Tullio est installé dans le canapé du salon, un livre à sa gauche, un bloc note sur les genoux et un Spike endormi contre sa cuisse droite qu'il caresse distraitement quand il n'écrit pas. Il essaye, tant bien que mal, de se concentrer sur l'ouvrage qu'on lui a demandé de traduire parce qu'il pourrait contenir des informations sur le domaine des fées.
On lui avait assuré qu'avec son état ça ne devrait pas être bien difficile, sauf qu'il s'était avéré -une fois la mission acceptée bien sûr- qu'il avait vraiment du mal à passer d'une langue à l'autre. Comprendre ce qu'il lisait n'était bien sûr pas un problème mais le retranscrire en anglais s'avérait déjà plus difficile.

Et tout ça, c'était sans prendre en compte le fait que c'était chiant et que c'était en fait une histoire. Racontée par des satyres. Avec des héros satyres.
Autant dire qu'il avait du mal à avancer et qu'il ne s'était installé dans le salon que parce qu'il était sûr d'avoir la paix un bon moment.
Hors de question qu'il se retrouve à devoir expliquer à Elana ou Victoria pourquoi il était aussi rouge.

Le consultant commence tout juste à se dire qu'il serait temps de s'y remettre quand son téléphone vibre, affichant le message qu'il attend depuis que Xander est parti en mission.

"Passe quand tu veux, les filles m'ont laissé en tête à tête avec Spike! Il dort contre moi alors entre quand tu seras là, c'est ouvert normalement."

Après avoir envoyé son message, Tullio a moins de mal à se remettre au travail. Il sait qu'il sera interrompu dans peu de temps et ça vaut bien quelques paragraphes ou quelques pages de traduction, selon le temps qu'il a devant lui.

"Xander?"

Il appelle quand il entend la porte d'entrée s'ouvrir, avec un sourire perceptible jusque dans sa voix.

"Tu vas bien?"

Questionne-t-il, déplaçant ses affaires plus loin avant de tendre une main vers son petit ami pour l'inviter à venir s'installer près de lui au moins pour quelques minutes.

Je gardai l'esprit le plus clair possible. J’avais fait ce qu’il fallait, et ce qui en découlait… Même si ça m’effrayait, j’allais faire face. J’allais m’en sortir seul, sans poser problème à personne, parce que j’étais pour l’instant incapable de connaître l’étendue de la marée de merde dans laquelle j’étais plongé.

Au début, ça avait l’air d’être une bonne idée. On avait récupéré des Bunyip à Obsidian Waste, avec Araya, et il avait bien fallu les relâcher quelque part. Logiquement, un endroit d’Old Fyre à l’abandon était un bon plan. J’avais récupéré la tâche parce qu’il n’y avait pas grand chose à faire, en théorie. Ils étaient assommés par les tranquilisants, après tout…

Ca avait été au moment de les relâcher dans leur nouvel habitat naturel que tout était parti en couille. J’avais été attaqué et je m’étais défendu. Je n’avais pas réfléchi, sur le moment, il fallait juste se débarrasser de la menace et c’était tout ce qui comptait. Et à présent…

Je me passai la main sur le visage. La gauche, la droite me donnait à présent l’impression d’être étrangère. Le territoire réservé aux Bunyip n’était pas si vide que ça, et la chose que j’avais dû tuer… m’avait laissé un souvenir. Je ne savais pas encore ce que ça voulait, ce que c’était. J’avais attendu un peu, comme si la sensation allait partir d’un moment à l’autre, je l’avais nourri,puisqu’il le voulait, et il semblait s’être calmé. Assez pour que je me décide à contacter Tullio. Rester silencieux plus longtemps l’aurait inquiété, et lui aurait mis la puce à l’oreille. J’allais agir le plus normalement possible. J’en étais capable. Juste un message…

Il me proposa de passer, et je renvoyai simplement un “je me douche et j’arrive”. Me donner quelques minutes de plus pour me recomposer une attitude. Tout irait bien. Il ne serait pas au courant, pas en danger, la chose qui me squattait n’irait pas attaquer Spike…

Alors autant faire comme si de rien n’était, définitivement. J’arrivai chez Tori et lui, frappai discrètement avant d’entrer. Plaquer un sourire aux lèvres, malgré les cernes et le stress.

“C’est moi ! Bouge pas.”

Je fis le tour du canapé, m’installant contre lui après avoir posé un rapide baiser sur ses lèvres. Je n’osais pas le toucher avec “cette” main, et me crispai presque quand Spike s’étira pour venir me donner un coup de tête affectueux, s’attendant à ce que je le caresse. Je le fis avec hésitation, surtout, de la main gauche.

“Ca va, un peu crevant. Mais les bunyip gambadent en liberté dans leur super nouvel environnement. Et y’a rien eu d’autre. Et toi ?”

Je posai ma tête contre son épaule, refusant de partager mon nouveau fardeau avec lui. Je ne pouvais pas lui imposer ça, hein ?

“Tu fais quoi de spécial ? Ca a l’air compliqué, et écrit en… Bizarrolangue.”

Quand Xander arrive, Tullio remarque tout de suite que quelque chose ne va pas malgré la réponse qui lui est donnée. Au départ il ne s'en inquiète pas, les missions sont stressantes pour la plupart, et voyager est toujours fatiguant. Lui aussi est généralement fatigué et stressé quand il rentre de l'autre bout du monde.

Et puis il y a le fait que le chevalier fait tout de la main gauche alors que la droite, elle, reste prudemment à l'écart.

Ça ne l'empêche pas d'expliquer, à grand renforts de rougissements, qu'on lui a demandé de traduire une nouvelle érotique en bizarrolangue des fois que quelques informations -peut-être même de vraies informations- soient dissimulées entre deux parties torrides.
De parler de Spike, que son maître caresse de la main gauche, toujours, même quand l'animal va chercher la droite.

Tullio finit par demander à son petit ami s'il est blessé, mais n'obtient pas de réponse satisfaisante.
Alors il insiste.
Il questionne.
Les secrets et les non-dit il a déjà donné, merci bien, et s'ils doivent avancer ce sera à deux.

C'est comme ça qu'il apprend pour la chose logée dans la main droite de Xander, sans doute parce qu'au moment où ça l'a mordu il n'y avait plus moyen de prétendre que ce n'était rien.
Ça fait de nouvelles obligations, de nouvelles raisons de partir loin, mais qu'importe. Ils n'en sont plus à ça près, pas vrai?