La demande était encore une fois vague. Je ne sais pas ce qu’ils ont tous, mes supérieurs, à oublier de dire exactement pourquoi on me fait venir, mais je n’ai pas trainé en route. Pas lorsque la personne qui me fait chercher est la Gardienne du Sanctuaire. Et puis de toute façon, j’étais dans le canapé de la maison qu’on me prête lorsque je viens à Old Fyre et je perdais le jeu de cartes commencé avec A.J., alors ce n’est pas comme si j’avais vraiment mieux à faire.
J’ai mis mes chaussures. J’ai pris mon sac. J’ai promis une glace à mon retour à l’enfant.
Et j’ai emboité le pas au Chevalier qui était venu me récupérer.

On aurait peut-être dû courir pour venir, si j’ai à peine mis le pied dans le bureau d'Angelica qu’on en ressort.

- Je n’ai rien contre les quads...

Non, c’est vrai, rien du tout. Mais je regarde mes jambes et je ne peux pas m’empêcher de rire de bon coeur, parce que je porte la robe la plus volumineuse de ma vaste collection aujourd’hui. Ce sera très pratique. Je n’en doute pas.

- Je vais m’arranger. Je vous suis.

J’attrape le casque, et je me débrouille effectivement avec ma tenue. Avec un peu de remontage de jupon, quelques écarts à la décence, une position inconfortable et les cuisses presque à l’air, je réussis à prendre place sur l’engin motorisé supposé nous conduire jusqu’à l’animal en détresse qui me vaut ce tour de quad.

- Qu’est-ce que c’était dans l’arbre, alors ? Le Chevalier m’a juste dit qu’il y avait une créature marine coincée en hauteur et que vous aviez besoin de mon aide pour la descendre et la soigner. J’espère que ce n’est pas un Léviathan, ris-je dans le micro, ce serait difficile à faire retomber sans nous blesser.

Il y a peu de chances que ce soit le cas, mais on ne sait jamais, avec la magie… Ce ne serait même pas surprenant de voir une baleine perchée dans un cocotier. J’ai vu bien plus bizarre en tout cas.

- Est-ce que l’animal avait l’air dans un état grave ?

Voilà, ça c’est bien plus important que l’espèce de ce que je dois aller sauver. Parce que si c’est gravement blessé… Alors nous devons aller bien plus vite, et je ne sais pas si j’aurais assez de matériel pour en prendre soin. C’est pour ça que ma voix se fait un peu inquiète lorsque je pose la question.

- Pensez-vous que nous devrons l’évacuer ?

- Un Wailbri.

Que je je répète lentement, sans prendre la peine de faire l’effort de cacher mon ton surpris.

- Dans un arbre.

Est-ce que c’est l’équivalent pour un Sanctuaire d’un chat coincé dans un cocotier ? Est-ce que dans ce scénario je suis l’héroïque pompier en tenue d’intervention qui impressionnera les passants et ramènera l’animal effrayé au sol ? Oui. C’est une image qui ne manque pas de me faire rire de bon coeur mais en silence, histoire de ne pas exploser les oreilles de la Gardienne avec mon hilarité.

- Je ne suis pas experte en Wailbris mais j’en ai soigné assez pour savoir comment faire, ne vous en faites pas. Je remettrais ce petit bout sur pattes en un rien de temps. Le plus important lorsque nous arriverons sera de rester très calmes pour ne pas lui faire encore plus peur et empirer la situation.

Il ne faudrait pas qu’il s'envole jusqu’à toucher les étoiles !
Non, ce n’est pas un vrai risque. Je plaisante.
Mais il pourrait bien se débattre et se faire mal dans les branches, et ce serait dommage. Je ne suis pas à l’aise avec l’idée d’envenimer la situation dans le seul but d’accélérer le sauvetage.

C’est pour ça que lorsque nous arrivons sur place et qu’Angelica désigne l’endroit où se trouve la petite créature, je la garde dans mon champ de vision à chaque instant. Je m’assure de son état de loin en retirant lentement mon casque, et je ne m’en approche pas de suite.
L’inspection du coffre se fait aussi en passant plusieurs minutes à baisser-remonter-baisser-remonter les yeux, me permettant à chaque instant de savoir où se trouve l'objet de la rescousse le temps de trouver un plan. Heureusement que le pauvre petit semble trop effrayé pour s’agiter. Il se contente de trembler et je ne vais pas m’en plaindre.
Je dois avec l’air étrange, immobile devant les objets si ce n’est mon visage qui s’oriente du Wailbri à la corde et vice-versa. Je m’en fiche. Je prend le temps qu’il me faut pour parvenir à un plan d’attaque correct, qui ne mettra personne en péril. Lorsque j’en ai les grandes lignes c’est la Gardienne que j’inspecte d’un air pensif.

- Je pense que vous allez devoir grimper.

Comme une évidence, je me désigne d’un geste discret.

- Vous n’allez pas pouvoir m’assurer mais moi, je pourrais le faire pour vous. Est-ce que vous vous sentez de monter dans les arbres très, très lentement pendant que je reste au sol ? Je serais là pour vous donner des instructions. Et vous rattraper si vous chutez, assure-je avec un clin d’oeil.