et d'un talon sur le sol. Il est froid leur sol. Je me plaindrai à Gandalf si jamais j'ai l'occasion de le revoir. On accélère un peu,  j'ai pas envie de...

De... croiser quelqu'un. J'ai beau essayer de regarder ailleurs il est quand même la le type il va pas disparaître y a pas 36 000 endroits où se cacher dans ce couloir.

...Think... Think of something clever, quick...

Martini et talon en l'air dans la main droite - en prenant une gorgée au passage. Petit clin d'œil charmeur.



.....Perfect.

Tu penses que ça l'ennuie si je bouffe l'olive?

Lillian Stingray.

Malgré les ombres brusques que les lumières de sécurité projettent sur son visage, malgré l’absurdité de la robe et du martini, malgré le fait qu’ils se trouvent à des kilomètres du bar qu’elle préside, il ne peut que la reconnaître. L’artefact qui pulse à son bras, celui qui résonne contre sa poitrine, des mystères mielleux qu’il a souvent contemplé de loin, à mi-chemin vers un sommeil alcoolisé qui le couperait momentanément de la situation détestable qu’avait été le fait d’appartenir à l’Ordre des chevaliers de l’Aube, ne ment pas. Il n’avait jamais manifesté son intérêt, peu enclin de révéler sa nature aux habitants d’Old Fyre. Des regards prudents, voilà tout ce qu’il s’était accordé.

Le fait demeurait qu’un tel attirail passait difficilement inaperçu aux yeux d’un sorcier.

Il la jauge, bien conscient du fait que son orbe de distraction ne peut créer d’artifices supplémentaires à regarder. Elle le fixe, elle le voit, et Ambrose se doute que le charme de sa balle vitrée a été rompu. Ne serait-ce que pour le moment.  Les traces magiques des ulmites – et de quelque chose d’autre ne l’oublie pas – se mélange à celles dégagées par Lillian, si bien qu’Ambrose ne peut que se rabrouer de ne pas l’avoir remarqué plus tôt. Son passage à l’intérieur du casino jusqu’à la porte menant vers les sous-sols fut bref, mais – fuck – il s’agit de son job. Il aurait dû la remarquer.

À moins qu’elle soit entrée à sa suite. À moins qu’il soit simplement en train de paniquer. Elle n’est pas venu mettre un terme à son business, simplement à celui qui se passe dans cet immeuble. Il peut encore rattraper le tout. Certains des chevaliers sont corrompus. Tout n’est pas rose, arc-en-ciel et papilllons.

Calm down.

Son air constipé mute en quelque chose de plus posé. Il considère la tenancière de l’Aquarium, le verre dans sa main, l’éparpillement douteux de ses chaussures et espère qu’elle ait suffisamment consommé d’alcool pour qu’il soit plus facile de la doubler sans s’attirer d’ennuis ou se faire démasquer. Si quelqu’un de l’Ordre en venait à réaliser qu’il comptait se servir à même les stocks illégaux de trafiquants de créatures magiques, tout ce qu’il avait passé des années à créer pourrait être amenés à s’écrouler. Et là où il sait comment recommencer à zéro, il  craint que les choses soient plus difficiles pour Sandro.

Il désigne la porte qu’ils ont utilisée pour rejoindre le couloir du menton.

« You’re more likely to find the bathroom the way you came from. »

Il ponctue ses paroles d’un clin d’œil qui n’a rien de charmeur, une réponse stoïque à celui qu’elle lui a balancé. Les traces magiques qui émanent des artefacts rattachés à Lillian sont plus marquées que dans ses souvenirs. L'un d'entre eux, du moins. Son regard, malgré lui, ne peut que le trahir. Il glisse, curieux, méticuleux, s'attarde sur sa poitrine.  Ses lèvres s’entrouvrent, sa paume se resserre sur l’orbe qui traine toujours au fond de la poche de son blouson.

« But I assume you’re here about the trafficking. »

La route la plus simple est celle qui lui permet de se draper dans les vêtements du bienfaiteur. Un mensonge fourmille au fond de sa gorge. Il s’imagine les explications qu’il lui servira si elle les lui demande. Il ne sait pas si l’Ordre a rendu sa disparition publique, il ne sait pas si son départ a été remarqué, mais une rumeur s’entend n’importe où et c’est une rumeur qui l’aura mené dans l’antre de la bête.

I’ll make it up as I go.

« I thought you were not an active member of the Order. »

Il tâtonne à l'aveugle. Pour sa défense, il n’avait jamais particulièrement cherché à comprendre les rôles assignés aux gens n’étant pas en mesure de lui donner des ordres directs. À ses yeux, Lillian avait pour profession de s’occuper d’un bar… pas de chasser des gens en plein milieu du désert. Peut-être s’était-il trompé, peut-être aurait-il dû faire davantage attention à ce qui se passait autour de lui.

Too late.

« This...  probably is not the best place to have this conversation. I don’t know how long it’ll be before they notice us. »

Un soupir, quasi-muet et ses talons qui se tournent pour montrer son dos à Lillian. Il s’engage le long du couloir avec la ferme intention de trouver, au minimum, une alcôve dans laquelle se planquer le temps de s’assurer que la barmaid n’est pas ici pour le poignarder. Ce qui serait ironique, considérant qu’il a le dos tourné au danger qu’elle est susceptible de représenter. L’immobilité, dans tous les cas, représente un danger et il préfère mener son travail à bien avec un membre de l’Ordre sur les talons plutôt que de se faire coincer par les trafiquants sans rien avoir à se mettre sous la dent.

Il trouvera éventuellement un moyen de se débarrasser d’elle.

Il jette un regard soucieux par-dessus son épaule pour vérifier qu'elle le suive.