LIENS UTILES
Nouveau?
Code de vie
Contexte
FAQfadet
Groupes
Sanctuaires
Artéfacts
Bestiaire
Fonctions
Races jouables
Défis mensuels
Textos
Missions
Vedettes
Absences
Partenariat



Le deal à ne pas rater :
Display Star Wars Unlimited Ombres de la Galaxie : où l’acheter ?
Voir le deal


Celui qui marche avec les loups  Empty
Celui qui marche avec les loups  Empty
Celui qui marche avec les loups  Empty
Celui qui marche avec les loups  Empty
Celui qui marche avec les loups  Empty
Celui qui marche avec les loups  Empty
Celui qui marche avec les loups  Empty
Celui qui marche avec les loups  Empty
Celui qui marche avec les loups  Empty
Celui qui marche avec les loups  Empty

Celui qui marche avec les loups

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas
Message Celui qui marche avec les loups  Empty
Ven 5 Juin - 16:50

Points : 0
Messages : 71
Habitation permanente : Living Mirage, Old Fyre, et entre les deux.
Occupation : Chercheur en tout.
Nour Alizadeh

Nour Alizadeh
Tout a commencé par une piste, toute petite, toute fragile, qui s'est dessinée à travers un labyrinthe de notes, de carnets, de vieux livres et de coupures de journaux qu'Olivia a laissé derrière elle. L'inventaire minutieux, le dépouillement du véritable fonds d'archive qu'elle a constitué est un travail de titan et un travail de fourmi, monstrueux par son ampleur, tout en réclamant une minutie qui ne doit pas seulement à l'esprit papillonnant et fécond de la chevaleresse dont on peut presque retracer les pas, d'année en année. Avec son application obstinée, Nour cherche toujours, à travers les lignes, à travers les bribes, quelque chose qui se trouve au-delà de sa portée : une trace, n'importe laquelle, de ce qui a pu lui arriver. L'idée obsédante ne quitte pas le recoin de son esprit où elle s'est logée, comme une écharde sous la peau, comme une épine qui résiste à tout et s'enfonce toujours plus loin pour imprimer à son cœur un espoir lancinant. Il a l'impression qu'elle est là, encore. Il peut presque saisir ses pensées, comme si la poussière remuée dans les cartons pouvait se condenser assez, juste un instant, et la faire revenir un peu.

C'est très triste, c'est très doux, et pour rien au monde, Nour voudrait que quelqu'un d'autre s'en charge. Pour rien au monde renoncer à la drogue suave et tranchante de cette nostalgie qui a le goût du miel et du sang et lui rappelle un passé auquel le chagrin du deuil donne plus de lustre que jamais.

Mais contre toute attente, c'est autre chose qu'il trouve, autre chose qui capte son regard et qui a, en son temps, capté brièvement l'attention d'Olivia qui s'en est détournée sans que Nour sache réellement pourquoi. Sa recherche incessante d'artefacts l'a sans doute menée à explorer des pistes qu'elle a négligées par la suite, absorbée par d'autres quêtes plus fructueuses mais celle-là semble prometteuse, alors le savant fait ce qu'il sait faire de mieux. Comme un chien de chasse lâché sur une piste, il cherche, il cherche, sans relâche, avec ses armes favorites : un carnet, un crayon, une bibliothèque intérieure et son entêtement de vieille mule qui ne recule pas et refuse de lâcher prise tant qu'il y a quelque chose qui peut servir.

C'est d'abord un entrefilet dans un texte :

Citation :
Les paysans de la wilaya de Tlemcen vont souvent dans les montagnes chercher la bénédiction de Celui qui marche avec les loups [note : un saint local ?]  qui protège des bêtes et tient à l'écart [le loup garou]. [note : mustadhyib, quoique ça veuille dire.]


Puis, un nom vient, celui d'un village dans les hauteurs de l'Atlas, puis encore un sanctuaire, des rites, et s'en suit la plongée familière dans les troubles remous de ce qui mélange les superstitions, les croyances et la vérité tapie derrière les apparences. Cela prend des semaines qui se transforment en mois et quand Victoria évoque ses propres recherches d'un talisman pour venir en aide à une de ses connaissances, Nour ne manque évidemment pas de débouler avec sa tête des grands jours, son agitation fébrile de chercheur d'or et une foule d'hypothèses et de charabias dont on peut au moins tirer que tout ceci les mènera quelque part dans l'ouest de l'Algérie.

Il ne peut pas s'empêcher de penser à Nawar, tout du long. Nawar, qu'il voit lutter pour garder le cap, qu'il voit essayer désespérément de rabouter les morceaux de sa vie en lambeaux et d'être le père que Marjane mérite. Alors, bon, si Nour peut donner un coup de main, pourquoi s'abstenir ?

Alors voilà, la messe est dite. Avec l'allégresse nostalgique des vieux baroudeurs, Nour passe la fin de l'hiver à préparer l'expédition avec Victoria. C'est la première fois qu'ils partent ensemble : jusque là, il s'est toujours abstenu, en restant au port pour mieux guider les chevaliers qui, comme elle, ont mieux à faire que rester le nez dans les livres toute la sainte journée. Il se sent gagné par une excitation de gamin, parce qu'à la toute fin, l'ivresse du départ n'a jamais rien perdu de son attrait et il se sent comme l'hirondelle sur le fil, juste avant la migration. C'est là, à un pas, et à chaque fois qu'il boucle ses bagages, il y a ce pincement au creux du ventre. La veille du départ, comme il l'a toujours fait, Nour prie dans le silence et l'obscurité ouateuse de sa chambre. Le front posé contre le rêche pelage de son tapis de prière, les yeux fermés, il repense à toutes les fois où il a refait ce geste, seul, ou accompagné. Il repense à toutes les ombres qui ont hanté sa mémoire, toutes celles qui s'attardent, aux pistes dans le désert qui s'entrelacent pour s'effacer, imperceptiblement, aux oasis du souvenir où reposent les heures indolentes qu'il a traversées avec eux.

Les yeux clignent, la nuit passe. Longtemps, il aura ressassé son propre passé, déplié méticuleusement la photo usée qu'il garde dans son portefeuille, embrassée comme un talisman ou une icône sainte à travers laquelle on cherche à atteindre ce qui n'est plus là. Le lendemain tout est paré : casquette vissée sur le crâne, le keffieh en écharpe, le barda sur les épaules. Tout est aussi usé que lui, mais aussi coriace, sans doute. Tout a passé l'épreuve du feu, à survivre à des nuits dans la jungle, aux randonnées dans les montagnes, aux traversées d'oueds, aux errances citadines et aux banquettes inconfortables des taxis du monde entier, tout a pris la même patine que celle qui s'est déposée sur la peau tannée et les traits durcis à trop de soleils et de bises arides. Derrière les lunettes noires, les ridules au coin des yeux trahissent un sourire de gamin quand ils mettent les voiles.

Les étapes s'enchaînent à leur rythme, comme un catalogue de tous les moyens de transports possibles et imaginables depuis que l'Homme a étendu sa main de fer sur les paysages autrefois vierges de son empreinte : bateau, voiture, train, avion qui mange tout un hémisphère pour les déposer dans un printemps qui commence à peine sur l'Atlas. De temps en temps, Nour pique un somme, les bras croisés, le menton posé sur la poitrine. Il boit des quantités invraisemblables de café pour compenser le décalage horaire qui leur tombe sur le nez, grommelle contre les prix prohibitifs des troquets autour des aéroports, sympathise avec tout le monde et baratine les douaniers en présentant Victoria comme sa nièce, parce que sa probité de vieux renard ne peut s'encombrer du soupçon qui pèse naturellement sur tout cinquantenaire en voyage avec une (jolie) donzelle de vingt ans sa cadette.

Sur la route entre Alger et Tlemcen, il prend le volant pour la laisser se reposer un peu, et laisse la vitesse étourdissante avaler les kilomètres. Parfois, il chante et fredonne les vieux refrains surannés qui nasillent dans l'autoradio et se mêlent au vrombissement régulier du moteur. La lumière poudroie des éternités de cieux immobiles au dessus des montagnes, et quelque part dans les cimes, Celui qui marche avec les Loups attend dans son sanctuaire sous les brassées de pins.
Revenir en haut Aller en bas
Message Celui qui marche avec les loups  Empty
Mar 9 Juin - 18:41

★★★★
Points : 0
Messages : 1251
Age : 33
Habitation permanente : À Old Fyre, dans l’appartement qu’elle partage avec Tullio et Elana Cavaleri. Elle a aussi un appartement en Italie.
Occupation : Anciennement détective, maintenant chevalière à temps plein et maman.
Victoria Machiavel

Victoria Machiavel
La vie d’Olivia de Clairbois se raconte en un désordre de péripéties extraordinaires qui ne sauraient être contenues dans des boites… Ni dans celles, intangibles, construites par une société qui ne la méritait pas, ni dans celles en carton que Victoria se retrouve quand même à devoir trier avec nostalgie. La jeune femme faisait cela à temps partiel, sortant un à un les souvenirs d’aventures vécues dans son enfance, ou à défaut d’avoir été présente, en cultivant ces séquences fantaisistes issues de la mémoire et la bouche des autres. Il restait malgré tout plus de vide qu’autre chose dans la diégèse de la mère, tout comme dans la poitrine de la fille quand elle s’oblige à penser à sa mort supposée.  

C’est cette carence fondamentale, assurément, qui amène Victoria à vouloir engendrer sa propre progéniture et à adopter, en attendant, tous les enfants perdus qui croisent sa route. C’est ainsi qu’elle s’était retrouvée à prendre sous son aile Tullio, et plus tard, à adopter sa petite sœur Elana ; à former de plus en plus d’apprentis, et, plus récemment, à couver l’enfant d’un homme qu’elle abhorrait… La passion qu’elle éprouvait envers Nawar n’avait d’égale que sa méfiance – justifiée – envers lui. Ainsi, même à travers la mission la plus longue et éprouvante de sa vie, elle avait trouvé le temps de mener quelques recherches au sujet de sa condition dans l’espoir de trouver artéfact capable de garder sous contrôle la bête qui l’habite… Non pas avec l’intention de l’aider lui, mais plutôt pour protéger la petite Marjan que Victoria appréciait autant que son père la révulsait.  

Ses démarches semées en terreaux fertiles, c’est Nour qui voit fleurir leur labeur commun et, malgré son infiltration prenante auprès d’Even Strøm, Victoria tient à ce qu’ils aillent ensemble en cueillir les fruits. Ainsi, son absence se voit expliquée à son faux-fiancé par un éclat de lumière qui immortalise dans les synapses artificielles de son téléphone intelligent une photo – peaux basanées et cheveux clairs, lèvres immobiles sous ces sourires adressés avec les yeux qui font qu’ils se ressemblent un peu trop – ou le portrait crédible d’un lien de parenté qu’ils aiment, dans tous les cas, au moins prétendre tous les deux.  

L’Algérie, magnifique, se décrit en vers dorés embrassés de bleus et ponctués de vert. Sur la route, son vieux mentor lui explique ses trouvailles et ses conclusions, que Victoria ne manque pas de mettre en relation avec les histoires de grand-père Mashku. Enfin, la conversation devient ces confortables silences et le regard de la chevalière, tourné vers la fenêtre, s’accroche au mouvement embrouillé du temps qui passe, un arbre à la fois, alors qu’ils approchent lentement avant de s’éclipser tout à coup.  Ils défilent comme des secondes ; les panneaux, eux, comme les minutes et les kilomètres, comme les heures.  À un moment, elle somnole un peu, bercée par la voix de son compagnon qui vient, aussi parfois, frapper de nouveaux éclats d'éveil entre le marteau et l'enclume.

Ils rencontrent, sur l’autoroute A1, un barrage à proximité de Sidi Bel Abbès qui les oblige à faire un détour, si bien que le feu crépusculaire grimpe dans les nuages et laisse rapidement tomber sur eux un ciel de charbon. Près des villes, le ciel est noir et les lumières distantes, comme des étoiles enchainées au sol, brillent à l’horizon comme des braises sous la cendre. Ils savent que leur destination approche quand ils voient, en liberté, les constellations nombreuses qui parsèment la voute au-dessus de leurs têtes.  

La portière claque et Victoria chancèle sur ses jambes endormies. Il fait sombre sous les pins et ils doivent attendre le jour pour explorer la montagne. En attendant, une auberge de pierres à proximité du site se dresse devant eux et leur permettrait de dormir. Nour – étant le seul à parler arabe – aurait peut-être aussi la chance de soutirer des informations aux résidants locaux.
Revenir en haut Aller en bas
Message Celui qui marche avec les loups  Empty
Mer 10 Juin - 18:17

Points : 0
Messages : 71
Habitation permanente : Living Mirage, Old Fyre, et entre les deux.
Occupation : Chercheur en tout.
Nour Alizadeh

Nour Alizadeh
La route file, les distances s'éternisent sous un soleil qui décline. Du coin de l’œil, Nour guette Victoria quand elle dodeline du chef, sous l'épais nimbe de la chevelure qui accroche les reflets des réverbère allumés un à un. Peu à peu, tout s'enfonce dans la nuit et le crépuscule les happe dans le fond d'une vallée, juste avant les lumières de Tlemcen qui se dessine brièvement en successions de façades tout juste esquissées, puis voilà qu'elle disparaît et que le monde se referme encore. Par les fenêtres ouvertes leur parvient de temps à autre, l'espace d'une seconde, le murmure éthéré des grillons qui chantent dans les cyprès où le vent se fige et reste coi. Il faut un long moment pour arriver au village accroché à la pente, juste sous les bois rêches et les pâturages qu'il faudra gravir le lendemain. La route s'amenuise trop pour se risquer à s'y aventurer de nuit et sans rien connaître des pistes de plus en plus incertaines qui se faufilent dans la montagne.

Lorsque les pieds de Nour touchent le sol, c'est la froide brise d'une nuit de printemps qui lui gifle la figure et le ragaillardit juste assez pour qu'il se réveille un peu de la torpeur qui l'a saisi au volant. Près d'eux, un café perce la nuit de ses néons blancs qui attirent des foules de papillons de nuit : des hommes s'attardent à la fraîche en profitant de la douceur, des adolescents maigrichons complotent dans les halos bleuâtres de leurs téléphones portables en sacrifiant au véniel péché de quelques cigarettes fauchées dans les poches des adultes.

- Le copain Abdelka m'a dit qu'on pourrait dormir ici, au besoin, lâche-il en s'étirant comme un chat famélique.

Quelques articulations craquent, il grimace, puis sourit.

- ça sera pas du luxe, si tu veux mon avis.


Nour tire une roulée un peu flétrie de la poche de sa vieille saharienne et s'avance sans tarder vers le petit groupe de vieillards et de buveurs qui musarde en observant du coin de l’œil l'écran de télé. Il sort son numéro de vieil affable un peu perdu, salue dans son arabe pas très raccord qui tranche un peu avec l'accent rauque du coin, et entame discussion. Pas question d'en venir tout de suite au fait, ça non ! Il demande d'abord du feu, attend qu'on lui pose des questions, et y répond avec une ingénuité qu'on ne peut mettre en doute quand on regarde sa face maigrelette toute tirée de fatigue qui sourit benoitement sous ses boucles poivre et sel malmenées par trop de nuits sur l'accoudoir d'un avion. Sans doute que Victoria l'a déjà vu faire et y a déjà eu droit, à ce petit manège qui marche si bien pour endormir la méfiance et attirer la sympathie : il prétexte un voyage pour observer la faune, invente des noms de papillons, se trompe sciemment dans les détails cruciaux pour laisser à son interlocuteur le sentiment d'avoir une longueur d'avance.

Bien sûr, on lui pose des questions sur Victoria mais comme à l'accoutumée, il écarte le soupçon ignominieux en s'ingéniant à s'inventer assez de relations familiales (qui ne sont pas tout à fait un mensonge, après tout) pour qu'on ne mette en doute sa probité. Il relance la conversation alors qu'on leur apporte du thé trop chaud et trop sucré qui gratte la gorge, et aussi une solide collation qui disparaît comme par magie entre les doigts maigrelets du savant qui mange comme quatre sans qu'on sache vraiment où il arrive à loger autant de nourriture. Il parle, il parle encore, et agite nonchalamment le nom du fameux cousin Abdelka qui travaille à Alger et qui sert de sésame pour ouvrir un peu plus les confidences des vieux messieurs.

Derrière la façade gentillette de vieux tonton un peu paumé, Nour observe, écoute, et ses yeux très noirs ont cet éclat rusé qu'on apprend vite à connaître. De temps à autre, il glisse un regard à Victoria, un hochement de tête tout juste perceptible : les informations glanées sur la route se précisent et ils auront tout le loisir de faire des plans le lendemain quand il faudra s'attaquer à la pente qui s'élève vers les hauteurs et les cimes où veille le petit ermitage du saint protecteur. Les gens du coin sont affables et peut-être avides parfois de précisions, mais ils ont tous des histoires sur les loups qui vaguaient autrefois dans les bois et autour des champs, les bêtes qu'on croise encore dans les recoins reculés, les prières et les conjurations qu'on fait pour écarter les menaces. Le fond berbère immémorial s'emmêle avec les figures des kharidjites qui sont allés, par le passé, s'enfermer dans la solitude en rêvant à Dieu mais ces contes, comme toujours, sonnent autrement aux oreilles de Nour qui entend parler de loup-garou et d'esprits déguisés sous d'autres atours.

Lorsque la nuit s'avance et que l'épuisement devient manifeste, on les laisse aller se coucher dans les deux petites chambres du gîte que la femme de leur hôte a préparé pour eux. Le lendemain trouve Nour dans la même position où il s'est couché la veille, en chien de fusil, tout habillé dans les couvertures et il lui faut le prompt renfort de beaucoup de café amer et d'un petit déjeuner gargantuesque pour qu'il arrive à passer le cap de la fatigue accumulée. C'est avec une mine réjouie et des cernes de dix pieds de long qu'on le voit profiter du petit matin, après la prière, juché comme un hibou sur sa chaise en plastique à la terrasse de l'auberge.

- Hauts les cœurs, azizam, lance-il gaiement quand il voit Victoria pointer le bout de son nez. Viens, il faut qu'on règle les derniers détails.
Revenir en haut Aller en bas
Message Celui qui marche avec les loups  Empty
Ven 19 Juin - 18:25

★★★★
Points : 0
Messages : 1251
Age : 33
Habitation permanente : À Old Fyre, dans l’appartement qu’elle partage avec Tullio et Elana Cavaleri. Elle a aussi un appartement en Italie.
Occupation : Anciennement détective, maintenant chevalière à temps plein et maman.
Victoria Machiavel

Victoria Machiavel
Pas du luxe, lui dit-il.

Dans l’étendue de ses cernes courent les récits de biens pires accommodements, ainsi, le regard moqueur qu’elle pose sur Nour communique facilement toute son indifférence quant au luxe de leur git temporaire. À priori, elle le trouve par ailleurs très bien ; à l’approche de l’établissement, les volutes empyreumatiques du café fort et du tabac embrassent leur venue et éveillent ses sens, tout à l’enrobant dans un cocon confortable, en compromis entre l’exotisme et la familiarité.    

Avec un amusement attendri, Victoria regarde Nour apprivoiser les civils qui peu à peu lui relèvent des informations, qu’à défaut de comprendre de première main, elle voit se refléter dans ses yeux doux. Alors qu’il joue son rôle de voyageur sympathique et un peu perdu, Victoria, elle, incarne celui de la jeune touriste. Incapable de parler un moindre mot en arabe, elle effectue du mieux qu’elle peu le travail à distance que lui permet de faire son téléphone, qui se double en un habile déguisement lui permettant de se fondre, en parallèle, parmi ces jeunes individus accrochés aux écrans de leurs appareils.  

C’est dans un anglais approximatif qu’une belle personne s’adresse à elle pour lui murmurer avec des consonances idoines que la première infusion est âpre comme la vie, la deuxième, forte comme l’amour, et la dernière, suave comme la mort. Sortant tout juste de sa torpeur technologique, son regard curieux glisse sur des yeux noirs railleurs qui la font rosir plaisamment.  

C’est la première fois depuis longtemps que Victoria s’endort seule ; la chambre est étroite et le lit est dur, mais elle dort bien, comme une brique parfaitement emboitée dans l’étau d’un sommeil paisible et réparateur.  Au petit matin, découpés à travers les lattes d’un rideau, des rayons de lumière viennent lui chatouiller les cils et, à défaut d’aller courir comme elle le ferait normalement, elle ouvre les volets et salue le soleil une douzaine de fois avant de suivre les effluves alléchants de la nourriture. Ainsi, les derniers détails dont parle Nour accompagnent le pain chaud, des œufs frais et du café noir.

Malgré sa mine joyeuse, son vieux mentor a l’air fatigué et elle s’inquiète un peu à l’idée de lui faire parcourir des kilomètres dans la nature sauvage, mais il tient le coup et ils gravissent ensemble le montage du loup rouge : à l’horizon, la brousse d’un vert éclatant ronge des escarpements couleur ocre alors qu’autour d’eux, les pins se dressent comme des barreaux là où commence vraiment leur quête pour trouver, dans cette nature libre, de quoi ériger une prison pour la bête.

Entre les murmures des feuilles et des insectes, leurs pas sont des rumeurs qui se taisent quand elle s’arrête pour se repaitre à la fois d’une gorgée d’eau et des vagues indications laissées par Olivia ; immobile, elle embrasse longuement des yeux les traits nerveux de son écriture confuse, entendant les mots, en contraste, énoncés de cette voix claire et onctueuse qu’elle lui avait laissée en héritage.  Sans surprise, elle ne trouve rien qui avance leur quête, seulement une grande vague de nostalgie et une trombe d’amour débilitante.

Quand enfin elle parle, sa voix s’infuse dans le silence bruyant de la forêt.

- Nour… Étais-tu amoureux de ma mère ?

Elle se doute de la réponse, mais elle ressent le besoin impétueux d'entendre quelqu’un à qui elle manque autant qu’à elle lui en parler.  
Revenir en haut Aller en bas
Message Celui qui marche avec les loups  Empty
Ven 19 Juin - 20:35

Points : 0
Messages : 71
Habitation permanente : Living Mirage, Old Fyre, et entre les deux.
Occupation : Chercheur en tout.
Nour Alizadeh

Nour Alizadeh
Victoria, digne fille de sa mère et tout à fait rodée aux filouteries qu'exige le secret de la profession, emboîte le pas de Nour et fait à sa manière, elle aussi. Du coin de l’œil, il ne peut s'empêcher de guetter le petit groupe d'adolescents qui s'attroupe à l'écart pour épier les conversations des aînés tout en complotant de leur côté. Il rit quand il entend un des gamins ânonner cette vieille formule usée qui fait toujours son effet auprès des filles. Ah, combien de fois il a pu s'en servir, de celle-là ! Les courtises maladroites des jeunes générations doivent une dette indénombrable aux vieux proverbes venus d'on ne sait où.

Il ne peut pas s'empêcher de penser à Olivia, quand il baisse le regard sur le fond de son verre qu'il remue pour en décoller la mélasse formée par le sucre à demi fondu. Il feint de réfléchir, s'abîme dans ses pensées, mais elles vont toutes vers elle, parce que c'est elle sans doute, bien plus que la légende qui a appâté le flair du limier, qu'il voudrait bien trouver au bout du chemin.

Nour sait pourtant qu'il n'en est rien, et il chasse comme il peu l'amertume avec plus de suavité encore : est-ce que ce n'est pas pour la déloger de ses entrailles qu'il s'empiffre à ce point de toutes les sucreries possibles ?

Mais enfin, tout passe, et la nuit avec. L'aube est froide et belle, au lendemain, et entre une assiette à demi entamée et un café qui fumaille à la terrasse, le vieux savant déploie une carte, pointe des étapes, parle bivouac et randonnée. Il ignore dignement l'inquiétude de Victoria et se contente de sourire, comme toujours, avec cette douceur un rien mélancolique qui ne cache rien de l'usure, mais rien non plus de l'aubier coriace dont il est fait. Et de fait, le pas qui entame la montée vers les hauteurs se règle tout naturellement sur un rythme patient qui avale le dénivelé avec une régularité bien rodée. Il ne cherche pas particulièrement à la rassurer : les choses sont ce qu'elles sont et Nour ne pourrait pas cacher, même s'il le voulait, le tribut que prélève le train de vie qu'il mène depuis presque trente ans. Mais à tout prendre, c'est une victoire, parce qu'il sait combien il est rare de pouvoir vieillir, quand on fait ce métier. Combien, aussi, il prend comme un privilège d'être encore là alors qu'il y en a tant d'autres qui auraient bien voulu en faire de même.

Et puis, la pente raide qui louvoie entre les sapins et les résineux se raidit encore, à travers des taillis de myrtes et de lentisques où les passereaux piaillent à toute gorge. L'air est froid et dévale des hauteurs pour piquer la gorge et rougir le bout du nez, il se charge de senteurs liquoreuses que Nour respire à pleins poumons. La fatigue du voyage s'estompe, remplacée par l'épuisement solide de l'effort physique, plein, entier, qui consume tout dans un brasier pour le moins bienfaisant. Le monde vit et miroite tout autour, s'agite, murmure, fait surgir les songes tapis dans les sous bois : les nœuds des vieux arbres révèlent le contour des silhouettes de dryades qui les regardent passer, des grappes de fées suspendues dans leurs feuillages, et de loin en loin, le sabot alerte des satyres donne le rythme à la forêt.

Là, tout s'apaise. Dans le brouillard confortable qui s'est logé dans sa tête, Nour goûte la clarté de l'aube qui se boit comme un vin frais. Il regarde la lumière qui joue dans les hauteurs, les coulées de soleil pâle et l'ocre de la roche où tranche le vert des pâturages, et voilà qu'il se croit un temps retranché des souvenirs, du poids trop lourd de la mémoire. Pourtant, elle le happe.

Il est accroupi sur la rive d'un ruisseau quand la question, surgie de nulle part, le frappe presque comme une gifle et lui loge une brique au creux du ventre. Il ne jette même pas un regard parce qu'il sait que les yeux de Victoria se sont posés sur lui, et qu'elle attend. Sans moquerie, sans curiosité déplacée, simplement... Simplement pour savoir ? Il n'arrive même pas à lui en vouloir de se montrer si directe, parce qu'à la toute fin, c'est quelque chose qu'elle a toujours fait, comme sa mère, et c'est probablement comme ça qu'elles ont toujours réussi si aisément à lui ouvrir le cœur en deux, comme un fruit mûr.

Nour reste silencieux, comme souvent. Il finit de remplir sa gourde, la rebouche, la range, et puis reste là, accroupi avec ses longues jambes de criquet repliées devant lui. Son profil découpe des arêtes saillantes dans la clarté qui miroite et tombe sur lui dans une trouée de branchages ; on distingue aisément un sourire, qui trace sa courbure à mesure que les paupières s'abaissent. Il lâche un rire, très amer et très doux, comme le miel mêlé à du sang.

- Qui ne l'aimait pas, azizam ?
Réplique-il d'un ton léger.

Mais il sait que Victoria ne peut se satisfaire de cette manière qu'il a souvent de répondre par une autre question. Une réponse de poète, qui n'est pas assez. Alors il se tait encore, et il cherche, il cherche le souffle qui lui manque, tout à coup.

- Je pensais que tu l'avais déjà deviné, reprend-il, tout bas. Mais peut-être que tu as besoin de l'entendre dire, une fois pour toutes ?

Cette fois, il se tourne vers elle pour la regarder en face. La voix n'a rien perdu de sa douceur, elle garde sa propre musique, mais elle est grave, soudain, autant que le visage émacié qui lui sourit encore avec une insondable tristesse. Les yeux, comme des gouffres, des flaques d'encres, s'ouvrent grand pour capter son regard au vol.

- C'est une manière de le dire, oui. J'étais amoureux d'elle.

L'aveu est dit d'un ton paisible qui ne tremble pas. C'est un état de fait, une vérité pleine et entière, indiscutable, aussi tangible et brute que le chagrin qui affleure de toutes parts sous le voile d'une sorte de pudeur digne et un rien austère.

- Et elle me manque, chaque jour que Dieu fait. Ils me manquent tous.


Cette sobriété dans le verbe ne lui ressemble guère, et pourtant, les mots se tarissent parce qu'il n'y a rien de plus à dire que la simple évidence. Le silence se peuple de tout ce qu'il aurait pu dire d'autre, toutes les façons d'exprimer, dans toutes les langues qu'il connaît, ce qu'Olivia a été pour lui. Voilà que cela transparaît dans son regard, brièvement, comme une lueur qui clignote avant de s'éteindre.
Revenir en haut Aller en bas
Message Celui qui marche avec les loups  Empty
Dim 28 Juin - 14:51

★★★★
Points : 0
Messages : 1251
Age : 33
Habitation permanente : À Old Fyre, dans l’appartement qu’elle partage avec Tullio et Elana Cavaleri. Elle a aussi un appartement en Italie.
Occupation : Anciennement détective, maintenant chevalière à temps plein et maman.
Victoria Machiavel

Victoria Machiavel
Malgré les chemins tortueux, Victoria aurait pu avancer plus vite. Néanmoins, ménager Nour lui permet une observation plus attentive des alentours, et à défaut d’y trouver la clé de leur quête, nourrit cet appétit qui vient en mangeant d’air frais et de nature sauvage. Sauvage, et magique. En effet, en s’éloignant du monde des hommes, ils entrent peu à peu dans celui des fées et ce dernier les guette maintenant avec autant d’yeux à l’affût qu’il y de fleurs ouvertes autour d’eux. Et quel spectacle ils leur offrent, quand même ! À travers les bruissements des feuilles, le vent qui souffle porte les éclats de leur anticipation intéressée, exclamations curieuses et rires pétillants en harmonie sur le débit du ruisseau qui lyre à leurs pieds. Au-dessus de leurs têtes, la canopée des pins d’Alep est dégarnie et les cimes arrondies dansent au même rythme, laissant filtrer entre les valses les goûtes solaires qui pleuvent et dansent sur leurs joues.

Debout, iris exposés dans la lumière et prunelles attentives, Victoria guette sans broncher le frisson qui parcourt l’échine de son vieux mentor, puis l’infime tressaillement de sa mâchoire. Elle attend, fébrilement, cette réponse qu’elle connait déjà, posée entre eux comme un piège, ou plutôt comme le sceau bientôt arraché de ces chaines prêtes à se dénouer à se déverser sur eux comme un déluge.  

Sa première réponse est la ligne unique d’un poème en vers libres qui image une vérité qu’elle connait trop bien. Victoria sourit silencieusement, sa lèvre tremblant brièvement avec la force d’une crise de larmes alors que ses pupilles se dilatent, obombrées sous un nuage qui passait au-dessus de leurs têtes, juste un bon moment pour mieux refléter le portrait dessiné devant elle : au-delà du gris dans sa tignasse et des plis autour de ses yeux, la jeune femme reconnait dans ses yeux noirs et dans ses longs cils, le jeune homme qu’il avait pu être autrefois.

- Mais elle t’aimait en retour, souffle-t-elle doucement, avec la certitude que sa mère l’avait bel et bien aimé à sa manière, comme Victoria aurait sans doute elle-même été capable de l’aimer malgré leur âge s’il n’y avait pas subsisté entre eux le doute d’un lien de paternité auquel elle préférerait ne pas trop penser.

Du haut de sa jeunesse, elle contemple le brouillard de l’âge qui nageait dans ses yeux. Vieillir, hélas, est le seul remède à une mort précoce, mais elle se dit, en le regardant aujourd’hui, qu’elle préférait quand même partir avant ceux qu’elle aime. L’inspiration profonde, censée apaiser la brûlure dans sa poitrine, l’attise finalement plus qu’autre chose et l’air, en même temps d’être frais, porte avec lui comme une odeur de tombeau. Ces quatre derniers mots, ils me manquent tous, sont pires que des clous pour venir river cette certitude comme la cloison d’un cercueil.

Ironiquement, de cercueil, cette conversation cherchait justement à en ouvrir un.

Là où sa posture est angulaire et arquée, le mouvement de Victoria est courbe et souple alors qu’elle s’accroupit à son tour pour mieux plonger dans son regard. Sans jamais le toucher, elle aurait aussi bien pu rouler son front contre le sien quand elle ferme les yeux et penche la tête sur le côté.

- Je ne peux pas croire qu’elle soit vraiment morte, avoue-t-elle, avant de reformuler son affirmation, cette fois, sans la moindre ambiguïté, je refuse d’y croire et je pense qu’elle est encore vivante quelque part.

Quelque part, en occurrence, qui n’était pas très loin d’ici.

- Elle se dirigeait dans le Sahara algérien, la derrière fois que je lui ai parlé, souffle-t-elle, avant de réprimer, en se mordant les lèvres dans un long silence, l’idée selon laquelle ils devraient être en train de la chercher elle plutôt que n’importe quel talisman, mourir, ce n’est pas son style, boude-t-elle finalement avant de se redresser avec agilité, en lui tendant une main pour l’inviter à se remettre sur ses pieds.  

- Il y a une enfant de 8 ans qui dépend de nous, se rappelle-t-elle tout haut, pour s’obliger à revenir à leur mission présente.  
Revenir en haut Aller en bas
Message Celui qui marche avec les loups  Empty
Mar 30 Juin - 15:27

Points : 0
Messages : 71
Habitation permanente : Living Mirage, Old Fyre, et entre les deux.
Occupation : Chercheur en tout.
Nour Alizadeh

Nour Alizadeh
Nour ferme les yeux, brièvement. C'est la seule reculade, la seule esquive, ce simple renfermement dans l'enclos des paupières, juste pour retrancher l'intime à la vue de l'autre, comme si par le gouffre des prunelles, on pouvait lui contempler l'âme. Il voile l'encre sous le fragile voile de la chair parce que les mots de Victoria se fichent implacablement en plein coeur, dans l'aubier vert encore qui lui coure dans les os, et qui n'a rien oublié du feu qui l'a habité autrefois -il n'y a pas si longtemps, après tout.

Chaque syllabe lui cogne l'intérieur du crâne comme des coups de marteau pour lui rappeler ce qu'il a perdu. Il reste un moment ainsi, comme pour affronter la tempête qui le balaie et cette lame de fond au milieu de laquelle il reste stoïque, parce qu'il connaît bien le goût des vagues amères et du flot de sel et de miel qui vient avec ces souvenirs là, ceux qu'il ne veut pas perdre mais qui font tant de mal à garder. ça aussi, ça passera. ça passera.

Nour rouvre les yeux sur Victoria qui s'est assise près de lui et le sourire vibre sous les boucles de la barbe, avec une gravité diffuse. Il garde le silence un instant, la douceur au fond des yeux, et aussi sans doute beaucoup plus de tendresse qu'il ne veut en dire, eut égard à la fierté de la jeune femme. Il y a toujours cette distance, qui demeure : comme une pudeur, mais le silence et l'écart n'ont pas tant d'importance. Il tend la main pour effleurer le sommet de sa tête comme il le fait depuis qu'elle est enfant, comme s'il pouvait arracher le chagrin de son esprit à la manière d'une mauvaise herbe.

- La nature a horreur du vide et l'âme aussi, répond-il enfin. On finira bien par savoir, tôt ou tard.

Une pause, puis :

- J'ai cherché de ce côté sans succès, jusque-là. Mais tu sais, quitte à être dans le coin, je passerai quelques coups de fils à des amis d'amis, quand on sera revenus au village.


Nour est une araignée dans sa toile, à écouter tous les fils et toutes les directions, à guetter la moindre vibration qui pourrait trahir une présence. Il y a toujours quelqu'un à contacter, un nom ou un numéro, toujours un recoin qui n'a pas été fouillé et qui se dévoile soudain par les jeux du hasard. Il est patient, il attend, et il écoute. Tôt ou tard sans doute ils auront des réponses, parce que s'il y a bien quelque chose qui caractérise cette famille disparate qu'ils ont toujours un jour formé, ce sont toutes ces nuances d'entêtement qui leur font la tête dure et le coeur résolu.

Alors oui, sans doute, le pari lancé à la face du monde pour savoir qui des deux a tort a toutes ses chances d'être réglé, un jour ou l'autre.

En attendant, Nour ne peut s'empêcher de rire, même si c'est un peu tristement. Olivia n'est pas du genre à mourir, c'est certain. Mais qui l'est vraiment, quand on y pense ? Pierrot non plus n'était pas du genre à mourir, ni aucun de ceux qui, en dépit de cela, sont quand même partis. Il attrape la main qu'elle tend et se remet debout en tirant sur les sangles de son sac à dos, et lâche un soupir qui a le goût de cette gorgée d'air qui emplit les poumons d'un homme sur le point de se noyer. Le réel lui revient, à flots, et il sourit encore, une étincelle au fond du regard.

- C'est pour cette petite fille que tu cherches le talisman ?

Les yeux s'étirent en même temps que sa bouche, avec cette expression intriguée et amusée qu'elle lui connait sans doute assez bien pour savoir qu'un détail a titillé son esprit de fieffé curieux. Mais il se ravise presque aussitôt, ou feint de le faire, et lève les mains en se détournant.

- Voilà que je recommence avec mes questions ! Garde tes petits secrets, jeune fille, si tu ne veux rien en dire à ton vieux copain.


C'est plus fort que lui, il ne peut pas s'empêcher de connecter les points : il en connaît une, de petite fille, qui aurait bien besoin qu'un certain loup soit tenu en laisse, mais le silence de Victoria à ce sujet en dit assez long. Si elle n'a rien dit jusque-là, c'est qu'il y a anguille sous roche et Nour sait bien que de fouiller les secrets des collègues.
Revenir en haut Aller en bas
Message Celui qui marche avec les loups  Empty
Jeu 9 Juil - 17:07

★★★★
Points : 0
Messages : 1251
Age : 33
Habitation permanente : À Old Fyre, dans l’appartement qu’elle partage avec Tullio et Elana Cavaleri. Elle a aussi un appartement en Italie.
Occupation : Anciennement détective, maintenant chevalière à temps plein et maman.
Victoria Machiavel

Victoria Machiavel
Ils se tiennent à la fois à une distance pudique et, tout près, au bord de l’autre comme au bord larmes.

Ces impressions poignantes au sujet de sa mère, Victoria les avait tellement répétées dans le vide qu’elles avaient fini par se glisser et par s’installer dans le gouffre de son deuil, se transformant en un mutisme arachnéen qui, après avoir tissé son nid, grimpait parfois dans sa conscience pour y enfoncer ses chélicères et la dragonner jusqu’à provoquer l’envie viscérale de se hucher un chemin à travers ces toiles engluées qui l’étouffait, mais qui la tenait aussi, en quelque sorte, en un fragile équilibre. Enfin, elle avait été entendue ; Nour n’avait pas besoin d’y croire, d’autant qu’il accepte que cette possibilité subsiste pour elle au-delà de ses délires d’enfant endeuillée. Sa main, qui glisse en parallèle sur sa tête avec une douceur familière, redescend trop rapidement peut-être, mais ne manque pas de la stabiliser tout en tirant de son esprit une partie de son linceul d’arantèle.

Dans tous les cas, pour son aide en lien avec le sort d’Olivia, la gratitude lui monte aux yeux et elle acquiesce avec cet empressement alimenté par l’émotion avant de retrouver toute sa dignité en lui accorder un sourire reconnaissant.  

Tout juste remise sur pieds et sur ses émotions, un sourire au coin des lèvres, ils progressent un peu dans le sentier naturel, mais Victoria se fige en apercevant cet éclat rajeunissant qui étire les traits de son mentor, comme les pupilles d’un vieux chat qui redécouvre le plaisir d’avuer un papillon.

- C’est pour son père, avoue-t-elle prudemment en guettant avec l’attention d’un animal fébrile le moindre signe de récognition de sa part. Elle est tentée de ne rien dire de plus et ils marchent quelques minutes ainsi, main dans la main avec ce silence suspendu qui donne un bel aperçu de la longueur des non-dits. À quoi bon chercher à lui cacher quoi que ce soit en ce sens, se dit-elle, en sachant très bien que son doyen connait toujours un peu tout le monde de toute façon. C’est au moins un avantage de son âge, pense-t-elle ensuite, même si en vérité elle peinait à l’imaginer moins bien entouré même avec vingt ans en moins.  

- Je n’ai rien à cacher, se convainc-t-elle finalement tout haut, j’aime cette enfant et je pense qu’elle mérite… un père stable, convient-elle après une courte hésitation, avant d’hogner rapidement, même si je n’aime pas beaucoup ce dernier.    

Elle n’avait pas l’intention de jaspiner dans le dos de Nawar plus que ça, alors elle n’en dit pas plus et ponctue la dernière phrase d’un clin d’œil espiègle adressé à sa curiosité.  Elle détourne ensuite la tête, un léger sourire coincé aux creux des joues, seulement pour apercevoir, sur la ligne d’horizon, une forme angulaire enfoncée dans le versant d’une colline. Elle la pointe du menton tout plissant des yeux pour essayer de discerner de quoi il en retourne, interpellant Nour d’un gémissement interrogatif.    
Revenir en haut Aller en bas
Message Celui qui marche avec les loups  Empty
Jeu 9 Juil - 19:42

Points : 0
Messages : 71
Habitation permanente : Living Mirage, Old Fyre, et entre les deux.
Occupation : Chercheur en tout.
Nour Alizadeh

Nour Alizadeh
Nour ne peut s'empêcher de faire une longue moue dubitative et de claquer du bec quand Victoria prétend n'avoir rien à cacher. S'il y a bien quelque chose qui coure dans la famille, feue Olivia et ses ancêtres lui soient témoin, ce sont pourtant les secrets : c'est à cause d'eux qu'ils s'usent les semelles sur la rocaille qui escalade la montagne sous les pins, après tout. Mais enfin, il sait ce qu'il risque à essayer de tourmenter sa Toria plus avant, et il se contente d'arborer sa duplicité incrédule avec l'une de ces têtes qu'elle connaît sans doute très bien, elle aussi.

- Oh, oui, bien sûr, bien sûr, lance-il en ricanant. Si tu n'as rien à cacher, je n'ai rien qui pique ma curiosité, il n'y a donc rien à dire de tout ceci.

Un clin d’œil un rien canaille lui glisse sous la paupière et il presse le pas, chassant les graviers sous ses godillots qui mangent la pente d'une allure infatigable.

- Je plains le pauvre hère qui s'est attiré tes foudres, néanmoins,
ajoute-il l'air de rien, en étant qu'à moitié sérieux, parce que bien assez au courant des feux et tempêtes que sa protégée peut faire tomber sur autrui dans ses grands moments d'ire. S'il se tient pas à carreaux après tout ça, je donne pas cher de lui.

A la réflexion, ça ressemble bien à Nawar de se fourrer dans un pareil guêpier, mais Nour a beau avoir pour lui un sacré fond de sympathie et de patience, il faut bien avouer, eh bien ! Que le bougre n'est pas le dernier pour se mettre lui-même dans les ennuis. Mais il sait qu'elle n'en dira rien, parce qu'elle est aussi butée que lui : mais il est plus patient, Nour, il a toute une vie d'attente et bien plus encore, il sait que sans doute la réponse viendra d'elle-même, si Dieu le veut, et Dieu a une bien douce manière de combler la curiosité inquisitrice du vieux renard.

Mais le Très Clément et Miséricordieux lui soit témoin, Nour ne peut pas toujours s'empêcher de filouter à sa façon, et voilà qu'il lâche, avec une innocence de vaurien :

- Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à Nawar et à sa petite, quand on a parlé de ce talisman, tu le sais. Je suis bien aise de savoir qu'il servira à d'autres.

En attendant, il y a encore de la route, et quand elle lui désigne quelque chose de la main, il prend un instant pour s'arrêter et scruter les hauteurs et jeter un œil aux notes et aux cartes griffonnées dans ses poches. Il lâche un petit sifflement admiratif.

- Eh, tu as l’œil, dis donc. ça ressemble à la description qu'on m'a faite. Les vieux disaient qu'il fallait une sacré trotte pour y arriver et à en juger par ce qui nous attend encore, ça a l'air d'être ça. Allez, hardi !

Il se courbe un peu quand le sentier se raidit encore et quitte le couvert des arbres pour serpenter entre des rochers et des arbustes rabotés par les chèvres. Peu à peu, ils laissent derrière eux l'ombre opaque des sapins, et la fraîcheur de l'aube qu'ils avaient gardée sous leurs ombrages. Le soleil grimpe avec eux et cogne de plus en plus dur, mais Nour, comme un lézard, n'aime rien moins que se laisser cuire les os en pleine fournaise, quitte à finir sec comme un pruneau.

Les altitudes vertigineuses les avalent, et sous leurs pieds la vallée déploie ses paysages de verdure sombre et de terre aride : l'eau jaillit ça et là dans des rus et des torrents alimentés par quelques neiges fugaces, et de loin en loin, ils croisent les bergers et leurs troupeaux qui font résonner des cris et des sonnailles dans le silence sifflant de la montagne. Le son mat des sabots qui claque sur la pierre va parfois deux par deux, et le rire d'un satyre suspend sa mélodie moqueuse dans l'air tremblant. Ils restent à distance, mais ils observent : les pupilles noires brillent parfois entre deux touffes d'herbe, fugaces, toujours entraperçues.

- ça tire, pas vrai ? Lance Nour quand ils s'arrêtent un instant le long d'un méplat à flanc d'éboulis, où un faune s'est faufilé un instant plus tôt. Je voudrais bien avoir des pattes de biquette, moi aussi. Ils ont pas l'air de fatiguer autant que nous, les bougres.

C'est que les distances sont trompeuses, et les perspectives se creusent en panoramas qui font paraître les choses bien plus proches qu'elles ne le sont. Il faut encore une bonne montée et un dernier coup de collier pour parvenir aux escarpements qu'ils ont aperçus depuis les bois. Ceux-ci se sont réduits à des formes sombres sur le mamelon de la vallée, des lignes dentelées hérissées de corneilles, et puis ils disparaissent de la vue lorsque les pâturages presque ras se faufilent dans un décor d'une absolue minéralité, figé sous un ciel d'une pureté cruelle.

Le décor change, subtilement. L’œil averti remarque des amoncellements de petites pierres rondes comme des galets, lisses, presque trop. Des motifs se dessinent : des cercles, des empilements, des serpentins dont on distingue à peine le tracé parce qu'ils s'étendent ça et là sur des surfaces qu'on embrasserait bien mieux depuis les airs et obéissent à une logique patiente, implacable, secrète.

- Pas d'erreur, on est sur la bonne route, remarque Nour avec satisfaction. Regarde, il y en a partout, ils ont colonisé tous les alentours. C'est la tombe du saint qui doit les attirer.

Ce disant, il pointe les figures biscornues qui déploient leurs combinaisons fantasques le long du sentier. Les pierres vivantes se taisent sous le soleil du plein midi, d'une immobilité trompeuse.

- C'est que ça doit joliment chanter, par ici, quand la nuit tombe, dit-il d'une voix rêveuse.
Revenir en haut Aller en bas
Message Celui qui marche avec les loups  Empty


Contenu sponsorisé
Revenir en haut Aller en bas

Celui qui marche avec les loups

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Hidden Dawn, Rising Star :: Le monde :: L'Afrique-