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Luben Vasilev

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Dim 6 Jan - 15:11

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Luben Vasilev



Feu ! Ne m'attends pas ! Libres ce jour : le vent, la pluie, le cobra...

Fiche signalétique

Luben Vasilev   Truc111Luben Vasilev   Truc211Luben Vasilev   Truc312Luben Vasilev   Truc411
 

Nom : Vasilev (nom complet : Luben Miroslavov Vasilev)
Prénom :Luben (est sensé se dire "Lyoubén" en Bulgare)
Origines et nationalités : Bulgarie (vit actuellement en France, chez son cousin Alek, dans une grande maison à proximité de Nancy)

Race : Humain
Âge : 26 ans
Genre : jeune homme
Orientation : Il se perçoit comme étant hétéro  
Taille : 1m79 (sans compter la masse capilaire!)
Couleur des cheveux :bruns foncés, bouclés
Couleur des yeux :  gris foncés
Trait particulier : Luben est un garçon plutôt maigrichon, aux attitudes lentes, qui lui donne un air indolent, flâneur. Il a un look de dandi débraillé, portant de vieilles chemises anciennes et à motifs, généralement rentrée négligemment dans un pantalon serrant.

Dossier de l'ordre

Langues parlées : Bulgare (langue maternelle). Français et Anglais (avec un fort accent et parfois des fautes).
Habiletés : Très bonne connaissance des plantes, peut devenir le fournisseur de drogue officiel des chevaliers, sait aussi écrire des poèmes

Qualités prédominantes : flegmatique - rêveur - empathique -indépendant - intelligent - patient
Failles notables : faignant - borné - adepte de drogues hallucinogènes - négligé - parfois un peu timide
Note particulière : Faignéant endurci aux yeux des autres personnes. Il ne fait rien pour corriger cette opinion extérieure : celle-ci l’indiffère , et il n’a aucune honte à affirmer que de toute façon, le travail, il n’y croit pas, et l’argent  non plus. Ses occupations se partagent principalement entre l’étude des plantes (auxquelles il voue une passion hors-norme), la lecture, l’écriture de petits poèmes gribouillés dans des carnets, des dessins d’études de plantes, et les journées parfois passées à rêvassé, à se questionner maladroitement sur la vie, la mort, des trucs comme ça. Il peut se montrer très travailleur cependant, pour autant qu’il juge la tâche intéressante et enrichissante.
Sa très bonne connaissance des plantes lui permet aussi de créer toute sorte de substances psychotropes, qu’il n’hésite pas à consommer régulièrement : il ne voit pas dans ces expériences un intérêt récréatif, mais plutôt, une manière de percer à jour les mystères du subconscient, de l’incorporel et de la vie et la mort (en tout cas c’est ce qu’il dit).
Envers les autres, Luben se montre souvent un peu distant, méfiant, voir timide. Mais il est en réalité un garçon avec beaucoup d’empathie et très ouvert d’esprit, il juge rarement les autres sur leurs faiblesses, et peut être une personne très agréable et réconfortante à qui saurait gagner sa confiance.
Il a également les mains éternellement froides (mais on ne sait pas pourquoi...)

Historique




◈ PARTIE I ◈




◖1◗


(Il y a 19 ans, dans un petit village perdu dans les montagnes, en Bulgarie.)

Droit devant, les plaines s’étendent entre les montagnes. C’est le printemps et pourtant l’air est resté froid : sec et mordant, il flotte autour d’eux en buées grises.
Luben a cinq ans, il court dans les plaines comme s’il fuyait le froid, ses jambes d’enfant foulant le sol aussi vite qu’elles peuvent, à la volée, en petits pas bruyants.
« Andon ! » A t’il crié à plein poumons, d’une voix essoufflée.  
Il s’arrête, le souffle court, l’effort lui a fait oublier le froid et il a maintenant les joues toutes rouges. Son souffle se fane dans l’air en petits amas de buée.
Il cherche le jeune homme des yeux, Andon reste introuvable dans les marées d’herbes hautes qui les entourent : elles se débattent farouchement à chaque nouveau feulement du vent.
Luben a un peu peur, il avance encore de quelques pas prudents.
« And… »
Soudain Andon surgit des herbes avec un grognement d’animal, il saisit l’enfant qui pousse un cri, se muant  aussitôt en éclats de rire.
« tu m’as pas fait peur… » dit l’enfant
« ah oui… ? »
Andon s’assit dans l’herbe avec indifférence, il allume nonchalamment une cigarette. Luben regarde Andon : grand et pâle avec des cheveux sombres très court plaqués sur son crâne. Ses yeux noirs étroits semblent toujours regarder le vide avec une audace nonchalante. Andon est son oncle préféré, il s’agit aussi du plus jeune frère de son père : vingt-cinq ans et damné par tout le reste du village.
Luben avait pris l’habitude de le suivre partout et le jeune homme le laissait faire. Tout le monde savait qu’Andon était un bon à rien : ses errances se portaient de la lande aux montagnes avec toujours un air de je m’en fous pour toutes les remarques et regards réprobateurs qu’on pouvait lui lancer.
Il avait toujours un air tranquille chargé d’indifférence, que tout le monde prenait pour de l’arrogance. Il aimait plus que tout être dehors, au grand air, sous les montagnes qui le toisaient de leurs angles rocheux. Il aimait les grands espaces et errer dans la plaine, une bière à la main. D’ailleurs, la solitude ne le dérangeait pas, et il arpentait souvent les bois en solitaire, bien qu’il ne refusât jamais la présence d’une seconde personne. Il l’acceptait toujours avec son indifférence tranquille et jamais il ne réclamait ou rejetait la compagnie des autres, et il en allait de même pour la présence de Luben.
Au village tout le monde contestait cette amitié étrange entre l’enfant et Andon, tout le monde pensait qu’il montrait un exemple néfaste à Luben ou que sûrement l’enfant se vouait déjà à la même existence parasitaire que son modèle : un bon à rien, un vagabond.
Luben quant à lui était un enfant taiseux mais rêveur, il aimait par-dessus tout la nature et montrait pour tout ce qui l’entourait une curiosité avide. Les plantes et les animaux le passionnaient, et il voyait dans son oncle un nouvel animal à observer, une curiosité lui aussi. En effet, Luben en était à peu près sûr maintenant : Andon ressemblait d’autant plus à un animal qu’à un homme. Une attitude rustre, sauvage et avec un désintérêt total pour tout ce que les hommes vénéraient : Dieu, l’argent, le travail, les règles et l’avis des autres. Comme un animal, il aimait se traîner dehors et dormir dans les broussailles, sous la lune et le vent froid qui descendait des montagnes.
« Luben… »
La voix de son oncle vient tirer l’enfant de ses pensées. Andon est assis maintenant, tout droit, cachant le soleil de sa masse osseuse, et recouvrant l’enfant de son ombre. La terre est dure et sèche à cette saison, et glacée par le givre. L’enfant frissonne, levant les yeux vers son oncle.
« Ton père, Luben… »
D’un mouvement de menton, Andon désigne le bout de la prairie. Une silhouette toute noire se rapproche : une silhouette d’homme. La nuit a commencé tout juste à se coucher sur la plaine : d’un bleu sombre et froid qui peint tout ce qu’elle touche en ombres et en formes floues. Luben regarde le visage de son oncle, baigné dans l’ombre, à l’expression indiscernable, où seul le bout de sa cigarette luit, rouge et incandescent. Le profil se détache sombrement de la lueur lunaire qui descend peu à peu sur la plaine : un profil anguleux au menton carré et au nez busqué.
Un bleu foncé profond a inondé la plaine et noyé toutes les autres couleurs, sauf le rouge brûlant de la cigarette.
Andon donne un léger coup de coude à l’enfant.
« Allez, cours, ton père t’attend » marmonne le jeune homme, la cigarette toujours à la bouche.
Luben se lève, il plisse les yeux, scrutant la silhouette qui approche. Il attend quelques secondes, le temps de reconnaître les traits familiers de son père se dessiner dans l’obscurité, avant de s’élancer à sa rencontre.



◖2◗



Luben lève les yeux vers son père, ses yeux sombres et amples et remplis d’ombres curieuses, grands ouverts dans sa petite figure rondes emmêlée dans une nuée de boucle brunes. Il le regarde derrière ces mèches sombres qui lui foulent le visage, chahutées par le vent. Il se demande si son père est fâché. Mais ce dernier baisse son visage vers celui de son fils, sans même se pencher car il se tenait toujours fier et droit et sûr de lui, et lui lance un sourire, un regard en coin, qui trouve alors tout de suite une réponse identique sur les joues de l’enfant.
Le père de Luben se nommait Miroslav et il était embaumeur, et le seul dans la périphérie à pratiquer ce métier. Si bien que tous les morts de la région finissaient par se retrouver ici, ce qui ne représentait en réalité qu’un petit nombre de morts, car cette partie de la montagne était très peu habitée, et ils étaient aussi presque toujours vieux, ces morts.
Miroslav était calme, prévenant et consciencieux, et correspondait ainsi tout à fait à cette tâche : avec méticulosité, il savait rendre aux morts un certain aspect de vie, pour qu’ils paraissent finalement endormis et non mort. Miroslav pratiquait son activité au sein même de sa maison, dans ce qu’ils appelaient chez eux ‘’la chambre aux morts’’. Cela avait donné à Luben une certaine proximité avec la mort, ou en tout cas, une aisance, une acceptation plus tranquille de la finitude de la vie.
Miroslav était un homme grand aux cheveux bouclés comme ceux de son fils, avec une barbe un peu épaisse lui couvrant le bas du visage et des cheveux noirs, qui lui tombaient sur le front en mèches agitées et lui donnaient un air un peu farouche. C’était un homme calme et discret et rempli de bienveillance pour son fils, sa femme et les personnes qui l’entouraient.
« Je ne suis pas fâché, Luben » dit-il comme s’il avait pu lire dans les pensées de son fils quelques instants plus tôt.
Luben sourit.
« Mais j’étais inquiet : tu ne devrais pas te balader seul comme ça dans la nature. »
« Mais je n’étais pas seul ! J’étais avec Andon ! »
Le sourire de Miroslav s’élargit, visiblement amusé, pour s’ouvrir ensuite sur un rire plus franc.
« Ah, si ce n’est que ça alors je ne devrais pas m’inquiéter ! »
Il savait qu’Andon n’avait pas la réputation d’être une personne très responsable, mais lui, qui connaissait bien son frère savait qu’il veillait, à sa façon, sur Luben.
Miroslav prit la main de Luben et ils descendirent tout deux la plaine vers le village, et la nuit, elle, s’était couchée très bas sur le décor et était à deux doigts de tomber pour de bon.


◖3◗


Nuit. Noir. Le vent descend des plaines avec fracas, les bras chargé de pluies et de tempêtes. Les plaines agitées balancent sous le grand vent avec un long sifflement grave. Les chiens aussi ont deviné l’orage : on les entend aboyer tout autour et hurler à la lune. Andon : il est debout, seul, la cigarette à la main, prête à s’éteindre. Le décor deviendrait tout à fait noir alors, sous le ciel chargé à ras bord d’étoiles incandescentes. Seules quelques fenêtres luisaient au loin dans ce désert noir et rocheux. Il tire une dernière fois une bouffée de fumée sur la cigarette presque consumée, pour en piétiner ensuite le cadavre éteint sur le sol givré. Il a de grandes mains nues, osseuses, qui ont pris une teinte grisâtre sous la morsure du froid. Lui, ne semble pas le remarquer, le froid : la température a descendu au-dessous de zéro encore une fois, pendant la nuit, mais Andon ne paraît même pas le sentir. Ses petits yeux noirs, plissés, scrutent l’obscurité. L’ombre des pins se détache en crocs massifs sur les plaines et la silhouette noire des montagnes ressemble à un trou profond dans le décor, au vide du bout du monde.
Andon s’éloigne peu à peu de la plaine, sa grande allure osseuse traînant vers le village et ses pâturages. Il s’arrête devant un pré, s’appuyant nonchalamment à la clôture en bois. Il remarque alors que sa botte vient de s’enfoncer dans une marre de boue visqueuse. Il soupire et décide d’allumer une nouvelle cigarette. Il craque une allumette dont la lueur orange éclair brièvement le décor, il aperçoit alors une masse incertaine à ses pieds, juste à l’endroit de ce qu’il pensait être une marre de boue. Il lâcha subitement l’allumette qui s’éteint aussitôt. Il s’accroupit, doutant de ce qu’il venait d’apercevoir, et craqua une nouvelle allumette.
Il approche la flamme de la masse difforme qui s’étend à ses pieds, et dans laquelle sa botte s’était mollement enfoncée quelques minutes plus tôt. Quand il comprit la nature de cette masse, il recula vivement, un air de dégout lui fronçant les narines. Il mit sa main sur sa bouche, se détournant de la chose et manqua de vomir quand son corps fut pris d’un haut le corps. Cette chose, c’était une vache, une vache morte, dont le corps et les tripes avaient été étalées sur plusieurs mètres, visiblement éventrée par un animal sauvage. Il fut pris de dégout à l’idée que sa botte venait de s’enfoncer dans les intestins épars et sanglants de la bête.
Il se relève et recule de plusieurs pas pour s’éloigner au plus vite de l’animal mort. Il essuie sa botte dans l’herbe givrée, mais le sang sombre de la vache est bien trop gluant et colle obstinément à la semelle de sa chaussure. Il soupire, fatigué, et décide d’en rester là. Sans demander son reste, il se dirige vers sa maison, se promettant de nettoyer sa botte plus efficacement le lendemain, quand il fera jour.


◖4◗


Le lendemain : tôt le matin, le jour luit déjà bien haut au-dessus des montagnes, blanc vif et froid. Quatre hommes debout devant la prairie, s’appuient sur le bord de la clôture. Ils ont le visage morne, éteint, et une angoisse tout à fait silencieuse flotte entre eux d’une cohésion glauque. L’un d’eux décide de faire les cent pas devant la scène du crime. La vache éventrée git là devant, en une masse informe et méconnaissable.
« Vous penser que c’est un ours qui a fait ça… ? »
« Un loup en tout cas, n’aurait pas pu infliger ce genre de blessures… »
Les hommes acquiescent : en effet les blessures étaient bien trop importantes pour que le crime puisse être l’œuvre d’un loup.
« Probablement un ours… » Marmonne un des hommes.
« Un ours très gros… »
Les autres approuvent en silence.
« Bon, rassemblez les hommes. Ce soir, on part à la chasse à l’ours »
Les hommes se détournent de la scène, s’éparpillant en directions différentes pour prévenir le village de la terrible nouvelle.


◖5◗


Il est presque midi. Andon se réveille, il pousse un grognement quand le jour blafard vient s’étaler sur son visage. Il se retourne sur son lit, posant son avant-bras sur sa figure, à hauteur de ses yeux. Il pourrait rester étendu là de longues minutes encore, ou bien des heures, sur le dos, les membres détendus. Il n’a jamais été très matinal.
Mais soudain, des coups bruyants contre la porte le sortent de son sommeil. Il grogne encore une fois, se retourne nonchalamment. S’il ne répond pas, peut être que le visiteur va se lasser et partir. Mais les coups reprennent de plus belle.
« QUOI ? »
« Andon ! Debout ! Conseil de village : maintenant ! Dépêche-toi ! »
Il reconnaît la voix de son frère aîné, le père de Luben. Il soupire, poussant encore un grognement, avant de se redresser paresseusement, se grattant l’arrière de la tête.
« J’arrive… » Grommèle t’il.
Il enfile le pantalon qu’il avait, la veille, jeté négligemment sur le bord du matelas. Il tend ensuite le bras vers ses bottes, renversées au pied du lit, mais seulement pour se rendre compte qu’elles puaient toujours la mort. Ils les balancent avec un air de dégout et regrette aussitôt la paresse, la nuit précédente, qui lui avait fait prendre la décision de ne pas les nettoyer. Elles puaient d’autant plus maintenant, et le sang était devenu tout sec et tout collant : il allait falloir de longs efforts rigoureux pour venir à bout de tout ce sang.
Il s’empara d’une paire de tongs usées et les enfila avant de sortir dehors tout en finissant de boutonner sa chemise.
Le conseil a déjà commencé, il a rassemblé hommes et femmes qui murmurent des plaintes inquiètes. Quelqu’un prend la parole :
« Une vache a été retrouvée morte ce matin, éventrée par un animal féroce ! »
Andon soupire, tout à fait désintéressé par le sujet. Il avait déjà appris cette nouvelle à ses dépens, la veille, quand il avait malencontreusement posé le pied dans les tripes éparses de la pauvre bête. L’épaule posée contre un mur, les bras croisés, il écoute le débat d’une oreille peu attentive, trouvant toute cette conversation peu captivante, d’autant plus que lui, savait très bien comment ça finirait : les hommes prendraient leur fusil, partiraient traquer la bête dans les recoins les plus obscurs de la forêt, et reviendraient sans doute bredouille. L’expérience se répèterait sûrement jusqu’à ce qu’ils tombent sur un animal capable d’endosser les crimes dont on l’accusait et dont on pourrait, alors, ramener la dépouille au village.
bref, ça ne me concerne pas… pense t’il en bougonnant.
Il se détourne alors de la scène d’un pas indolent et s’éloigne en direction de sa maison, sous des regards désapprobateurs et des murmures indignés.


◖6◗


Le soir, la traque a commencé. Les hommes sont partout dans la forêt, partout où ils le peuvent. Silencieux comme des loups, ils arpentent les bois par groupe de deux, s’éclairant à l’aide de torches et de lampes. La forêt est profondément noire sous l’ombre des grands pins qui ne laisse même pas passer la lumière livide de la lune. Il n’y a que la lumière diffuse et rougeâtre des lampes et des torches pour éclairer les horizons. Le sol est rocheux et inégal et couvert de lichen mou et glissant. Le froid a refermé son emprise sur le décor, les poings serrés si fort autour de la chair des chasseurs qu’il en caresse les os et la moelle. Les journées sont douces en cette saison mais les nuit sont glaciales.
Un homme s’est arrêté, il fait signe au second d’attendre avant de lui donner l’autorisation de poursuivre. Ils avancent en silence. Le décor autour, fait de nœuds, de racines et de branches, noirs, ressemble en lui-même au ventre d’une bête. Ironiquement peut-être : cette même bête qu’ils étaient en train de traquer.
Soudain l’éclaireur marque un deuxième arrêt et l’autre se fige aussitôt. Il s’accroupit, tendant du bout du bras la lanterne vacillante. Le deuxième chasseur approche, lentement, dans un silence le plus total. Il regarde le visage de son compagnon, aux traits mangés par la lueur rouge de la flamme et tordus par la terreur. Là, à leur pied, s’étend une énorme empreinte, non d’un ours, mais de loup ou de chien, une bête gigantesque et lourde aussi, vu comme la trace s’est profondément ancrée dans la boue.
Les deux hommes observent cette découverte, les yeux grands ouverts et le souffle court. Soudain un cri retentit dans la forêt : pas de bête mais un cri d’homme. Un cri déchirant et de terreur qui se répand partout entre les troncs gelés des conifères et fait aboyer les chiens, au loin.
Les deux hommes se mettent à courir.
Quand ils arrivent devant la scène, la peur au ventre et le souffle court, l’horreur leur retourne le cœur. Un homme est blessé, grièvement : il git là, à moitié conscient seulement, la bouche déformée par des plaintes ensanglantées. Une blessure au ventre qui ne dit rien qui vaille. Son compagnon lui, est livide, il balbutie des choses que personne ne comprend, les yeux écarquillés, la bouche à moitié ouverte, de peur et d’horreur.
Pas de temps à perdre, il faut ramener le blessé au village. Déjà, deux autres hommes arrivent : ils ont eux aussi entendu la plainte qui a déchiré la nuit. Deux hommes portent le blessé tandis qu’un autre tente de calmer son compagnon, toujours sous le choc.
Ils redescendent le flanc mouillé de la montagne à longs pas de course, prudents mais rapides. Quand ils arrivent en bas, vers le village, des habitants accourent : ils ont vu le groupe revenir, affolés et terrifiés, portant ce qui pouvait être un blessé ou un cadavre.
On fit venir un fourgon en vitesse et le médecin du village fut appelé au chevet du blessé : ils partirent tous en urgence vers l’hôpital le plus proche.
Pendant ce temps les autres hommes s’étaient rassemblés en petit comité, dans la cuisine très étroite du père de Luben. L’éclairage ocre et vacillant de la petite pièce suffisait à peine à éclairer les figures épouvantées des villageois, et rendait leurs traits encore plus lugubres car ils avaient tous une partie du visage noyée dans l’ombre la plus totale.
Tous se tournèrent vers le témoin, toujours pétrifié et tremblant de tous ses membres. Ils avaient formé un petit cercle inquiet, laissant tout de même à la victime un peu d’air, de quoi reprendre peu à peu ses esprits.


◖7◗


Luben sursauta. Le bruit d’une porte qui claque et de pas précipités venaient de le sortir de son sommeil. Il dormait dans son lit, sous la fenêtre aux volets cassés, où la lueur lunaire venait retomber sur les draps en forme de hachures.
Il se redresse et se demande si le bruit venait d’en bas ou bien de ses propres rêves. Il avance lentement le long du mur jusqu’à entrouvrir la porte de sa chambre et tend une oreille prudente mais curieuse.
En bas : le plancher qui craque et des voix d’hommes, graves et chuchotées à moitié. Pris de curiosité, l’enfant descend l’escalier dans un silence le plus total : il sait parfaitement quelles sont les marches les plus  susceptible de grincer et de trahir sa présence, et les évite habilement.  
Les hommes sont un petit comité et ont été rejoints par le père et la mère de Luben.
Le petit groupe se tient tout droit, le front baissé, les sourcils froncés, leurs yeux perdus dans l’obscurité lancent des éclairs de doute et d’angoisse. Ils sont tous debout sauf un, assis au fond de la pièce sous la lueur chancelante de la lampe. Et ils le regardent tous, lui, on dirait qu’ils attendent qu’il se mette à parler. On lui sert un verre d’eau et on attend toujours, le pressant légèrement d’une main posée sur l’épaule, qu’il parle enfin.
« je… je l’ai vue… l… la bête »
Finit-il par balbutier d’une voix presque inaudible, et il dit ça avec toutes les difficultés du monde, paraît-il, tant ses mains et ses lèvres se mettent à trembler quand il prononce ce mot ‘’bête’’ qui s’éteint en bout de phrase, se meurt comme un mot maudit. Il boit le verre d’eau d’une traite. Autour, des clameurs chuchotées, apeurées, ont remplis l’espace étroit de la cuisine. On l’incite doucement à en dire plus.
« c’é… c’était ni un loup, ni un ours… c’é… c’était un monstre ! Il ressemblait à un loup mais se tenait sur deux pattes ! Et il avait les dimensions d’un ours et les griffes et les crocs d’un monstre ! »
« Vŭrkolak ! » s’écria un homme.
Et des murmures terrifiés s’étendirent dans toute l’assemblée. Le père de Luben frappa sur la table pour les faire taire.
« Silence ! Le vŭrkolak n’est rien d’autre qu’une légende qu’on raconte aux enfants ! »
« Je l’ai vu, Miroslav ! De mes yeux ! Je n’ai pas mentit ! » Se défendit le témoin
« Je ne t’accuse en aucun cas de mentir, Stoyan ! Mais à cette heure, il faisait si sombre et si froid : tes yeux et ton imagination auraient très bien pu te jouer des tours ! »
Un murmure d’indignation parcourut l’assemblée. La superstition maintenait depuis longtemps sur la région une emprise importante et beaucoup croyaient vigoureusement en ces histoires. Le vŭrkolak était connu de tous comme une bête puissante et terrifiante, à l’apparence d’un loup et d’un homme à la fois. On disait aussi que le vŭrkolak vivait souvent parmi les hommes, sous la couverture d’un humain comme les autres mais se changeaient en bête une fois la nuit tombée : pour dévorer hommes ou bétail sans distinction.
« Ton scepticisme pourrait tous nous tuer ! » s’offusqua un des hommes
« Comment peux-tu douter quand un monstre se cache sans doute parmi nous ! »
« Attends-tu que la bête fasse des victimes supplémentaires ? Que ce passera t’il quand le monstre ce sera lassé de la chair des vaches, et que sa soif sanguinaire se tournera alors vers les hommes ! Douteras-tu encore ? »
« du calme ! » repris Miroslav « Laissons au moins la nuit porter conseil et ne sombrons pas déjà dans des théories fumeuses ! Si ce que tu dis es vrai, Stoyan, alors il faudra traquer la bête et la détruire ! En attendant il ne sert à rien de se précipiter ! Il est tard, et nos esprits fatigués peuvent divaguer à cette heure. Rentrons, réfléchissons chacun de notre côté, et demain nous décideront de la démarche à suivre ! »
Le petit groupe ne se montra pas vraiment satisfait de cette proposition, mais se dissipa déjà vers la sortie, en murmures désapprobateurs.
Luben quand à lui a remonté l’escalier en vitesse, se cachant dans la pénombre, assis sur les marches du dessus. Il regarde le petit groupe partir avant de retrouver sa chambre. A genoux sur le lit, il regarde par la fenêtre : dehors un vent givré s’est jeté dans les plaines, les giflant de part en part avec un long cri rauque, il déploie sur la lande une volée de mauvais présage. Et Luben sait dès lors qu’un drame n’allait pas tarder à s’abattre sur le village : il le sentait dans son sang qui battait brûlant sous ses tempes. Il se laissa tomber en arrière, sur son lit, respirant bruyamment, les yeux grands ouverts, il fixa le plafond et ses ombres qui ne tardèrent pas à lui tomber dessus, l’enveloppant dans une pénombre lourde et un sommeil profond rempli de mauvais rêves.
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Lun 14 Jan - 3:42

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◖8◗

Le lendemain matin s’était tiré de la nuit sans tout à fait s’en défaire : le ciel restait gris et maussade, presque sombre, lançant des ombres opaques sur la lande qui obscurcissaient vraiment tout. Une fine pluie très froide avait continué à embrumer l’air comme un brouillard grouillant qui collait à la peau. Le village avait paru dormir bien plus longtemps qu’à son habitude. Les habitants étaient tous rester chez eux, scrutant derrière les fenêtres la campagne autour qui semblait se refermer sur eux dans un brouillard obscur. Tous avaient des peurs et des suspicions et ils lançaient au dehors des regards mauvais et pleins de sous-entendus. Les rues étaient grises et vides, laissées en pâture à la pluie qui les transformait peu à peu en immenses flaques de boue.  
Le temps sembla à son tour se changer en une sorte de tourbe : il s’écoulait au ralentit, lourd et écrasant et chacun redoutait l’heure où une funeste révélation en émergerait.


◖9◗


Il est quatre heure. Miroslav est dans la chambre aux morts, assis devant le cadavre d’un vieil homme, un outil à la main mais parfaitement immobile. Il a le regard perdu dans le vide, les sourcils lui tombant sur les yeux et des rides angoissées lui creusant le front. Terrifié au souvenir de la conversation de la veille avec les hommes du village, il tremble à l’idée du prochain rassemblement qui se déroulerait d’ici quelques instants dans sa cuisine.
« Miroslav… »
« hmm… »
C’était sa femme, elle venait de passer la tête dans l’entrebâillement de la porte.
« Ils arrivent… Stoyan et quatre autres hommes… »
Miroslav se lève. La conversation de la veille n’avait cessé de le hanter, comme promis, il avait passé le restant de la nuit et du jour à y réfléchir et il craignait que les autres en ait fait de même, et frémissait à l’idée des funestes conclusions qui avaient pu traverser les pensées de ses amis.
Les hommes se rassemblèrent une nouvelle fois dans l’étroite cuisine : toute grise et sombre dont l’unique fenêtre semblait parfaitement blanche en comparaison avec l’obscurité ambiante de la pièce. Le givre avait formé des petites craquelures aux quatre coins de la vitre usée.
Tous se taisent, le visage grave, et ils ont tous peur de parler en premier : comme s’il s’agissait d’un rôle maudit qui planterait sur le dos de celui qui l’endossait le funeste drapeau de toutes les responsabilités des idées noires qui trottaient dans la tête de chacun.
« On a suivi ton conseil, Miroslav. On a réfléchit à la situation »
Les hommes approuvèrent.
« Je pense qu’on est tous d’accord pour dire que les évènements d’hier sont d’une gravité implacable. Yavor a failli mourir hier soir, et il se trouve toujours à l’hôpital, à lutter entre la vie et la mort. De plus, le témoignage de Stoyan nous a tous glacé le sang, et je pense parler pour l’ensemble d’entre nous en disant que les visions qu’il a rapporté depuis la forêt ne nous auront pas lâché depuis hier ! »
En effet, les cauchemars décrits par Stoyan étaient resté ancrés dans la mémoire de chacun, toute la nuit et tout le jour, comme un air de musique détestable qui reste résolument dans la tête.
« Et je ne reviens pas sur ce témoignage, Miroslav » ajouta Stoyan d’un ton presque désolé. « J’ai vu ce que j’ai vu et ni mes yeux ni me sens n’ont pu me mentir ! »
« On en a parlé avec les vieux du village, et on reste sur l’idée la plus détestable mais la plus évidente : il s’agit d’un vŭrkolak ! »
Un murmure d’effroi passa sur le petit groupe d’hommes. Miroslav s’indigna et s’apprêta à prendre la parole, mais on le fit taire aussitôt.  
« Tu sais comme nous ce qu’on raconte, Miroslav. Tous les dix-sept ans…. »
« Non ! Ce ne sont que des fables et vous le savez ! » S’indigna le père de Luben.
Mais l’homme ne se laissa pas déstabiliser par l’intervention de Miroslav.
« Tous les dix-sept ans… » Reprend-il « la bête revient pour se repaître de chair humaine et animale ! Et tous les dix-sept ans, elle revêt un nouveau masque ! La bête rôde parmi nous ! Sous le couvert d’un visage humain ! »
« C’est faux ! Ce n’est qu’une superstition ! »
« Le sang appelle le sang, Miroslav ! Et si, comme il y a dix-sept ans, on ne rend pas à la lande le corps maudit du coupable, il continuera à verser le sang de villageois innocents ! »
L’étroite cuisine fut envahie de chuchotements approbateurs, où la terreur venait dangereusement se mêler à la raison. Tous semblaient d’accord sur ce point : la bête se cachait parmi eux sous le couvert d’une figure innocente.
Soudain, deux autres hommes entrèrent dans la maison de Miroslav : ils avaient participé à la battue la veille, ainsi qu’au débat de la nuit précédente. Ils ne s’étaient pas encore montrés lors de cette nouvelle assemblée.
« Ne cherchez plus ! » dit l’un d’entre eux « On a le coupable ! »
Et il jeta sur la table une paire de bottes crasseuses, dont l’une était visiblement recouverte de sang. Des voix terrifiées et scandalisées s’élevèrent parmi les hommes. On demanda très vite qui était le propriétaire de ces bottes. Un des nouveaux venus se tourna vers Miroslav.
« Ton sang maudit, Miroslav ! L’hôte de l’esprit de la bête, n’était-il pas déjà de ta parenté il y a dix-sept ans ? »
« Qu’insinues-tu, Bogdan ? » se scandalisa Miroslav. Il se redressa de tout son long, tentant tant bien que mal de se contenir mais la peur l’envahissait dans tout son corps comme un liquide glacé et gluant qui le paralysait de la tête aux pieds.
Bogdan reprit :
« Ces bottes, je ne les aies trouvées nulle part ailleurs que dans la loge occupée par ton frère ! Andon ! »
Miroslav se figea, la peur avait resserré son emprise sur lui : il se tenait là, crispé, les mains serrées sur la table, les ongles presque enfoncés dans le bois. Le dos courbé comme un animal livré en pâture à ses prédateurs. Les hommes autour semblaient se satisfaire de cette nouvelle : ils se penchaient les uns vers les autres, chuchotaient dans le noir des mots dangereux qui réclamaient potence.
« Ça suffit ! » S’indigna Miroslav ! « Ce n’est pas une créature fantastique qui a empoisonné ce village ! Mais bien la folie et la superstition ! »
« Ah ! Bien sûr, ça t’arrange bien ! Le précédent monstre n’était-il pas aussi de ta famille ? »
« C’est dans les gênes ! »
« D’une génération à l’autre ! »
Miroslav ne pouvait plus bouger : il restait là, cramponné à la table et le corps foulé de tremblements qu’il tentait tant bien de dissimuler. Il sentait qu’à tout instant ses jambes pouvaient se dérober sous lui et il concentrait tous ses efforts pour garder une mine dure et grave, dans une figure qui ne demandait qu’à fondre en larmes.
Tous les hommes autour semblaient déjà avoir condamné Andon et ils réclamaient tous, du fond d’eux même, que leurs angoisses mortelles soient lavées dans son sang. Miroslav avait la bouche à moitié ouverte mais plus aucun son ne voulait bien en sortir.
« Suffit ! »
Tout le monde se tourna vers la provenance de cette nouvelle voix : une voix féminine, celle de Feya, la mère de Luben. Miroslav la regarda, les yeux presque suppliant, à bout de force il espérait de tout son être que sa femme trouvera une parole capable de calmer la folie de ces hommes.
« Sommes-nous nous même des bêtes ? Pour condamner un homme sans procès, sans lui donner la chance de s’expliquer ? Allez-vous donc verser le sang et ne même pas vous être assuré qu’il soit coupable ou non ?! Pfff, les seules bêtes assoiffée de sang qui rôdent sur ces montagnes, elles se trouvent ici dans cette cuisine ! »
Ses paroles furent accueillies par une pluie de commentaires désapprobateurs et scandalisés. Miroslav quant à lui avait fermé les yeux, toujours appuyé sur la table et il ne suffirait plus que d’une petite pression supplémentaire maintenant pour qu’il s’écroule, là, devant tout le monde.
« Prouvez-moi que vous valez mieux que des animaux sanguinaire ! Et offrez au moins à l’homme que vous accusez un procès équitable et une chance de se défendre ! »
« Très bien ! » sembla concéder quelqu’un. « Nous attendrons le retour d’Andon et nous le questionnerons ! Mais le vaurien est introuvable et il passe d’ailleurs ses journées à errer dans les bois comme un chien ! Qui sait si de nouvelles victimes ne seront déplorées d’ici là ! »
Tout le monde acquiesça et les hommes quittèrent tous la pièce en silence. Miroslav était resté figé tout le long et dès que la porte fut claquée derrière les hommes et qu’il se trouva seul avec sa femme dans la petite cuisine grise, con corps se déroba et il tombât sur sa chaise, la tête prise dans ses longues mains blanches, les jambes tremblantes. Il ne contrôlait plus les soubresauts terrifiés qui le possédaient maintenant, ni les pleurs angoissés qui lui secouait l’estomac avant de se répandre en larmes sur ses joues creusées.


◖10◗


Le reste du jour se termina encore plus morne qu’à son commencement, on aurait dit qu’il avait pris tout son temps pour se finir, dans le silence le plus désagréable et les intempéries les plus grises.
Et le jour s’étendit, glauque et implacable jusqu’à être porteur d’une triste nouvelle : Yavor, l’homme victime, la veille, de la violence de la bête, n’avait pas survécu à ses blessures et avait fini par rendre son dernier souffle à l’hôpital.
Furieux, les hommes attendaient, tapis à leurs fenêtres comme des prédateurs, le retour d’Andon.


◖11◗



Nuit. Les ombres se sont jetées sur les montagnes et les étoiles se taisent derrière des nuages obèses. La pluie s’est arrêtée mais les nuages rendent le ciel complètement noir : il coule au-dessus en nuées grasses et noires, et épaisses comme du pétrole. Le vent gronde à plein ventre, ça fait mal aux oreilles et ça donne la migraine. Tout est gris sombre et noir et rien ne brille, rien ne s’éclaire.
Andon est debout sur les rochers, sous le ciel noir, il se tient droit, il écoute, il sent. Lui, gris très sombre dans le décor opaque.
Il fronce les narines, avale une grande bouffée d’air, par le nez, il hume l’air, avide de ses senteurs. L’air sent le lichen mouillé, la terre battue toute la journée par la pluie, il sent l’animal, la roche, les morceaux d’épilobes, arrachés par le vent plus bas dans les plaines.
Il connaissait si bien ces montagnes, ces rochers nus, glissants, polis par les vents du Nord. Il n’y voyait presque rien mais se repérait aux sons, aux senteurs et aux souvenirs.
Alors qu’il se tenait droit, là debout, les yeux fermés, aux aguets de tous les sons et des odeurs qui parvenaient à ses sens, un bruit venu de derrière le fit se retourner d’un coup. Il fit un pas, empoigna vivement l’intrus et le tira à lui. Il le scruta, l’intrus avait peur, Andon le regarda de très près dans la pénombre étourdissante. Il le reconnut.
« Luben »
Le petit a peur, il respire fort.
« Dé… désolé… » Marmonna l’enfant
Andon soupir, il lâche le petit et s’accroupit à sa hauteur, posant tout de même fermement ses mains sur ses épaules.
« Non ce n’est rien. Je ne suis pas fâché. Tu ne devrais pas être ici, Luben. C’est dangereux : la roche est glissante à cause de la pluie. Tu pourrais tomber. »
Luben ne dit rien. Andon soupire et s’assois sur la roche, asseyant l’enfant à côté de lui. Il n’aimait pas les enfants, mais celui-ci ne le dérangeait pas. Peut-être s’était-il simplement habitué à sa présence à force qu’il le suive partout, dans toute la lande et les montagnes.
« Andon…. Tu fais quoi ? » Chuchota l’enfant, curieux.
Andon soupire, trop paresseux que pour donner des explications. D’ailleurs il doutait que l’enfant comprenne quoi que ce soit, mais il finit par se dire que lui au moins, ne le prendrais pas pour un fou, et que dans le pire des cas il ne penserait rien du tout.
« Tu sais, Luben, on dit que les aveugles, en perdant la vue, développe encore plus les autres sens… »
Luben l’écoute attentivement, mais ne montre aucun signe d’approbation ou de compréhension. Andon soupire une nouvelle fois.
« Eh bien tu vois c’est ce que je fais ici : tu y vois quelque chose, toi ? »
« non, quasi pas… »
« Moi non plus. Du coup, les nuits comme celles-ci, tellement noires qu’on ne voit rien du tout, je sors sur ce rocher, et rendu presque aveugle pas la pénombre, je sens mes autres sens s’amplifier : les odeurs, les sons, tout prend une place que je n’avais jamais deviné. »
Luben le regarde intensément, sans rien dire. Les paroles d’Andon le fascinent sans qu’il n’en comprenne vraiment le sens. Andon soupire encore, se grattant l’arrière de la tête. Il sort son paquet de cigarette.
« Ecoute, j’en fume une et puis je te ramène chez toi, d’accord ? » marmonne-t-il, la cigarette entre ses lèvres. « Tu vas crever de froid si tu restes ici dehors »
Il craque une allumette. Un instant la flamme vient trahir l’obscurité, ajoutant une note orange au décor gris et noir et éclair les visages durant quelques secondes.


◖12◗


Au village, personne ne dort. Il faut rester debout pour ne pas s’endormir, garder les mains crispées sur les rebords des fenêtres et les yeux grands ouverts : scrutant les rues vides et trempées, derrière un voile de buée grise collée à la vitre. Deux silhouettes viennent trahir le vide : un jeune homme grand et osseux et un enfant.


◖13◗


Andon s’arrête devant la porte de Miroslav, une main posée sur l’épaule de Luben.
« Tu vas le dire à mon père que j’ai filé dehors quand j’avais pas le droit ? » demande Luben.
Andon soupire.
« Franchement, je devrais ! Mais allez, je suis pas une balance. File ! » Dit-il avec un geste de la main.
L’enfant s’exécuta et s’enfuit derrière la porte.
Andon se détourna, il disparut du village, d’un pas calme et sûr de lui, il retourna dans la pénombre dévorante des bois et des montagnes, grimpant les rochers jusqu’à retrouver son promontoire sur le flanc gris de la montagne.  


◖14◗


Les petites rues boueuses s’animèrent d’ombres et de bruits de pas : des hommes s’étaient silencieusement glissés dehors et s’engageait vers les bois à la suite d’Andon : muets et prudents comme des loups à l’affut de leur proie.  


◖15◗


Le lendemain. Le jour est blanc, inerte, les épais nuages gris ont déserté le ciel pour ne laisser qu’un grand trou béant et incolore. Le vent s’est changé en froid encore plus mordant que les autres jours. Il pourrait neiger d’un jour à l’autre.
Luben descend les escaliers, encore un peu somnolant, quand la porte d’entrée s’ouvre d’un coup, avec un grand bruit fracassant. Son père entre, livide. Il s’accroupit en face de Luben, et entoure vigoureusement son visage de ses deux mains.
« Luben… » Commença-t-il, à bout de souffle. « Luben, où est ton oncle ? »
Luben baissa les yeux.
« Luben, c’est important, mon ange… Je sais que tu le suis comme son ombre, tu connais ses repères ! Dis-moi où je peux le trouver !» Sa voix est presque suppliante maintenant.
Luben hésite. Il repense à la nuit précédente, au grand rocher gris sous le ciel noir, à la forêt. Andon dans le grand vide de la nuit. Il ne veut pas mentir à son père, mais trahir le secret de son oncle, c’était renoncer à ce qu’il pouvait avoir de mystique, de sacré : ce rocher, pour Andon, c’était comme un sanctuaire.
« Luben, s’il te plait… » Supplia son père.
Luben frémit, il y avait quelque chose dans l’attitude de son père qui le terrifiait : il n’avait jamais vu Miroslav aussi désemparé et aussi épuisé.
Luben soupire, il tourne ses grands yeux sombres vers le visage désespéré de son père. Enfin, il avoue : le bois, la montagne, le rocher sous le ciel noir…
Miroslav embrasse son fils sur le front avant de se détourner, il disparaît dans l’embrasure de la porte laissée béante, pleine de ce grand jour blanc aveuglant.
Eblouit par la clarté, Luben pose une petite main devant ses yeux mi-clos.


◖16◗


Les branches noires des arbres tanguent dans le froid pénétrant. La lumière ne perce quasi pas sous la masse des conifères et l’obscurité s’étend dans les bois comme s’il s’agissait de son territoire.
Miroslav court, aussi vite qu’il peut : mais la pente des flancs des montagnes est rude et boueuse, et il se retrouve bien souvent à quatre pattes, glissant dans la boue, les ongles cramponnés à la terre humide pour ne pas tomber, un genou enfoncé dans le sol.
« Andon ! » Tente-t-il de crier, à bout de souffle.
Il suit la piste indiquée par son fils, mais un mauvais pressentiment le dévore de l’intérieur. Il s’arrête, à court de souffle, et doit reprendre de grandes bouffées d’air glacées. Il respire très vite, très fort, une main cramponnée à son ventre : un point de côté lancinant vient de le foudroyer.
« Andon… » Souffle-t-il.
Il se redresse tant bien que mal, la moitié de son corps presque paralysée par l’effort. Il reprend sa course, il est couvert de boue. Il finit par le voir : le rocher, perçant dans la broussaille alentour, trônant, haut, parmi les branches et les fougères.
Pris d’un reflux de détermination il se lance vers ce qu’il pense être le moyen le plus court et le plus sûr d’y accéder. Mais soudain il s’arrête dans sa course. Il se fige, comme pétrifié : là au pied du rocher, une forme sombre vient d’attirer son attention.
« An… Andon » marmonne t’il.
Il se lance aux côté de son frère : son corps inerte est juste là, il a le visage tourné contre la roche, ses longs bras ballant le long de son corps.
« Andon ! »
Prononça Miroslav encore une fois. Il n’a pas encore réalisé. Il tend une main désespérée vers son frère dans l’espoir de le réanimer, mais quand ses doigts rencontrent la peau livide de sa figure, Miroslav se paralyse de tout son corps. « non… ». La peau est glacée, pétrifiée, et quand il tourne dans un dernier espoir le visage de son frère, il tombe nez à nez avec deux grands yeux béants, ouverts, figés, des yeux pleins de mort.
Miroslav est pris de sanglots, il sert contre lui le corps dur et inerte d’Andon, la forêt à jeté sur eux leurs ombres pointues qui se referment comme des crocs sur les deux frères.


◖17◗


Miroslav ne pense plus, il marche, portant son frère sur le dos. On dirait qu’il ne remarque même plus l’effort que cela lui demande : il ne pense plus, ne ressent plus. Il tombe parfois, en avant, dans la boue quand il descend les flancs escarpés des montagnes, perdant son précieux fardeau. Mais il n’abandonne pas, bien décidé de ramener le corps d’Andon au village, le regard figé en avant, noir : au-dedans, il n’y plus que la colère maintenant.


◖18◗


Luben est resté dans sa chambre. Etendu les bras ballants sur son lit et il fixe la fenêtre d’un air inquiet. L’attitude de son père l’avait vraiment chamboulé. Il n’avait jamais vu son père dans ce genre d’état avant, et cela lui donnait un mauvais pressentiment qui lui secouait l’estomac : le peur y prenait tellement de place qu’il n’avait même pas songé à manger ce matin.
Soudain il entendit la voix grondante de son père : là dehors, sous la fenêtre. La voix d’habitude si douce, aimante, pleine de chaleur et d’empathie : elle grondait comme le tonnerre, dans la rue, remplie d’une colère noire dont il ne savait même pas son père capable.
Luben dévala les escaliers, ouvrit la porte, grand, très grand : un trou béant vers l’horrible scène dont il fut malgré lui pris au piège, comme un témoin forcé. Là devant ses yeux, Miroslav venait de se défaire du corps inerte d’Andon, il l’avait déposé sur le sol, bien en évidence, au milieu de la rue, là où tout le monde devait le voir. Miroslav vociférait fou de rage des paroles pleines d’insultes, de tristesse et d’accusations. Les villageois s’étaient arrêtés, ils regardaient la scène le visage sombre, morne, inerte, les yeux voilés par une ombre fauchée de toute émotion.
Luben se figea, son corps et sa tête d’accord sur un point : ne pas savoir quoi faire ni ressentir. Juste un vide immense d’incompréhension, de non-sens, de doute. Sa mère dévala à sa suite et couvrit immédiatement de sa main les yeux du petit : elle l’arracha du sol, ferma la porte et grimpa les escaliers à la volée. De retour dans la chambre de Luben, elle le posa sur le lit, le serrant très fort contre elle. L’enfant semblait avoir perdu la tête, il se débattait, poussait des cris, parfois des pleurs, il semblait fou de rage. Sa mère, le cœur chavirant dans tous les sens et les larmes aux yeux, tentait de le calmer, elle le maintenait immobile de toutes ses forces et lui caressait le visage.
« Luben… chuut… Luben… » Continuait-elle à murmurer d’une voix tremblante.
Mais le petit refusait de se calmer : il se débattait comme un animal, incapable de s’y retrouver dans la marée de sentiments qui l’avaient envahi et qu’il ne comprenait pas. Il se sentait déchirer entre l’envie de rugir de rage en demandant une explication à ce qu’il venait de voir, et une peur atroce de cette même explication, qu’il redoutait par-dessus tout de recevoir.


◖19◗


Dans la rue, les habitants du village s’approchaient en silence du cadavre.  Le visage vidé de toute expression. Miroslav n’avait même plus la force d’hurler ni de lancer des accusations à tout va. Il sanglotait, marmonnait :
« Vous l’avez tuez… vous aviez promis qu’il aurait droit à un procès, à se défendre au moins ! »
« Du calme, Miroslav » lança un homme d’une voix grave. « Qui te dit qu’il s’agit d’un meurtre… »
« Ton frère avait pour habitude d’errer, ivre, dans les montagnes… » Dit un autre
« Il a beaucoup plu hier »
« La roche était glissante, boueuse, et les montagnes sont escarpées »
« Et la nuit, hier, particulièrement sombre… »
« Il devait être saoul, et il a pu tomber, glisser… »
« Se casser la nuque »
« Ce ne serait pas étonnant… »
Miroslav, en fouillant la veste de son frère, trouva effectivement une petite bouteille de spiritueux. Il s’en débarrassa en la jetant aux pieds d’un des hommes. Il souleva le corps inerte de son frère qu’il serra contre lui, le corps secoué par les pleurs. Il ne croyait en rien l’explication qu’on venait de lui donner, mais la savait plausible : et jamais il ne pourra trouver d’indices suffisant pour la démentir,  et le meurtre injuste de son petit frère, sans preuves, devrait rester impuni.

Le lendemain la neige se mit à tomber, recouvrant toute la lande d’une fine couche blanche et glacée.


◖20◗


Les années s’écoulèrent. Luben grandit. Au fil des jours et des ans le souvenir d’Andon devint de plus en plus flou dans l’esprit du garçon : il en gardait un souvenir lointain, diffus, qu’il avait associé longtemps à la mémoire de sa petite enfance aujourd’hui loin derrière lui. On lui dit que son oncle fut un ivrogne, un vagabond, et sa mort n’était rien d’autre qu’un accident : ivre, dans le noir le plus complet, quand il avait plu à torrent et à rendre la pierre aussi mouillée et glissante, n’importe qui aurait pu malencontreusement y laisser la vie. D’autant plus que la prudence n’avait jamais été une des qualités de son oncle.
Mais Luben continuait à penser à son oncle avec affection, regret et une certaine amertume. Il n’avait pas eu de mal à boire les paroles des villageois ainsi que la version de l’histoire qu’ils lui avaient servie. Mais malgré tout il gardait au fond de lui un pressentiment, comme un goût amer qui lui remontait par la gorge à chaque fois qu’il pensait à son oncle. Bien-sûr, il était tout à fait incapable de savoir pourquoi. Il ignorait ce dont son oncle avait été accusé et se souvenait de cette histoire de bête féroce comme s’il avait s’agit d’un mauvais rêve. Et puis, au village, l’affaire fut assez vite étouffée après la mort d’Andon : on fit même taire les bruits qui avaient courus, un temps, comme quoi des évènements semblables à ceux ayant précédé la mort d’Andon s’étaient produits quelques jours après dans des villages voisins. D’ailleurs, dans cette région de Bulgarie, les villages étaient tellement éloignés les uns des autres qu’il était souvent assez dur de différencier l’information de la simple rumeur.
Autrement, Luben était un garçon plutôt apprécié par son entourage : doux et gentil, quoi qu’un peu paresseux et entêté et il était pour tous d’une agréable compagnie.
Il s’intéressa particulièrement à l’étude des plantes et de son environnement : il apprit assez vite, grâce aux vieux du village et des livres dénichés lors de ses rares escapades dans la ville la plus proche, à différencier chacune des plante qui parsemaient les montagnes et les plaines environnantes, ainsi que leurs propriétés thérapeutiques ou médicales. Il aimait beaucoup la nature, et passait beaucoup de temps seul à s’y promener.
Il avait également commencé à apprendre le métier d’embaumeur auprès de son père : passant la plus part de son temps à rêvasser, il ne s’était jamais vraiment questionné sur son avenir professionnel, si bien que l’opportunité de reprendre les affaires de son père ne le dérangea pas. De plus, il aimait beaucoup son père, et appréciait ces heures passées en sa présence. Et puis, la compagnie des morts ne l’avait jamais vraiment dérangé.
Mais vers vingt-et-un ans il fit une découverte qui réanima le souvenir d’Andon, déterrant le passé enfui depuis des années et ramenant d’une certaine manière le fantôme de son oncle : qui devrait alors lui coller à la peau car il n’était plus question de le laisser partir.  


◖21◗


Luben est debout : là, en plein jour, sur le rocher d’Andon. Ça faisait des années qu’il ne s’y était plus rendu. La dernière fois, il avait cinq ans, et Andon l’avait ramené au village pour ensuite disparaître, happé par la pénombre des bois et de la nuit.
Maintenant Luben s’y tenait, le poing serré sur un carnet noir, usé. Les pages du carnet étaient noircies d’écritures serrées, maladroites, parfois violentes : et des mots un peu bourrus mais pleins d’une sorte de vigueur sauvage qui vociféraient la vie dans tout ce qu’elle était au fil des pages. Le carnet avait appartenu à Andon, comme tant d’autres qu’il avait retrouvés dans une caisse oubliée sous une pile de choses faisant partie du passé de son oncle. Luben avait passé les dernières semaines à boire les mots avidement, il se rappelait plus distinctement de ces nuits qu’il avait passées, enfants, à suivre son oncle partout dans la brousse, et de la curiosité presque fanatique qu’il ressentait pour Andon. Il ignorait alors ce qui le poussait à un intérêt aussi extrême, mais il venait de le découvrir au fil de ces pages. La vision imparfaite qu’il se faisait de son oncle était enfin complète, et Luben se sentait comme un disciple ayant finalement retrouvé son maître après de longues années d’absence. Les écrits d’Andon relataient sa vie sauvage dans les montagnes, son refus des règles, sa passion pour la liberté à l’état brut, quasiment qualifiable de liberté animale, son attrait pour l’inconfort et la privation.
Mais le réel souvenir d’Andon restait tellement confus dans l’esprit de Luben qu’il était difficile de savoir s’il ne s’en était pas fait une perception romanisée, créée par son imagination au fil des lectures des carnets de son oncle.
Mais Luben s’en foutait.
Il tourna le dos au rocher, se promettant d’y retourner souvent, surtout lors de nuit noires, très noires, qui viendraient faire remonter à la surface profonde du monde, un tas d’odeurs, de sons et d’impression qui restaient jusqu’à présent hors de portée de ses sens.
Il dévala la pente comme une bête, le poing serré sur le carnet d’Andon.


◖22◗


L’attitude de Luben changea vigoureusement les semaines qui suivirent : il se faisait plus distant avec tout le monde, il se méfiait, il refusait d’obéir et passait parfois des nuits entières à errer dehors. Parfois, il n’hésitait pas à sortir telles quelles des répliques trouvées dans les pages noircies des écrits d’Andon, de quoi déstabiliser tout le monde. Le souvenir d’Andon avait trop longtemps dormi, mais pas question de le laisser mourir : il l’avait ramené à la vie, et il était là, brûlant, comme un grand feu de joie au milieu du village que tout le monde devait voir.
Il commença même à se montrer parfois désagréable avec son père, qu’il soupçonnait de lui cacher des informations sur la mort de son oncle.
En réalité, Luben ignorait ce qui le faisait vraiment agir comme ça : une mêlée de souvenir sans doute, flous et lointains, dont les mots et les images s’étaient effacés de sa mémoire, mais dont les sensations, les impressions, restaient là, brûlantes au fond de son ventre.
Il ne se l’avouait pas, mais au fond de lui il savait que la mort de son oncle n’avait pas été un accident, et cela le rendait fou de rage : une rage animale qui se passait selon lui de mots et de sens.
Alors il suivait à la lettre les instructions que son oncle avait laissés dans ses carnets, et devenait à son tour l’homme animal, l’homme libre et sans conventions qu’avait été son oncle.
Cependant, pour le reste du village, le comportement du garçon était tout simplement intolérable : ses attitudes et ses paroles avaient déterré Andon de sa tombe, et l’avait forcé à marcher au milieu d’eux à nouveau, leur rappelant qu’il avait vécu, ouvrant à nouveau une cicatrice béante sur sa mort, son meurtre.
Luben, lui, ne souhaitait pour rien au monde s’arrêter : il était comme possédé par l’esprit d’Andon et refusait de le laisser partir.
Parfois, quand il était debout sur le rocher, par les nuits noires et nuageuses, et que dans le noir le plus profond, il ne parvenait plus à se percevoir lui-même et que ses sens se transformaient de manière si étrange que ça lui donnait des picotements dans tout le corps – il croyait réellement changer de peau.


◖23◗


Quelques mois passèrent ainsi, Luben venait d’avoir vingt-deux ans. Il continuait à faire vivre le souvenir d’Andon au village, et s’était attiré la haine de tous les villageois, mais cela ne l’importait pas. Il n’allait presque plus aux leçons de son père et avait presque abandonné l’idée de reprendre l’activité de Miroslav. Il ne travaillait plus, n’était jamais chez lui et passait de longues nuits dehors, à errer dans les montagnes.


◖24◗


Un jour, cependant, un sombre évènement fit de nouveau surface au village : après dix-sept ans d’absence, la bête était revenue.  
Deux animaux morts, une vache et un cheval, avaient été retrouvés couchés sur le flanc, les tripes étalées sur la plaine et le ventre ouvert. Le carnage était sanglant et il avait fallu plusieurs jours aux vents du nord pour dissiper totalement les odeurs de bêtes dépecées et de vieux sang.


◖25◗


« Elle est revenue… »
« Bientôt, ce sera des tripes humaines dont on devra nettoyer la plaine si on ne fait rien… »
« La bête rôde parmi nous… »
« Si on ne la démasque pas… »
Les hommes se tiennent debout devant le village, face aux montagnes. Une obscurité bleu sombre s’est couché sur toute la lande : il fait nuit. Chaque homme tient une torche serrée dans son poing et la lueur de la flamme jette sur leur visage des ombres contrastées, comme si leurs figures n’étaient faites que de rouge et de noir. Ils sont armés de fusil et attendent potentiellement la bête d’une allure de sentinelle furieuse.
« C’est dans les gênes… » Grogna l’un deux.
Les autres ne disent rien mais consentent d’un regard en coin.
Il y avait une personne au village qui récemment avait été piqué par on ne sait quoi, et il se traînait, maintenant, comme une bête sauvage dans les ruelles, avec des attitudes et des gestes que tous connaissaient : pour les avoir vues dix-sept ans plus tôt, chez l’oncle du garçon : Andon.


◖26◗


Quelque chose se tramait au village, Luben le savait : les villageois le fuyaient, le dévisageaient bien plus que d’habitude. C’était depuis qu’on avait retrouvé ces animaux mort : le village s’était tu, c’était tapi dans une sorte de silence qui fait peur, s’était figé dans un froid obscur qui semblait tout à fait dirigé sur lui, Luben. Cela l’agaçait : pas l’antipathie du village, mais bien de ne pas savoir, et l’ambiance de secret nauséabond qui semblait se livrer de bouche en bouche et d’une oreille à une autre, mais jamais à la sienne. Depuis quelque mois, Luben ne se souciait plus de se sentir rejeté ou déprécié, mais l’idée qu’il se trame quelque chose à son insu et qu’il en soit le seul à en être exclu le plongeait, pour la première fois depuis longtemps, dans une très désagréable sensation de solitude. Même son père semblait le regarder avec peur et inquiétude. Luben ne pouvait s’éloigner de la maison sans que ce dernier ne trouvait toujours une nouvelle tâche à lui faire faire, ou ne l’assomme de questions, lui imposant parfois des couvre feus alors que Luben en avait bien passé l’âge.


◖27◗


Nuit tombée, Luben descend bruyamment les escaliers, il tombe nez à nez avec son père.
« Luben… »
Il lance un regard agacé à son père, s’apprête à passer la porte quand Miroslav lui bloque le passage de tout son long. Il pose fermement les mains sur les épaules de son fils, d’un geste à la fois rude et protecteur.
« Luben, tu vas venir avec moi. »
Luben secoue la tête et se dégage de l’étreinte de son père, il passe la porte et s’engage de quelques mètres dans la ruelle toute sombre et déserte. Il détestait tenir tête à son père et il savait que si le moindre mot traversait sa bouche il perdrait le dessus : c’est pour ça qu’il décida de ne rien dire et de fuir tout simplement, le plus vite possible, son autorité.
« Luben… je peux te dire pourquoi ton oncle est mort. »
Luben ne bouge plus : il reste là, aussi inerte que le reste du décor, son souffle s’est presque tu et son cœur avait failli se retourner dans sa poitrine sous le choc inattendu des paroles de son père.
Luben se retourne, il regarde son père : il aurait aimé le toiser, lui jeter à la figure toute la colère d’incompréhension qu’il avait ressenti les mois précédents. Mais il n’y parvient pas, et son regard était presque suppliant, quand il l’aurait voulu le plus hargneux du monde.
« Viens avec moi » lui dit doucement son père.
Son père le devança, donnant au passage à son fils une tape affectueuse sur l’épaule.
Luben resta là, quelques secondes, à attendre, sans savoir si oui ou non ses jambes finiraient par se mettre en route à son tour. Mais quand il voyait son père s’éloigner peu à peu dans les ruelles, la décision de le rejoindre fut presque inévitable, et en quelques longues enjambées précipitées il fut à sa hauteur.
C’est vers les montagnes qu’ils se dirigeaient, où les roches luisaient sous les reflets de la lune.


◖28◗


Le chemin est étroit, presqu’invisible parmi les herbes hautes qui se débattent de part et d’autre. La nuit est sans nuage et le ciel plein a craquer d’étoiles. Luben l’ignorait mais là où il se rendait, le ciel nocturne était toujours gris sombre et vide, et les étoiles ne brillaient pas, à cause de l’éclairage public omniprésent.
Le vent est froid et mordant, mais léger dans ses va et vient. Luben tremble, frigorifié, mais il garde les poings serrés et les yeux rivés au dos de son père qui le devance de quelques mètres. Miroslav marche rapidement et Luben peine à le suivre. C’est une partie de la montagne qu’il connait mal, un chemin qu’il a rarement emprunté, et l’obscurité ambiante ne l’aide pas dans ses tentatives de trouver des points de repères. Ses yeux, pourtant déjà habitués à la pénombre, distinguent à peine les contours des formes qui l’environnent, et même la silhouette de son père lui semble méconnaissable et il pourrait presque croire qu’il s’est changé en un autre homme, pendant qu’il le gardait bien en ligne de vue, tout le long du chemin. D’autant plus que son père n’a pas pris la peine d’emporter une lampe.
Soudain, Miroslav s’arrête. Il fouille l’abondante végétation autour avec un bâton qu’il vient de ramasser. Il semble finalement trouver ce qu’il cherchait et fit jaillir de la masse de plantes un grand sac de voyage.
« On y est presque, suis-moi »
Ils quittent le chemin pour s’aventurer dans les broussailles. Luben a les sourcils froncés, et ne se soucie même pas des ronces autour qui lui agrippent les jambes. Les yeux fermement cramponnés au dos de son père qu’il suit résolument.
Ils grimpent laborieusement un talus infestés de plantes et plusieurs fois Miroslav se retourne, tendant à son fils une main amicale et protectrice, se tenant fermement sur son bâton, planté dans le sol, pour ne pas tomber.
Ils arrivent finalement à bout de ce talus et alors que Luben se hisse sur le rebord, il dévisage leur point d’arrivée, d’un air surpris et incompréhensif : se tenant debout, droit, sur la surface froide et lisse du goudron, il observe la route qui s’étend de part et d’autre à perde de vue.
« L’autoroute ? Qu’est-ce que la mort d’Andon vient faire avec l’autoroute ? » Demande-t-il sans comprendre.
Il y avait peu de routes goudronnées autour du village et la plupart étaient en terre, celle-ci était une des rare aux alentours et devait sans doute rejoindre un plus grand axe.
Il aperçoit à peine le visage de son père, dissimulé dans la pénombre grise qui règne depuis le soir, mais crois déceler dans ses yeux noirs une lueur de tristesse.
« Luben, au village les rumeurs sont aussi dangereuses que des balles de fusil. Et j’ai peur que depuis un certain temps, tu en sois devenu la cible principale. »
Luben ne bouge plus du tout, il ne comprend pas, il regarde son père d’un air trahi, du regard d’un chien qu’on abandonne.
« Pa… dis-moi ce qu’on fait ici… »
Miroslav détourne le regard, esquisse un geste du menton pour faire comprendre à son fils de se retourner. Luben ne s’exécute pas, mais perçoit quand même, derrière lui, une lumière ocre qui avance jusqu’à baigner finalement d’une clarté jaune diluée le visage de son père qu’il perçoit distinctement à présent : un visage triste et figé, presqu’en deuil et qui se retient de pleurer.
Luben se retourne.
« Pa… »
Il regarde sans y croire l’autobus qui vient de s’arrêter. Son père dépose le sac de voyage aux pieds de son fils.
« Ce bus t’emmènera dans un plus gros village, au nord d’ici. Tu devras ensuite prendre un autre bus, pour Sofia. Là-bas, des billets d’avions sont réservés à ton nom, pour la France. »
Luben regarde son père sans y croire, le visage tordu par une profonde déception et un sentiment de trahison, comme s’il subissait une punition imméritée et irrévocable.
« En France, tu logeras chez un de tes cousin : Aleksandar Mihaelov Vasilev. Je lui ai déjà fait parvenir une somme d’argent pour son hospitalité. »
Luben est mortifié, il n’a pas du tout envie de quitter le village, et encore moins son père et sa mère, et se sent injustement chassé, banni, comme un proscrit. Mais il savait que son père avait peu de moyens, et il ne pouvait refuser de partir après que Miroslav ait dépensé une telle somme pour le billet d’avion et son hébergement. De plus, il se sentait tellement en colère, que se retrouver le plus loin possible de son père lui sembla la meilleure idée du monde.
Luben se pencha pour s’emparer de la valise. Son père fit un pas vers lui, tentant de prendre son fils dans ses bras pour la dernière fois avant longtemps, mais Luben recula brusquement. Il fixa son père, longtemps, le regard trahi, pleins d’injustice et d’incompréhension. Il se sentait comme un proscrit accusé à tort qu’on venait de bannir, d’expatrier pour une faute infondée.
Il se détourna et monta dans le bus, mais une fois dans le véhicule et après avoir validé son ticket au chauffeur, il fut pris d’une grande bouffée de remords qui lui traversa tout le corps.
Il courrut à l’arrière de l’engin, pour voir son père qui devenait de plus en plus petit au fur et à mesure que le bus avançait. Il regretta de ne pas avoir accepté son accolade, et espéra de tout son cœur qu’il comprit son regret dans ce dernier regard qu’ils étaient parvenus à échanger derrière la vitre embuée du bus, avant qu’il ne disparaisse tout à fait, au bout de la route goudronnée, happé par le silence cinglant des montagnes.


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Lun 14 Jan - 3:44

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◈ PARTIE II ◈




◖1◗


(Quelques mois plus tard)

Le temps n’a jamais été aussi lent, il lui coule dessus avec une sensation paisible de bien-être, en petite gouttes chaudes qui se répandent dans tous son corps jusqu’à le paralyser. Il a presque oublié qu’il était là, couché sur le divan, les paupières presque closes. Les luminaires dehors jetaient des ombres pourpres au travers la fenêtre, se mélangeant aux ombres des végétaux qui venaient danser, noires et rouges, sur le plafond.
« Luben… »
La voix de son cousin le sortit doucement de sa rêverie. Luben se redresse, lentement, il regarde son cousin sans rien dire.
« hmm.. ? » finit t-il par marmonner au bout d’un moment.
Il a un léger sourire un peu bête sur les lèvres et le regard à moitié dans le vide. Alek l’observe longtemps, les paupières lui tombant à moitié sur les yeux. Il secoua la tête, dans un état second : il avait probablement oublié ce qu’il tentait de dire. La pipe à opium fumait encore très légèrement, posée sur la table, au milieu du désordre coutumier.
Luben se lève.
« je vais faire du thé » Articula t’il, il avait l’impression que les mots lui coulaient entre les lèvres, au ralenti.
Il se dirigea vers la serre. Le temps et l’espace chaviraient autour de lui comme des vagues apaisantes et il passait au travers. Arrivé dans la serre il coupa quelques feuilles de camomille et de valériane, tout en prenant son temps, ses doigts fouillant doucement les végétaux.
Alek, lui, restait assis sans rien dire, les yeux perdus dans le vide, scrutant le temps et l’espace qui avaient l’air de danser ensemble. Il ignorait combien de temps ils étaient restés là, couchés, son cousin et lui, presque inconscients dans les sillages de l’opium.
Luben revient, servant le thé dans des petites tasses anciennes, il en tend une à son cousin qui la prend sans rien dire, il ne se rend probablement même pas compte qu’il vient de la saisir.
Luben se laisse tomber dans le fauteuil, les bras mollement croisés sur le ventre, profitant encore des derniers va et vient de l’opium dans son corps.


◖2◗


Le village ne lui manque pas. Ses parents, un peu : il s’en voulait de ne pas penser à eux suffisamment. Il revoit les visages des villageois, entend encore vaguement les rumeurs courir d’une bouche à l’autre et il se dit que vraiment, ça n’a plus d’importance. Il aimait vivre chez son cousin. D’ailleurs Alek lui rappelait souvent un souvenir de son enfance, un souvenir envolé, diffus, peut-être même fait de mensonges et de rêves inventés. Le souvenir d’un grand garçon aux cheveux noirs, arpentant toujours les plaines comme un loup solitaire, le regard sauvage et qui jouait souvent avec les chiens. Était-ce son étrangeté qui lui avait couté la vie ? Son refus d’obéir aux règles et de se rallier à la majorité ? Ou simplement un malheureux accident ?
Luben fixa longtemps Alek en silence, sans vraiment s’en rendre compte, perdu dans ses pensées.
« Quoi ? » Demanda nonchalamment Alek.
« Rien…. » Répondit-il avec un demi sourire.
« Hmm » se renfrogna Alek
« Tu rappelles quelqu’un… »
« Pas un bledard j’espère… »
Luben éclata de rire. Il avait appris que ce mot désignait les habitants originaires des campagnes profondes. Il savait aussi que c’était plutôt péjoratif mais il n’était pas du genre à se vexer facilement.
« Quoi ? Il y a que toi que je connais et est pas un bledard… Moi aussi, je suis un bledard. »
Luben avait un sourire amusé, il était affalé dans le fauteuil et n’avait plus changé de position depuis longtemps, ce qui selon sa notion du temps actuelle, pouvait paraitre des heures. Alek, lui, avait un visage renfrogné, comme à son habitude.
« Je suis content être ici » dit-il béatement.
« mouais… moi aussi. Qui me préparerait mes drogues sinon ? »
Luben se remit à rire.
Il se résuma intérieurement les évènements des quelques derniers mois, depuis le jour où il avait franchi les portes de cette grande maison très froide, celle d’Alek. Son cousin s’était montré peu accueillant et Luben crut comprendre que l’unique raison de son hospitalité était cette somme que son père avait envoyée depuis la Bulgarie. Il lui fit une visite rapide de la maison avant de lui attribuer une chambre et fit comprendre qu’il ne souhaitait être dérangé sous aucun prétexte. Il avait ensuite laissé Luben seul, au milieu de sa nouvelle chambre : une pièce de taille moyenne au plafond haut et aux meubles anciens. Le lit trônait au milieu de la pièce. Luben resta là, debout, durant quelques minutes. Il se sentait triste : tout avait été beaucoup trop vite et il sentait qu’il ne s’adapterait jamais assez vite à son nouvel environnement. D’autant plus qu’Alek avait bien sous-entendu qu’il ne souhaitait pas entendre un seul mot de Bulgare, et qu’en France, il fallait parler le français. Honnêtement Luben avait basé la majorité de ses espoirs sur l’idée qu’Alek puisse s’exprimer dans sa langue d’origine : de plus, Luben ne parlait presque pas le français et parler sa langue maternelle l’aurait sans doute réconforté dans son mal du pays.
Il restait là, debout, son sac toujours sur l’épaule, sans savoir quoi faire. Au bout d’un moment il posa son sac et s’approcha du lit : il s’entreprit de le pousser jusqu’au fond de la pièce, sous la fenêtre qui donnait sur le jardin : de cette manière l’arrangement de la pièce lui rappelait un petit peu plus la chambre de son enfance. Il soupira. Au moins, la maison était dotée d’un grand jardin et d’une serre…


◖3◗


Au début Luben voyait très peu son cousin : il passait ses journées seul, à travailler et à jouer de la musique, et le soir, il disparaissait dans la nuit, happé par elle tout le long et elle ne le rendait qu’au petit matin, encore ivre ou drogué. A ce moment, Luben se sentait vraiment seul. Et il regrettait les montagnes de Bulgarie, les flancs rocheux où le vent soufflait bruyamment, ainsi que ses errances solitaires dans les landes et dans les bois en compagnie des chien sauvages, à courir et à cueillir des plantes. Il se sentait comme un pariât puni pour un crime qu’il ne comprenait pas. Ou comme un chien peut-être, qu’on met dehors pour une faute dont il ne se souvient déjà plus.
A cette période, il détestait son cousin. Une partie de lui voulait apprendre à le connaître et brûlait de curiosité pour le cerner, mais une autre le maudissait de le laisser toujours seul dans cette grande maison glacée. Luben tentait souvent de se rapprocher de son cousin d’une manière ou d’une autre, et Alek étant à cette époque sa seule connaissance aux environs, il  brûlait de s’attirer au moins une once de son intérêt. Mais ses tentatives d’interactions restaient toujours vaines, et le dédain total que lui vouait Alek blessait profondément Luben dans son estime de lui-même.
D’autant plus que le caractère de son cousin n’avait à son égard rien d’aimable : il le trouvait parfois hautain, désagréable, voir méchant. Mais Luben avait compris que le vocabulaire Bulgare de son cousin était quant à lui limité, et il n’hésitait pas, quand Alek le méprisait ou le dénigrait, à l’insulter dans sa langue natale. Il inventa même complètement des mots, qui ne voulaient rien dire, mais sonnaient Bulgare et ressemblait à des insultes : il riait intérieurement à chaque fois que son cousin lui rendait une moue d’incompréhension agacée face à ces mots qui n’existaient même pas.
Et puis Luben ignorait encore presque tout de la langue et la culture française, et pour tout le monde ici, il n’était qu’un étranger et un blédard : il comprit assez tôt que cette étiquette allait devoir lui coller à la peau un très long moment encore.
Heureusement il y avait la serre, jusqu’alors laissée à l’abandon qu’il reconstruisit seul au fil de plusieurs longs mois et peupla des plantes les plus variées et les plus rares. Il s’approvisionnait dans une petite échoppe perdue au cœur de Nancy. Il s’y rendait à vélo et avait fini par sympathiser avec le vendeur. C’était une petite boutique très noire et surchargée et on y vendait des plantes les plus rares, les plus exotiques et les plus méconnues. Ce qui l’intéressait par-dessus tout c’était les plantes qui, une fois préparées correctement, avaient des effets sur le corps et sur l’esprit. Il aimait par-dessus tout celles qui lui donnaient des rêveries belles et colorées, et des hallucinations, qui selon lui, lui permettait de percer à jour de manière indescriptible et insondable, les mystères de la vie, de l’au-delà et de l’incorporel. Il profitait des absences de son cousin pour faire ces expériences fantasmagoriques.  
Sa deuxième passion se tournait quant à elle vers la bibliothèque volumineuse que le père de son cousin avait laissée en partant : il s’y trouvait toutes les plus grandes œuvres de la littérature française, et Luben entreprit de les lire laborieusement. Ces lectures lui demandaient des efforts surhumains et des heures inconcevables. Mais il lut et comprit de nombreux livres, et ses connaissances du français s’améliorèrent considérablement grâce à ces lectures. Ce qu’il aimait plus que tout, c’était la poésie et il se mit même à écrire ses propres poèmes, en français, à sa manière et avec les moyens du bord, malgré les fautes de langue évidentes qu’il persistait à commettre.


◖4◗


Le quotidien de Luben se poursuivit ainsi : il se partageait entre ses lectures, ses escapades en vélo à la boutique de plante, et ses expériences hallucinatoires avec les acquisitions qu’il en retirait. Il prêta de moins en moins d’attention à dissimuler sa passion pour les plantes et leurs effets à son cousin. D’ailleurs, il apprit assez vite, que dans le fond, cela n’avait rien d’illégal. Posséder ces plantes n’allait pas à l’encontre de la loi, quant à la consommation personnelle des substances qu’il en retirait, elle était trop futile aux yeux de la police. En résumé, Luben ne risquait rien tant qu’il ne se mettait pas à vendre à d’autres personnes le fruit de ses recherches.
Ainsi, Alek découvrit les occupations de son cousin bien assez tôt. D’ailleurs, Luben ne s’en souciait pas vraiment : Alek le laissait seul toute la journée en tentant le plus possible d’oublier sa présence. Pour Luben, ses occupations ne le regardaient absolument pas, d’autant plus qu’il prenait peu de risques aux yeux de la loi. Mais Alek n’eut pas vraiment la réaction que Luben anticipait. Plutôt que de se montrer inquiet ou nerveux à l’idée que Luben prépare et consomme des drogues sous son toit, il se montra plutôt franchement intéressé. Les préparations de Luben piqua sa curiosité et pour la première fois il se montra aimable et prêta attention à son cousin. Luben était tellement heureux de finalement recevoir un peu d’intérêt de la part d’Alek, qu’il ne se montra même pas rancunier pour les derniers mois passés dans l’indifférence et le mépris le plus total de son aîné. Il partagea sa passion et ses connaissances avec beaucoup d’enthousiasme, et Alek se montra plutôt réceptif et curieux aux talents cachés de son cousin.
D’ailleurs Alek ne tarda pas à se joindre aussi aux expériences, il était déjà habitué à consommer toute sorte de drogues et se montra particulièrement intéressé par l’opium que Luben avait appris à concocter à partir du pavot qu’il cultivait dans la serre. Dès lors leur relation s’améliora considérablement, et ils apprirent à se connaître l’un et l’autre et passèrent même de bons moments de complicité ensemble. Parfois, le caractère d’Alek se renfrognait et il redevenait désagréable, voir blessant. Mais Luben pardonnait facilement ces instants de crise à son cousin : il avait compris le tempérament  lunatique d’Alek et ne se surprenait plus de ses sautes d’humeurs et ses colères imprévisibles. Il avait appris à ne pas prendre sur lui tout simplement, et laisser le temps couler pour faire passer l’orage qui s’emparait parfois de l’esprit de son cousin.
Cependant, au bout de quelques semaines, il remarqua qu’Alek commença à développer une certaine dépendance à l’opium. Cela inquiéta le jeune homme qui se promit de ne pas laisser son cousin seul avec cette substance très addictive, et de toujours surveiller soigneusement les dosages. Quant à lui, il lui arrivait bien moins souvent de consommer de l’opium, car il préférait d’avantage les substances hallucinogènes contenues dans certaines plantes ou champignons. Pour lui les belles visions colorées valaient bien mieux que l’effet narcotique et engourdissant de l’opium, dont il redoutait les effets addictifs.


◖5◗


Luben émerge lentement de ses pensées. Doucement, l’opium perd peu à peu de son emprise sur son corps, le libérant de la léthargie et l’engourdissement qu’il ressentait un peu plus tôt. Il tend la main vers sa tasse de thé, presque froide maintenant, et boit le liquide jaunâtre d’une traite. Il se lève en s’étirant et repose la tasse sur la table.
« Bon, je m’en vais ! J’ai un chose ou autre à faire… Toi tu restes ici, et pense bien que tu dois te déshydrater ! »
« tu veux dire, ‘’t’hydrater’’, cousin ? »
Luben enfilait déjà son manteau, il se retourne vers Alek avec un sourire.
« Oui c’est ça ! Hydrater ! »


◖6◗


Le vent est frais dehors, il court dans les herbes et les feuilles avec des vagues d’un vert sombre un peu humide. Au-dessus, le ciel est gris, il plane bien haut et sans pleuvoir : il retient ses pluies, les bras chargés à ras bord d’averses qui ne tarderaient pas à tomber. La température est agréable : juste un vent légèrement froid qui revigore. Luben, à vélo, se laisse porter par ce vent et par la route en pente qui coule en descente vers la ville. Des rangées de hêtre bordent la route d’un côté et de l’autre, projetant des ombres qui dansent sur le sol au rythme des rafales.
Luben avait reçu un message ce matin même : « viens à la boutique ! J’ai quelque chose qui t’intéressera ! ». C’était un message de Marius, le vendeur de plantes.
La curiosité lui brûle l’estomac et il roule bien vite, le sourire aux lèvres, jusqu’à finalement atteindre les portes de la petite boutique. C’est tout d’abord dans une petite rue sombre et presque infréquentée qu’elle se trouve, une rue fermée, en cul de sac. On voit à peine la boutique qui y repose dans un coin d’ombres : une petite porte à l’écriteau discret et à la vitrine poussiéreuse.
Luben pose négligemment son vélo contre le mur et entre dans l’échoppe.
Tout est sombre à l’intérieur, poisseux : les masses de poussières épaisses viennent se mélanger avec la lueur olivâtre qui imbibe le magasin, à cause des vitres teintées de vert. Les murs sont couverts de tiroirs, possédant tous leur étiquette. A l’intérieur : des graines ou des feuilles séchées de plantes les plus communes ou les plus bizarre. Derrière l’arrière-boutique, se trouve une serre où des plantes s’entassent et grandissent ensemble, se grimpant parfois les unes sur les autres.
« Marius ! » Appela Luben, penché en avant, appuyé sur le comptoir. Il lance un regard d’un côté et de l’autre, sans aucune gêne de paraître trop curieux, impatient ou indiscret.
« MARIUS ! » Répéta-t-il encore une fois, de plus en plus pressé de connaître la découverte de Marius.
« Oui, oui, une seconde… » Fit remarquer Marius depuis l’arrière-boutique.
Luben mourait d’envie de savoir, il tapotait nerveusement le comptoir avec ses doigts, tentant de lancer des regards indiscrets vers les appartements privés de Marius.
L’homme arrive finalement : c’est un homme d’une cinquantaine d’années, petit et mince, avec d’étroits yeux de rats, des petits yeux noirs qui paraissent avoir toujours connu l’obscurité.
Luben l’accueille avec un sourire.
« Alors ? »
« Oui… Un peu de patience… » Marius fouille un tiroir, juste sous le comptoir, il regarde à peine Luben.
C’est un homme peu expressif, qui sourit presque jamais et fuit autant qu’il peu le regard des autres, même celui de Luben, dont il est pourtant bien habitué à la présence. Il sort une petite boîte en bois, gravées d’inscriptions mystiques. Impatient, Luben s’empare de la boîte et l’ouvre délicatement.
« C’est tout ? Des graines ? » Luben ne tente même pas de cacher sa déception : même pour un connaisseur il est dur d’évaluer la rareté d’une plante à ses graines car les végétaux sont bien plus répertoriables à la forme de leur feuilles, leurs fleurs, leurs tiges ou encore leurs racines.
« Si tu n’es pas content, tu peux t’en aller » Répondit Marius, vexé. Il s’apprête à reprendre la boîte, que Luben referme aussitôt et éloigne du marchant en la serrant contre lui.
« Eh, Marius ! J’espère tu essaies pas de me arnaquer ! » Répondit le garçon, avec suspicion.
Il connaissait bien le côté roublard du vendeur, et il savait aussi qu’il n’hésitait pas à rouler les moins connaisseurs de ses clients.
« Non » répondit Marius d’une voix agacée. « Un voyageur m’a apporté ces graines il y a deux jours : c’était un homme bizarre, ça se voyait dans son regard qu’il avait vu des choses, qu’il connaissait le monde. Il m’a juré que ces graines étaient porteuses de révélations fabuleuses et de visions telles qu’aucune autre plante ne peut engendrer ! Et tout cela grâce à une infusion généreuse de ses feuilles. J’ai pensé que ça t’intéresserait, mais visiblement… »
« Attends… » Le coupa Luben. « Il faut que je réfléchis »
Luben avait une mine perplexe et boudeuse, les graines avaient attisé sa curiosité mais il n’avait aucun moyen de vérifier les dires du vendeur.
« Bon, je les prends… mais ça a intérêt que il vaut la peine ! »
Le vendeur sourit finalement, inscrivant la somme à verser sur un petit papier en guise de ticket de caisse. Luben prit le ticket et laissa l’argent sur la table : il possédait un peu d’argent de poche grâce aux petits travaux qu’il effectuait parfois, au noir, dans le voisinage.
Dubitatif, il tourna le dos au vendeur et quitta la boutique.
De retour chez Alek, il se précipita vers la serre pour mettre les graines en terre, et leur prodigua tous les soins nécessaires. Il espérait ne pas s’être fait avoir, mais doutait que Marius prenne le risque de perdre un si bon client.


◖7◗


Un jour calme et verdâtre, dont la lumière jaune vient filtrer au travers des vitres de la serre. Les plantes tout autour forment des amas vert sombre parsemés de lueur jaune : il y en a de toutes les sortes : des grimpantes, des longues et des petites grosses.
Luben regarde la plante d’un air satisfait : plusieurs plants sont finalement arrivés à maturité. Il y a quelques semaines qu’il avait acheté les graines à Marius : la plante avait eu une croissance exceptionnellement rapide. Elle possédait une tige et des feuilles très noires et des nervures brun rougeâtre. Les feuilles étaient larges et opulentes. Elle possédait aussi d’épaisses fleurs rouge sombre, couleur vieux sang.
Il coupa une des tiges à ras, et emmena la plante dans la cuisine. Il suivit le conseil de Marius, séparant feuilles et tiges et ne gardant que les feuilles. Quand on la coupait, la plante laissait couler une sorte de résine noirâtre et très épaisse. Il fit infuser les feuilles dans de l’eau chaude, et au bout de quelques minutes les en retira. L’eau était devenue vraiment très noire, presque épaisse : on ne voyait même plus au travers, on aurait dit de l’encre noire.
La tisane avait une odeur forte et incommodante, comme une odeur de sang malade qu’on aurait tenté de masquer avec une senteur florale mais synthétique.
Il fit une grimace en pensant que la tisane devait sans doute avoir un gout atroce. Il se rendit au salon, une tasse à la main et s’affala sur le divan.


◖8◗


La lumière est tamisée par les persiennes rouges du salon et une atmosphère sombre et apaisante englobe la pièce.
Il avale le contenu de la mixture d’un coup pour se rendre compte que le goût est effectivement abominable. Il est immédiatement pris de haut le cœur, se retenant de vomir. Mais d’autres symptômes l’inquiètent beaucoup plus : une douleur lui traverse le cœur en un instant, et paralyse le reste de son corps alors qu’il venait de se lever brusquement, de peur. Il tombe à genoux, la main sur le cœur et ouvre de grands yeux terrifiés qui fouillent désespérément la pièce à la recherche de quelque chose qui puisse le sauver. Mais il est trop tard : son cœur s’arrête et il tombe là, en avant, la figure contre le plancher, le regard figé, toujours béant de peur. Il ne respire plus.  


◖9◗


Il ne sait pas, il se sent flotter, là, couché sur le dos, les bras ballants, les pieds dans le vide, au-dessus, peut-être, de son propre corps. Autour : des couleurs et des lumières indescriptibles, chatoyantes, qui l’entourent, le portent. Les sons et les lumières se mélangent en un tout sublime, un sentiment de quiétude profonde. C’est agréable, très agréable. Il se rappelle ces derniers instants, alors qu’il venait d’absorber le poison. C’est pas grave. Alors c’était ça la mort ? C’est pas grave. Il ferma les yeux mais les couleurs restèrent, s’intensifièrent même. Il se laissa faire complétement, dans la plus douce des léthargies, dans une docilité la plus totale. Il n’y avait plus de temps, plus d’avant, plus de maintenant, il n’y avait plus qu’un long sentiment de chaleur envahissante qui semblait pouvoir durer une éternité.


◖10◗


Il se réveilla en sursaut, sans rien comprendre. Ses poumons manquaient d’air et il suffoquait presque, forcé de prendre par saccades de grandes bouffées d’air froid qui lui brûlaient la gorge. Couché sur le ventre, dans la maison d’Alek, il n’y comprend plus rien. Les yeux lui piquent, ils étaient restés ouverts, morts, trop longtemps et s’étaient desséchés. Il fallut de longues minutes à ses poumons pour s’acclimater à nouveau à l’air ambiant, cet air glacial de la maison mal isolée. Quand il respira plus ou moins convenablement, il se rendit alors compte, soudain, qu’il crevait de froid. Un froid prenant et qui semblait venir de l’intérieur, comme si le froid lui coulait dans les veines. La température de son corps avait chuté considérablement pendant l’expérience et s’il ne se réchauffait pas très vite il risquait bien d’y passer une seconde fois.
Par instinct de survie, il courut vers l’âtre du grand salon et eut bien vite fait d’allumer un feu, auquel il se colla de très près, toujours à bout de souffle, les doigts tendus en avant.
Il n’y comprend rien, mais alors qu’il sent que son corps se réchauffe petit à petit et reprend des couleurs, il se sent envahi d’un grand sentiment d’excitation et d’euphorie. Ses pensées galopent à toute vitesse à l’intérieur de sa tête et semblent se bousculer dans un torrent de phrases qui ne veulent plus rien dire. Il se pose mille questions qui ne lui étaient alors jamais venues à l’esprit. Il sent que son cerveau s’emballe dans une excitation qui rend ses pensées totalement hyperactives, et il reste planté là, le cœur qui bat à tout rompre, à les observer sans chercher à les comprendre, comme s’il les écoutait qui hurlaient de très loin, lui, le regard perdu.


◖11◗


Il lui fallut plusieurs heures pour vraiment reprendre ses esprits, pour redevenir lui-même. Une fois que cet instant d’excitation extrême fut passé, il se mit à analyser la situation. Quoi ? Avait-il bien été mort ? Et quelles avaient été ces visions, ces sensations qu’il avait perçues tout au long de l’expérience ? Il n’en revenait pas. Luben n’avait jamais été vraiment croyant : au village, la religion avait une grande importance, mais son père, lui, avait toujours sous-entendu que son fils aurait le choix de croire ou non, et qu’il n’y avait là aucune obligation. De plus, sa famille n’était pas très pratiquante, et ne répondait aux cérémonies religieuses que dans l’intérêt de ne pas se faire mal voir. Ainsi, Luben ne s’était jamais vraiment soucié de ce genre de questions : petit, il était croyant car c’est ce que tout le monde autour de lui semblait être et vouloir de lui, mais une fois aux côtés d’Alek il se rallia tout aussi docilement à son point de vue athéiste. En gros, la religion n’avait vraiment aucune importance pour lui.
Il tenta d’analyser la situation rationnellement : peut-être n’était-il pas vraiment ‘’passé de l’autre côté’’, et ses visions n’avaient été que des hallucinations, telles qu’il en avait eu si souvent dans le passé, sous l’effet de la drogue. Il avait fait suffisamment d’expériences avec ces substances que pour reconnaître dans cette épreuve de nombreuses similitudes avec les sensations ressenties lors de l’absorption de drogues hallucinogènes ou autres produits psychotropes : cette même sensation de bien-être, d’apesanteur, d’incorporalité, d’appartenance à un tout, d’amour de tout ce qui l’entoure. Tout cela, il l’avait déjà expérimenté sous l’effet de nombreuses plantes, états qui pouvaient être simplement et rationnellement expliqués par les molécules contenues dans ces végétaux,  et qui agissaient directement sur le cerveau.
Ainsi, il préféra ne pas se prononcer tout de suite sur sa situation : d’un côté, il avait très envie de croire en une vie après la mort. D’un autre, ses précédentes expériences avec la drogue le poussaient à croire qu’il ne s’agissait que d’une nouvelle substance hallucinogène, plus puissante et plus intense que tout ce qu’il avait pu tester auparavant.
Dans tous les cas, cette nouvelle découverte le fascinait et le plongeait dans un état de curiosité et d’enthousiasme intense, si bien qu’il ne demandait qu’à la renouveler au plus vite.


◖12◗


Et il n’hésita pas à récidiver cette activité plusieurs fois au fil des mois qui suivirent, et au plus il recommençait, plus il devenait persuadé de la réalité de ces sensations et moins il les remettait en doute. La plante occupait désormais l’entièreté de ses pensées, et il passait ses journées à l’étudier et à relater ses voyages transcendants dans des cahiers dont il noircissait des pages et des pages, parfois en Bulgare, parfois en Français, passant d’une langue à l’autre dans un tout complètement fou et incompréhensif. D’une certaine manière, il était devenu accro à cette nouvelle drogue qu’il venait de découvrir, et ne pensait presque plus à remettre ses visions en question. Il lui était arrivé dans le passé, au fil de ses expériences précédentes, lors de trips trop longs, trop intenses, ou de légères surdoses, de décrocher de la réalité au point de ne plus tout à fait y revenir pendant plusieurs jours : journées durant lesquels les images perçues lors de ces trips restaient si intenses dans ses souvenirs qu’il avait du mal à vraiment les assimiler à ce qui avait été un rêve éveillé. Mais à l’époque, il arrivait toujours à prendre un peu de distance par rapport à ces ressentis, et se rappelait qu’ils lui provenaient tout droit de la drogue et non d’autre chose : d’ailleurs ces états finissaient toujours par s’estomper d’eux même et la vie reprenait son cours, avec peut-être quelques légères séquelles psychologiques.
Mais Luben n’avait plus aucune répartie quand il s’agissait de cette plante, si spéciale, achetée des mois plus tôt. Il buvait avidement tout ce qu’elle lui montrait, lui faisait ressentir, comme étant une réalité, et ce jusqu’à changer sa personnalité : perpétuellement plongé dans une sorte d’euphorie, de béatitude ou de quiétude extrême qui n’avaient rien de naturel. De plus, il était toujours à moitié absent, perdu dans ses pensées, distant même, loin du monde expérience. Alek s’en rendit compte et s’en inquiéta légèrement.


◖13◗


Mais un jour, un évènement bouleversa Luben dans ces expérimentations.
Alek était parti en répétition, et Luben ne s’attendait pas à le revoir de sitôt. Comme à son habitude, il s’allongea dans le divan encore une fois, et avala une tasse entière de l’infusion de cette étrange plante. Il partit encore une fois pour ce qu’il pensait être l’au-delà, le paradis, un monde en dehors de l’espace-temps…
A son réveil, privé d’air durant plusieurs minutes, il suffoqua à nouveau, mais dans les convulsions de ses poumons, et les larmes qui lui montaient aux yeux, il reconnut le visage blême, terrifié de son cousin, qui le fixait, là sans comprendre, revenir de la mort. Luben n’était pas encore en état de lui rendre une explication et se contenta de lui faire comprendre d’allumer un feu.
Alors qu’il réchauffait son corps dont la température avait considérablement baissé, Luben retrouva la parole : il regarda son cousin, un énorme sourire aux lèvres, et lui raconta tout ce qu’il s’était passé, dans l’émerveillement le plus total, lui relatant ses visions comme étant des voyages fantasmagoriques dans l’au-delà, dans la vie après la mort.
Au début, Alek se montra sceptique. Mais au vu des descriptions étonnantes de son cousin, et des pages de carnets remplies d’écritures mystiques que Luben lui avait laissées lire, il ne put s’empêcher d’être pris d’une grande curiosité. De plus, Alek avait maintenant pris l’habitude que son cousin et lui partagent ensemble ce genre d’expérience, et l’idée que Luben avait tenu secret cette nouvelle drogue et avait pris part à ces expériences sans rien lui dire, le déçu fortement et lui donna le sentiment d’être laissé de côté.
Cependant Luben ne s’opposa pas une seule seconde à ce que son cousin tente à son tour cette expérience magique, et montra au contraire beaucoup de motivation face à cette idée.
Ils décidèrent alors que le tour d’Alek viendra le jour suivant, et Luben se promit de veiller le plus attentivement possible sur son cousin alors qu’il danserait avec la mort durant plusieurs minutes.


◖14◗


Le soir est tombé, sombre et gris, il jette au travers les persiennes des ombres très lourdes. Luben regarde fixement Alek : là, étendu, immobile. Sa poitrine ne se soulève plus, son cœur a cessé de battre, son corps perd peu à peu toute chaleur, ses joues deviennes livides. Il est mort.
Parfois Luben se lève, déambulant anxieusement autour du canapé, et puis il s’assied sur la table basse, en face, les doigts noués entre eux et le visage posé dessus : il regarde fixement.
Et s’il ne revenait pas à la vie ?
Bien-sûr cette idée lui a traversé l’esprit une centaine de fois et il pense que l’expérience semblait cent fois plus vivable quand il était cette personne allongée là, le corps glacé, mort, et qu’il n’avait pas à en prendre conscience. Mais assister à la mort de son cousin était une toute autre épreuve, et Luben restait là, anxieux, la tête pleine de questions angoissées.


◖15◗


Soudain, Alek se redresse, avale une grande bouffée d’air, manque de suffoquer. Envahi d’un immense soulagement, Luben relève son cousin, et l’aide à se traîner jusqu’au coin du feu, où il l’assoit, très près des flammes, et lui jette une couverture sur les épaules. Il s’accroupit à hauteur de son visage, une main sur son épaule. Alek est tout tremblant, il a les mains posées sur les genoux, les doigts crispés, qui tremblent, énormément… Luben est inquiet : quelque chose dans le regard de son cousin lui fait peur.
« Alek… »
Alek tente de parler, ses lèvres bougent toutes seules, frémissent, mais aucun mot n’en sort, il a le regard figé en avant, accroché au vide, il ne tourne même pas la tête vers Luben quand celui-ci l’interpelle. Ça doit être le choc, pense Luben. Dans le fond, ce n’est pas tous les jours qu’on revient de la mort…
Mais quand Alek tourne son visage livide vers Luben, ce dernier comprend que ses peurs étaient justifiées. Les yeux d’Alek semblent perdus derrière un brouillard qu’il est seul à percevoir, écarquillés, presque tournés vers l’intérieure où il scrute, seul dans le noir, des démons dont lui seul connait l’existence.  
« Alek… » Répète Luben d’un ton tremblant.
Il n’a jamais vu un visage aussi terrifié.
« Lu… Luben… » La voix d’Alek se brise. « Ce que j’ai vu… c’était l’enfer… »


◖16◗


Les semaines qui suivirent, le comportement d’Alek changea complètement : il devenait nerveux, sursautait au moindre bruit, n’osait plus sortir de la maison et commençait même à se sentir terriblement angoissé quand il était laissé tout à fait seul. Il développa une grande peur de mourir, persuadé qu’il finirait ses jours en enfer s’il perdait la vie. Il semblait même subir des hallucinations et clamait que la maison était habitée par des esprits malfaisants.
Très vite, sa dépendance à l’opium s’accentua de manière inquiétante et il avait complètement délaissé son travail. Les deux cousins ne parvenaient plus à payer l’eau, ni l’électricité et subissaient de nombreuses coupures, mais Alek semblait s’être complètement désintéressé de tout problème financier. Luben décida alors de prendre la situation en main, il se sentait responsable de l’état d’Alek et il dépendait de lui de ramener de l’argent aux deux colocataires. Il se mit à faire pousser du cannabis, qu’il vendait à des jeunes, dans les quartiers de Nancy. Il avait également dédoublé sa production d’opium qu’il livrait en échange de sommes intéressantes à des clients particuliers.  


◖17◗


Il prenait ainsi des risques considérables, surtout que son passeport avait périmé depuis des mois, et qu’en plus de risquer le rapatriement, il risquait l’enfermement dans les prisons peu vivables de Bulgarie. Mais Luben se sentait rempli d’incompréhension et de sentiments d’injustice. Il trouvait intolérable qu’il existe une puissance supérieure suffisamment cruelle que pour jeter des hommes en enfer. Et il en était persuadé : Alek n’y avait absolument pas sa place. Il connaissait le tempérament un peu impétueux du jeune homme, mais il savait aussi que derrière ce comportement désagréable se cachait une personnalité beaucoup plus sensible et bienfaisante.
Luben se sentait terriblement en colère et déçu, contre cette plante qui selon lui avait choisi de lui ouvrir, à lui, les portes du paradis et avait ensuite jeté Alek dans les ténèbres les plus misérables. Si l’au-delà existait, il devait être extrêmement sadique dans ses sélections, et Luben le maudissait pour cette raison.


◖18◗


Mais il était cependant devenu bien plus raisonnable vis-à-vis de cette plante, et envisageait l’idée qu’il ne s’agissait rien de plus que de la drogue et Alek avait peut-être seulement eu un bad trip.
Mais tant que le doute restait là, à planer sur ses épaules, Luben ne parvenait pas à se sentir tranquille : ce qui était arrivé à Alek était de sa faute, et il se sentait garant également de son rétablissement. C’était à lui désormais, de veiller sur Alek et de trouver une solution à son problème. Il désirait par-dessus tout percer à jour les mystères de cette plante et s’il le fallait : ceux de la mort, du paradis et de l’enfer. Il était prêt à tout pour prouver à Alek qu’il n’avait pas sa place en enfer, et si une puissance supérieure avait réellement décidé qu’il en soit ainsi, alors Luben devrait trouver un moyen de réparer cette injustice et d’arracher son cousin à ce destin cruel.



◈ FIN ◈






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Lun 14 Jan - 4:30

Invité
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Invité
Voilà! présentation terminée!
(J'effacerai ce message par après, dés que je verai qu'il a été lu ^^)
Je voulais m'excuser de la longueur de cette fiche à quiconque voudra la lire

hééé je me suis un peu laissée emporter je crois Flirt rouge

Dans tous les cas, il n'y a pas de feu, et je comprendrai totalement que ma validation prenne un peu de temps

Voilà, cela étant dit, bonne journée à tous!

Fuck Yeah

(❤️ ces smileys sont magiques ❤️)
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Message Luben Vasilev   Empty
Mer 23 Jan - 14:14

Admin
Points : 0
Messages : 491
le narrateur

le narrateur
Bonjour Luben ! Après plusieurs jours de lecture à petites doses, j'ai terminé de lire ta fiche ! En vrai, je l'ai vraiment aimée et c'est seulement mon emploi du temps horrible qui a ralenti ta validation.

Luben ressemble à un futur expert des plantes et des potions.

MWAHAHAH

J'aime particulièrement comment le surnaturel est tressé dans ton histoire, de telle sorte que Luben n'y est ni éclairé ni complètement aveugle. Je crois comprendre que le vŭrkolak (loup-garou?) est bien réel, et que la plante est magique ? Par contre, il n'a pas du tout remarqué la vermine présente dans la fiche d'Alek, ce qui vous reste à développer en RP.

Du coup, c'est quand vous voulez, parce que je valide ta fiche sur le champ !

Code:
[center]<div class=dossierinfo><table><tr><td style= "width: 300px; margin-right: 20px; margin-left: 50px;">[b]Missions accomplies :[/b] 0</td><td style="text-align: right; width: 300px; margin-left: 20px; margin-right: 50px;">[b]Défis surmontés :[/b] 0</td></tr>
</table></div>
[/center]

[center]<div class=boutiquesepa></div>[/center]

<div class=titreboutique>[b]Les Défis[/b]        </div>
[center]<div class=dossierdefi><table><tr><td><img src="https://2img.net/h/s22.postimg.cc/5s9aze4f5/ph_nom_ne_magique.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s12.postimg.cc/rofe3i7zh/voyage.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s22.postimg.cc/o6ju3dgpt/ordi.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="http://i.imgur.com/RVjcD64.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s15.postimg.cc/en1a3kjob/etatmagie.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s22.postimg.cc/5cy16diht/mag_vs_norm.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="http://i.imgur.com/YSVVcxs.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s1.postimg.cc/hiwcr2dof/art_fact.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s1.postimg.cc/tak81v8an/potion.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="http://i.imgur.com/i00wvko.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="http://i.imgur.com/FCsY8YA.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="http://i64.tinypic.com/t0ncsx.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="http://i65.tinypic.com/2exxc9d.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s21.postimg.cc/g0qaiirev/plait_infecter.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s12.postimg.cc/hppu3a965/image.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s21.postimg.cc/cslt5h553/desordre_mental.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="http://i.imgur.com/cbCx7IB.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s12.postimg.cc/5iqozgsml/alcool.png" class="unitéd1" /></td></tr><tr><td><img src="http://i.imgur.com/nsB1VXV.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="http://i.imgur.com/aR3F4Dd.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="http://i.imgur.com/QHv6Gji.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="http://i.imgur.com/WSl1bc8.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s10.postimg.cc/7ax7d31a1/odlfyre.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s9.postimg.cc/5xvkwxb2n/obsidienwaste.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s10.postimg.cc/408ud7bcp/naufrag_e.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s29.postimg.cc/zdrfo72bb/Takuatshin.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s22.postimg.cc/jpz5bpvwh/fourpine.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s13.postimg.cc/rilky7enb/fable.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s9.postimg.cc/paw47rrz3/lostmesa.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s22.postimg.cc/ga7125yo1/fretteencriss.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s4.postimg.cc/yf6qbjtj1/Verdant_Depths.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="http://i.imgur.com/OaB26X7.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s9.postimg.cc/btu3y2frj/stonyvale.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s9.postimg.cc/r8neazsbj/fort-loin.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s9.postimg.cc/3vv3iod3j/livingmirage.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s10.postimg.cc/ub3upez3t/redoak.png" class="unitéd1" /></td>><tr><td><img src="https://2img.net/h/s9.postimg.cc/rui3xao9b/Ardhi_Nne.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s3.postimg.cc/xxj056s3n/mis1.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s3.postimg.cc/buis1q5s3/mis_2.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s3.postimg.cc/ghou3ht4z/mis_3.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s3.postimg.cc/ks3hz2y83/mis_4.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s11.postimg.cc/dkrgysk43/rp25.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s11.postimg.cc/dnbclmnrn/rp1003.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s11.postimg.cc/qdfkypvpv/RP75.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s12.postimg.cc/nk9tx9mnh/2000.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s12.postimg.cc/tu9oy0bfx/preshorsj.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s12.postimg.cc/haeka9n8t/questionnaire.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="http://i.imgur.com/j0RfceW.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="http://i.imgur.com/9PFwEPN.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="http://i.imgur.com/Tt1ClmC.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="http://i.imgur.com/RJTt5hE.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="http://i.imgur.com/lJnZjf1.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="http://i.imgur.com/JwO35yC.pngg" class="unitéd1" /></td><td><img src="http://i.imgur.com/1jTTBcC.png" class="unitéd1" /></td></tr><tr><td><img src="http://i.imgur.com/Nwgdsma.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="http://i.imgur.com/LtxGzvb.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="http://i.imgur.com/GNr1drY.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s23.postimg.cc/ltmkkeivf/message4.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="http://i.imgur.com/e1Jflsb.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="http://i67.tinypic.com/205fsr9.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s2.postimg.cc/f3ubcrhkp/membre4.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s23.postimg.cc/jns9pwfez/membre_s.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s13.postimg.cc/za3th7wfr/membre2.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="http://i63.tinypic.com/erg39u.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="http://i.imgur.com/zSXCjC8.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s9.postimg.cc/5ju8xbqz3/cr_atif.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s12.postimg.cc/yc7ecd23x/rpmois.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s12.postimg.cc/io675kmi5/loup-garou.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s9.postimg.cc/523ov7qrz/flood-o-thon.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s9.postimg.cc/5dl57z77z/RP-o-thon.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="http://i.imgur.com/3lmZtEi.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="http://i63.tinypic.com/2nlaej9.png" class="unitéd1" /></td></tr><tr><td><img src="https://2img.net/h/s28.postimg.cc/7otfyy4r1/event_neutre.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s28.postimg.cc/7otfyy4r1/event_neutre.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s28.postimg.cc/7otfyy4r1/event_neutre.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s28.postimg.cc/7otfyy4r1/event_neutre.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s28.postimg.cc/7otfyy4r1/event_neutre.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s28.postimg.cc/7otfyy4r1/event_neutre.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s28.postimg.cc/7otfyy4r1/event_neutre.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s28.postimg.cc/7otfyy4r1/event_neutre.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s28.postimg.cc/7otfyy4r1/event_neutre.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s28.postimg.cc/7otfyy4r1/event_neutre.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s28.postimg.cc/7otfyy4r1/event_neutre.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s28.postimg.cc/7otfyy4r1/event_neutre.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s28.postimg.cc/7otfyy4r1/event_neutre.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s28.postimg.cc/7otfyy4r1/event_neutre.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s28.postimg.cc/7otfyy4r1/event_neutre.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s28.postimg.cc/7otfyy4r1/event_neutre.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s28.postimg.cc/7otfyy4r1/event_neutre.png" class="unitéd1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s28.postimg.cc/7otfyy4r1/event_neutre.png" class="unitéd1" /></td></tr>
</table></div>[/center]

[center]<div class=boutiquesepa></div>[/center]

<div class=titreboutique>[b]Les états[/b]        </div>
[center]<div class=dossieretat><table><tr><td><img src="https://2img.net/h/s17.postimg.cc/3u6enf2nj/toncherfee.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s18.postimg.cc/xe4cpnfbd/charmeombre.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s4.postimg.cc/etgop68fx/sorciere.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s27.postimg.cc/dnceh3o2r/mal_diction.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s9.postimg.cc/oex7audm7/dragon_tamer.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s30.postimg.cc/tbhn7bcwx/spare.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s22.postimg.cc/6rn0jmh01/dechu.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s12.postimg.cc/yy3frg8xp/blix.png" class="unité1" /></td></tr>
</table></div>
[/center]

[center]<div class=boutiquesepa></div>[/center]

<div class=titreboutique>[b]Les compétences[/b]        </div>
[center]<div class=dossier><table><tr><td><img src="https://2img.net/h/s7.postimg.cc/4fg99a24b/cr_ature2.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s7.postimg.cc/40j6tp2qj/creature1.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s4.postimg.cc/yo9ea93m5/cr_ature3.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s7.postimg.cc/j0bjhjjmj/cr_ature4.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s14.postimg.cc/5klhgu2ld/art_1.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s14.postimg.cc/ccbwjorkx/art_2.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s14.postimg.cc/tqw4ryopt/art_3.png" class="unité1" /></td><td><img src="http://i.imgur.com/YyS4OWt.png" class="unité1" /></td></tr>
<tr><td><img src="https://2img.net/h/s21.postimg.cc/f7u1gv2if/potion1.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s21.postimg.cc/b03uluqgn/potion2.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s21.postimg.cc/jwempsh2v/potion3.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s21.postimg.cc/5r8tnz81j/potion4.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s9.postimg.cc/trm1oz1in/p_e1.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s9.postimg.cc/sqqedl9wv/p_e2.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s9.postimg.cc/75lbpzd67/p_e3.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s9.postimg.cc/wcw7q8ga7/p_e4.png" class="unité1" /></td></tr></table></div>
[/center]

[center]<div class=boutiquesepa></div>[/center]

<div class=titreboutique>[b]Les maitrises[/b]        </div>
[center]<div class=dossier><table><tr><td><img src="https://2img.net/h/s30.postimg.cc/pzjce0l5t/lum1.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s30.postimg.cc/5tfuf4pi9/lum2.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s30.postimg.cc/3q5f7gppd/ombre1.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s30.postimg.cc/446r729sx/ombre2.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s18.postimg.cc/dsatwc6kp/armeblanche.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s27.postimg.cc/rroe7842r/art_martiaux.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s18.postimg.cc/7ss4pss3t/armecorde.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s18.postimg.cc/4ag4ter7t/armefeu.png" class="unité1" /></td></tr>
<tr><td><img src="https://2img.net/h/s18.postimg.cc/5b33klfll/polyglote.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s10.postimg.cc/7k3ihzgi1/science.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s10.postimg.cc/kmz5196q1/premiersoin.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s10.postimg.cc/uj080wci1/histoire.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s4.postimg.cc/5n0bomxhp/mecanic.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s10.postimg.cc/7e6t5bzm1/informatique.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s10.postimg.cc/ktttus83t/art.png" class="unité1" /></td><td><img src="https://2img.net/h/s10.postimg.cc/utoqaojd5/survie.png" class="unité1" /></td></tr></table></div>
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Jeu 24 Jan - 6:35

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Invité
merci!!

Alors oui, le loup-garoup (vŭrkolak c'est juste le nom en Bulgare, merci google traduction ! haha) est bien réel, et la plante probablement magique aussi. Mais Luben n'en a pas encore totalement conscience, et ce sera à développer effectivement dès le début du rp! Et quant à la vermine, il pense effectivement qu'Alek est devenu un peu parano, mais se rendra compte de la réalité de cette créature bien assez tôt.
Et oui, Luben fera un bon spécialiste de potions et de plantes dans le futur héhé

Merci pour la validation et avoir pris le temps de lire ma fiche!
On essaiera de passer bientôt sur discord avec Alek pour organiser nos premiers rps ;-)
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Jeu 24 Jan - 8:14

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Luben Vasilev

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