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To the Edge of Everything

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Dim 21 Juin - 18:30

Points : 0
Messages : 36
Age : 30
Habitation permanente : KMO, Hiryuu : 05 rue de la Chance, app: 32 ou la Chambre 110 de l'université KMO ou chez Zakuro.
Occupation : Étudiant en psychologie | Mangeur d'âmes.
Kohaku Joshua Mitsumasa

Kohaku Joshua Mitsumasa
Juin 1993.

Les champs du village de Saint-Scholastique s'étendent autour d'elle, des landes infinies qui ne cessent de croître dans la noirceur d'une nuit sans lune. Dans sa tête résonnent les cris d'une altercation injuste, d'une main enfoncée contre une gorge par un homme imbu d'incompréhension. Le vacarme de sa fuite est cet écho qui l'a suivie dans l'encre nocturne, qui l'a accompagnée alors qu'elle tombait parmi les pousses d'orge, de blé, et qu'elle abandonnait sa sandale aux intempéries de la nature.

Elle s'est laissé tombé, le désordre de son apparence avalé par les ténèbres, et a sangloté trop longtemps contre toutes ces circonstances qui lui semblaient injustes, contre l'évidence que lorsque, au petit matin, elle retrouverait son chemin parmi les pâtures, elle ne reviendrait plus dans cet endroit qui l'avait vu grandir. Elle regagnerait sa vieille voiture à la peinture arrachée, grugée par la rouille, et rentrerait chez elle, à trop de kilomètres de là, dans un appartement trop petit pour le nombre d'âmes qu'il contenait.

La tête rejetée vers l'arrière, elle contemple les étoiles qui mouchètent l'intensité obscure du ciel. Elles ressemblent à des feux de signalisation, présage d'une modernité qui échappe au village endormi qui l'a vu grandir et qu'elle a quitté de la même manière dont elle vient quitter la demeure de ses parents. En prenant ses jambes à son cou, en se faisant mal à trop regarder derrière.

Ce soir là, sans qu'elle puisse se l'expliquer, avec ses genoux qui tremblent et sa gorge serrée d'avoir trop pleuré, quelque chose change. Les comètes qui vrillent le ciel au-dessus d'elle paraissent différentes, plus brillantes qu'elle ne l'a jamais remarqué malgré les apparitions habituelles de la saison.

Elles les imagines fuir, comme elle, ces perles d'espace magnifiques qui fendent l'atmosphère. Elle les imagine quitter une tyrannie en défiant l'espace-temps, en reniant leur passé pour mieux se permettre un futur. Elle projette sa situation sur leur voyage millénaire en séchant ses larmes dans des herbes trop longues.

Étendue dans l'herbe, à fixer des trajectoires nébuleuses, elle se sent comme cet enfant qu'elle n'est plus depuis trop longtemps, écartelée entre devoirs et rêves, entre attentes et désirs. Elle se demande comment agencer les bouts de tissus de sa courtepointe en une entité cohérente. Elle se demande et quelque chose change, quelque chose la voit, quelque chose l'entend, alors qu'elle se fait sourde à elle-même.

Elle fait un souhait au néant.

Elle implore le Ciel.

Et on l'entend.


-

Mai 2014.

La première pierre ne se posera et Karine, dans le reflet trop clair des yeux de Zakuro Fea, dans cette cafétéria trop bruyante, voit ses attentes s'effriter. Le monument humain se redresse, et elle s'impressionne encore, malgré la tournée déplorable des événements, de la grandiloquence incroyable de sa taille qui s'impose de manière encore plus évidente lorsque heurtée aux autres individus peuplant la pièce.

Toutefois, lorsqu'il quitte la pièce, prétextant aller aux toilettes, ce n'est pas ses mètres en trop qui la font se sentir toute petite. Tête baissée, elle fixe son thé d'un air désabusé, songeant à essayer à nouveau auprès d'un autre visage, quelqu'un que le jeune Hon-Gil Dong pourrait lui montrer du doigt détour d'un sourire charmant.

Elle s'apprête à essuyer sa défaite, à retrousser ses manches pour mieux réessayer, mais une voix crisse, derrière elle, une voix qui tait son cerveau et enflamme son cœur.

" Qui a dit que tu pouvais te donner le droit de confronter tout mon cercle social pour assouvir ta bordel de curiosité mal placée, Karine ? "

Kohaku.

Elle fait volte-face, dans cette cafétéria où les pleurs d'une étudiante son maintenant étouffée par les chuchotements soucieux qui accompagne l'apparition de sa progéniture, et considère la prestance féline avec laquelle il s'impose à sa vue. Apprêté à la manière d'un arc-en-ciel, se superposent sur lui un enchevêtrement de coloris divers qu'il utilise, assurément, pour cimenter sa réputation marginal. Entre ses mains, plus large et plus long que ses deux avant-bras, se trouve un extincteur rouge pompier.

" Yume wasn't enough !? My apartment wasn't enough !?  ", sa voix est cette voiture qui fait fumer ses pneus, cet amoncellement de notes furibondes qui grimpent des les aigus pour mieux retomber dans des sonorités graves. Il feule, dents dévoilées en une menace qu'elle ne croit pas entièrement conscience. Son fils a toujours dérobé plusieurs de ses mimiques aux fauves qu'il contemplait, selon les dires de Carter, sur la chaîne découverte qui tournait incessamment sur l'écran de leur cinéma-maison.

Certes, son mécontentement demeure palpable et Karine, malgré toutes ses prédispositions à vouloir se justifier, ne peut qu'entendre cette opposition à l'intrusion, ce refus de voir la figure maternelle gangrénée qu'elle représente s'imposer dans une vie qui ne lui appartient plus. Le ton de voix colérique reste cette lacération contre son cœur, contre ses intentions, une certitude qui lui donne envie de pleurer.

Elle ravale ses larmes, garde la tête haute et se demande, son cœur claudiquant dans sa poitrine, quel genre de sourire Kohaku afficherait si Sophia Carter venait le visiter.

" Qui a dit que tu pouvais venir foutre ton nez dans mon quotidien pour émousser ta curiosité, hein ? ".

Elle entrouvre les lèvres pour répliquer, pour s'excuser, pour tendre un drapeau blanc, mas l'occasion ne se présente pas. Il la coupe et ses mots deviennent des mort-nés contre sa langue.

" I sure as hell didn't. "

Le jet de l'extincteur d'incendie s'abat sur elle avec violence.  

-

MY BABY,
MY LOVE MAY BE WARPED
MY SOUL MAY BE UNSUFFICIENT
BUT IF YOU COULD STARE PAST MY SHORTCOMINGS
THE TRUTH WOULD BE BLINDING


Septembre 2024.

" Yuu. ", commence-t-elle, ses doigts flottant à proximité du clavier que ses phalanges viennent de marteler. Ses yeux ne quittent pas l'écran de son ordinateur portable sur lequel s'affiche le profil Linkedlin d'un éminent professeur de psychologie. Et ce sont ses mots qui tranchent le silence douillet d'une soirée routinière, ses doigts flottant au-dessous de touches sur lesquelles elle attend d'appuyer.

Son mari relève son visage, bourru après de trop longues heures passées à examiner les analyses budgétaires envoyées par ses subordonnés et lui répond d'une onomatopée fatiguée qui dégonfle momentanément ses ardeurs.

" Ne crois-tu pas qu'il serait temps d'aller visiter tes parents ? "

-

La porte s'ouvre et s'en extirpe un défilé humain qui vient assaillir ses sens. Parmi eux s'imposent comme mentions honorables un jeune homme aux cheveux oranges vifs, ainsi que son camarade chapeauté d'un bonnet à oreilles de lapin roses. Elle cille, les contemplant bêtement, une seconde de trop, avant de ramener son attention sur la classe qui se vide.

Il faut de longues minutes avant que le flot d'étudiants s'amenuise et encore plus longtemps avant que les questions concernant le cursus cessent de retentir. Elle se surprend de la patience avec laquelle il accueille les interrogations, la morsure de ses mots plus douce, plus mesurée que dans ses souvenirs. Après, tout dans cette situation lui semble surprenant, c'est bien pour cela qu'elle est là, dix ans après sa dernière visite, du gris striant le châtain de ses cheveux. Elle pourchasse les vérités consignés à même un profil professionnel publié en ligne. Elle est surprise, elle ne l'en aurait jamais cru capable.

Et pourtant.

Elle risque un regard au travers de l'embrasure de la porte,  aperçoit la silhouette familière de Zakuro, statuesque, fresque clairsemée, qui tient une poupée contre sa poitrine. Ça froisse son cœur, ça piétine son moral, mais elle aurait dû s'en douter, de cette proximité entretenue, instaurée pour perdurer. Près de lui, un autre individu, cheveux sombres en cavale, habillé de bretelles et d'immenses lunettes rondes, semble absorbé par la tirade sur laquelle Kohaku s'est lancé.

Son, elle marque une pause mentale, fils, quant à lui, est cette créature énergique affublée de louboutains et d'une jupe écarlate qui s'arrête au-dessus de ses genoux. Il piaillent quelque chose au sujet du champs lexical de l'apprentissage et ses doigts piochent tranquillement les cheveux de Fea, les tortillant, les enroulant autour de ses avant-bras.

Karine cille à nouveau.

Le rideau se lève sur la dernière décennie et sa surprise de la dernière fois, exaltée par le jet chimique massacrant son épiderme, est surclassée par l'absurdité de la scène qui défile, mondaine, tranquille, étrange, devant ses prunelles.

Elle entre, pianote ses pensées contre le seuil de l'amphithéâtre, pour le moment invisible. La poupée pressée contre la poitrine de Zakuro gazouille et Karine réalise, bouche-bée, qu'il s'agit d'un bébé.

" Ko- ", articule-t-elle dans l'intention de se manifester, mais les mots, encore une fois, encore et toujours, sont interrompus par le joug des paroles de sa progéniture.

Il répond à l'enfant qui babille, ses yeux s'étrécissant affectueuse. Il répond d'un sourire, il répond d'un baiser en appuyant sur des syllabes qui assèchent la bouche de Karine.

" Yes my Sumire ? "

Karine se prend son statut de grand-mère à la face.
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Lun 29 Juin - 19:40

Points : 0
Messages : 138
Age : 32
Habitation permanente : Constamment sous le ciel.
Occupation : Fuir l'ennui avec acharnement.
Zakuro J. Fea

Zakuro J. Fea

Septembre 2024.


Nous nous sommes réveillés avec nos doigts entrelacés et les souffles de Kojiro suturant les chaleurs de nos corps. Nous nous sommes réveillés presque en même temps, et j'ai regardé tes yeux s'ouvrir avec toute la lumière du monde incrustée dedans. Je t'aime, je t'aime, et cette matinée, je l'ignore encore, est l'écho à ce que nous avons vécu dix ans auparavant. Nos doigts entrelacés, Kojiro endormi sur le ventre avec ses cils froissés, serrés, et ta hanche pressée contre la sienne. Mes cheveux ondulent, bullent près de tes lèvres, et tu me regardes avec ce mouvement de joue, avec cette lèvre qui s'érige en un angle, et tes sourcils qui frémissent une courbe plus douce, désormais, sous le rideau albâtre de tes cheveux. Tu me regardes en souriant et mon coeur se crève en chuintant. 

Bonjour, toi, toi, toitoitoi.

Mes doigts se tendent et j'ai dans le coeur toute l'avidité d'une âme que je t'ai offert. Les murmures douloureux des conversations que je n'oublierais pas, jamais, sont ce lichen qui susurre ta haine dans le creux de mes synapses, mais je tends les mains, mon amour, et je saisis tes doigts, ton poignet, comme l'enfant, qui autrefois, voulait étaler, dissiper, effacer ce sang venu ternir l'éclat magnificent d'un blanc, de ton blanc. Tu es si beau, tu es si magnifique, et mes pensées volent, mes pensées tournoient : tu es le champion d'une joute pour lesquels mon chagrin et ma passion veulent tous les deux se suicider. Je t'aime et je viens te l'appuyer, avec des syllabes balbutiées, contre ces parcelles de peau que j'atteins, que j'accroche. Ta joue, ton nez, le creux de ton oeil, -et ma langue qui dépasse-, et ta joue, encore. Je t'aime. Ta bouche. Je t'aime. 

Mine. Mine.

Ne prétends jamais construire quelque chose de mieux que moi. Je le détruirai. Mes doigts se tendent, plus haut encore, mes ongles crissent près de tes sourcils, et je veux atteindre l'éclat de ton âme. Nos yeux accrochés, Kojiro qui dort, et nos respirations qui n'existent pas : c'est un moment suspendu. Je. Tu sais.

Je t'aime et je veux en pleurer.
Je souris, à la place.


(...)

On remue autour de nous. Kojiro se réveille doucement et je me suis enroulé contre toi, boa constrictor aux appendices onyx, qui s'étale, qui s'étire sur son corps, et il a chaud, il a trop chaud, et sa peau, sous le soleil de cet été a miellé rien qu'un peu. Il transpire, en s'éveillant doucement, et il va être sept heure, et nous avons trop chaud. J'ai les doigts enfoncés dans tes clavicules, mon à-moi, mes ongles rongés, peints en noir, dentelés, qui marquent et appuient et Kojiro croise mon regard, avec ses prunelles sombres qui deviennent, comme chaque matin, ces ouragans d'incertitudes et de responsabilités tressées. Il se réveille, murmure ton nom, et tend ses doigts vers toi, vers nous, et je baise le coin de tes lèvres, je fais mes griffes sur le corps vers lequel Kojiro s'aventure, ensommeillé. On se partage ta peau, on se partage tes mouvements, et tu souris, tu souris si fort, et tu es magnifique. Je t'adore. 


(...)

Les éclats bleus des céramiques qui glissent entre les doigts de Lawrence se répercutent sur la table et inondent la surface de bois, et je me dis, je me dis qu'il y a une beauté glauque à voir le jaune de la cuisine se verdir sous le règne de son tyran. Kojiro doit bientôt s'en aller et les secondes qui flottent sont ces oiseaux que j'hésite à capturer en pleine course. Ça vole en rond, autour de moi, et je le regarde attacher ses cheveux en discutant, penché au dessus de Noah, avec ses yeux qui s'abaissent toujours jusqu'à eux, et les doigts de Momo qui s'accrochent dans leurs petits cheveux. Petites boucles brunes qui s'enroulent de plus en plus, qui prennent cette épaisseur que j'aime à considérer. Je babille.

"-termine à 20h, on a une réunion parents-prof ce soir. Je prends la moto."

Par reflexe, par cet automatisme devenu rodé dans ma considération de ce que l'on se dit, je lui murmure de faire attention. Il parlait à Swan et ses yeux viennent se poser sur moi, avec une tendresse qui me surprend, qui le surprendrait probablement. Mes lèvres glissent, c'est lui qui me sourit, et dans une continuation de mouvements qui me paraissent autonomes, terrifiants, je récupère le bébé, le dépose dans le creux de mes bras. Momo s'est redressée et Ji-Hong piaille dans l'escalier. Mes yeux se perdent sur les éclats dorés d'un animal dont la souplesse le camoufle dans les ombres en relief, et je le regarde, je le regarde, tandis qu'il croise mon regard et s'effraie de l'insistance de ce poids contre sa présence. Lawrence tourne les yeux, le singe est inquiet, effrayé, et j'abaisse le visage, contemple mon toast, en écoutant Momo proposer :

"Je t'accompagne jusqu'au garage, Sasaki."

Elle a la voix claire, bien plus que mes yeux chargés d'attente, et lorsqu'il se penche pour m'embrasser, j'ai le souffle qui se perd, rien qu'un peu, dans le fond de ma gorge. Il me fait me crisper le coeur, et ça le fait sourire, juste un peu. Joshua, pendule de ces secondes qui continuent de voler en cercle serré autour de ma tête, rst assis sur le piano, et avec le chat, bat la mesure d'un temps auquel Kojiro se plie avec révérence. Il ne doit pas être en retard. 

"Je t'aime."

Il dépose ses mots sur les paupières de Joshua, et après avoir attrapé sa veste en cuir, il s'éloigne. Fardeau trop lourd des responsabilités que j'ai récupéré, Sumire soupire sous mes doigts, avec ses cils trop longs qui s'écartent sur des billes sombres. Je t'aime aussi un peu, je crois, bébé. Il y a des étoiles noires dans ses yeux, et rien que le moment d'un instant, dans une certitude qui se compose d'un alliage de titanium et d'azote, je retire mon « je crois ». Mon coeur s'embrase, je babille une fureur excitée, stupéfaite, et Kojiro s'en immobilise à la porte. Je relève les yeux, cherche Joshua, cherche tellement, tellement Joshua, et mes lèvres s'étirent avec cette introspection inattendue, avec cette violence charmée.

« They're so. Beautiful. »

Je veux le manger. Je glousse, je pépie ma joie, et c'est absurde de ridicule, de tendresse savourée, et je me relève pour aller le ficher dans les bras de Joshua. Je suis, peut-être un peu, ensorcelé par la beauté d'un être qui a su la récupérer chez son père.

« Look how beautiful they are. »

En refermant doucement la porte derrière Momo et lui, Kojiro nous rappelle, avec ce petit sourire tendre qui dévoile un éclat ridé dans le coin de son oeil, que l'enfant qu'on porte ne l'est pas autant que Joshua. Et je croise ses yeux, je croise ses yeux, juste avant que la porte ne se referme. Alors Momo s'exclame quand j'apparais en face de lui, et je l'éclate contre la porte, en l'embrassant avec les dents. Kojiro moans.

They're all so beautiful, my humans.

(…)

Du rouge sur ses cuisses, pour mieux dessiner le galbe de ses jambes. Du rouge sous ses semelles, pour faire du monde le reste de son tapis rouge.

Je tiens à bout de bras le maxicosi, et mes yeux descendent jusqu'aux louboutins qui viennent ciseler la forme de ses chevilles. Il se prépare, il se prépare, et dans la lumière du salon, alors qu'il sonne presque neuf heures, je berce l'enfant qui dort sous nos yeux. Cent trente millimètres de kink pour Lawrence dont j'imagine les yeux glisser, se relever, et caresser, rien que pour ce pic qui claque contre le sol et épingle ses ombres en couchant la lumière sous ses semelles. Je relève les yeux, le cherche du regard, sans le trouver, et mes doigts rencontre les mains agitées, endormies, de Sumire Noah. Je serre mon index mon majeur contre ses cinq ridiculement petits doigts. They're sleeping so much, babe, I cant' wait for them to walk and talk.

Takihide ruine mes joies.

Assis près de moi, avec un chignon emmêlé, haut sur son crâne, le front et les tempes dégagées, il ressemble à un hibou ébouriffé, un chat silencieux, alerte, dont les prunelles ont accrochés mon bébé, et je ne sais pas, je ne sais jamais comment je me sens, quand je le vois regarder ainsi ce que je voudrais apprendre à correctement réclamer mien. Il n'a pas dormi, pas assez, je le devine aux cercles violacés qui creusent le bas de ses yeux, et j'attends, j'attends qu'il remarque le poids de mon regard, pour tracer un sourire violent, pour imposer une distanciation nécessaire entre lui et Sumire Noah. Il soupire, recule ses griffes mentales, détache son attention, et je sais que je suis probablement un peu idiot, un peu capricieux, mais je suis là, Sumire est entre mes doigts, je ne veux pas, je ne veux pas, en ce moment précis, qu'il se l'approprie.

« Did you slept ? You look tired. »

Il vient d'arriver, Joshua se prépare, et ils ont convenus, ensemble, que nous prendrions tous ensemble le chemin vers l'académie. C'est une première, à laquelle je ne suis pas excité, à laquelle mes idées cascadent en un tapis sombre, une mollesse un peu acide, mais je patiente, je patiente des regards qui tombent fréquemment sur moi, et qui m'encouragent à continuer à m'améliorer. Pour lui, pour eux, pour eux tous. La conversation que nous avons eux, à trois, à quatre, avec Lawrence, avec Momo en filigrane et Kojiro tapissé dans le creux de nos doigts, reste marquante, présente, et j'ai dans la poitrine un trace de feu, avec la sensation que ceux qui ne m'aiment pas ne me suivront pas. Mais Taki, Takihide, fait parti des obligés, de ceux dont le mot « imposition » est gravé dans la chair, et je sais, je sais que jusqu'au bout, jusqu'à la fin, they're going to be with us, they're going to stay until the very end. Du bleu dans du noir, il me regarde, et je discerne un sourire. Ça vient, assez rapidement, assez brutalement, défoncer mon agressivité, transformer mon irritabilité. Il me sourit, alors je dois faire un effort, et je me dis que ses cheveux ne sont peut-être pas si stupides que ça.

They're pretty, Joshua, and I always hate that.

« Nah. I was too busy to sleep.
– Were you fucking William ? »


Il hausse un sourcil, et j'ai mon rire de contenu dans les yeux. Il secoue la tête, avec ce calme stoïque qui ne m'étonne jamais que trop. Il ne prend pas la mouche, il ne prend plus vraiment la mouche, et ses rougissements absurdes, violents, me manquent presque. Ijiwaru, de ce que j'ai compris, tu es le traître responsable à ce manquement d'expressivité, cette acquisition d'une maîtrise de ses émotions. Ijiwaru, you traitor.

« Perhaps. But I still had some work to do.
– What kind of work ? »


Il cille. Pour le coup, il cille, et je crois que la question, dans sa sincérité, dans mon honnête curiosité, l'a surpris.

« Some stuff. Like. J'ai préparé un grillage à Jiro, qu'elle doit trouver un moyen de franchir. Une sorte de barricade, tu vois ? Elle doit s'assurer de définir un endroit suffisamment large pour pouvoir s'infiltrer de l'autre côté, sans tout faire tomber sur son passage. Quant à moi, it's less fun, I'm supposed to find a way to track our new friends. J'ai un traqueur qui soulève les signatures émettant des radiations supérieures à celles du Groupe, et je me base sur le fait que les personnes qui nous ont attaqués sont des irradiés depuis plus longtemps que nous, mais comme mon ordinateur ne détecte rien, soit je me trompe, soit mes équations sont fausses quelque part. J'ai modifié seize fois le level de reconnaissance, mais ça ne fonctionne à aucun des moments. Dans tous les cas, j'ai un œil aveugle sur ce qui se passe, et je déteste ça. C'est comme si je fouillais à taton et ça m'emmerde profondément d'être aussi useless. Alors je dois améliore mon programme. I need to get better. »

Je me tais, il se tait, et doucement, doucement, comme un petit miracle, ses joues rosissent en une nuance qui trahit une nervosité que je ne cherchais que trop. Presque, presqu'émerveillé, je souris, je souris, et je cherche les yeux de Joshua. Regarde. Regarde, je sais encore l'embarrasser. Je glousse stupidement, et mes doigts se referment, un peu plus, sur Sumire Noah.

« Gambatte, Ta-ki. »

Tu sais, dans ces moments-là, je ne peux que me dire que nous sommes chanceux, que l'univers est superbe et sublime. Extrêmement fragile, et que nous sommes au bon endroit, au bon moment. We're building all of this, love. All of this humanity, it's ours, it's ours to play with, it's playdough wit flesh and bones, and love, love, sometimes, I remember how beautiful it is.

Alors je souris à Takihide. Eventuellement, advient ce moment où Joshua est prêt. Alors je récupère le maxicosi, et mes yeux trouvent les prunelles noires, scintillantes, de Kohaku. Je souris, souris, et sous mon t-shirt, la peau de mon estomac s'étire en une contraction satisfaite de mon corps. Je me sens solide, solide, et dans ma chair, sous tes yeux, cette journée se transcrit en une possibilité de puissance, de satisfaction qui gonfle mes lèvres, qui courbe mes yeux.

Ayons une bonne journée, ayons une cool journée. Toi, Sumire Noah, moi. Et puis Takihide.
Soyons de jolis oiseaux.

(…)

Il a sur les biceps, la nuque, et le haut de ses lombaires les traces d'une nuit que Sato s'est promis de ne pas lui faire oublier. Silencieux, méticuleux, le tri de son bureau est une activité à laquelle il s'adonne depuis plus d'un quart d'heure, un peu trop pour que sa secrétaire n'ait pas, déjà, relevé quelques fois les yeux, investiguant sévèrement en sa direction, alors qu'il essaie de fuir ses responsabilités. Il est supposé rencontrer un des recteurs de l'académie, sans avoir encore trouvé la motivation d'accepter l'entrevue.

Il voudrait être … ailleurs. Il voudrait surtout fuir ses responsabilités, mais ça n'est malheureusement pas le genre d'homme qu'il peut se permettre d'être. Pas ici, pas dans un environnement qui demande à ce qu'il convienne à un cadre, à des obligations, pas dans un endroit où il en fait déjà trop à fermer trop régulièrement la porte de son bureau au nez, aux yeux attentifs de la femme qui travaille près de lui. Là où Joshua est une barrière qui est abaissée, il n'en reste pas moins condamné à être surveillé, à ne pas franchir la ligne. Et encore, et encore, il a conscience, il ne le sait que trop bien, qu'on le traite parfois comme un grand-petit enfant, à cause de la couleur de sa peau. Il le sait très bien, qu'ici, ses collègues jugent, considèrent et disséquent, avec leurs prunelles concentrées, chacun des mouvements qu'il a à effectuer. Il est James Hamilton, il a une popularité qui dépend d'un complexe de données, d'attentes, de structures sociales et de politiques internes. Dans cet univers humain, trop humain, ce microcosme de société qu'est l'université, il est un rouage déjà un peu tordu, et que l'on attend, depuis quelques temps, de voir se désaxer un peu plus.

On lui a expliqué, clairement, que ses attitudes étaient malvenues. Il s'est excusé, poliment. A rappelé que Joshua était un adulte, un collègue, et que leurs rapports, hors du cadre professionnels, étaient autorisés. Il a eu de l'audace, peut-être un peu trop, et c'est probablement ce qui explique qu'ils ne disent plus rien, c'est peut-être ce qui justifient qu'ils ne l'aient pas encore sermonnés.

Tu as entendu ça ? Il paraît qu'Hamilton couche avec un de ses anciens élèves. Un autre professeur. Tu as entendu parler de ça ? Dans son propre bureau.

Il tait les rumeurs en appliquant la politique sévère de ses leçons. Si quelqu'un a quoique ce soit à lui reprocher, il serait ravi d'en discuter, en compagnie de son avocat. Les étudiants ne s'y frottent pas. Ses collègues se taisent. On lui fout la paix.

Sato, lui, lui murmure, en soupirant, qu'il l'avait prévenu. Et James le sait. James le sait. Mais ça n'est pas comme s'il comptait arrêter. L'univers, après tout, est devenu beaucoup trop grand, désormais. Il ne veut pas s'arrêter. La machine est partie, s'est mis à tourner, et il est entraîné avec. Il est entraîné dans un grand rythme vulgaire, violent, qui trace dans la chair des gens des cicatrices plus ou moins profondes. En comparaison, deux pénis nus dans un bureau d'université, il a l'impression que ce n'est vraiment pas beaucoup, pas très grave.

On lui murmure de faire attention.

Ça cogne à sa porte, il relève les yeux et détaille le tailleur trop bleu, trop professionnel de sa secrétaire. Elle a l'air neutre, il se demande s'il va se faire engueuler.

« Monsieur Suemoto ne sera finalement pas en mesure de répondre à sa promesse d'être là à 15h. Il vous prie de l'excuser, et demande si l'on peut reporter l'entretien. »

Comme un noyé qu'on a repêché, il sourit doucement, en ayant le coeur qui bat trop fort. Il n'a jamais été en mesure de travailler son courage face aux hommes : il se sait être cette créature forte de corps mais fragile de fierté, et face aux critiques, face à cette cascade d'intervention pleine de bonnes attention, de moralement correcte et de perception socio-politiquement adéquate, il a l'impression, depuis quelques temps, de céder sous une crise qui le ploie. C'est dans le silence, dans ce silence trop lourd, trop typiquement japonais, ce jugement qui se fait avec les yeux plissés, la bouche qui se tord et ne dit rien. Il a l'impression, qu'éventuellement, ça va finir par l'user. Alors qu'on ne vienne pas l'engueuler aujourd'hui, que l'on remette à plus tard cet entretien, ça lui convient très bien.

« Je vais en profiter pour aller me prendre un café. Est-ce que je vous ramène quelque chose ? »

Il pose la question, comme toujours, mais cette fois-ci avec une petite joie sincère. Mais il sait qu'elle va refuser, et lorsqu'elle est retournée à son bureau, il se permet un petit sourire, et attrape son porte-feuille, attrape ce sentiment de liberté acheté.

Il aimerait qu'on le laisse tranquille, pour toujours. Que les japonais cessent de juger ce qui ne leur convient pas. Cela s'adresse aussi bien à ces individus inconnus, anonymes, étiquettés avec les labels de gardiens de l'université, mais peut-être aussi, et c'est plus douloureux à accepter, à considérer, à Sato.

Si Sato avait été éduqué ailleurs, différemment, s'il avait connu une autre mentalité, seraient-ils un duo, un couple, aujourd'hui ? Seraient-ils deux personnes qui pourraient se tenir la main sans craindre les regards extérieurs ? Il soupire, en remontant les couloirs, en se gâchant sa bonne humeur. Si Sato était différent, Sato ne serait pas la même personne, tout simplement. Il ne serait probablement jamais tomber amoureux de lui. Il ne se serait probablement  jamais intéressé à lui, et la vie aurait suivi un courant autre.

Il a aimé, cette nuit, que Sato lui murmure qu'il l'aimait, couché sur son dos. Il a aimé ça, et à la lumière du jour, il lui semble que la réalité est un jeu cruel dans lequel il n'a pas le droit d'associer sa vie diurne à sa vie nocturne, parce que ça ne se fait pas. Il se sent un peu las, pour le coup, il se sent un peu fatigué, et en passant devant la machine à café, il jette un coup d'oeil, vers l'arrière. Les portes de l'amphithéâtre dans lequel Joshua, en ce moment précis, doit achever son cours, sont ouvertes, et alors que des élèves affluent vers l'extérieur, il accroche, des yeux, la silhouette étrangère d'une gaijin qui patiente, suspicieuse, près de l'entrée. Elle hésite, elle tremble dans ses dynamiques, et de profil, James peut s'assurer qu'il ne l'a jamais rencontré auparavant. Pendant un instant, rien qu'un instant, il se dit qu'elle est probablement un parent d'élève, mais il réalise qu'elle a l'air d'avoir son âge, qu'elle a l'air trop bien habillé, et alors que le gobelet en plastique lui brûle entre les doigts, il réalise qu'elle a le profil un peu typique, immensément trop familier.

Il la voit, il la voit, et il sait immédiatement qui elle est.
Il ne comprend pas, assurément, ce qu'elle fait là.

« Hello there. »

Il s'approche, doucement, sans trop hausser la voix, sans trop s'inviter vers les regards de Joshua. Non. Il s'approche, essaie de s'attirer son attention à elle, et tout sourire, la paume brûlée par un café que l'on ne sait jamais correctement tempérer dans ces machines stupides, il se heurte à un visage aux traits floutés, barbouillés, l'esquisse d'une familiarité devenant inconnue, anonyme.

« May I help you, madam ? »

Elle n'est assurément pas Carter. Il ignore son nom, il se dit simplement, avec un instinct dont il ignore la provenance, qu'il a envie de l'écarter de cet endroit, qu'il veut l'écarter de Joshua.

« My name is James Hamilton. I am the head of the Psychology Department. Would you like me to give you some informations about the inscriptions ? Or are you looking for someone, perhaps ? »

Antoine, silencieux, passe à côté d'eux, en fronçant les sourcils, et quelque part, vers sa droite, Joshua ronronne à l'adresse de Sumire. Dans le ventre d'Hamilton, il y a un orage qui s'est déclenché. Une volonté inapte, avortée, quelque chose qui a toujours été handicapée et mal foutue, mais qui, en cet instant présent, absurde, ramène sa gueule atrophiée. Une sorte d'instinct de protection, une envie de rugir et de tout défoncer, pour s'assurer que rien n'arrive, que rien ne blesse son protégé.

Il sait qu'il est son humain, à lui. Et pas l'inverse.
Mais c'est la première fois qu'il se sent de nouveau en statut de professeur, et il veut protéger son élève génie de quelque chose qui se définit comme une menace. Ou peut-être même, et c'est terrible, que ça s'appelle l'instinct paternel. Il ne sait pas. Mais ça grossit en lui, ça lui donne presque l'impression d'être plus solide.

Don't hurt my Joshua.

Il est un idiot.
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To the Edge of Everything

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