RP retiré de la timeline après la disparition d'un acteur important.

Les lumières sont tamisées, la musique est lascive.    

La majorité des gens présents à l’Aquarium ce soir étaient au Canada il y a quelques jours à peine, mais à l’occasion des vacances de mars, les 16 heures de vol nécessaires pour revenir au quartier général avaient été effectuées avec soulagement par des chevaliers épuisés. Épuisés, certes, mais avides de se perdre et de s’oublier dans des festivités légères.  Ainsi, des éclats de voix et des rires s’envolent comme des bulles au-dessus d’une parade colorée de diverses débauches. Des sourires s’étirent et l’alcool coule à flots ; sous les tables, des mains se baladent sur des formes galbées ; au-dessus, des baisés sont échangés à mesure que les verres se vident et se font remplir à nouveau. Certains parlent, certains flirtent et d’autres dansent, la majorité boivent plus que nécessaires, mais tous se soulent dans l’euphorie ambiante.  

Inéluctablement, les heures et les clients passent.

Il se fait tard – ou tôt, selon les perspectives – et il ne reste plus personne dans l’Aquarium hormis Marian et Tullio qui travaillent, et Victoria qui attend que le dernier termine. L’Aquarium n’étant jamais vraiment fermé, ces petites heures timides demeuraient les meilleures pour compter la caisse, faire du ménage et vérifier les stocks.

Pendant quelques instants, Victoria était restée assise au comptoir, la tête couchée entre ses bras. Sa tête tournait, mais ce n’était pas désagréable, au contraire, c’était comme si elle dansait avec le bienêtre qui l’envahissait après une belle soirée de fête. Plusieurs minutes plus tard encore, même en buvant de l’eau, elle se délectait d’un sentiment pétillant d’allégresse qui ne partait pas, contrairement à son ivresse décroissante. Enfin, pendant que Marian s’occupe derrière le comptoir et que Tullio passe le balai, Victoria prend l’initiative de prendre un linge pour aller laver le dessus des tables pleines de miettes de croustilles et d’éclaboussures d’alcool.  

Le ménage est majoritairement fait et le silence règne alors qu’il reste encore une bonne heure avant la fin du service de Tullio. C’était, à vrai dire, assez ennuyant en comparaison au reste de la soirée. Franchement, avec ce temps à disposition et deux aussi beaux spécimens, Victoria aurait été stupide de ne pas en profiter, surtout qu’elle avait bien quelques idées qui restaient dans les limites de la décence pour commencer.

- Trente questions pour passer le temps, messieurs ?  

Un air mutin grimpe sur les joues de la jeune femme alors qu’elle lève les yeux sur les deux autres avec un sourire carnassier.

- Une question à tour de rôle, un shooter quand on préfère ne pas répondre.

Son regard brulant s’attarde sur Marian qu’elle connait beaucoup moins que Tullio.

- Marian, tu commences.  Décide-t-elle avec un clin d’œil.

Marian, lui aussi, revenait fraichement du Canada et c'était un bonheur de revenir dans l'hémisphère sud en cette saison. Malheureusement pour lui, il n'avait pas vraiment pris le temps de se remettre du voyage, passant juste chez lui remercier le petit voisin qui s'occupait de Nemo, et se rendit à l'Aquarium, presque par habitude, ou comme par devoir. Et il faisait bien, car la plupart des Chevaliers qu'il avait vus là-bas en mission, étaient maintenant revenus dépenser leur argent dans leur bar préféré, et ça ne serait pas de trop pour Tullio d'avoir son collègue bienveillant sur qui se reposer un peu.

La soirée fut longue, mais tout le monde but beaucoup ; c'était une bonne soirée comme on en fait certaines fois sous les bonnes augures de planètes plus festives. Petit à petit, les clients éméchés finissaient par quitter les lieux, laissant derrière eux un joyeux bordel, et Marian fut reconnaissant de voir Victoria leur prêter main forte. Rapidement, toute la salle fut rangée nettoyée, la musique qui résonnait encore révélait toute sa solitude, une fois l'euphorie estompée.

Tout était parfait, il n'y avait plus qu'à attendre, profiter ...



- Trente questions pour passer le temps, messieurs ?  

- Hum, okay ... dit Marian d'une voix traînante presque malicieuse, comme s'il se laissait juste tenter, mais avait peut être bien envie de se prendre au jeu.

S'activant derrière le bar, il sortit et aligna sur le comptoir trois petits verres. En hauteur, il s'empara d'une bouteille à moitié remplie, d'un liquide rose qu'on aurait pu croire lumineux. Lorsqu'il la déboucha, un gaz coloré se dégagea, et le barman remplit les trois godets. La liqueur épaisse qui avait des reflets violets sous les néons, sentait un fort parfum de rose et de framboise, avec une note de rhubarbe.  

Le ton donné à cette entrevue par la Chevalière amusait déjà Marian, qui s'il avait un peu bu, ne perdait encore rien de son style un peu grave, et avait bien besoin de se détendre, de rigoler un peu en si bonne compagnie.
Tour à tour, il observait Tullio puis Victoria. Bien qu'il les fréquentat tous les deux depuis quelques temps, ils n'avaient jamais vraiment pris un moment comme maintenant, pour se connaître plus personnellement.

"Aloors, je vais commencer en douceur ..."

Penché vers eux par dessus le bar, un air enigmatique sur son visage, il fit glisser un verre au contenu Fluo devant chacun d'eux.

"Pouvez vous deviner quel ingrédient secret j'ai mis dans ce cocktail ?"

Tullio n'avait plus fréquenté l'école, ni même réellement fait partie de la société, pendant si longtemps qu'il en avait oublié la joie de se savoir en vacances. Bon, certes, ses vacances n'en étaient pas vraiment puisqu'il fallait bien faire tourner l'Aquarium, mais il avait été heureux de rentrer. De retrouver le bar, son travail et son chez lui. Avec un vrai lit, une vraie cuisine, un vrai canapé… Bref, de profiter du confort d'une maison plutôt que de celui, tout relatif, d'un hôtel pas cher.

Marian est venu lui prêter main forte, ce soir-là, et il ne l'en remerciera jamais assez. La salle est si remplie qu'on croirait que tout l'ordre s'y est donné rendez-vous, et ça ne désemplit pas avant les petites heures du matin qui voient la foule disparaître, non sans laisser des traces de son passage.

Alors les deux collègues nettoient et rangent, même Toria finit par attraper un chiffon pour s'occuper des tables et il passe derrière elle pour balayer les miettes envoyées au sol.

"Ouais, pourquoi pas."

Répond distraitement Tullio, qui termine de sécher le comptoir avec un chiffon qu'il lance dans un bac plastique plus loin. Il relève les yeux vers la chevalière juste à temps pour voir la fin de son sourire carnassier et, aussitôt, il sait qu'il va le regretter.

Il observe son collègue servir trois shooters d'une de leurs bouteilles aux allures les plus étranges. Qu'est-ce qu'il y avait dans celle-là, déjà? On le lui avait forcément dit à un moment ou à un autre.
Il hausse un sourcil quand l'autre déclare qu'il va commencer en douceur et pousse leurs verres respectifs vers eux, avant de sourire à la question.

"Tu te rappelles que je bosse ici, quand même?"

Tullio lève son verre pour le sentir, le penche un peu pour observer la couleur et ses reflets. Il pense avoir une bonne idée de ce que pourrait être le fameux ingrédient secret mais… Oh, après tout, qu'est-ce que je risque?

"J'pense que c'est de la joie liquide."

Lança-t-il, relevant les yeux vers Marian pour qu'il lui confirme, ou pas, ce qu'il avait glissé dans le cocktail.

"En ce qui concerne ma question… Quel est le moment le plus inapproprié où vous vous êtes trompés en appelant quelqu'un maman?"

Elle partage le réflexe de Tullio et se penche pour inspecter et renifler les verres. L’odeur était à la fois pétillante, à la fois douce, et donnait à ses sens l’impression d’une très petite – mais très bonne – bouchée d’air frais.  Elle hume une seconde fois et sourit tendrement, gémissant d’appréciation et rougissant presque en se souvenant d’un verre de scotch mémorable qui l’avait fait se rouler comme un chat sur la surface du même comptoir où elle était présentement accoudée.  

Alors que ses pupilles se dilatant au centre de ses iris dorés, Victoria lève son regard pour happer celui de Marian.

- Je seconde ; c’est une émotion en bouteille. Elle n’ajoute pas qu’elle en connait déjà assez bien les effets, bien que ce soit assez clair dans les courbes qui font sourire ses yeux.

C’est au tour de Tullio et elle se tourne vers lui tout en se redressant. Quand il pose sa question, elle glousse et rit légèrement.

- S’il vous plait, que la réponse soit Lillian pour au moins l’un d’entre vous ! S’exclame-t-elle joyeusement, avant de reprendre : «  Pour ma part, je dirais que c’était un prof… Masculin. Monsieur, madame, maman, il a eu le droit à tout ce mec. »  Jamais papa, par contre… « J’étais gênée sur le coup, mais j’ai bien dû me faire appeler Maman six fois le mois dernier, par des élèves, et ça me fait juste rire dans la position inverse ». Parler de la femme plus âgée qu’elle avait fréquenté dans sa jeunesse - et de qui c’était un fantasme récurant - aurait certainement été plus croustillant… Toutefois, dans son contexte, ça ne l’avait pas du tout gênée. Or, elle jouait de façon honnête, même quand c'était moins amusant.    

Le jeu commence en douceur : deux questions sur trente et rien de trop malaisant jusqu’ici.

- Depuis que vous êtes barmans ici, avec combien de clients ou clientes avez-vous… Victoria laisse un silence fécond s’éprendre entre eux trois … Flirté ? Il était clair dans son ton que sa curiosité exigeait beaucoup plus que ça, mais la partie était encore jeune et, de toute façon, elle connait déjà la réponse – c’est-à-dire zéro conquête mentionable – en ce qui concerne Tullio.

Marian, le regard brillant, observait attentivement ses deux comparses qui analysaient sa concoction. Lui-même jouait avec son verre, le faisant bouger entre ses doigts, et savourait tranquillement le parfum qui montait jusqu'à ses narines.

- Vous avez-tous les deux raison ! leur dit-il. C'est bien une potion de joie. Ce que vous ne saviez pas, c'est que j'y ai ajouté en plus des ingrédients principaux, de l'extrait concentré de Maca, qui a pour vertu de ne pas en avoir une seule, mais de s'adapter à l'organisme de chacun pour vous procurer les meilleurs bienfaits ... Santé !

Il les gratifia d'un petit clin d'oeil, et trinqua avec eux avant de boire son verre d'une traite. La chaleur se répandit immédiatement en lui, faisant son effet.


Remplissant de nouveau les verres, il écouta la questions suivante, celle de Tullio, et rit aux remarques de Victoria qui fit la première à donner sa réponse.
- Même ma mère, je ne l'ai pas beaucoup appelée comme ça ..., enchaîna-t-il, la voix tombant dans les graves, avant qu'il ne vide d'un trait encore, son second shot. Celui qui repassa par dessus le premier, qui lui fit resentir son corps bien plus lourd et son coeur encore plus léger.


Marian semblait très calme, comme d'habitude. Il n'était de toute façon jamais impulsif, rarement brusque, et toujours affable. Un petit sourire, facétieux, relevait à peine les commissures de sa bouche mais son regard, rieur et humide sous les longs cils noirs, traduisait le plaisir qu'il avait à partager cette bouteille avec eux.



- Depuis que vous êtes barmans ici, avec combien de clients ou clientes avez-vous… Flirté ?
Connaissant le lien qui existait entre les deux autres, Marian se sentit presque rougir sous la curiosité de la question. Il n'en était rien bien sûr, Marian n'était pas prude, mais il était joueur et s'il répondait souvent aux invitations, il ne s'entourait pas moins -pour autant- d'une certaine pudeur dont il se dévoilait volontiers, une fois dans l'intimité.


Son regard coula théâtralement vers Tullio, alors qu'il se penchait de plus en plus dans sa direction. - J'ai bien essayé avec lui, là ... et se détournant soudain, dans la comédie, Mais ça n'a pas pris ...
Sortant de sa poche une cigarette électronique high-tech, il vapota un peu avant de reprendre :

- Je ne sais pas, souvent. Mais souvent, ça ne va pas plus loin. Il marqua une courte pause.
Mais l'autre soir il y avait ce couple ... un mec et une nana ... ils ont passé la soirée à me chauffer ... Quand il y a eu la relève au matin ils m'ont invité à les suivre, dans leur chambre d'hôtel ... le ton de sa voix devenait de plus en plus excplicite à mesure que la phrase s'allongeait.


Plus mutin que jamais, il rebondit sur sa propre anecdote :

- Et vous deux, vous avez déjà eu des expériences ... inhabituelles ?

Tullio ne put s'empêcher de sourire quand son collègue confirma que c'était bel et bien de la potion de joie. Il hocha ensuite légèrement la tête au fur et à mesure qu'il expliquait qu'il avait ajouté du Maca et pourquoi. Ça me dit pas ce que c'est, mais bref.

"Santé!"

Répéta-t-il, vidant son verre d'une gorgée. Il secoue négativement la tête quand Toria espère entendre que l'un des deux a déjà appelé Lillian maman. Cette bonne femme était bien trop effrayante pour ça.

Il ferma les yeux un instant, laissant l'alcool tracer sa ligne de chaleur le long de son œsophage jusque dans l'estomac. La question de la chevalière le fit sourire parce qu'elle connaissait la réponse en ce qui le concernait.

Ne s'étant pas attendu à ce que Marian commence par parler de lui, Tullio se sentit rougir à une vitesse phénoménale, laissant ses joues suffisamment chaudes pour qu'on puisse cuire un œuf sur chacune d'elle.

"Pas pris, c'est vite dit, j'ai jamais dit non et tu t'en es jamais pris une quand tu me mettais la main sur le bras."

Marmonne Tullio en glissant une main sur sa nuque, pendant que son collègue vapote avant de continuer… Ok, il faisait carrément chaud.

"Well, vous le savez tout les deux, ça arrive qu'on me fasse des avances mais j'en fais jamais."

Répond-il rapidement en haussant les épaules, tout en essayant de ne surtout, surtout pas s'imaginer un certain barman dans certaines positions. La question suivante le fait redescendre sur terre, et son premier réflexe est de tendre la main pour se saisir de son verre puis, après un instant d'hésitation, le repose.

"Rien d'aussi amusant que toi, en ce qui me concerne."

Commence Tullio, faisant tourner sa boisson entre ses doigts.

"J'ai… j'ai jamais été consentant. Dans aucune de mes relations sexuelles, que ça soit les hommes ou la seule femme. Et ça, ça vaut bien un verre."

Essaya-t-il de plaisanter, avant d'enfin lever son shot, le reposant bruyamment sur le comptoir l'instant d'après. L'alcool et la joie liquide, à moins que ça soit le Maca, faisaient leur office et l'aidèrent à détendre ses jambes.

"Est-ce qu'il y a un, ou plusieurs, crushs en ce moment dans vos petits cœurs?"

Demanda Tullio, sans retenir le coup d'œil sans équivoque à Toria quand il insista sur le mot plusieurs.

Ayant fait une mission en Amérique du sud assez récemment, Victoria se souvenait assez clairement de la plante dont Marian avait parlé, un genre de tubercule, utilisé notamment pour ses qualités libidineuses.

- Le maca, n’est-ce pas un aphrodisiaque péruvien ? Interroge-t-elle, son ton à la fois complaisant et amusé. Même sans manquer de répondre à une question, la jeune femme suit la vague et boit son shooter avec un clin d’œil. Le contenu est synesthésique, soyeux, étincelant, et allège à la fois le goût de l’alcool et son humeur. Ses états d’âmes étaient déjà légers suite à la belle soirée, mais maintenant ils s’envolent et lui profèrent l’euphorie et l’extase d’un saut dans la vide sans la peur de s’écraser.  

C’est au tour de Marian de répondre et, en l’entendant, Victoira porte sur Tullio un air moqueur. Bien que ça la laissait perplexe, qu’il n’ait pas répondu aux avances du barman ne la surprenait pas ; cet enfant ne savait définitivement pas comment profiter des belles choses de la vie. Ce n’est certainement pas lui qui finirait la nuit avec un couple ouvert, même si l’opportunité avait dû se présenter sans qu’il ne daigne même la considérer. Quel gâchis, pense-t-elle pour la énième fois depuis qu’elle le connait.  

Le barman enchaine ensuite avec une nouvelle question et Victoria sourit sans vergogne. Elle ferme les yeux pour visualiser des images mentales agréables qui se mélangent aux effets des shooters et qui font vibrer ses émois. Trop vite, malheureusement, son plaisir sensoriel est interrompu par la réponse de Tullio...  Elle savait exactement de quoi il parlait. À chaque fois qu’elle y pensait, son cœur manquait un bond et elle avait l’impression d’étouffer ; cette fois, toutefois, elle ne sentit qu’un petit pincement au cœur, comme une douleur murmurée et difficile à entendre dans une cacophonie joyeuse. Or, elle savait qu’elle que son sentiment était faussé et cette dissonance était déstabilisante, comme si elle était dans une foule en délire et qu’elle cherchait en vain quelqu’un ou quelque chose et cela la faisait paniquer.

Heureusement, son deuxième verre a été remplis ; elle le saisit délicatement avec des doigts graciles et le porte à ses lèvres pour l’engloutir d’une traite. Elle se détache aussitôt de ses pensées lourdes et elle s’envole vers l’insouciance.  

C’est à son tour de répondre à la question de Marian, ce qu’elle ne fait qu’à moitié. De toute façon, elle avait bu.

- Inhabituelles… Son rire pétillant s’infuse autour d’eux. Disons qu’en comparaison, j’ai eu ma première relation à quatre à 16 ans… Dit-elle en laissant entendre dans son silence qu’elle avait fait plusieurs autres expériences par la suite. Ensuite… Inhabituelles pouvait sous-entendre tellement de choses et Victoria n’était certainement pas prête à parler de la plus récente et étrange, avec Nawar, l’homme atteint de lycanthropie.  Elle survol ce souvenir, mais pour la première fois depuis l’évènement, ne ressent ni dégout ni honte et ni peur à y repenser.

Vient enfin la question de Tullio, et elle ne manque pas son coup d’œil vers elle, auquel elle répond en clignant doucement des yeux comme un chat confortable.

- Plusieurs, oui. Ronronne-t-elle. Était-elle supposée donner des noms ? Ce n’était pas dans la question, et en vue de la jalousie exprimée par Tullio il n’y a pas si longtemps, ce n’était peut-être pas une bonne idée de les dévoiler. Romantiques, pas vraiment ; attirances… Beaucoup trop. Ajoute-t-elle quand même avec un léger rire cousu sur chacun de ses mots.

C’était maintenant à son tour.

- Je voulais vous demander ce que vous pensiez d’un trip à trois… En général, je veux dire, mais c’est un peu tard… Même si dans le contexte où ils étaient trois jeunes et belles personnes intoxiqué.es sur l’alcool, l’euphorie liquide et l’extrait de maca, ça aurait été excellent dans sa formulation. Du coup, allons-y pour une question facile… Quels sont vos fantasmes non réalisés ?

Facile pour elle, en tout cas.

- Est-ce qu'il y a un, ou plusieurs, crushs en ce moment dans vos petits cœurs?"

Marian, qui était barman, voyait tout. Il ne manqua pas l'échange de regards entre Victoria et Tullio. Marian se retrouvait souvent dans ce genre de situation, à être observateur des relations qui se jouaient en face en lui. Parfois il était pris à parti, comme aujourd'hui, mais c'est particulier comme Tullio est son beau collègue, et Victoria la bonne amie de celui-ci. Là où Marian trouve que c'est amusant, c'est qu'il ne connaît pas très bien Victoria, et l'alcool amélioré aidant, il se retrouve lui aussi, déjà un peu pris dans cette énergie langoureuse qu'elle dégage, son jeu de séduction.

- Le maca, n’est-ce pas un aphrodisiaque péruvien ?, elle demande. Ca doit être l'alcool qui a fait soudain remonter l'info. Marian qui sirote, lui répond :
-Ah ah ! Absolument, c'est un peu le ginseng de l'Amérique du Sud ... D'ailleurs en parlant de Crush, son regard se tourne vers Tullio, vous m'en donnerez des nouvelles. Il lui fait un petit clin d'oeil joueur.

- Et toi Victoria ?
- Plusieurs, oui. Romantiques, pas vraiment ; attirances… Beaucoup trop. Victoria, énigmatique, elle aussi ...


- Je voulais vous demander ce que vous pensiez d’un trip à trois… En général, je veux dire, mais c’est un peu tard… Du coup, allons-y pour une question facile… Quels sont vos fantasmes non réalisés ?


-Comment-ça, un peu tard ? Fait mine de s'offusquer Marian, tripotant une petite fibre qui dépasse de son t-shirt moulant. Moi je ne sais pas ce qu'en pense ... Tullio, par exemple, et je serais bien curieux de savoir ...



Il regarde malicieusement Victoria et lui dit lentement, parlant du ténébreux italien :


- C'est un peu mon fantasme inavoué ...

Le regard de Toria l'a fait rougir, encore, et il manque de s'étouffer sur sa salive quand elle évoque le trip à trois. La question pour laquelle elle se décide n'est finalement pas beaucoup mieux et Tullio ne sait pas s'il préfère essayer d'y répondre ou s'enfiler un shot parfumé à l'aphrodisiaque de plus.
D'autant que la réponse de Marian et son clin d'œil n'ont pas aidé non plus.

La situation, évidemment, ne fait qu'empirer et le consultant ne serait pas surpris de faire un malaise parce que tout son sang semble s'être glissé sous la peau de son visage au fur et à mesure que son collègue continue de parler, le prenant à témoin avant de… Il parle de moi là???

Pendant quelques instants, Tullio fixe ses deux partenaires de jeu avec de grands yeux, sans parvenir à démêler ses pensées entre les questions auxquelles il est supposé répondre, les allusions, et toutes les images mentales qui tentent de se frayer un chemin.

"Ben, euh…"

Commence-t-il a bafouiller, sans pouvoir rougir plus intensément. Son verre lui fait soudainement de l'œil, mais il sait qu'il lui en faudra un après avoir répondu et il n'est pas certain de vouloir s'enfiler deux shots d'affilée.

"Disons que… euhm… j'y avais pas réfléchi jusque là mais… euh… j'pense que le trip à trois vient d'se tailler une belle place, c'qui répond aux deux questions."

Avoue finalement Tullio, avant de faire un sort à son troisième verre depuis que Marian a sorti sa bouteille. Tu m'étonnes que je crève de chaud avec leurs questions!

"A moi du coup, euh…"

L'italien penche la tête, hésitant sur la question à poser. Est-ce qu'il a vraiment envie de savoir? Sans doute pas, mais il a promis de faire des efforts sur sa jalousie et c'est une question à laquelle il n'a pas envie de répondre, alors autant la poser.

"Qui était la dernière personne à qui vous avez pensé en vous masturbant?"

Lui, en tout cas, savait exactement à cause de qui il prendrait une douche froide en rentrant.

La conversation va bon train, alors elle ne dit rien quant au fait que Marian n'a pas vraiment posé de nouvelle question.

- Il me semble très avoué maintenant, ton fantasme.

Dit-elle doucement en glissant ses yeux vers Tullio, puis en revenant sur ses lèvres, puis sur tout le haut de son corps visible derrière le comptoir. Elle s’appuie un peu plus sur ce dernier, d’ailleurs, tout en expirant un gémissement d’aise pour traduire la lassitude confortable de l’ivresse. Elle joue des épaules, étire le cou, puis glisse une main dans sa tignasse bouclée pour faire passer ses cheveux asymétriques sur l’autre profil.

Faire l’amour à trois ; ça faisait longtemps.
Quand elle relève les yeux, ses pupilles sont dilatées et brillantes.  
Ils étaient trois, ils étaient seuls et manifestement tous ouverts à cette idée.
Les images étaient agréables.

En ce moment, cette perspective ne la dérangeait vraiment pas, lui plaisait même peut-être un peu trop, mais elle était encore assez rationnelle pour savoir que ce n’était pas une bonne idée et qu’il pourrait y avoir des regrets. Or, par principe, elle préférait ne jamais en avoir quand ça venait à la sexualité. Mitigée, elle regarda à nouveau Tullio avec un petit sourire contemplatif. Avec tout ce qui avait été révélé récemment, l’idée de l’entrainer dans un rapport atypique sous les effets de l’alcool et de psychotropes magiques… N’était pas un bon plan. Qui plus est, il était encore en plein traitement pour des saloperies qu’il avait contractées dans le temps où il vivait dans la rue et dans la drogue. Non ; pas de ménage à trois – hormis celui pour nettoyer le bar – pour aujourd’hui.

Cela ne voulait pas dire qu’elle voulait clore la discussion pour autant. Bien au contraire, elle en tirait beaucoup de plaisir ; son imagination était en feu, tout comme son bas ventre dans lequel circulaient des vagues d’énergies chaudes et intenses à chaque gorgée, à chaque question et à chaque réponse. La dernière de Tullio, d’ailleurs, éveil une force particulière qui la traverse toute entière et qui la fait frissonner.

Elle ferme les yeux et sa tête bascule dans un long mouvement indolent. Les images qui s’imposent clairement sans sa tête la font sourire.

- Déjà, c’était ce matin, et il y avait plusieurs personnes en même temps, et séparément aussi, et pas vraiment une seule personne spécifique ?  Je pensais à des expériences qui sont vraiment arrivées, et des scénarios qui pourraient arriver, et… C’est assez confus, en fait.  En occurrence, ce qu’elle disait était vrai ; ce n’est pas parce qu’elle voulait s’en cacher. Quoique … Il y avait bien des yeux dorés qui ressortaient du lot auxquels elle refusait de trop penser, et surtout de mentionner.

Consciente que sa réponse n’est pas très spécifique, elle prend un nouveau verre qui amène ses pensées ailleurs, la faisant remonter loin dans le même ordre de pensée.

Ça l'inspire.

- Ma question pour vous, cette fois… Quel a été votre premier fantasme ? La première personne ou le premier scénario qui a su éveiller vos désirs ?

Elle mord ses lèvres.

- Quant à moi … Maintenant qu’elle est sur le sujet, elle avait très envie de répondre à sa propre question. Elle serre les mâchoires et les paupières, inspirant bruyamment entre ses dents, hésitant encore quelques secondes avant que l’ébriété ne lui fasse cracher le morceau : elle est maintenant la seule femme lieutenante de l’ordre. Ce n’était pas nécessaire d’ajouter un nom, comme elle était déjà assez identifiable comme ça.

Victoria rit très doucement, et, visiblement, elle a quelque chose à ajouter. L’information qu’elle mourait d’envie de révéler était très juteuse… Et très risquée pour l’autre personne concernée. … Et c’est avec elle que j’ai perdu ma virginité… Quand j’avais 15 ans. Sur son visage, son expression est coquine, avec un air fautif, mais absolument pas désolé. Elle n’a jamais eu de regrets concernant cette aventure et ils n’apparaitraient certainement pas aujourd’hui alors que l’alcool et l’insouciance liquide lui coulaient dans les veines.

Maintenant que le secret est révélé, elle enchaine avec des quelques détails supplémentaires.

- Elle était chevalière en même temps qu’Olivia. Et vous savez comment aliénantes peuvent être les longues missions dans les sanctuaires…  J’ai tout fait pour la rendre folle ; c’est comme ça que j’ai développé mes tendances exhibitionnistes, d’ailleurs.

Victoria se dit qu’elle devrait éventuellement lui rendre visite.

-A moi du coup, euh… Qui était la dernière personne à qui vous avez pensé en vous masturbant?

Silencieux un moment,  largement penché en avant à l'attention des autres, Marian sirote toujours son shot qui arrive à sa fin, comme on arriverait au fond du paquet de pop-corn avant la fin des publicités. Il se sert son quatrième shot, quand Victoria répond :
- Déjà, c’était ce matin, et il y avait plusieurs personnes en même temps, et séparément aussi, et pas vraiment une seule personne spécifique ? Je pensais à des expériences qui sont vraiment arrivées, et des scénarios qui pourraient arriver, et… C’est assez confus, en fait. 


Marian, en écoutant, fait oui avec sa tête, l'air de partager la même idée.


- Je ne peux que plussoyer ce qu'elle dit. Pour moi c'est tout exactement pareil. Il fait une petite grimace. Du coup, je bois, non ? Et il boit.

Il s'assoit, sur un tabouret qu'il a derrière lui, et prend le temps d’égrener quelques secondes. Son cerveau pétille sérieusement, et il commence à se sentir très léger. Son verre vide posé devant lui, il se laisse un peu aller et s'appuie au bar, la tête reposée sur ses poings, et attend une prochaine question, l'oeil brillant.



- Ma question pour vous, cette fois… Quel était votre premier fantasme ? La première personne ou le premier scénario qui a su éveiller vos désirs ?
Quant à moi … elle est maintenant la seule femme lieutenante de l’ordre ... … Et c’est avec elle que j’ai perdu ma virginité… Quand j’avais 15 ans et elle 23. Elle était chevalière en même temps qu’Olivia. Et vous savez comment aliénantes peuvent être les longues missions dans les sanctuaires… J’ai tout fait pour la rendre folle ; c’est comme ça que j’ai développé mes tendances exhibitionnistes, d’ailleurs.

Marian, accoudé sur le bar, écoute cette histoire qui fait écho à la sienne, les yeux perdus dans le vide, cherchant à retrouver quelque paysage lointain. Le beau et gentil Kenneth, un Chevalier archéologue, qui fut fou du jeune Marian pendant trois jours et deux nuits, avant de se volatiliser vers d'autres connaissances à butiner ... C'était la première fois que Marian tombait amoureux, et amoureux d'un homme, qu'il ne revit jamais bien sûr mais auquel il ne peut s'empêcher de penser ... Souvent ... C'était d'ailleurs à l'origine pour tenter de le croiser, au hasard de la vie, qu'il était venu s'installer en Australie le pays du beau Kenneth, et le QG des Chevaliers de l'Ordre. Il avait toutes ses chances et quelque part, y croyait toujours.

-Moi aussi, c'était mon premier, celui qui a poussé pour la première fois la porte du temple ... Pose-t-il  là simplement. C'était un bel australien ... très cultivé, et gentil ... Marian soupire d'amour, se visualisant complètement à côté de cet homme qui l'a marqué pour toujours mais hélas, ne fait pas partie de sa vie. Rêveur, il revient à ses deux amis. Il était un peu plus âgé que moi, c'était un chevalier -lui aussi- et il était en mission à Ardhi Nne, je travaillais là-bas ... On s'est aimés si fort !, c'est presque un cri, entre admiration et désespoir. Tout ça est un peu théâtral, c'est Marian. Mais il est parti en me laissant comme une pauvre chaussette, sans jamais me donner de nouvelles ...

Même en disant ces mots, Marian semble encore comblé d'amour, à la simple évocation de ce souvenir, qui a quand même laissé son emprunte un peu triste sur la vie.

- Quel est le truc le plus fou que vous ayez fait, par amour ?

Leurs réponses sont intéressantes, évidemment, mais aussi un peu décevantes. En posant la question, Tullio avait espéré un nom, ou pourquoi pas plusieurs après tout. L'interrogation de Toria lui fait hausser un sourcil avant qu'il ne les fronce, tâchant de remonter dans ses souvenirs.

Heureusement la chevalière commence par répondre à sa propre question, et il en profite pour poser son coude sur le bar et laisser reposer son menton dans la paume de sa main. Cette fois-ci il ne s'étouffe même pas quand elle évoque son exhibitionnisme. Il a déjà entendu pire, et l'alcool continue son œuvre. Puis c'est le tour de Marian de raconter sa première histoire d'amour.

Après quoi ils se tournent vers lui, pour attendre sa réponse, et Tullio ne sait pas quoi répondre alors il hausse les épaules.

"J'ai pas d'jolie histoire à raconter."

Avoue-t-il, en se redressant, tournant son verre entre ses doigts.

"Dès douze ans tout le monde pensait qu'j'étais cinglé, et ptet même avant ça, alors mes premiers émois ont été pour une fille sur papier glacé, dans un magazine porno que mon père avait mal planqué."

Il soupire, avale la moitié de son verre puis décide de continuer.

"Mais j'vais pas vous laisser sur vot' faim, vous inquiétez pas. Bon, de quatorze à vingt-six ça a été le néant d'mon côté, d'abord à cause des médocs puis la drogue, la rue, tout ça. Et la personne qui a tout relancé c'est…"

Tullio laisse planer le doute un instant, terminant son verre.

"Zakuro. On est d'accord qu'à vingt-six ans c'est ridicule, mais ça a été mon premier baiser et, well, j'arrive pas à me le sortir de la tête."

Il repose le récipient, et le pousse du bout des doigts pour que Marian le reremplisse pendant qu'il réfléchit à la question de son séduisant collègue.

"J'ai décidé d'changer."

Commence Tullio, glissant une main dans ses cheveux sans oser relever les yeux vers Toria.

"De trouver un job, d'apprendre à cuisiner. D'essayer d'aller d'l'avant et d'faire quelque chose de ma vie. Eh, j'suis même devenu consultant alors que franchement, c'était pas gagné."

Termine-t-il avec un léger rire parce qu'effectivement, si on lui avait posé la question quand il était arrivé, il aurait probablement été horrifié.

"Au choix, c'est quoi le truc le plus romantique que vous ayez fait ou qu'on ait fait pour vous?"