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Le thyrse entre tes doigts a le goût du sang, et le parfum de sa voix

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Mer 31 Juil - 13:56

Points : 0
Messages : 138
Age : 32
Habitation permanente : Constamment sous le ciel.
Occupation : Fuir l'ennui avec acharnement.
Zakuro J. Fea

Zakuro J. Fea
    Le dépliement motorisé des rouages internes à la mécanique huilée feulait des frottements que le cheval en acier laissait murmurer de l'intérieur de son ventre. Ses flancs aux reflets magnétiques luisant sous les couches opaques des figurations métalliques. Je laissais mon regard glisser sur les développements cuirassés qui ondulaient, à l'instar d'une crinière, sur l'engin mû par la concentration de tendons câblés et de structuration de muscles froids. Le cheval vrombissait.
    Dans ses orbites creusées par les rotations vissées d'une ampoule qui se braquait sur les détails environnant, les phares projetaient un halo irrévérencieux à la nuit, et dans l'accompagnement du mouvement de la tête de fonte, mon univers se découvrait des reliefs inconnus, invisibles pour l'oeil qui ne s'était accompagné d'une lueur. Je tendais la main, désignant un horizon dans lequel les couleurs se juxtaposaient en fonction des teintes des taules qui s’imbriquaient les unes aux autres, building éclairés par une nuit sans étoiles, flirtant avec les nuages de pollution et d'une atmosphère chargée par les relents des monstres d'aciers et des années de déchéance qui les accompagnaient, présentes ici comme des fantômes égarés : les désolations d'une terre retournée sur ses minéraux anthracites et carboniques se faisant les témoins silencieux de l'oubli de l'homme.

    La présence humaine était omise, ici, et debout devant un vide plus symbolique que spatial, j'embrassais du regard une terre sombre, hérissés d' immeubles silencieux. La ville était morte, recouverte par les nuages de radiation, et leur masse inerte pesait contre ma rétine. Je soulevais les yeux jusqu'au ciel ; ce ciel mort, tué par une absence de de couleur, de lumière. Là où protons auraient affublés au cerveau cette procréation esthétique aussi vieille que la vie, il n'y avait que des détails sans formes, un amas formé qui ne se ciselait en rien. Le ciel n'existait pas, quasi abaissé jusqu'à la terre.

    Un air de vent, rythme de brise, souleva un filet de poussière contre ma jambe. Comme le spasme douloureux d'un chien à l'agonie qui cherche à se relever pour jouer une dernière fois à la balle, le vent murmurait, plus invisible et absent que jamais. Mes phalanges, gantées, effleurèrent, caressant la poussière en suspension, tandis qu'une expression mélancolique venait, -je ne le sentais qu'avec trop d'affliction-, se peindre sur mes traits. Là où le vent n'avait plus de maîtrise de lui-même, il n'y avait pas d'espoir particulier pour la vie. Mes pensées cultivèrent cette chape de chagrin qui me fit détourner les yeux, tandis que je me retournais vers l'hybride de métal, cheval handicapé, cheval à roue. La reconnaissance faciale activée, il sortit de son état de veille, et comme un animal qui s'ébroue, lança immédiatement le programme qui choisissait la fonction motrice principale de son ordinateur intégré. J'optais, en vu des conditions du terrain cahoteux, pour la moto et ses roues multi-adhérantes. Le moteur, comme un hennissement, écho d'un passé vivant, résonnant dans la plaine, tandis que j'enjambais le mecha semi-autonome. Le logiciel de prévention projeta un laser depuis le tableau de commande, et dans une projection pixelisée, le casque qui ceignit mon crâne me permit, par contact visuel, d'engager immédiatement l'entrée dans le data des informations à propos de la destination. Entre mes cuisses, le ronronnement du moteur qui s'activait, sur commande immédiate, me fit crisser les phalanges contre les poignées de cuir. Les doubles cylindres arrière feulèrent, et dans le  chuintement de la gomme contre le sol, la moto s'élança.

    (…)

    La température chutait depuis quelques heures. Jetant un coup d'oeil inquiet vers le ciel, -ou ce qui en portait indignement le nom-, j'observais la chute d'une pluie acide approcher. Les remues gazeux qui s'étaient développés au dessus de moi, tandis que je roulais au travers des plaines accidentées, prévenaient d'une chute imminente, et plissant les yeux, me concentrant de nouveau sur la route, je ralentissais progressivement. La pluie, obstacle à la vitesse, était à prendre en compte, si je tenais à éviter un incident.

    Lorsque les gouttes tombèrent, je rongeais mon frein. Je m'étais attendu à un déversement progressif de l'eau acide. Non à cette averse démentielle qui, en me faisant relever le visage vers les nues sombres, m'inonda. Sous la visière qui, bientôt, se retrouva recouverte d'une eau à l'odeur suspecte, je gardais les yeux concentrés sur l'horizon. Je ne pouvais pas me permettre un voyage plus long dans ce cadre là. Le choix me fit arrêter le moteur, et enjambant la moto qui, presque immédiatement, reprit la forme mecha que je lui destinais dans ses instants de non-utilisation : un fauve noir aux courbes magnétiques, son ronronnement profondément enfoui sous les couches de nickel, celles-ci suivant les ondoiements de ses mouvements hybrides. Il vint s'installer près de moi, les phares encore allumés ; une caresse de ma paume sur son crâne aux agencements de plaques sombres suffisant à les éteindre. La lumière disparut, remplacée par une ambiance brumeuse, froide et humide. Je m'asseyais au sol, dans une position seiza, le casque disparaissant dans un amas de pixal dévoré par un dernier laser de la moto. Sous la pluie, les mèches sombres s'allourdirent d'une pellicule aqueuse, venant se coller petit à petit contre mon visage. L'attente serait longue.

    (…)

    La pluie acide ne voulait pas cesser.
    Combat inégal entre mon regard furieux et les nues insensibles, qui continuaient à déverser des flots d'eaux sur une terre ravagée, je fus obligé de lui reconnaître la victoire. Abandonnant l'immobilisme de mes positions d'attente, je me relevais, rejetant en arrière mes cheveux trempés. Je tendais les doigts vers la nuque de l'animal mécanique, l'ordinateur s'affichant, l'écran m'indiquant que les réserves n'étaient pas chargées à leur maximum. J'ignorais l'alerte, mes doigts faisant défiler les options de commande, avant que je n'en sélectionne une en particulier. Sur l'écran, s'affichèrent des chiffres qui défilaient. Du bout des doigts, je m'emparais du rythme de leur déplacement, activant ainsi la programmation d'un logiciel, qui, d'une caresse, s'activa.

    (…)

    Le paysage avait changé, remplacé par un mur me faisant face. Je jetais un regard en arrière ; la moto ayant été remplacé, assurément, par son absence. A la place, des murs, des décorations en tissus, et l'odeur de nourriture qui flirtait avec le bruit, les chansons, la musique. Un homme apparut : j'étais dans un couloir, donc, et sans s'arrêter, me jeta, pour simple salut, un regard intrigué. A ma combinaison de cuir, d'alliage métallique, et de pore siliconeux, nous nous distinguions de manière certaine. A ma peau, peut-être, aussi. Je l'observais se ruer vers l'extrémité du couloir, et s'engager au tournant de celui-ci. Le suivant, je fis ainsi face à des hallebardes venant se pointer vers mon visage. Si mon cerveau m'envoya le réflexe d'un revers de l'avant-bras, mon regard sur les hommes m'apprit qu'ils n'attaquaient pas, mais qu'ils défendaient. Gardes habillés de ces vêtements que l'on retrouve dans les livres d'histoire, comme des illustrations des temps anciens,  ils encadraient une porte qui se refermait sur l'homme que je venais de croiser. L'un d'eux m'apostropha.

    « Déclinez votre identité. »
    « Fea Zakuro. »

    J'avais  soulevé un sourcil, intrigué par les consonances étrangères des syllabes de l'homme, qui, brusquement, abaissa son arme, imité par son collègue.

    « Vous êtes attendu. Je vous en prie. »

    Je pénétrais dans une salle aux dimensions effarantes, la luminosité, l'ocre et le pourpre qui venaient frapper mes yeux vomissant leur contraire à l'univers déserté que je venais de quitter. Un buffet s'organisait, s'étalant devant moi, des convives riant et frappant les tables et les plats dans un chahut qui me laissait alerte, mes prunelles passant d'une source de bruit à une autre, mon cœur prit par un battement plus affolé que d'habitude.

    « Han Yun-Jin est-il ici ? »

    Le but de ce voyage était après tout de le retrouver. Mais les mots, adressés à un silence qui n'existait pas, se répercutèrent contre mes lèvres, et j'avançais, presque timidement, armure vivante, robot de chair et de nerfs, face à ces êtres qui dévoraient, découpaient, riaient, régurgitaient. La musique était un vacarme dans lequel je ne parvenais pas à trouver d'harmonie, et opposant le bleu de mes yeux aux couleurs trop criardes des lieux, j'avançais doucement vers l'un des murs, cherchant à organiser ma recherche. Un homme, portier qui venait de courir à ma poursuite, me fit me retourner vers lui quand, m'agrippant par l'épaule, sa perruque fardée scintillant sous la lumière dorée, me tira vers une des tables.

    « Ne voulez vous pas vous reposer un peu ? Votre voyage a sûrement été long. Prenez un peu de repos, et restaurez vous. »

    Je ne répondis pas, mes yeux accrochant la silhouette d'un être mince qui venait de rentrer dans la salle. La peau pâle et les cheveux blancs ne laissaient pas de doute, et les pas me rapprochant assurèrent mon sourire. Je ne m'attendais simplement pas à le croiser ici. Mais un murmure, glissé quelque part sur ma gauche, me fit détourner les yeux de lui.

    « Han Yun-Jin devrait se représenter ici, bientôt, n'est-ce pas ? »
    « C'est ce qu'on dit. Ce n'est pas forcément vrai. »


    Mes prunelles cherchèrent Kohaku.
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Mer 31 Juil - 13:57

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Habitation permanente : KMO, Hiryuu : 05 rue de la Chance, app: 32 ou la Chambre 110 de l'université KMO ou chez Zakuro.
Occupation : Étudiant en psychologie | Mangeur d'âmes.
Kohaku Joshua Mitsumasa

Kohaku Joshua Mitsumasa
I




Les dévorés.



-


Trouble-fêtes et troubadours, des souillures rouges jusqu’aux décombres rapiécés du glorieux Luxembourg. Ici vient l’homme et ses peintures de guerre, je secoue mes lames et revient de six pieds sous terre. Les guitares sonnent, les langues fredonnent et les syllabes de multiples univers s’entrechoquent. Mes doigts frétillent contre l’onyx étanche de mes manches, guettent les influx sensoriels qui percent les murs. Des vibrations, des textures. Mes ongles pourpres grattent la surface familière d’une cloison de bois vernis. Je souris un sourire qui étire mes lèvres sur mes dents, qui relève mes pommettes, qui me démonise.

Ouvrez cette porte, on m’attend, ouvrez-la où je l’étends.

Haha. Je rime.

Non, sérieusement.

Le portail s’ouvre, la musique traçant un crescendo dont j’avale les notes au vol, me délectant goulument le parfum des sons. Les pierrots vêtus de rouge cessent leurs mouvements, ferment leurs boîtes imaginaires en usant de simples mimiques colorées, ou peut-être les suspendent-ils dans l’air, comme cette cité qui s’est perdue dans la placidité des années, égarée dans un état de détachement temporel qui la préserve de ce qu’il y a dehors, de ces restes disgracieux d’une humanité se tenant au rebord d’un pic montagneux par le bout des phalanges, attendant, poumons cousus, le moment de sa chute. Leur souffle est retenu, leur cage thoracique est immobilisée.  C’est le spectacle qui respire et j’avance en son cœur, armé d’une fébrilité curieuse qui me sied aussi bien qu’une seconde peau. Mes peintures ondulent avec moi, des dessins tribaux aiguisant mon épiderme de tons exotiques. Elles scintillent d’une foulée de couleurs changeantes, se vautrant dans des glaciers cobalts pour ensuite s’enfumer dans des poussières  de souffre doré.

Les tissus virevoltent en un amoncellement de mouvements et vibrances qui tranchent avec ce qu’on peut trouver en dehors des murs de la cité. Des vieilles loques traditionnelles, barbouillés de motifs oubliés, un kimono, un obi, qui s’accouplent avec l’écho asiatique rêvant sur mes traits. Je secoue mes cheveux blancs, des filaments opalins effleurant les vertèbres saillantes de mon cou, ainsi que mes pommettes. Ma translucidité capillaire se marie aux veinures arc-en-ciel qui ondoient sur ma peau, adoptant, lorsque trop près, leurs teintes polychromatiques. La peau de mes pieds nus crée un tintamarre contre les tuiles de marbre de la grande salle rendue silencieuse par mon retour de l’au-delà des murs. Le portier me sourit, ses boutonnières dorées vibrant d’un éclat luminescent sous le lustre de saphirs qui se balance au-dessus des tables gorgées de convives abandonnées à un mutisme intrigué qui frôle le solennel.

Je cligne des yeux, ma cage thoracique se soulevant dans l’avènement d’une respiration profonde. Je les observe, un par un, mémorisant des visages à défaut d’avoir le temps de mémoriser des noms. De toutes les tailles et de toutes les formes, ils ont atterris ici par ce qu’ils considèrent être un élan de chance, ils ont franchis les dunes grises qui s’égrainent posément à l’extérieur pour retrouver l’éclat d’un monde ayant encore un ciel. Un ciel d’étoiles et de nuages figés qui se transforme au gré des heures, dodelinant au rythme de la machinerie qui l’a créé. Ce n’est pas un vrai ciel, simplement une version émulée destinée à rassurer tous ces gens, des spectateurs, des égarés. Ceux qui vivent à l’intérieur du dôme, qui se noient dans la quiétude de la cité. Entre eux, ils se surnomment les Rescapés.

Pour moi, ils sont les Dévorés.

Le portier incline la tête à mon intention, désignant d’une main la salle qui, doucement, s’en retourne vaquer à sa cacophonie. Les pierrots s’activent, les engrenages tournent, la scène reprend vie et je relâche l’air stagnant à l’intérieur de mes poumons. Mes os s’abaissent, les  couleurs s’étendent et il est maintenant, ce portier au visage ridé, aux boutons dorés, le seul qui ose me regarder.
Il sourit.

« Bonjour. Nous vous attendions. »

Mes lèvres s’amincissent contre mes dents et mes pommettes se soulèvent, miroir gangréné de cette expression qu’il m’offre de par l’intermédiaire de son visage éperdument doux, indubitablement sage. Les pores de ma langue viennent se froisser contre l’ivoire de mes canines. Les Dévorés échangent et communiquent, entassent des coulées de nourriture juteuse dans leurs mains pour mieux la laisser couler à l’intérieur de leur œsophage. Ils se prennent pour les rois du monde, ces ironiques rescapés, ils se prennent pour les êtres forts que la sélection naturelle a laissé perdurer.

L’envie de rire bouillonne au niveau de mon diaphragme et mes doigts se soulèvent, accompagnés de mes peintures, de ces tatouages d’âmes brillantes vivant contre ma peau, qui suivent le mouvement et se regroupent à  l’extrémité de mes doigts. Ils saluent cette joue flétrie que je dérange de mon contact. Ils saluent ce portier atypique qui a abandonné ses parures et sa perruque pour ne conserver que ses boutonnières et son manteau. Doré contre noir.

« Je vous attendais aussi. En quelque sorte. »

Est-ce que j’ai déjà vu cela quelque part ?

Doré contre noir . . .

Il acquiesce, se campant dans ce mouvement de bienséance désopilante qui incombe trop souvent aux valets, et entreprend de me fixer, simplement, attendant une suite à laquelle je n’ai préalablement pas réfléchi. Mes synapses fléchissent. Je suis de retour dans la cité des damnés, dans cet enclos d’âmes qui pétillent et explosent, qui s’éclaboussent. Je. Je. Je.

Dehors, la pluie acide doit battre contre les délimitations du dôme, doit grésiller et s’évaporer en une brume grisâtre qui gravit les nuages et retourne vers ciel uniquement pour en retomber. Dure, douloureuse. Les individus, femmes aux corps secs et aux cheveux coupés courts, qui gardent l’entrée du dôme, de sorte à ce qu’aucun élément non-désiré ne puisse venir troubler la paix simulée des lieux doivent contempler les plaines incolores qui représentent la majorité des terres du globe. Un monde vide, vidé, abandonné. Meurtri. Un monde qui ne peut plus rien sécréter d’autre que cette absence de couleur qui m’accable.

Doré contre noir. Il faut aller ailleurs, Joshua. Cette ressource là s’éteint aussi, se vautre dans une éternité simulée, dans une quiétude faussée. L’horloge avance, les aiguilles tournent. Mes incisives viennent rabrouer mes lèvres. Ceux pour qui le temps s’est réellement figé ne cherchent pas le mensonge de cet endroit, ne cultivent pas l’idée de se complaire dans une aire de repos simplifiée où les emplois sont minutieusement distribuée, où la nourriture est trop abondante. Les aveugles, les aveugles.

Vous nagez dans mon bol.

Le portier n’a toujours pas bougé, semblant tout à son aise, attendant tranquillement la suite de mes instructions. How admirable, hm. Je papillonne des paupières, agitant les manches de mes habits, sentant les lourds tissus sautiller.

« Sont-ils arrivés ? »

Il ne me répond pas, une mèche volage, un charbon passé à l’eau qu’on aurait barbouillé avec un bout de craie blanche, s’assoupissant contre les fossés creusant son front. Il indique une direction du menton, sans s’encombrer de la moindre parole.

Je m’immobilise, mes yeux suivant la direction signalée en une impulsion vive, presque frénétique. La masse s’enlise toujours dans son ignorance volontaire et je vois les crevettes marinées qu’une gamine tend à sa mère, énergique et souriante dans un temple qui n’a que faire de son intellect. Je vois les pierrots flamboyants qui s’agitent et amusent les rescapés. Je vois des décors, les rideaux et les velours, les saphirs et les émeraudes, puis, mon cœur tressaille et je réceptionne, au creux de ma rétine, l’apparition du ciel.

Le vrai, cette fois.

Je quitte le portier et son grand âge sans y songer, progressant en une série de grandes enjambées vers le colosse aux yeux d’azur. Si tôt est-il dans mon champ corporel que je m’empare de l’une de ces hanches, laissant le pourpre de mes ongles remonter le long de sa combinaison noire dans l’apposition d’une caresse familière que j’arrête contre sa jugulaire.

Un sourire, qui n’amincit pas mes lèvres, préférant les adoucir, les alourdir, les pincer dans une moue joueuse. Dans un sourire entendu.

« Do I know you ? »

Je m’écarte légèrement, laissant contre sa gorge le souvenir léger d’une griffure.  

« N’étiez-vous pas supposé être deux invités ? Où est Yun-Jin ? »

Un decrescendo d’instruments à vent explose quelque part dans la grande salle.

« Ce serait dommage que la pluie l’ait dévoré avant même qu’il n’arrive ici . . . »
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Mer 31 Juil - 13:58

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Zakuro J. Fea

Zakuro J. Fea

    Je défie les rois, les reines, les beaux, les laids,
    je défie l'esthétique et je défie les contemplations.
    Je défie et je vous laisse perdre, sans avoir besoin de gagner.

    Je vous regarde.




    Il y a mille manières de s'approcher et de toucher, et son contact fut rutilant au milieu des possibles. Une possibilité comme une autre, mais que j'embrassais, laissant mon cœur s'emballer pour ce rythme que je ne laissais appartenir qu'à sa propre identité. Peut-être oubliera-tu jusqu'à mon visage, mais je pourrais structurer des « Bonjour toi » qui n'apparaîtront pas sous les reliefs étoffés d'un cognitif massacré. Je pourrais, et je le ferais sans doute. Ce sera ailleurs, dans une autre dimension, là où les noms des amis et des ennemis seront échangés.  

    « Il y a plusieurs réponses à cette question. »

    Et en ôtant les gants qui protégeaient mes doigts, fit venir ma peau contre celle de sa joue, mes phalanges caressant une mèche albâtre que ni mon corps, ni mon cœur, ni ma mémoire ne saurait oublier. Et pourtant, le temps le savait, ce serait cette mémoire qui nous ferait défaut l'un à l'autre, dans des situations aux remparts bien plus élevés que ceux-ci. Ma volonté défiant les possibilités trop physiques de nos corps séparés, je noyais ce bleu que je ne voyais pas dans cette encre de jais que j'admirais. Dévore mon âme, Kohaku, dévore tout ce que tu fouilleras au fond des orages de mon cœur. Tapisse-en la surface de tes yeux, tu m'offrira des regards de démons.
    Et j'aimerais cela, pour t'avoir toujours connu ainsi.

    « L'une des réponses est qu'un jour, tu ne te souviendras plus de mon nom. Et cela n'empêchera pas que je voudrais l'entendre de ta bouche. »

    Mes doigts appuyèrent sa peau, en une pression que j'aurais voulu voir imprimer la marque de ma main contre son derme, tandis qu'en l'attrapant, en le rapprochant, lui contre moi, ma bouche plus à même de capturer son souffle, je disséquais des mots que je lui murmurais dans les cils.

    « Une autre réponse est que tu me connais. Assez pour que je rêve tous les jours de toi sans jamais oser me réveiller. Tu connais ces réponses, Joshua. »

    Le prénom  souligné par une marque jumelle à celle qu'il avait eu la bonté de m'abandonner dans la gorge, mes ongles découpant une griffure irrégulière sur la ligne de sa mâchoire. Un regard, une caresse sans toucher, et je m'écartais, en coup de vent.

    « Il est là. Normalement. »

    Je suis là pour lui, après tout. A son égard pour la pluie, je relève les yeux vers un ciel qui ne se voit pas, qui n'existe même pas. Un sourire tire résolument mes lèvres en des angles pointus.

    « La pluie ? Oh, non … Cela m'étonnerait vraiment qu'on l'ait laissé faire cela. »

    Et je lui sourit, simplement, tandis que l'obscurité nous surprend. Un voile noir qui s'abat et qui me couvre, juste avant que je ne m'empare de l'éclat de ses prunelles. Il n'y aura pas de noir plus profond que celui dans lequel je tuerais mes yeux, il n'y aura pas de noir plus désirable que celui dans lequel je contemple mon âme. Mais cela n'est pas pour maintenant, cela est assurément une autre histoire que je ne veux pas considérer pour le moment. Le noir est ce qui se fait insistant pour le moment, mais un noir qui brille de sa fausseté, et qui se rompt, distordu par ce qu'il révèle le mieux : le blanc, la couleur, la lumière, et celle-ci illumine la scène férale de corps qui s'alignent pour mieux se faire voir, se faire admirer. Mes yeux glissent sur eux, et sélectionne les données valides que j'aspire à utiliser. Des soldats, pseudo protecteurs déchus d'une cité qui se fait ravager par les intempéries, et qui s'élancent sous les brises des élans hormonaux. Que ceux-ci soient féminins ou masculins ne fait pas la différence, car dans les mouvements lascifs des déhanchés militaires, je retrouve l'ironie d'une caricature sombre des régimes trop totalitaires. Un sourire désolé glisse sur mes lèvres quand je pense à Arendt, tandis que Yun-Jin s'effectue en une démonstration flamboyante  de son corps à vendre, une fille montant plus près de lui que toutes les autres, j'estime le nombre de groupies au genre confondu qui s'amasse autour de lui, papillons de nuit tous follement attirés par sa prostitution. Il danse comme d'autres se battent, et c'est étrange de se dire que c'est une autre sorte de combat pour sa survie qu'il pratique, maintenant que les armes ne servent plus. Utilise t-on une épée pour tuer le ciel ? Les filles crient, les garçons se rengorgent, et les bras croisés, je regarde. Lui ondule, et Joshua chessifie. Mes pensées s'absorbent sur elles-même, en un ouroboros huileux, qui dévore ce qu'il ne sait pas.
    Et le spectacle d'un fauve en armure lustrante fait hurler les filles.
    Je souris.

    (…)

    Le spectacle est terminé, bonsoir mesdemoiselles, non, il ne sera pas possible de quémander un autographe quand bien même le bout de vos seins se serait durcis sous la provocation charnelle de la danse trop brève pour vous. Non, désolé, et je m'avance au milieu de la foule, attendant que les soldats descendent de table, pour m'approcher de lui. Mes doigts effleurent son épaule, je réclame son attention, et m'instaure comme une opposition qu'on ne saurait écarter de son chemin. Honnêtement, mes trente centimètres de plus jouent un rôle qu'ils connaissent et influent. J'inspire.

    « Jolie démonstration. »

    Je suis sérieux, j'attends. Les soldats me regardent, mais je n'ai pas particulièrement de temps à perdre avec eux. Dans ma tête, le compte à rebours qui s'est engagé depuis mon entrée dans la salle atteint son paroxysme lent, et je cesse les attitudes trop douces, pour poser un regard gelé sur lui.

    « Han Yun-Jin, auriez-vous l'amabilité de m'accompagner jusqu'à l'extérieur de cette salle ? Vous avez été affecté à une fonction autre. »

    C'est tout ce que je peux dire pour le moment. Et c'est un mensonge. En soi, c'est plus une condamnation. Je précise.

    « Et nous devons en discuter loin des oreilles indiscrètes. »

    Et sans vraiment plus de ménagement, je me retourne, et pousse un soldat un peu trop sur mon chemin, en intimant à Yun-Jin de me suivre. Il est beau, il est jeune, et ceci est un enlèvement que les filles voudront suivre des yeux et du corps. Je cherche Kohaku du regard, -encore-, et si je le réceptionne, c'est pour l'inviter.  
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Mer 31 Juil - 14:02

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Kohaku Joshua Mitsumasa

Kohaku Joshua Mitsumasa
II




Le drifter et le général.


-

Le ronronnement est avalé par les intonations de la grande salle, si bien que je m’octroie le droit de m’extasier au contact de ses doigts sans inquiétude d’être entendu ou perçu, sans inquiétude de savoir la prestance de l’empereur être la seule chose taisant les bouches. Il y a plusieurs réponses à ma question, mais aucune ne passe par les reflets observables sur les boutons dorés des manchettes du portier, aucune ne trouve sa justesse dans les bouches en cœur des convives qui étouffent leurs cognitions au travers de délices salés. Il pèle les remparts de mon humour pour y loger son affection, écarte mes prétentions amusées d’un revers de sa perdition. Il trouble le jeu pour mieux s’approprier, et je roule ma langue contre mon palet en susurrant ma plaisance.  

Bien sûr que je connais ces réponses, Zakuro. Bien sûr que je sais qui tu es.

Et je me déçois presque de le voir s’écarter en réponse à ma seconde interrogation, une part de moi envisageant la possibilité de le trainer contre mes os et d’oublier les raisons de notre réunion planifiée. Mes peintures corporelles oscillent d’arc-en-ciel et le noir de sa combinaison rutile de déraison. Je grésille. J’imagine son véhicule abandonné aux abords du dôme, prêt des gardes, tout juste protégé de la pluie battante et dépourvue de miséricorde. Je l’imagine ajouter une touche de relief au paysage qu’elles se voient forcer de contempler à longueur de temps, à  en oublier leur nom et leur réalité. Elles vivent à l’orée du dôme et ce faisant, même si elles sont destinées au même sort que le reste des Dévorés, elles  auront la possibilité de fuir. Qu’est-ce qui dominera, à ce moment là, la vie ou le devoir ?

L’acide ronge et les Dévorés festoient. Dans ce monde dystopique, tout le monde mange et je sais, mes doigts s’étirant pour toucher la saillance des bras du Ciel, que je serai celui qui goûtera le meilleur met.

Je relève la tête en un mouvement uni au sien, lorsqu’il contemple la fausseté de la cité pour mieux pouvoir se moquer de la pluie, pour pouvoir apposer une subtilité dérisoire à cet endroit. J’ai envie de rire, de m’accrocher à ses omoplates et de hurler la stupidité humaine à m’en perforer les poumons, à en exploser les tympans de l’assemblée. J’ai envie de rire, et je me contente donc d’un faible gloussement qui bouillonne sous forme de bulles inégales et qui se perd contre l’intemporalité diluvienne de son regard. Il est comme cette pluie, qui vrombit et chante à l’extérieur. Indestructible.

Le ciel synthétique s’éteint et le noir enveloppe le buffet pour laisser place à la lascivité des forces de l’ordre. Les langues se sont effilochées, avec le temps, si bien que le monde s’est amenuisé à en croire qu’elles voulaient toutes dire la même chose. J’observe les lumières qui fusent et qui se déposent sur l’entrée, sur la troupe d’individus aux physiques saillants qui provoquent les émois de par des mouvements giratoires. Les flux sanguins se redirigent et les regards se figent, s’humidifient d’une lubricité bruyante.

Les manchettes du portier scintillent, dans la cohue, et je scinde mon regard de leur luminescence jaunie, contraste hallucinant aux déboires qui se déplacent pour mieux aguicher les foules. Peut-être . . . Mon esprit s’embourbe, mes pensées vacillent et les images se succèdent soudainement en une série de facéties dantesques.

Doré contre noir. Où aie-je déjà vu cela . . . ?

Le spectacle se poursuit, prenant le Général Yun-Jin pour idole, le laissant être la principale sculpture de perfection simulée auxquelles se destinent les prières des Dévorés. Ses acolytes ne sont que des parures, des décorations à cette machination sexualisée dont il est le plat de résistance. Son effet est indéniable, se note non-seulement par les cris et les mains tendues, mais aussi par des gestes plus subtiles, telles ces cuisses que certaines resserrent dans une tentative instinctive de friction.

Le Général, ne pourrais-je jamais le nier, a visiblement l’art de bien se faire remarquer.

Je sors de la pièce sans qu’on me remarque, car si mon entrée a su faire momentanément taire les convives, elles sont déjà oublié l’existence du monstre qui les évide.

-

Le bureau sur lequel je suis perché, lorsqu’ils entrent dans la salle dans laquelle j’ai choisi de tenir notre réunion, est taillé dans un matériel en tout point identique avec l’émeraude. Une verdoyance polie et profonde s’étend sous mes sombres manches et mes pieds nus frôlent l’air rance contenu entre les quatre murs de cette pièce trop rarement utilisée. Je les détaille depuis mon perchoir, ces deux êtres aux physiques antipodaires, tous deux bercés par des ombres prenant source dans des recoins différents. Le Drifter et le Général, dans la cohue de leurs rôles et existences opposées.

Je souris et les toise longuement, laissant mes peintures s’aiguiser et mes incisives titiller ma lèvre inférieure. Ma langue vient s’attarder sur une blessure fantôme, un trou inexistant la où mes lèvres se joignent au centre. Je descends du meuble vert, la plante de mes pieds touchant le sol avec un bruit typiquement associé à la chair. La succion de la peau, molle et couinante, se fait la trame sonore de mes enjambées. J’atteins d’abord le Ciel, le drifter, et toute cette galaxie claire contenue dans le simple cercle de ses iris.  Je gratte sa mâchoire de mes ongles vermeils, glisse mes phalanges jusqu’aux cils qui encadrent les fenêtres menant à l’extérieur et je l’embrasse, chaste et finalitaire.

Quelque part, tu es un rônin qui m’aura tout donné de son être, qui se sera laissé souffler aux autres vents pour assouvir une faim intarissable. Quelque part, mais pas ici, tu m’aurais laissé te remodeler à une image qui me permettrait d’avoir un compagnon dans l’impossible.

Quelque part.

« Tu es là parce que tu le seras toujours. »

Je me retourne vers le général et sa prestance outillée aux besoins sirupeux de la cité. Je me demande, l’instant d’une seconde lucide qui me cogne contre les boutons dorés – où, où, où, dans quelle réalité – ce qu’il est hors d’ici, ce qu’il est quelque part, dans cet endroit où le drifter et l’empereur ne sont que des existences résonnant au fil des termes de l’intemporalité et l’immatérialité.

Je m’approche de lui et brusque ses muscles de mes paumes, retroussant mes lèvres dans un sourire qui s’exhibe comme une liqueur venimeuse. Mes doigts serpentent en une promesse aigrie, une famine sordide dont je lui offre la possibilité de s’échapper. Parce que dans son corps manufacturé, comme le ciel, comme la nourriture, comme les pensées, résonne encore une note de lucidité. Je passe ma langue sur mes dents, pince vicieusement la chair de son cou.

« Et tu es là parce que tu n’es pas encore mort, parce qu’on ne t’a pas encore dévoré.  »

Yun-Jin n’est pas une entité préalablement heurtée, n’est pas une âme déjà touchée. Il ne roucoule pas parmi les couleurs des Dévorés, il ne scintille pas sur la surface changeante des tatouages décorant ma peau. Non. Mes manches tombent au niveau de mes coudes lorsque j’enfonce mes doigts dans ses cheveux. Il n’est pas encore mort. Pas comme eux.

« We give them one more show and we bomb this place to the ground. »

Boom. En fumée, les Dévorés. Boom. La bonne blague des Rescapés. Portons cette mort synaptique à la réalité, rendons la tangible comme les humaines s’apprécient tant être. Le parfum d’une humanité moisissant lentement dans les confins d’un palace ne siégeant que pour que puisse perdurer sa belle existence. Mieux vaut pour elle de tenter de me porter vers la satiété, d’emplir mes synapses de ses goûts diversifiés avant qu’il ne soit trop tard. L’homogénéité a déjà sévi, l’amoindrissement des neurones, l’enlisement de la critique s’opèrent de plus en plus rapidement. Le temps les empoigne et les tord, craque les fondations de leurs cerveaux pour les remplacer par du coton. C’est nauséeux, c’est infect, c’est triste et ce genre d’existences vides ne peuvent briller, s’améliorer que lorsqu’elles sont portées à leur fin.

Il est trop tard pour espérer une issue facile et tous ces gens ne connaissent rien d’autre que la facilité.

Tous. Mais pas lui.

« Si tu me refuses, Han Yun-Jin, je te mangerai. »

Je souris. Je souris. Je souris.

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Mer 31 Juil - 14:04

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Zakuro J. Fea

Zakuro J. Fea
    Les grincements mécaniques d'un sifflement moteur averti le monde des rouages ancrés de ce processus que nous nommerons volonté. Ils effleurent du bout des doigts ces géants d'aciers qu'ils n'osent dévisager, et rampe, dans l'ombre, ce serpent en fer ouvragé que tous voudraient ignorer. Ils ne le voient pas, ne cherchent pas à le voir, et je contemple le Temps. Il faudrait se dépêcher. Les notions s'emmêlent, Yun-Jin hésite, et je voudrais avoir à le saisir par le bras. Les portes se referment, les respirations s'usent, tandis que les craquements des secondes dévorés annoncent désormais l'oxydation inévitable d'une finitude qui s'empare de chaque être, de chaque chose. On voudrait le retenir, le beau général. On voudrait qu'il reste avec eux, que leur peau parfumées, masquant la mort qui vient à rebours, se pressent contre la sienne, lui et son éclatante beauté. On voudrait qu'il passe son humanité avec eux, figés dans cette compréhension trop douloureuse de la logique sous laquelle leurs vies sont réglées. Le serpent, dans son armature de nickel, referme ses anneaux sur l'existence étouffée de ceux qui se débattent, et les portes se referment. On amène Yun-Jin ailleurs. Là où la décrépitude n'atteint pas ceux à l'organisme pourrissant. La respiration se noie sous la fonte. J'expire.

    Gardien sans secret, la pénombre envahit les lieux sans souffrir du moindre manquement de relief. Dans un monde où les choses dorment en silence, il suffit que les charnières pivotent pour faire abaisser les murailles d'un sommeil sempiternel. Il suffit de passations inhumaines, d'un passage immatériel, qui va trouver sa place au fond des ténèbres, pour que se soulèvent des paupières dont les crans du mécanismes surelévateurs s’habilitent désormais à un mouvement qui ne se rompt pas. On fixe dans le noir, à défaut de ne rien voir. Yun-Jin est sous les projecteurs d'une contemplation qui n'atteint rien ni personne sauf lui. Désormais, l'on a camouflé sous un aluminium de désintérêt forcé, exploité, presque violent, l'idée qu'on ne le regarde plus pour son corps. L'attirance magnétique est désormais située dans un domaine plus carnivore, où la sensualité de son être est appréhendé sous une optique de proie. Il n'est plus sexué, il n'est plus l'homme-objet, créateur onirique des fantasmes charnels. Désormais, dans le noir où les lignes droites de ses muscles ne sont plus exploitées comme ces courbes que l'on veut mordre ; il y a désormais l'appel sourd d'un autre type de mâchoire, un autre type d'appétit.

    L'argentique d'un cliché qu'on a accroché au mur de soie, au mur d'illusion d'une structure qui se croit solide, se dissipe sous les volutes d'un soufflement en paillette grisée. On attend. Et on étripe le silence par nos œillades.

    Le bureau est un trône, piédestal trop matériel à ce qui ne se retient pas. Je compare en silence, tandis que s'installe les réflexions trop expressives d'une arme de destruction dont la conscience s'accroche à la présence du Général. Nos attentions détournées, les pensées sont tumultueuses, accrochées entre elle à cet alliage écailleux.

    L'intimité s'impose un instant, j'existe un peu plus au delà des moments, et sa main effleure.

    « Tu es là parce que tu le seras toujours. »

    Le temps ne s'égrène pas. Il s'immobilise, sa gueule triangulaire dardée sur ce mouvement au prédicat assassin, que l'on envisage s'achever sur un éclair de métal. Mes yeux parcourent la ligne courbe des siens, s'accrochent un instant aux cils, pour y découvrir ce qui ne se tait jamais, et durant une seconde, instant d'ailleurs, sous la limite gantée d'un cuir noir, je viens caresser la joue blanche. Des possibilités que l'on grave, le temps d'une seconde. D'une minute. L'argent tinte quand je rabaisse les doigts. Rien que des possibilités émaillées d'autre part. Un lui qui court, un moi qui le poursuit. Des peut-être en suspensions, depuis toujours. Un goût de pluie sur le rebord de mes souvenirs.

    « Et tu es là parce que tu n’es pas encore mort, parce qu’on ne t’a pas encore dévoré.  »

    Alerte, je suis le fer de lance du moindre signal, et sous mes doigts, les vibrations se taisent. Ce n'est pas encore le moment, hurlent les émanations enfouies d'une juxtaposition matérielle. Témoin offert en tribut au sacrifice de l'immatérialité, le silence et la pénombre sont des vierges que l'on poignarde, les bruits humides de leurs chairs engorgées désormais remplacés par ces instants sont  déployés sur l'éventail d'une situation qui s'associe à la dissection de l'âme humaine. Les Dévorés attendront. Les portes refermées, il n'y a pas d'échappatoire au jugement tributaire d'une violence significative. Le moment est en équilibre. L'éminescence d'une bombe résonne quelque part au fond de mes os. En écho, c'est un tintement métallique qui hurle dans le calme de l'instant. La porte a manqué de trembler. Je tourne les yeux vers les charnières. Elles tiendront, en cas d'attaque. Les Dévorés ne la franchiront pas, mais peut-être n'y a t-il pas que les Dévorés qui tenteront de dépasser les limites instaurées. Après tout, mes yeux glissent sur Joshua, il y a déjà un monstre invité au repas.

    Il s'approche, dans une contemplation alléchée, ses pupilles adhérant au contre-sens de papilles.

    « Si tu me refuses, Han Yun-Jin, je te mangerai. »

    Là où se plantaient les regards, à défaut des dents ; là où se posaient les yeux, à défaut des langues ; là où caressaient les prunelles, à défaut des mains ; un corps entier, exacerbé dans cet attrait des femelles et des mâles aux chaleurs trop vives. On ne lui reprocherait jamais assez d'être cet apparat, lubie des tensions au niveau des cuisses, au niveau des lèvres. Cependant, dans cet univers aux portes refermées sur les Dévorés, il n'y avait maintenant plus de lever de rideau, et plus de pourboire pour se damner à ses côtés. Je cille. Nos yeux se rencontrent, le temps d'une seconde, avant que son sourire ne se transforme en une grimace, rictus éhonté d'un comportement qu'il m'assène, qu'il juge, du bout de la langue. Je le considère, les yeux ouverts sur ces possibilités qu'il appréhende, ces réflexions reprochées. Je le considère, la main de Joshua quelque part entre ses cheveux et ses doigts.

    - Et toi, évidemment, tu le suis dans ses idées à la con. Vous avez vraiment le don de me taper sur les nerfs.

    Un cobra déployé, le rythme remis en marche. Tintement claquant des miettes en minerais qui tombent en tas désorganisés, ce sont les secondes que je constate, et qui s'évaporent, parties en fumée. Les châles d'une température gelée s'enroulent autour de l'atmosphère figée de l'instant, et l'odeur huilée d'une machinerie bruyante, aux organes de tuyauterie se perd dans les résonances trop calme d'une scie qui tranche. Ses dents découpent les possibilités, et le cobra a les paupières soulevées sur les cadenas verrouillés de sa propre sécurité. Les idées à la con s'énumèrent, trempant les unes et les autres dans ce moule gaufré d'un palliatif aux allures de sniper. J'en viens presque à sourire, du bout des lèvres, pour ne pas le heurter de cette moquerie, douce, tendre, éprouvée.

    Il se détourne, les prunelles accrochant le visage de Joshua. Par dessus son épaule, dans un double élan, ce sont mes prunelles qui poursuivent ce même angle, et je cherche à appréhender les mots à venir de Joshua. Dans une caresse au rythme silencieux, ma main vient trouver la garde du sabre accroché à ma hanche.

    - Je m’attendais à quelque chose d’un peu plus inventif de ta part. Même si je reconnais que je ne dois m’en prendre qu’à moi-même pour avoir ne serait-ce qu’espérer que tu puisses me fournir une solution suffisante.

    Déplacement éthéré, ses pas conduisant en un positionnement désavantageux par rapport au mien, je décroche mon regard de Joshua, pour interpréter les mouvances trop ambivalente du Général. Les coordonnées, inscrites sur les cartes mentales de mon visuel automatique n'épousent pas la clairvoyance d'une prétention précise. Il continue de parler. Son dos s'oriente. Lentement. Et finit par se figer, devant moi.

    - Je t’en prie, continue de développer ton idée géniale, j’ai hâte de savoir comment on va tous mourir.

    Son dos, étalé sous mes yeux, je m'approche.

    « Il ne s'agit pas de mourir. »

    Je murmure. Le déploiement de la lame est une mise à nue ; brève et étincelante. Dans un arc qui tranche, parabole au mécanisme enfoui dans le rouage d'une fatalité sylverienne,  l'acier fond, et le Temps claque, sous le rugissement d'un air qui vibre son appartenance métallique au rythme. Chair et acier se fondent dans la morsure que j'instaure, enfonçant presque jusqu'à mes doigts au travers de sa cuisse. Ouverte sur un ruissellement qui rougeoie le cuir de ma main, la blessure est une brèche de son humanité, une plaie dans sa matérialité ; chairs et tendons se découpant sous la vindicative juxtaposition de sa réalité et de celle de la lame fichée en travers de sa cuisse. Sous le gracile, fragile biceps fémoral, que l'on triture trop sauvagement, viande déchiquetée, mes doigts vont et creusent un affaissement des tissus, un engouffrement  abusif de ma chair dans la sienne. Mes yeux, dans une connivence particulière, cherchent ceux de Joshua. J'aurais pu ajouter « Et il ne s'agit pas de « tous ». » La mortalité est une possibilité que nous esquivons. J'abaisse les yeux, concentrant mon regard sur l'ouvrage pratiqué. Chuintement spongieux, le sang éclaboussé venant ainsi former au sol des tapis aux reflets sombres. Je le bouscule, fauchant sa jambe, pour le faire tomber. Idole de gloire et de beauté que j'amène à s'écraser au sol, le poids de mon corps lui assurant l'empêchement certain de se relever immédiatement. Mes yeux se dirigent vers sa cuisse, et je considère le fouillis de son muscle massacré. Du moins, pas pour le moment.

    « C'est un procès, Yun-Jin. »

    La lame rengainée, j'apporte mes mains au niveau de son dos, pour détruire la faible barrière que représente la protection textile de son uniforme plus adapté aux canons conformes du strip-teaser que du soldat. Déchirure, brodure, et mes doigts dénudent les reliefs musculeux d'un dos que d'autres paieraient. Je considère, le temps d'un regard large. Tu es un bois, Yun-Jin. Un bois que beaucoup trop d'individus humain aimeraient sculpter, quitte à le brûler. J'ai un sourire, tendre, presque désolé.  

    « Il ne convient pas de mourir au tribunal. »

    Ma hanche calée contre ses vertèbres, ma main appuie entre ses omoplates mises à nue. Dans un tremblement qui bourdonne sur l'existence de ses propres fondations, la porte tremble. Mouvement atypique d'une menace qui s'approche, au travers d'un noir qui suinte, le bureau est maintenant le trône d'une crainte sur laquelle étincelle mes propres doutes. Les charnières tiendront, pensé-je. Elles tiendront, tant que l'opération n'est pas achevée. Vibrations aux jointures qui se tendent, les hurlements des premiers Dévorés claquent comme des coups de feu. Je ne relève pas les yeux, et sous les fontes de mon crâne que je veux borner, le cobra ondule en des reflets qui ne se camouflent plus. Le sang s'étale sous la cuisse de Yun-Jin, et je viens placarder contre l'amoncement des vertèbres le branchement primaire d'un data au support mobile. Sifflement aiguë de la machine dont la prescription annonce la reconnaissance du sujet. « YUN-JIN HAN » s'affiche en clignotement pixellisés, et je plisse les yeux sous les codes réfractaires d'une considération artificielle. La machine juge, et les chiffres défilent. Informations suppléantes aux contradictions matérielles, le déchiffrage se fait, sous l'échéance d'un temps qui se gaspille, les cris résonnant au travers des panneaux de bois. Fin du cycle ; je retire sèchement la machine d'entre les omoplates du Général.

    « Debout. »

    Je me redresse, attrapant Yun-Jin par les épaules, pour l'accompagner dans un mouvement dont j'ai détruit la stabilité. Mes yeux accaparent les vibrations de la porte, et je juge. La distance n'est pas fiable pour une sécurité propre à la matérialité humaine. Je dirige Yun-Jin vers Joshua. Claquement élastique du sang qui colle sous nos semelles, je marche vers la porte.

    « Je m'occupe de notre invité surprise. »

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Dim 28 Juin - 23:31

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Kohaku Joshua Mitsumasa

Kohaku Joshua Mitsumasa
III




Les rescapés.



Des phalanges se recroquevillant dans des draps trop blancs. Des lèvres humectant le bord d’un lit simplet au cœur d’une pièce impersonnelle. Cela fait trop longtemps qu'aucun personnel infirmier n’est passé près de la porte qui a été laissé ouverte. Ils sont affairés ailleurs, dans l'aile des urgences, en train d'examiner les nouveaux arrivants prêts à s'installer sous la protection du Dôme Huit.

Cela fait un long moment qu'un nouveau Dôme n'a pas été mis en opération et elle envisage déjà les sourires de ses convives lorsqu'il adresserons, au gré d'un banquet, les jours plus heureux d'une portion supplémentaire de l'humanité.

Au-dessus de sa tête, une lumière bleutée grésille doucement et elle se demande combien de temps les nouveaux techniciens qui seront sélectionnés parmi les nouveaux arrivants - les nouveaux Dévorés - mettront à la réparer. Elle cille, l'ampoule crépite et le couloir des admissions de classe S est silencieux.

Il est tard et les visiteurs ne sont, habituellement, plus permis à cette heure.

Pourtant, droite dans l'ombre épaisse de la Générale Belle, Gemini fixe, ses doigts dardant à la rencontre de l'inconnu. Elle a gagné le Dôme Huit avec hâte lorsque, au détour d'un rire depuis l'oreillette enfoncée près de son tympan - pas le même que celui dans lequel l'Empereur à apposer sa marque - , le Général Bay lui a susurré qu'on avait enfin retrouvé un remplacement au Général Yun-Jin, lui a promis que l'Empereur, dans toute sa grandiloquente bénévolence, avait repêché un autre être d'entre les mailles interdimensionnelles d'une catastrophe. Bay lui a dit de se bouger, que c'était Belle qui gardait la chambre et qu'elle, en tant que favorite, se sentait d'humeur à appuyer sur les élastiques de la patience de leur bénéfacteur.

La voici donc, la discrète Générale Gemini, à contempler la manière dont les lumières tamisées glissent sur la peau sombre d'un homme endormi dont elle ignore tout. Ses cheveux, bleus comme la nuit, bleu comme une tempête cobalt, se marient savamment à l'éclairage du couloir. Sa respiration laborieuse la fait presque se questionner quant à ses chances de survie, mais elle sait que, malgré toute sa bonté, l'Empereur ne s'entiche pas des mourants.

« Est-ce un effectif temporaire ou permanent ? », questionne-t-elle d'une voix basse, glissant sa paume le long du torse pour sentir - moins bien qu'elle les entend - les palpitations des veines, les battements d'un cœur claudiquant.

Belle glisse son œil clair, tellement clair, presque blanc dans la lueur maladive de la pièce, vers elle et la considère. Stoïque un instant, puis celui d'après infiniment plus douce, elle rejette sa crinière rousse vers l'arrière avant de répondre lentement, une inflexion satisfaite se dégageant de sa voix à la manière d'un ronronnement.

« L'empereur semble placer beaucoup d'espoir en sa permanence. ».

Gemini sourit.

« Ravie de faire ta rencontre », commence-t-elle en un murmure qu'elle laisse voleter, mais qui résonne, dans son crâne, comme une tornade.

« Aap lambe samay tak jiyen. ».

-

Han Yun-Jin respire la dérision et de le constater si peu impressionné par la grandiloquence de mes discours me donne envie de vomir d’amusement. Il m’apparait comme cette friandise rancie qu’on aurait ciré jusqu’à ce qu’elle luise, un bonbon acidulé qu’on a trop enduit de sucre.

Je veux le fracasser, libérer le mucus noirâtre qui germe à l'intérieur, le faire suinter et éclabousser les cuisses de ces dames qu'il se targue tant d'impressionner. Je veux le faire pleurer, l'étouffer avec les pans sirupeux de son arrogance. Je veux lui faire comprendre.

Que le Dôme s'affaisse, que le tissu dimensionnel tremble et qu'il me faut des couleurs, des âmes, pour le tenir en place. Les craquelures dans la stratosphère digitale, pixellisant les contours des nuages, noircissant l'oxygène desservant les Dévoré, sont des signaux que je ne peux ignorer.  Je dois prendre soin de cet endroit, de ce berceau de mon individualité, je dois le protéger et si je dois le détruire pour y parvenir, je me jetterai dans le feu de la discorde. Tout faire exploser pour mieux reconstruire, tout mettre à néant pour mieux recréer.

Mes Dômes, demie lunes éthérées, sont des exemples de mes desseins, œuvres imparfaites que je dois perfectionner.

Tu es temporaire, Yun-Jin, mais tu ne mourras pas. Les Dévorés qui pénètrent mon empire rejoignent le courant immortel de mon âme et fleurissent, comme des poèmes en kaléidoscope, contre le relief de l'enveloppe corporelle que j'ai décidé mienne. Ils sont l'essence qui alimente cette dimension, planète aigrie, que ceux avant moi ont vicié, ont prise pour acquis.

Je la garderai, je l'élèverai, mon royaume de rien, mon trône brisé. Je la parerai d'or et de joyaux, je la vautrerai dans la lumière que ses anciens dirigeants ont voulu lui arracher et ensembles, ensembles, ensembles, nous existeront en nous opposant, en réfutant les gestes de ceux qui ont voulu nous détruire.

Et ce Ciel qui filtre dans les remparts de mon cerveau, mal rongeant de par la douceur, est-il une illusion ou une projection, un enfant, qui dans l'au-delà spatio-temporel, rêve des choix alternatifs qu'il aurait pu faire, regrette. Il arrache le dispositif prototype du dos de Yun-Jin et je contemple le sang qui gicle, qui éclabousse le joli carrelage des coulisses. Entre mes synapses, je hurle contre les contours de ce désir, inévitable, impénétrable, que représente le Ciel. Je hurle, je hurle, à l'extermination, à l'ablation de ce que nous ne serons jamais.

Yun-Jin tombe, on le rattrape et mes yeux clignotent, mille couleurs pour te satisfaire, contre la silhouette de Zakuro. Il me lâche le cadavre dessus, retournant vers la salle à manger, la salle de réception, pour traquer un invité surprise dont la conscience m'échappe déjà. Mes crocs s'enfoncent dans la chair du Général Yun-Jin et je déchire, je déchire, je déchire, plus hâtivement qu'anticipé, sans grande fête pour auréoler la mort. Les couleurs grimpent sur ma peau.

Zakuro s'écarte et je sais, j'espère, que nous ne nous reverrons pas.

Jonah, regarde-moi.

Tout explose.

-

Eden contemple le hall du Dôme Huit à la manière d'un hibou courroucé, déjà agacé de devoir insister sur une hausse temporaire de la sécurité de l'endroit pendant qu'il en quitte la protection pour rejoindre ses compères... ailleurs.

Les révolutions, à l'extérieur, là où les pluies acides déferlent en ce simulacre désolant de l'endroit auquel l'Empereur l'a arraché, ont récemment gagné en ardeur et si la solution de Bay est d'apposer son joug par la violence, les morales d'Eden diffèrent. Toutefois, là où les généraux affectés à la gestion des différents Dômes entretiennent un rôle de gardien, ils sont aussi les coursiers auréolés de l'Empereur. Il ne veut pas ressembler à ces politiciens mensongers, il ne veut pas s'apparenter à ses soldats qui l'ont autrefois - dans une autre vie - acheté. Et pourtant.

Il en est est le sbire conciliant.

Gemini lui sourit lorsqu'il approche, après un bref voyage - transporté par une Porte -, le salue d'un signe de main auquel il répond d'un coup de menton. Le Dôme Un est ce lieu de ralliement, la demeure de Belle et de leur sauveur, est le centre des opération régissant la société interne de Blisterdome C'est un endroit se voulant un macrocosme dans un océan de microcosmes.

La salle de conférence dans laquelle ils ont été convié est apprêtée au goût de son général et Belle est, presque fièrement, adossée contre l'une des grandes fenêtres qui laisse entrevoir la désolation du monde extérieur. Smile, près d'elle, se montre fidèle à son patronyme et entretient une conversation paisible, un siège de normalité au sein de l'amphithéâtre de leurs vies.

La pluie s'écrase contre le verre de la fenêtre sans que l'acide ne le ronge. Eden contemple les alliages moléculaires qui rendent ce miracle possible, vrillant de son esprit les formules et les combinaisons envisageables. Ils songe passer, lorsque jugement sera  rendu, lorsque  mission sera terminée, dans le bureau d'Elmond pour investiguer.

Les voix se taisent lorsque l'Empereur pénètre la pièce, flanqué de ses scientifiques, Elmond et Enzo. Son sourire clignote à la manière d'un stroboscope et ses yeux pétillent d'une fureur qui, selon Eden, semble toujours maniérée. Il lève ses mains au niveau de sa tête, comme pour les inviter au cœur d'une étreinte qui ne vient pas, et les replis de ses manches chutent jusqu'à ses coudes, dévoilant les tatouages mouvant, fresques colorées, qui parent sa peau.

Ses lèvres s'écartent et sa voix s'hérisse, crissante, violente, dissipant tout doute quant à la nature de leur présence ici. Ils partent en guerre, soldats magiques, et la marque dans sa paume gauche, cristal bleuté, pulse son adoration, son appartenance.

« Aujourd'hui, nous envoyons notre message au Ciel, nous imposons la dangerosité de notre présence à celui que trop d'entre-nous appelle l'Original, mais qui n'est rien de plus qu'une coïncidence, qu'un choix qui aurait pu s'arrêter sur n'importe qui d'autre. ».

Ils sont cette parade d'être innommés, fœtus gangrénés, tous en rang dans l'attente du moment où ils devront activer leurs Portes pour mener les desseins de l'Empereur à bien. Ils sont ces soldats d'audace, de choix, de douleur, cadrés en perpendiculaire à l'entité qui les a récupérer d'entre les griffes de l'enfer. Une deuxième chance, voilà ce qu'il chasse, alors que l'Empereur les considère de par-delà la forêt de ses cils noirs. Bay dévoile ses dents, Belle acquiesce doucement, Doctor ajuste ses lunettes, Gemini se rembrunit, Indigo ne cille pas,  Mirror demeure muée d'inertie et Smile vibre, vibre, d'ambition.

« Aujourd'hui, nous faisons trembler la résolution du Ciel, nous faisons grelotter son choix et nous terrifions l'amoncellement d'irradiés qui n'ont rien à vous envier. ».

Eden se demande si le Ciel de l'endroit où ils se voient envoyé pleure comme celui de Blisterdome, pleure comme celui de la dimension qu'il a tué.


« Aujourd'hui, nous existons. ».

Ils déphasent en unisson.
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Mer 14 Oct - 16:56

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Zakuro J. Fea



LE THYRSE.

1. Doctor.


Il a posé contre ses yeux les verre minuscules d'une paire de lunette dont il a perdu l'usage depuis longtemps. Mais il a cet orgueil qui ne le lâche pas, une tendance à l'élégance qui aujourd'hui encore, appuie contre sa peau, et spécifiquement, contre son nez. Dans le miroir de l'appartement qui lui est réservé, il y a le reflet morne et fatigué d'un visage qu'il ne cherche pas à illuminer  tant qu'il est en mesure d'en conserver l'apparence stricte et polie du dandy qu'il se complet à adopter
.
Il a posé sur son nez ces lunettes devenues inutiles depuis le temps et les techniques, ces substituts terrifiants, d'un amour alien qui a modifié son corps, amélioré ses conditions, et Doctor, irradié depuis longtemps, apprécie toujours autant se donner cet air intellectuel qui passe par le port des accessoires en verre. Il se sent toujours un peu superficiel, ça le fait doucement sourire.

On l'appelle Doctor, parce que c'est ce qui lui colle à la peau. Mais à côté d'Enzo, depuis l'arrivée de ce dernier, même les plus jeunes, parmi les Dévorés, ont pris conscience que ce n'est pas une réalité à laquelle il faut adhérer.

Autrefois, il était boucher, après tout. Dans un univers rapiécé, sans beauté, sans ordre, sans harmonie, sans Empereur. Un territoire dans lequel il a regardé couler sa vie en essayant de se retenir aux fils trop fragiles qu'étaient les arts de sa dimension. Mais ni le fait de constamment se raser, ni le fait de trembler sur les notes d'une symphonie n'ont jamais résulté en cet objectif raffiné qu'il a trouvé ici. Ici, tout le monde possède sa place, son ordre, et même couper un morceau de viande vient trouver tout son sens. Ici, il se sent vivant. Ici, il se sent équilibré. Ses mains ne tremblent plus, sa pensée a cessé de chanceler depuis longtemps, et il est prêt à tout pour conserver cette harmonie. C'est ce qu'il croit.

Après tout, cet endroit est un Eden que dieu lui-même avait abandonné. Un Eden dans lequel une âme plus acharnée que le destin a tendu ses doigts et a creusé le sol, pour élever, pour ériger des ramparts à ce qui devait représenter un extrat miraculé de l'humanité.

Doctor croit en la beauté de ce projet. Il croit en cet art méticuleux, organisé, sociologique d'un fondement organique, articulé. Il croit que si l'ordre est maintenu, rien ne peut arriver.

Alors il sait à quel point il faut protéger ce système fragile, il sait à quel point l'illusion doit rester efficace. Tout ceci est un songe. Il n'est pas naïf. Mais Doctor veut protéger ce monde, conserver cet équilibre dans les Dômes, assurer la persistance de ce rêve désabusé pour ceux qui rampent vers un jour de plus à vivre. C'est un amas d'espoirs et d'attentes que Doctor veut entretenir et continuer à cultiver.

Alors, puisqu'il est interpellé par un ordre direct, Doctor se promet qu'aujourd'hui encore est une possibilité de renouveller sa promesse, de répéter sa loyauté. Il est invité à se rendre dans la salle de conférence, et figure pâle qui se déplace sans que l'on vienne l'interpeller, Doctor trace son chemin jusqu'à ce destin qu'il veut voir ciselé dans la perfection.

Les ordres de l'Empereur sont absolus, et alors qu'il pénètre la salle de conférence, il s'étonne du calme nerveux, de la tension folle qui se concentre et se presse entre les recoins de chaque mur. Il y a cette fébrilité avide, et Doctor sourit, sourit.

Aujourd'hui, assurément, est magnifique. Il va se passer quelque chose de merveilleux, il en est persuadé.

Il s'assied, près de Gemini, et sourit doucement, au visage incliné de la femme avec qui il partage l'honorable chance de travailler ici, d'exister en ce moment présent. Peu importe ce qui arrive, se dit-il-

"Peu importe ce qui arrive, nous sommes certains d'en tirer un enrichissement personnel, n'est-ce pas ?"


Ses yeux glissent sur les autres. Comme lui, ils tiennent une Porte. Comme lui, ils attendent.

"Enfin."

Il en frémit, comme un enfant, d'excitation. Les portes s'ouvrent et Doctor a ce sourire qui s'épanouit sur sa face, et contre son coeur.

Aujourd'hui.


ENTRE TES DOIGTS.

2. Mirror



« Ce qui ne se reflète pas dans un miroir, ce sont les odeurs. »

Les haltères remontent en cette terrifiante menace de s'écraser sur sa face. Elle imagine la chute, elle imagine le poids, elle imagine la douleur, elle imagine, aussi, la satisfaction que cela serait que d'éprouver l'écrasement par un outil qu'elle utilise pour tuer sa haine à l'égard de son corps. Elle imagine le bruit des cartilages de son nez crisser, se froisser, elle imagine le sang, elle imagine les muqueuses se mêler à la sueur, elle imagine, et les bras tendus, son mouvement rendu stagnant, elle est cette femme qui soudainement, soudainement, sourit, le dos contre le sol, les aisselles mouillées.


Elle se sent de meilleure humeur qu'elle ne l'était lorsque, maussade, elle a décidé de faire de l'exercice pour essayer de se sentir mieux. Et elle a réussi.

Elle n'est pas faible, elle n'est pas faible. Aujourd'hui est une journée particulière, et en reposant les haltères, Mirror se redresse. On lui annonce, -par le biais d'un "On" en joli costume d'apparat-, que tout est prêt, et elle peut envisager se diriger vers le point de rendez-vous

Ses cheveux sombres sont hérissés par la sueur. Et son cœur est hérissé par l’excitation, par ce frisson violent qui la frait crisper ses doigts. Pas de Bay, pas de Belle pour l’écraser dans ses émotions, cette fois. Elle sent, au bout du chemin, en se redressant lentement, cette promesse cinglante.
Elle n’a pas besoin de qui que ce soit pour se le prouver et aujourd’hui en devient la preuve. Elle n’est pas faible, elle n’est plus faible.
Aujourd’hui, elle va prouver qu’elle existe.



A LE GOUT DU SANG.


3. Indigo.

Elle est déjà installée lorsque l'Empereur entre.


Déja installée, ses petits pieds enfoncés dans le sol, ses genoux ramenés contre sa poitrine, et piaf informe, ses mains pressées contre ses chevilles, elle a l'air d'un enfant qu'on a grondé et mis dans un coin. Elle ne tremble pas, ne remue pas un cil, et quand l'Empereur se dévoile à la manière d'une bombe nucléaire qui explose au ralenti, elle est ce trou noir prêt à tout absorber.
Tout le temps, tout le temps, elle est prête à tout.

Et la magie s'opère toujours à ce moment là. Quand elle l'entend, quand elle perçoit sa voix. Quand la vision est dépassée par ces ondes qui viennent flirter avec son tympan, et qu'il vient exister, littéralement, à l'intérieur d'elle. Quand elle peut le sentir, tout au fond de son oreille, et qu'il y déclame les plus belles choses.

Quand elle se sent enfin prête à manifester qu’elle existe, pour lui. Quand il vient attester que c’est quelque chose à prouver, à établir, que c’est aujourd’hui.
Alors ses lèvres, dans ce mouvement trop souvent oublié, bougent rien qu’un peu.
Et c’est déjà vraiment bien.
Elle veut continuer à se sentir comme ça.


ET LE PARFUM.

4.Smile.

Aujourd'hui. Aujourd'hui.


Ils ont reçus l'ordre qui est arrivé empaqueté avec une porte aux coordonnées déjà spécifiées et Smile est installé, les épaules ouvertes, sur ce siège qu'il veut trône de sa dynamique, de son excitation. Pulse en lui cette énergie qui murmure une promesse à laquelle il se voue, corps et âme. Cette fois, il n'y aura pas de faute. Contrairement à la dernière fois, où le garçon aux cheveux verts lui a éclaté contre la nuque le rebord d'une chaise en bois, cette fois-ci, il n'y aura pas de bavure. Il resserre ses doigts contre son propre quadriceps, et dans cette crispation nerveuse flirte les menaces d'une revanche que Smile patiente, minutieux.

Les rumeurs marmonnées et sifflotées qui chuintent autour de lui font ce bruit blanc, constant, qu'il n'est pas habitué à autre chose qu'à entretenir lui aussi. Mais en cet instant, il écoute, il attend, et près de son tympan, incrusté dans son lobe, l'emeraude a cet éclat glauque, sinistre, qui ne résonne que trop avec la forte résolution dans laquelle Smile se vautre.

Il ne fera pas d'erreur. Pas cette fois-ci. Il ne se permettra pas la moindre inattention, ne prendra aucun risque qui ménera à l'échec. Non. No way, no fuckin way-

Il a cessé de sourire depuis des heures et la main refermée sur sa Porte, il patiente avec cette stature de prédateur. On ne lui parle. Pas encore. Ce n'est pas le moment.

Lorsqu'Eden rentre, lorsque Bay rentre, ses yeux viennent, vipères mordantes, mais il se force, il grimace, et quand Gemini revient, le rictus habituel, presque calme, est de retour sur sa bouche.

Belle est enfin là. Doucement, tranquillement, il l'accueille, avec ses mots, avec cette douceur toute teintée de respect, de tendresse, d'admiration. Elle trône et il la regarde.

Il n'échouera pas, cette fois, et quand Il rentre, quand l'Empereur apparait, il a récupéré sa verve, il ricane déjà sur des mots qu'on tait, il se montre attentif. Ses yeux, ultimement, se sont décroché de Belle, se sont posés sur quelque chose d'encore plus magnifique, d'encore plus inaccessible. Et comme à chaque fois, ça lui a fait encore plus mal. Mais la douleur est ce manteau dans lequel il a suturé sa joie.

Le corps tendu, préparé, il écoute, et ce n'est plus de l'énervement, ce n'est plus de la frustration qui rutile en lui.

C'est ce désir embrasé de contaminer les lèvres de l'Empereur avec son nom.

« Aujourd'hui, nous envoyons notre message au Ciel, nous imposons la dangerosité de notre présence à celui que trop d'entre-nous appelle l'Original, mais qui n'est rien de plus qu'une coïncidence, qu'un choix qui aurait pu s'arrêter sur n'importe qui d'autre. »

C'est tout son monde, désormais. Il veut que son créateur sourît. Cette nouvelle vie, cette seconde chance : il veut le mériter. Il veut que l'Empereur sourisse.

« Aujourd'hui, nous faisons trembler la résolution du Ciel, nous faisons grelotter son choix et nous terrifions l'amoncellement d'irradiés qui n'ont rien à vous envier. ».

On active les Portes. Smile tremble, tremble si fort, sans parvenir à se contrôler. Il tremble, chair fragile infusée dans le bouillon de ses désirs, de sa volonté. Aujourd'hui, aujourd'hui pour sûr-

« Aujourd'hui, nous existons. ».


DE SA VOIX.

5. Samuel.

Aujourd'hui.

La lame entre ses doigts pénètre l'agrume et elle pèle minutieusement, le citron que Jonah convoite. De ses yeux sombres, cernés, il manifeste un désir qu'elle se plait à frustrer. Ça gicle entre ses doigts.

"Tu sais."

L'allemand est ce langage dont elle aime encore user, lorsque parfois, comme maintenant, elle est seule. Elle a appris le japonais, sur un caprice, pour établir une connexion plus aisée avec l'autre homme, Enzo-sensei, et la majorité de ces êtres parasités, symbiosis, dont il a la charge tacite. Elle sourit. Ici, dans le territoire confortable du bureau esseulé, sous le plafond en verre contre lequel la pluie claque toujours trop fort, elle a cette satisfaction un peu nostalgique, et c'est confortable, après tout. Elle en redemanderait presque. Jonah n'est jamais très prompt à faire la conversation, mais l'allemand a le mérite de la faire se sentir moins heurtée à de l'adversité.

"Nous allons devoir nous séparer, aujourd'hui. Peut-être pour quelque temps. J'ignore encore le schédule précis du plan que nous avons à suivre. Ce que je sais, c'est qu'aujourd'hui, tu n'as pas besoin de t'inquiéter de ce que je peux essayer de te faire remonter."

Elle lui sourit, il y répond doucement, en l'imitant, par ce processus timide qu'elle a fini par considérer comme attachant, et ses mains à elle se tendent. Il ne recule même plus, maintenant.

"Mais nous nous reverrons rapidement. Prends la liberté de te reposer."

Le cadran indique qu'il est l'heure, maintenant. Un voyant s'allume, on la prévient qu'elle est attendue. Elle se redresse, dépose la lame dans un trousseau qu'elle verrouille, puis range. Le citeon, dans sa main, est écorché, fileux, et ça coule entre ses doigts, ça irrite les minuscules coupures qu'elle se rouvre constamment.

"Jonah."

Elle vient trouver sa gorge, avec sa main qui appuie contre la jugulaire de l'être, de la chose, et les électrodes s'étirent sous le mouvement d'une pression qu'elle instaure.

"Si nous réussissons aujourd'hui, demain-, si nous réussissons cette mission-."

Ses ongles sont enfoncés contre cette peau élastique, pâle, et avec l'autre main, celle qui tient le citron, elle vient le presser contre les lèvres de la créature. Comme un baiser, comme une pomme qu'on enfonce dans le groin du lard, elle appuie, elle appuie, et Jonah ouvre ses lèvres, en plissant ses yeux. Elle veut savoir.

"- crois-tu que cela te ferais plaisir, si l'opportunité venait à se présenter, de les rencontrer ?"

Elle presse, sans retenue, maintenant, et le citron s'enfonce impitoyablement. Ça se fend, ça se crève, et ça se met à couler. L'agrume et la salive débordent, les lèvres sont étirées à leurs maximum, et le menton de Jonah est cet autel de zestes explosées et de mousse blanche qui s'amassent. Il a les yeux grands ouverts et les cils trempés, avec sa respiration qui s'est arrêtée. Il a l'air de-

Erlebnis.

Alors Samuel vient chercher la mandibule, referme ses phalanges sous le maxillaire, et elle le force à refermer, elle le force à mordre. Ça explose dans sa bouche, sous ses dents, et elle le contemple brouiller son visage en cette expression si typique, si humaine, elle contemple l'amertume qui le fait grimacer. Ses yeux se sont mouillés, crispés. Disparus, les grands yeux supplicateurs qui viennent titiller ses désirs à elle, disparus. Son visage est ce condensé d'un trop plein intense qu'elle veut voir barbouillé partout, longtemps, et elle écoute, fascinée  cette déglutition suffoquée, cette respiration étranglée, elle fixe  cette langue pâle qu'elle veut déchirer. Elle est fascinée, amusée, veut réessayer, veut le voir mâcher plus, veut le voir avaler. Mais, mais-

"Très bien."

Elle embrasse son front, lui abandonne le cadavre du citron dans la gueule. Il tousse, il s'étrangle, et elle perd, rien qu'un instant, ses doigts dans ses cheveux : pour mieux lui griffer le crâne, pour rappeler sa dominance.

"Nous nous reverrons plus tard. Profite bien, n'oublie pas de te reposer."

Et l'idée de lui qui dort la fait sourire. Elle l'abandonne, comme convenu, rien que pour quelques temps. Chaque chose, elle se le répète, chaque chose en son temps. Pour le moment, il s'agit de se concentrer sur sa prochaine destination. Alors elle sort dans le couloir en essuyant ses doigts, humides, poisseux, contre sa blouse, contre ses vêtements.

(...)

Ils sont, silencieux, frémissants, ces soldats mus par l'adoration, que Samuel contemple en souriant. Elle est droite, minuscule et discrète, aux côtés de cet être, et Enzo-sensei, de l'autre côté, a l'air humain, si humqin, probablement autant qu'elle. Elle l'écoute taire les rumeurs, elle écoute le froissement de soie de son kimono qui glisse le long de ses bras, et elle pose les yeux, rien qu'un instant, sur les camaieux mouvants de ces motifs de chair qu'il exhibe. Bientôt, bientôt, se dit-elle, elle en rencontrera un autre. L'original, puisqu'il est ainsi nommé. Celui qui a pris son coeur et l'a froissé entre ses doigts, refusant de comprendre, refusant d'écouter. Elle va le revoir, elle va le retrouver, et elle ne sait pas exactement ce qu'elle ressent.

Satisfaction-frustration-avidité ? Elle peint ses émotions avec les nuances de la fébrilité et alors qu'ils se taisent tous, pour l'écouter parler, elle dans la tête un brouhahas d'idée. Ça gicle, ça fuse, et elle est, au milieu de tous les autres, cette femme qui sourit, comme eux, mais pour d'autre raisons. Elle veut le prouver, elle aussi, qu'elle eciste, et ça ne peut se faire que dans la considération de cette collection des yeux, du coeur : elle veut tous les voir, tous les considérer. Les aimer, les adorer, les comprendre et les disséquer. Elle est prête, plus que jamais, et le ciel est à portée de doigts.


Mais elle le regarde.

Elle le regarde lui et elle sait que ses pupilles se sont dilatées, que son coeur s'est accéléré. Elle veut le baiser. Elle veut l'ouvrir, le pousser contre un mur, lui enfoncer du sulfure dans le coeur, elle veut l'embrasser. Elle veut le regarder. Elle veut tant, tant, et rien n'a besoin d'être spécifié : elle veut tout ce qu'il peut lui donner. Elle veut continuer, elle veut le trahir, elle veut lui sucer les yeux, elle veut le caresser et elle veut le regarder, encore et encore et encore.
Elle veut tout ce qu'il est, tout ce qu'il représente, tout ce qu'elle n'a pas encore découvert.
Elle veut tout et il n'y a pas de fin, et en cela, en cela il est merveilleux.

Alors elle se tait, elle se calme, elle est cet animal tapi qui patiente. Elle peut attendre, longtemps, elle sait que les choses vont finir par arriver.

Elle sait que son  heure est à venir, qu’elle va parvenir à réeussir. Ils sont en train de se rapprocher les uns des autres, ces éclats de Mana. Ils sont en train de coller entre leurs existences un ciment dont ils ne pourront se défaire et elle veut les regarder de plus proche, avant que cela n’arrive. Elle veut les voir, elle veut les regarder, elle veut attester ce qu’elle sait déjà : dans sa chair, dans son sang.
Ils existent.

Regarde toi.
Tu existes, devant moi.

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Le thyrse entre tes doigts a le goût du sang, et le parfum de sa voix

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