Don't blink # Cy

Mar 18 Mai - 16:39

Il soufflait un air de tranquillité dans ce temple. C'était trop calme en réalité, et tandis qu'il observait ce joueur de flûte, le doigt d'Emanuel s'agitait pour battre un rythme qui n'existait pas sur la toile de son pantalon.

Le Japon était beau et dépaysant. On pouvait même se demander ce qu'il fichait là alors qu'il était mandaté par l'Ordre pour une mission des plus importantes, mais...Ce n'était pas sa faute si son attention avait soudainement été détournée des Darumas par le son de cette flûte ? On ne pouvait savoir s'il avait commencé à s'intéresser réellement à la mission et avait été interrompu dans son devoir par le son de la flûte, s'était figé devant durant des minutes (ou des heures).

Son visage était concentré sur le son de la flûte, mais il rêvait en réalité de tenir une guitare entre ses mains et de faire émerger des sons tout à fait improvisés. Lorsqu'une voix se mêla à la musique, Emanuel sembla se réveiller d'un songe qui avait sûrement duré des heures, il secoua la tête de gauche à droite, puis posa la main sur son front chaud.

Qu'était-il venu faire, au juste ? N'était-ce pas une histoire de trucs bizarres qui apparaissaient ils ne savaient où, il ne savait comment ? Ça ressemblait un peu à l'affaire à laquelle il avait été mêlé en Italie, mis à part que cet élément, des plus exotiques, l'avait rendu si perplexe (et puis l'absence pour le moment de créature charmante n'avait rien arrangé) qu'il avait évité à venir. À vrai dire, Emanuel ne s'était bougé que lorsqu'il avait compris que Cy, chevalier émérite de l'Ordre et accessoirement son meilleur ami.

Une mission avec Cy, c'était la promesse de soirées enflammées, de chansons jusqu'à plus soif dans des karaokés et de battle de musique. Emanuel ne pouvait pas refuser une telle mission, même aussi bizarre que celle-ci.

Et pourtant, des Darumas, il y en avait partout. Depuis qu'il était arrivé, il n'aurait pas pu les manquer, des colorés, petits et discrets, monopolisant parfois chaque centimètres des toits japonais. Dans ce temple y compris.

Au toucher, ils avaient pourtant la légèreté du papier mâché et semblait si normaux et pourtant, on ne pouvait s'empêcher de ressentir ne serait-il qu'un brin d'appréhension en croisant ce regard étrange.

Leur nombre était suspect, et en ce retournant, alors qu'il regardait la joueuse de flûte quelques secondes plus tôt, Emanuel eut soudainement l'impression qu'ils étaient beaucoup plus nombreux qu'à son arrivée.

Il arrêta de tapoter son pantalon, une concentration certaine se lut dans ses yeux alors qu'il tentait visiblement de réfléchir au possibilité qu'il pouvait exister.

La flûte se tut et la menace devint réelle.

Ils étaient tous là, immobiles et silencieux, Emanuel ne bougea pas d'un pas.

Il ne clignerait pas des yeux.

Lun 12 Juil - 5:10

Le Japon. Ce n’est pas exactement un pays qu’il connaît bien et ce n’est pas non plus un endroit où il passe inaperçu, avec sa tignasse blonde -même à moitié cachée sous une casquette- et ses tatouages apparents aux limites du t-shirt simple qu’il porte aujourd’hui, mais le voyage ne lui déplaît pas. Tout est assez fascinant autour de lui pour faire de monsieur Thorne un touriste agréable, un homme qui regarde partout autour de lui avec un vague sourire, et non pas un golem de ronchonnements.
Pourtant il s’agit bien d’une mission pour l’Ordre. Ils doivent trouver la raison pour laquelle des armées de petits personnages colorés apparaissent partout, c’est du sérieux, c’est en lien avec le surnaturel et la vie des habitants de la région pourrait être en jeu mais… Mais voilà, il est là dans un pays inconnu et très différent des étendues froides où il vit habituellement, et il est avec Emanuel. Comment pourrait-il être grognon dans ces circonstances ? C’est presque un cadeau, cette opération. Peut-être que l’Ordre -ou son père- veut se faire pardonner des dernières assignations subies.
Le pire c’est que ça semble marcher.

Là par exemple, il observe le plafond du temple avec beaucoup d’intérêt, laissant les notes de flûte le bercer. Il y a des darumas entre les poutres, tiens. Et un en équilibre la tête en bas. Marrant. Il lui arrache un sourire qui ne devrait peut-être pas être là : après tout ce sont des dangers, ces petits bonhommes moustachus, mais il a l’air tellement comique placé là, comme collé par les pieds… Il en faudrait plus dans cette position. Ce serait hilarant.
C’est au moment où Cy se fait cette réflexion que la flûtiste cesse de jouer. Il redescend donc le regard, se concentre de nouveau sur ce qui se passe à hauteur d’homme. Tiens, n’y a-t-il pas plus de darumas… ?

- Hey, Týr ?

Il ne bouge pas, alors le coude osseux du Consultant vient délicatement trouver son flanc pour attirer l’attention de son ami.

- Tu trouves pas qu’ils ont l’air plus nombreux à chaque fois qu’on tourne les yeux ?

Comme inspiré par l’intuition, il lève le nez pour regarder le plafond. Il y a maintenant deux darumas attachés par les pieds. Bordel.

- Il faudrait qu’on finisse le tour du temple, on n’a pas encore vu le daruma géant. Si ça se trouve c’est notre meilleure piste. Qu’est-ce que tu en dis ? On va faire ça.

Avec l’aplomb du frontman aguerri qu’il est, il transforme son coude en guide pour Emanuel, le poussant dans la direction de ladite statue géante -s’il se fie au dépliant touristique récupéré plus tôt. La flûtiste n’a même pas l’air de les voir passer, peut-être parce qu’elle est occupée à reprendre un nouveau morceau.
Ce n’est que lorsqu'ils sont seuls dans l’une des allées du temple, seulement entourés de sculptures de papier mâché qui ne peuvent pas les entendre -elles ne peuvent pas, n’est-ce pas ? Il en doute soudain- qu’il prend le risque de chuchoter à l’oreille de son camarade.

- Tu as repéré quelque chose d’autre que les daruma ? Je sais pas si la flûte était suspecte ou normale….