Aberdeen, Ecosse.

Par curiosité, j’avais envoyé un message pour dire que je passais dans le coin. J’étais un peu loin du campus, cette fois, mais cela faisait une petite éternité que nous ne nous étions pas croisés. La première fois… C’était quelques années plus tôt, 2, 3 peut-être ? Une chasse aux Lavellans dans la cité U. C’était avant les chevaliers, et j’avais l’impression que c’était une autre vie. C’était peut-être mieux… Là dessus, je n’étais pas encore réellement décidé.

Moira était quelqu’un de cool, assez ouvert pour mettre à l’aise facilement même quand on était un vieux grognon dans mon genre. Je n’arrivais même pas à trouver ça “bizarre” de l’avoir invitée dans ma chambre d’hôtel, pour rattraper un peu le temps perdu. Ca me permettait en même temps de surveiller ce que je devais, pour pouvoir me charger de ma “cible” rapidement.

Ce n’était plus vraiment le même boulot qu’avant, mais j’étais content d’être seul pour une fois. Sans avoir à m’inquiéter de Spike, en plus, que je ne pouvais plus laisser chez mon père pour des raisons évidentes. Il avait heureusement un catsitter parfait...

Je secouai la tête en regardant l’heure, m’assurai que j’avais plusieurs types de biscuits, disposés sur une des deux grandes assiettes de la chambre. Le coin kitchenette avait une bouilloire et j’avais récupéré un assortiment de thés divers. Adéquat ? J’avais même enfilé une chemise noire, malgré le temps chagrineux. Heureusement, c'était tout de même une amélioration par rapport à l'hivers autralien...

Je jetai un oeil à mon téléphone, aussi bien pour savoir si Moira avait au final un empêchement que pour vérifier l’horloge bonus, installée pour avoir l’heure d’Old Fyre. 5h du matin, une bonne chance pour que Tullio ou Tori ait un chat sur le torse qui réclame de l’attention alors qu’il essayait de dormir. Un sourire discret se dessina sur mes lèvres en voyant le nom de mon amie apparaître sur l’écran, et je la prévins rapidement que j’arrivais - pour pouvoir passer la sécurité de l’ascenseur avec ma fantastique carte magnétique trop technologique.

Mon sourire s’étira un peu plus lorsque, une fois dans le hall, je la repérai. Ce n’était pas comme s’il y avait foule, de toute façon. Je levai le bras pour le secouer, avant de réaliser que, vu qu’il n’y avait pas foule justement, ça donnait juste l’air bête. Je le repliai comme si ça avait toujours été mon but de me passer la main dans les cheveux en m’approchant d’elle.

“Moira ! Ca fait longtemps… Tu vas bien ?”

Je lui laissai le loisir de choisir comment nous nous saluions : après tout, “en vrai” on ne s’était pas vu souvent… Discuter avec quelqu’un sur whatsapp, ça n’était pas la même chose.

“J’ai du thé en sachet même pas lipton et des biscuits dans la chambre, ça te va ? Ou ils ont un bar-café ici, ou on peut...”, j’eus un regard vers l’extérieur, gris et mouillé. “Sortir ? Si tu veux et que tu ne risque pas d’attraper froid ?”

Ce matin-là, je m’attendais à tout sauf à recevoir une invitation, mais ce message arriva justement au bon moment ! J’avais passé la nuit à finir mon étude de cas en psychologie clinique et comportementale sur laquelle je bossais depuis plusieurs semaines. Une petite sortie et un peu de distraction me ferait le plus grand bien !

Je n’avais pas revu Xan depuis plusieurs mois, nous avions continué de discuter via WhatsApp, mais il était toujours en vadrouille à droite ou à gauche, rarement en Grande-Bretagne. En tant qu’écossaise, je ne suis pourtant pas une grande fan des anglais, mais son caractère d’ours mal léché m’était très familier et tenait plus du Highlander bourru que du Dandy londonien. Je fus d’ailleurs très surprise de voir qu’il m’invitait à son hôtel, venant de quelqu’un d’autre, j’aurai pu me méfier, mais venant de sa part, je ne savais pas comment l’interpréter. Comme d’habitude, c’est ma curiosité qui a pris le dessus quand j’ai accepté son invitation.

J’avais passé la matinée en cours en essayant de rester concentrée, tentant de faire abstraction de cette petite boule au ventre, mélange d’excitation et d’appréhension pour nos retrouvailles. Je n’avais pas eu l’occasion de rentrer à l’appart avant de le rejoindre et la météo écossaise étant ce qu’elle est, une alternance de brume et de crachin avait eu raison de mes cheveux. Juste avant d’arriver à l’hôtel, je fouillai dans mon sac pour trouver un élastique, histoire de les attacher en chignon et de ressembler à quelques choses.

J’en profitais pour sortir mon téléphone, et lui envoyer un petit message signalant mon arrivée imminente. Sa réponse ne se fit pas attendre ! Je l’attendis donc dans le hall, suivant ses instructions. En le voyant arriver, avec sa petite chemise noire qui contrastait avec ses longs cheveux argentés, je ne put me retenir de lui rendre son sourire. Il me salua et je ne pu m’empêcher de lui sauter au cou pour le saluer, j’avais grand besoin de chaleur humaine après ces derniers jours à me terrer comme une ermite.

« Salut Xan ! Je suis tellement contente de te voir ! C’est vrai que ça fait un bail ! »  

Je reculais un peu, attendant de voir ça réaction, j’avais peut-être été un peu trop tactile pour ce vieux grincheux…  

« J’avoue que je préfère ne pas remettre le pied dehors pour le moment, si ça te va ! Je viens de traverser une petite partie de la ville à vélo, je suis trempée jusqu’à l’os… Un bon thé bien chaud me fera le plus grand bien je pense ! Tu penses que je peux t’emprunter une serviette pour éponger un peu mes cheveux...? »

Je le suivis donc vers l’ascenseur, j’avais hâte de pouvoir me mettre au chaud. Mais j’avais surtout hâte de pouvoir discuter un peu avec mon ami et de tenter de découvrir ce qui l’amener en Écosse cette fois-ci. Il était tellement discret sur ce sujet, attisant chaque fois ma curiosité mais ne m’apportant jamais aucune réponse ! Peut-être qu’aujourd’hui j’en saurais enfin un peu plus…

J’eus un sourire en coin lorsque Moira me sauta au cou, l’enlaçant délicatement pour ne pas l’étouffer. Vu la manière dont elle me relâcha rapidement, je réalisé qu’avant, j’aurais sûrement grogné pour tant de proximité d’un coup. Là… Ca allait ? J’en étais peut-être le premier surpris, à ne plus avoir autant cette sensation oppressante de manquer de me prendre un couteau entre les omoplates à chaque contact un peu brusque.

“Je me doutais qu’avec le temps, on serait mieux à l’intérieur, oui, et aucun problème pour la serviette.”

J’étais le genre à toujours prendre ma propre serviette pour voyager, et à arriver dans des hôtels où il y en avait toujours un jeu préparé d’avance. Cet “Au cas où” était bien utile, et je guidai mon amie jusqu’à ma chambre, la laissant passer devant moi. J’avais effectivement posé sur la table d'appoint de quoi prendre un goûter, mais je passai avant tout dans la salle de bains pour attraper une serviette et la tendre à ma cadette.

“Tiens. Et si tu veux prendre une douche, ou te changer... Je peux te prêter quelque chose en attendant que...”, je m’interrompis avant de faire rencontrer ma main et mon front, soupirant. “Sans arrière pensée aucune, bien sûr. Si jamais ça prêtait à confusion.”

Parce qu’à bien y réfléchir, ça venait peut-être de la pile virtuelle de scantrads que j’avais englouti pendant le trajet et que je continuais honteusement sur place - la surveillance avait du bon, mais des limites évidentes, en solo - mais inviter une jeune femme - tellement plus jeune ! - dans sa chambre d’hôtel et l’envoyer sous la douche… C’était plus que limite, je n’avais pas envie qu’elle se fasse de fausses idées.

L’attendant quoi qu’elle décide, je mis l’eau à chauffer et récupérai les mugs, les sachets de sucre, cuillers et autres que je déposai à côté des biscuits, sans réellement faire attention au pillulier délicat de ma mère qui trainait à côté d’un paquet ouvert que j’avais oublié de ranger.

“Tiens, choisis ton thé !”, annonçai-je gaiement lorsque Moira me rejoignit, avant de m’installer sur le bord de fenêtre pour lui laisser la chaise à côté de la table, aussi bien parce que la chambre n’avait pas plus de chaises que parce que ça me permettait de surveiller l’extérieur. “Alors, comment tu t’en sors, toujours occupée entre les études et les assos ?”

Elle… Devait encore être en plein dedans ? Je comptais mentalement. Quand nous nous étions rencontrés et ce qu’elle faisait à l’époque, où elle devait en être maintenant… Définitivement, pas encore diplômée ?

Une fois arrivé dans sa chambre d’hôtel, mon ami me tendit une serviette et - par réflexe sûrement - me proposa d’aller prendre une douche. Il se stoppa net dans sa proposition, tout gêné, se rendant compte de sa maladresse. Je ne pus m’empêcher d’éclater de rire face à son embarras et pour ne rien arranger, j’en ajoutai une couche :

« Oh, tu peux avoir des arrières-pensées, tu sais… Après tout, nous sommes deux adultes pleinement conscients de leurs actes… En tout cas, merci pour la proposition, une bonne douche me ferait du bien pour me réchauffer, je suis gelée ! » Lui lançai-je en retirant un peu trop lascivement ma robe, me retrouvant maintenant en sous-vêtement devant lui.

J’avais toujours trouvé que Xander avait un charme fou, son côté bougon me faisait beaucoup rire. Et j’étais tellement petite que je ne pouvais me sentir qu’en sécurité dans ses bras. Bon, je devais bien le reconnaitre , j’ai toujours eu un faible pour lui. Je n’y pouvais rien si j’étais attirée par les hommes plus âgés que moi !

Je me dirigeai maintenant vers la salle de bain et pour prendre une douche rapide, je voulais simplement me réchauffer et ne voulais pas faire attendre mon ami trop longtemps. Je me séchais hâtivement, remis mon shorty et mon soutien-gorge, m’enroula dans la serviette.

« Merci pour tout ça ! En tout cas, je suis très contente de te revoir Xan ! »

À la sortie de la douche, j’aperçu qu’il avait fait chauffé de l’eau pour le thé et qu’il avait préparé quelques gâteaux en guise de goûter. Je ne pouvais qu’apprécier l’attention. Une boite de petits bonbons à sucer était posée sur la table, ce serait parfait en attendant que la température de mon thé à la menthe soit à la bonne température !

« Oh ben écoute, je suis sur la dernière semaine de l’année scolaire là. J’ai hâte d’être enfin en vacances, je me suis pas mal donné ces derniers temps ! Entre les dossiers à rendre et le bénévolat, j’en ai vraiment besoin ! » Lui dis-je lorsqu’il m’interpella sur mes études et mes activités militantes.

« Je suis en pleine recherche d’un stage pour l’année prochaine ! C’est sur toute l’année. J’ai déjà eu quelques contacts, mais rien qui ne me branche particulièrement… Enfin ! Assez parlé de moi ! Et toi alors ? Et toi alors ? »

Je manquai de m’étouffer à la remarque de Moira sur… Quoi que ce soit qui aurait pu se passer entre nous. Je l’appréciais, c’était certain. Je la comptais comme une de mes rares amies, c’était tout aussi certain. Mais plus ? Je fronçai les sourcils, décidant qu’elle plaisantait.

“Ouii, et on a pas du tout 15 ans de différence, ce qui rend les choses absolument pas glauques.”

J’aurais eu l’impression d’abuser de mon “expérience”, même sans chercher spécialement à le faire. J’écarquillai les yeux lorsqu’elle ressortir quelques minutes plus tard en petite tenue, heureusement couverte par une serviette, et fouillai rapidement dans ma valise pour lui tendre une chemise à moi. Trop grande, vu comme elle était menue, mais ça lui tiendrait sûrement plus chaud que… rien ou presque.

“Moi aussi ! J’ai l’impression que ça fait une éternité… Tiens, je vais m’occuper de mettre en route la soufflerie, tes vêtements sècheront plus vite.”

Je disparus quelques instants, mais la chambre était assez petite pour qu’il n’y ait pas besoin de hausser la voix pour continuer à discuter. J’eus un sourire en la retrouvant toujours aussi active, sans réelle surprise.

“Pour un peu, j’te proposerais bien l’endroit où je bosse… Y’aurait clairement besoin d’un psy, mais ça serait pas sympa pour toi de te faire rentrer là dedans.”

Ce n’était une surprise pour personne si je disais que je n’appréciais pas spécialement l’Ordre. Que j’y étais parce que je n’étais pas certain de ne pas me faire dégommer si je quittais la secte, qu’il y avait des gens auxquels je tenais sincèrement là bas, pris dans ce discours malsain. Je me concentrais sur le fait de bien faire mon travail, mieux qu’avant car avec plus d’informations, et c’était tout.

“Et du coup… Ca fait à peu près un an que j’suis rentré dans une boite, pour faire grosso modo la même chose qu’avant, mais avec un plus gros encadrement et des collègues. C’est pas l’environnement rêvé...”

Tu parles, on vivait dans une île cachée, entre nous, et nos revenus étaient au bon vouloir de l’Ordre…

“Mais j’ai des collègues vraiment sympa. J’y ai un peu trouvé une famille, sinon… Je t’avoue que je me serais barré. M’enfin, du coup c’est pour ça que je suis là, le boulot. Je dois retrouver un...”

J’étais pas bon avec les mensonges.

“... prestataire qui est en retard sur des travaux. Mais du coup, j’ai déménagé en Australie.”

Je repérai le paquet de pilules sur la table et grimaçai interrieurement, m’installant en face de Moira. Il me fallait une manière de récupérer le pilulier de ma mère, avant qu’elle ne le repère et pose des questions ou pire, prenne un “petit bonbon magique”...

“Petit gâteau ? Désolé, j’ai pas vraiment les ustensiles pour cuisiner quelque chose.”

Je reposai la boite juste devant le pilulier, et le fis disparaître à peu près discrètement dans ma main, alors qu’elle était occupée à croquer son biscuit. Meilleur plan du monde, bravo Xander.

Sa réaction à mes avances me fit beaucoup rire. Je ne pensais pas que la différence d’âge pouvait autant le déranger. Soit, tant pis, je réessayerai peut-être plus tard, ou alors je laisserai totalement tombé. Ce n’était pas bien grave ma foi. Ça nous éviterai certainement de gâcher notre amitié avec une stupide histoire de fesse.

« Je te remercie, c’est vrai que ça séchera plus vite ! » Lui répondis-je quand il me proposa d’allumer la soufflerie.

Il me prêta également une chemise, beaucoup trop grande pour moi, il fallait bien le signaler. Elle m’arrivait presque aux genoux. J’attrapai alors un bonbon dans sa petite boite avant d’aller m’asseoir sur le lit. Je remontai mes jambes contre ma poitrine et fis glisser sa chemise sur mes jambes pour être entièrement recouverte. Au moins, je n’avais plus froid.

Xander revint alors de la salle de bain et me parla de l’entreprise pour laquelle il bossait, me disant qu’il y aurait bien besoin d’un psy. Je ne savais pas vraiment dans quel domaine, il travaillait, je savais simplement qu’il était une sorte de consultant pour une grande boîte internationale. Quel genre de boulot pouvait-il bien faire pour que ses collègues - et peut-être lui ? - aient besoin de rendez-vous avec un ou une psychologue? Il ne semblait pas vraiment convaincu par son entreprise, mais c’était toutefois rassurant de savoir qu’il appréciait ses collègues. Et puis… L’Australie ! Le climat n’avait rien à voir avec la grisaille et la pluie écossaise ! Toutefois, quand il me précisa sa mission du moment, je ne pus m’empêcher d’avoir un doute sur la véracité de son propos. Mon imagination débordante me laissa penser qu’il travaillait pour une organisation secrète du genre de la CIA, peut-être était-il agent secret? Non, un peu de sérieux Moira, c’est du grand n’importe quoi ! Mais après tout… Ça expliquerai peut-être le besoin de renfort psychologique pour lui et ses collègues… Quoi qu’il en était, il y avait anguille sous roche et je sentais qu’il n’avait pas l’intention de m’en dire plus.

« L’Australie hein ? Ça fait rêver ! Surtout par une journée comme celle-ci… » Rigolai-je. « En tout cas, je te filerai un CV et une lettre de motivation, on sait jamais… »

Ça ne coûtait rien d’essayer en tout cas, et peut-être qu’il me proposerai mieux que ce que j’avais pour l’instant. J’étais plutôt bonne élève et avait réussi avec succès mes examens jusqu’ici, mais j’étais plutôt exigeante et ne voulais pas faire n’importe quel stage…

À peine quelques instants plus tard, Xander me proposa un petit gâteau pour attendre le thé et s’excusa de ne pas avoir grand chose d’autre.

« C'est pas grave, je fais pas beaucoup mieux en ce moment, entre le grignotage et la mal-bouffe… J'ai pas vraiment le temps de me cuisiner grand chose ! Merci pour le gâteau, mais je viens de prendre une de tes pastilles à sucer à l’instant, elle est presque finie, je te prendrais un biscuit juste après ! M’enfin ! Quoi de neuf alors ? Tu me disais que tes collègues sont sympas ? Des belles histoires d’amour et d’amitié en perspective ? »

J’eus un sourire lorsqu’elle pointa le temps qu’il faisait. Juin forcément, la pluie, tout ça…

“Tu sais qu’on a presque froid, hein ? C’est l’hiver qui commence là bas.”, précisai-je, avant de rire. “Bon, ça vaut toujours pas le temps d’ici, c’est sûr. Mais oui, passe toujours, je ferai remonter.”

On embauchait pas de “civil” mais ça ne servait à rien d’être méchant dans le vide, après tout. J’estimais que c’était mieux si Moira n’était pas mêlée à tout ça, simplement parce que ça n’était pas vraiment une vie, de devoir se cacher aux yeux de tout le monde. Cela dit, heureusement en soi, j’avais l’habitude d’être discret sur de nombreux aspect de ma vie… Que ce soit “professionnel” ou sentimental, j’avais toujours été un coffre fort. Réapprendre à m’ouvrir me demandait un travail permanent que je n’étais pas sûr d’avoir envie de faire. Pour citer des poèmes puants pour enfants qui se forcent un chemin dans le crâne sans qu’on puisse rien y faire... “pour vivre heureux vivons cachés”.

Elle me tira de ce cheminement un peu sombre, alors que je demandais ce qu’elle voulait grignoter, en m’annonçant qu’elle avait récupéré une pilule dans la boite de ma mère. Je blêmis sans pouvoir m’en empêcher, ayant de jurer. Longtemps. Très longtemps, de manière parfaitement inadéquate pour des oreilles délicates. Même si les étudiants, en général, en avaient entendu d’autres…

Je me passai la main dans les cheveux, inspirant. Qu’est-ce que j’allais pouvoir faire ? La séquestrer. Fermer les volets, donner de ma personne et l’épuiser assez pour qu’elle ne quitte pas la chambre pendant 24h. Non. Outre que ça n’était pas vraiment mon genre, j’aurais eu l’impression d’être un pédophile, à me taper une étudiante. Une amie, qui plus est...

“Ok. Heu… Ca aurait été mieux que tu n’y touches pas, c’est...”

De la drogue ? Oui, bon plan. Avais-je envie de passer pour un junkie ? N’allais-je pas passer pour un junkie, de toute façon ?

“... Quelque chose développé par le boulot, pour… Enfin...”

J’étais pas bon en improvisation. Ce fut le moment que choisit quelqu’un pour se tromper de porte et pousser celle de la chambre que je n’avais, bêtement, pas fermée - ça semblait trop bizarre de s’enfermer dans une chambre d’hôtel avec une fille quasiment deux fois plus jeune que moi. Et bien sûr, le temps que je réagisse, on avait donc un gobelin dans l’entrée, qui nous regardait avec surprise. Le temps qu’il ouvre la bouche pour protester, je posai la main sur celle de Moira pour l’empêcher de parler.

“Mauvaise chambre. Allez-vous en.”, grondai-je agressivement.

J’aimais pas les gobelins. J’aimais pas beaucoup de créatures magiques, parce qu’elles étaient souvent nocives pour les humains. Je retirai ma main quand il fut parti et, cette fois, fermai la porte à clef.
“Je… Bosse pour une institution qui gère ce genre de créatures.”, proposai-je, estimant que la vérité était ce qu’il y avait de plus simple. “Le cachet que tu as pris permet de les voir. Et… Ca doit rester secret pour éviter la panique.”

Je relevai le nez vers elle.

“Ne panique pas s’il te plait...”