Rendre visite aux camarades... non, collègues, il fallait que je m'y fasse. Rendre visite à ses futurs collègues est un principe qui m'a toujours été  inculqué, depuis mon entrée dans l'armée. C'était aussi un principe de courtoisie, en réalité. D'autant plus qu'on m'a dit que cette infirmière-ci ne sortait presque pas de chez elle, et suivait les cas au long cours. En tant que médecin de combat, je fais de la traumatologie dans l'instant, de la chirurgie de fortune. Le soin au patient, l'accompagnement, le suivi... non, tout ça, ce n'est pas trop pour moi. C'est peut-être idiot, mais j'ai peur de m'attacher à eux, et de les voir partir après, soit retourner vers leur vie, soit vers leur mort. Les deux sont aussi traumatisants, de mon point de vue.

Je suis donc un médecin d'un instant, quand des gens comme cette Danae sont les vrais accompagnants. L'âme derrière la médecine, si quelqu'un voulait être poétique. Je ne le suis pas trop, mais je trouve ça important d'évaluer les forces et les faiblesses de mes collègues, pour pouvoir les utiliser au mieux, et surtout prendre les meilleures décisions possibles pendant une crise. Comme pour les autres, j'ai donc pris un rendez-vous, à la convenance de l'infirmière, et je m'étais un peu préparé, posant des questions sur elle auprès des gens qui pouvaient la connaître. Raison pour laquelle j'avais fait un petit arrêt sur mon trajet du sanctuaire à la ville, où je n'ai pas encore pris le temps de chercher un logement, pour acheter un paquet de biscuit et du thé. Pas vraiment mes consommations de prédilection, mais ce n'était pas pour moi.

Approchant de la petite maison, je baisse une dernière fois les yeux sur ma tenue pour vérifier que je n'ai pas l'air de ce que je suis, un militaire pas tout à fait revenu correctement à la vie civile. Je ne vois qu'un jean simple, sombre, assez près du corps, des rangers, parce que c'est confortable, un t-shirt à manches longues, sombre aussi, et une veste en lin. Je retire mes lunettes de soleil, les glissant dans mon col avant de frapper à la porte. Je ne force pas le trait avec un grand sourire, restant plutôt poli.

"Bonjour, Danae, je suis le Docteur Healy, Brennan, je vous avais contactée pour que nous puissions nous rencontrer."

Je prononce son nom plutôt à la celtique, et je ne doute pas qu'elle me reprendra si nécessaire. J'espère que ça ne la vexera pas trop. Je ne juge pas son étrange couleur de cheveux, après tout, j'ai vu pire, la trouvant d'un abord agréable. Oui, elle a l'air... sereine. Presque sans le vouloir, je lui adresse un petit sourire. Espérons que le reste se passe aussi bien.

J'avais appris, il y a quelques temps déjà, que nous allions accueillir un nouveau médecin dans l'ordre. Il était toujours bon d'avoir plus de collègues dans le domaine médical d'autant qu'il m'avait semblé comprendre qu'il était plus dans la médecine de terrain. Cela signifierait certainement que l'on aurait moins besoin de moi en mission, et je devais admettre que je n'en étais pas fâchée.

Je me doutais qu'il viendrait voir la maison où les chevaliers en convalescence se remettaient alors j'avais, préventivement, fait encore plus de ménage que d'habitude. D'autant que j'avais profité du départ de Zéphyr pour refaire la décoration, plus à mon goût et celui de Cheryl, et que je ne doutais pas que cela ait pu engendrer davantage de poussière qu'habituellement.

"Danaé."

Je corrige avec un sourire indulgent, même si je trouve son accent charmant.

"Bonjour Brennan, enchantée. Entrez, je vous en prie."

Je le parcours rapidement des yeux alors que je m'écarte pour le laisser entrer, et je décide que mon collègue est un bel humain. Grand, cheveux roux, plein d'adorables taches de rousseur, plutôt bien habillé. A voir ses vêtements sombres et ses rangers, je regrettais presque ma robe à fleurs, que je portais avec des collants noirs opaques.

"Donnez-moi votre veste, je vais vous faire visiter. A moins que vous ne souhaitiez discuter d'abord?"

Je propose, alors que je referme la porte d'entrée derrière lui, et que je tend le bras pour récupérer sa veste.

Il n'y a pas à dire, c'est une jolie maison. Elle me paraît petite, mais c'est plus une déformation due à l'immense bâtisse qui nous sert de maison de famille en Irlande. La décoration est plutôt jolie, apaisante, et en même temps, l'endroit paraît très... je ne saurais pas dire. Familial, justement. Absolument pas ce que j'attends d'un hôpital, et très loin de ce dont j'ai l'habitude dans les hôpitaux de campagne que j'ai pu avoir l'occasion de fréquenter. L'endroit me fait penser plutôt à ce que je pourrais imaginer d'un sanatorium des temps anciens. Un lieu de repos, à l'écart, où des gens de bonne famille faisaient enfermer les gens gênant dans des prisons de luxe. Hm, non, pas du tout la bonne trajectoire pour mes pensées. Tout ce qui a trait à l'enfermement n'a pas tendance à me mettre à l'aise.

Je réprime un frisson et la regarde. Je n'ai pas énormément l'habitude de baisser les yeux sur les gens. Des années d'armée m'ont appris à plutôt chercher mes collègues vers le haut. Je lui adresse un petit sourire contrit quand elle reprend ma prononciation. Je m'y attendais, évidemment, mais j'essaie de me souvenir de sa version pour ne plus faire l'erreur. Autant dire que dans le feu de l'action, ce sera certainement fait à l'irlandaise. Mais le reste du temps, je ferai l'effort.

Je l'observe un peu en coin, histoire de me faire un avis. Je suis conscient que les premières apparences peuvent être trompeuses, mais avec sa petite robe à fleurs, et son expression sereine, elle me donne autant de relents vintage que le reste de la maison. Pourtant, bien loin d'être une critique, je trouve ça plutôt mignon. Pas spécialement à mon goût, même si, quand j'y pense, je ne sais pas bien ce qui est "mon goût". Je vois plutôt ce que je n'aime pas. Enfin bref, c'est une pensée pour un autre jour. Je lui donne ma veste, un peu gêné, parce que je n'ai plus vraiment l'habitude des visites sociales. Je la salue d'un hochement de tête et, après l'avoir laissée poser ma veste où elle le voulait, je lui temps la boîte de biscuits et le thé.

"Merci Danaé. Je veux bien visiter vos salles de repos avant que nous nous installions pour discuter. Ce sera plus simple, il me semble."

J'essaie d'être poli, mais ça fait un bien long moment que je n'ai pas eu à faire attention. L'autre raison pour laquelle ma vie amoureuse est terriblement déserte, probablement. Non, toujours pas d'intérêt à aller sur cette ligne de pensée. Se concentrer sur la visite, et le sanatorium. Ce n'est pas vraiment ça, mais un peu quand même... L'endroit est plutôt serein, et je la suis d'abord silencieusement, avant de finalement poser des questions.

"Vous soignez exclusivement les chevaliers, ou aussi d'autres résidents? J'ai cru comprendre que vous ne partiez pas trop en mission? Vous participez aux opérations, ou vous ne vous occupez que du soin post-opératoire?"

Voilà, des questions pratiques. C'était mieux.

Je n'ai que quelques pas à faire pour accrocher la veste de Brennan au porte-manteau qui surplombe un petit banc, un peu plus loin dans l'entrée, et quand je reviens j'ai l'agréable surprise de le voir me tendre une boîte de biscuits et du thé.

"Merci à vous, Brennan. Le temps de poser ceci dans la cuisine et je vous montre."

Je vais donc déposer mes cadeaux, je suis d'autant plus contente d'avoir pensé à préparer des shortbreads pour lui souhaiter la bienvenue, sur la table et, quand je reviens vers lui, je débute la visite.
Je lui montre donc les deux chambres du rez-de-chaussée, salle à manger et bureau ont été sacrifiés, les plus médicalisées. On passe devant l'ancienne bibliothèque, transformée en salon bien qu'il reste une étagère de livres, où j'ai installé plusieurs fauteuils confortables.
Nous sommes à l'étage, où je lui ai rapidement désigné ma chambre et celle de ma colocataire avant de lui en montrer deux autres, destinées à d'éventuels patients, quand il m'interroge sur les gens que je soigne.

"Je soigne tout ceux qui en ont besoin."

Je commence par répondre, sobrement, avant de poursuivre avec ses autres questions en espérant lui fournir une réponse qu'il trouvera satisfaisante.

"Ici j'accueille principalement des chevaliers blessés ou malades, dont l'état ne justifie plus une hospitalisation mais qui ont tout de même besoin d'une surveillance médicale ou qui ont perdu en autonomie. Je m'occupe aussi beaucoup des petites blessures ou maladies du quotidien, étant plus proche du centre-ville que l'hôpital. Le reste du temps, j'y aide, en participant notamment à des opérations mineures. Ce n'est pas mon domaine de prédilection, mais je tiens à garder la main, au cas où."

Tout en parlant, je l'emmène vers la grande salle de bains qui a été aménagée de façon sécurisée, et j'achève la visite par un placard sous clefs où je garde mes fournitures médicales ainsi qu'un petit stock de médicaments dont je pourrais avoir un besoin urgent.

"Et effectivement, je ne pars pas beaucoup en mission. Je suis de nature casanière, et j'ai pu constater que je suis plus efficace lorsque je suis dans mon environnement. J'évite donc de m'en éloigner, dans la mesure du possible."

En cela, j'étais soulagée que nous disposions d'un médecin de terrain. Je n'aurais plus à me déplacer, à priori. Je pourrais rester chez moi, sur mon île.

"J'ai appris que vous êtes plutôt un médecin de terrain? Nous sommes donc complémentaires, c'est une bonne chose."

Je commente avec un sourire, pour l'inviter à me parler un peu de lui en même temps que je lui fais signe que nous pouvons redescendre s'il le souhaite. Boire un thé, sans doute, s'il a d'autres questions.

Les salles du bas sont assez lourdement médicalisées, ce à quoi je m'attendais. Après tout, c'était le principe du soin post-opératoire et de toute ce qui allait avec dans la rémission. Ce n'est pas une partie que je gère du tout. Les gens repartent en vol blanc, et toute cette partie-là se fait au pays, dans des hôpitaux en dur, bien loin de ma partie. Cela dit, je suis assez professionnel pour pouvoir identifier tout ce que je vois, et la qualité de l'agencement. Je vois même des salles de lecture, de repos, ou plutôt de détente, qui leur permet peut-être de se sentir plus chez un ami que chez l'infirmière parce qu'ils ne sont pas autonomes pour x ou y raison.

L'étage m'intéresse un peu moins, même si ça me semble étrange qu'elle accueille les gens chez elle. Comme une chambre d'hôte mélangée à un hospice. Tout le concept me paraît étranger, et l'idée de vouloir avoir des quasi-inconnus en permanence chez moi me rendrait totalement fou et menace de me faire frémir d'inconfort. Non, tout ça n'est pas pour moi, je peux le confirmer. Cela dit, à chacun son mode de fonctionnement et tant mieux pour elle. J'imagine tant mieux son sa coloc aussi. Quel concept. Je crois que je préférerais garder ma chambre à l'aquarium que faire une colocation. ou il faudrait que je ferme littéralement tout à clef. Oui.

Je lâche une fois encore une ligne de pensée plutôt malaisante pour me concentrer sur ce qu'elle me dit. Soigner tout le monde, et pas juste les chevaliers. Ce qui signifie soigner également tous les surnaturels? J'imagine que si elle est dans le sanctuaire elle doit savoir, ou au moins se douter? Je n'ai pas l'habitude de vivre dans autant de secrets. L'armée a son code, mais ma famille ne posait juste pas de questions, et dire que j'étais médecin suffisait pour les autres. Évoquer un sujet aussi sensible dans une conversation courante sans aucune garantie de ne pas briser un tabou rend les choses compliquées. Cependant, si elle participe à des missions... Non, oublions, trop compliqué. Je me contente de hocher la tête.

"Oui, je vois, désengorger l'hôpital, c'est bien... Et il n'y a pas de mal à vouloir rester chez vous pour faire cela."

Après tout, chacun fonctionne différemment. Je continue la visite, étudiant les aménagements de la salle de bain. C'est vraiment du beau travail, je suis assez admiratif. J'ai vu de vrais hôpitaux moins bien faits. Je continue à écouter et hocher la tête, redescendant avec elle quand elle m'y invite. Je m'installe après avoir proposé d'aider, comme le veut la politesse. J'ai encore quelques questions, même si elle a répondu à la plupart, déjà.

"Vous n'avez pas d'autre médecin de terrain, comme vous dites? Il n'y a que des infirmiers qui partent en mission à l'heure actuelle? J'ai peine à imaginer que vous êtes suffisamment nombreux pour accompagner tout le monde. Les chevaliers sont au moins formés aux premiers secours, aux gestes d'urgence? Cela peut sauver des vies, le temps de revenir, si tous ne sont pas accompagnés..."

Personne n'aura remarqué que si je remarque bien sa tentative d'ouverture de la conversation sur ma personne, j'ai habilement, si j'ose le dire, esquivé pour me concentrer sur une chose qui est, malgré tout, importante. S'il n'y a aucune formation, il faudra que j'organise cela. Je l'ai fait, très brièvement, à Stony Vale, en tant que consultant, comme j'ai reçu quelques formations. Je ne sais pas encore trop à qui en parler ici, mais je trouverai... Peut-être en postant des affiches dans l'hôpital. J'ai le temps d'y réfléchir, encore.

Je refuse poliment l'aide de Brennan quand il me la propose, après tout c'est lui l'invité et faire du thé n'est pas bien compliqué. Je choisis d'utiliser celui qu'il m'a offert, un Lady Grey qui sent vraiment très bon.

"Non, je ne crois pas."

Je réponds, en posant la théière sur la table, quand il m'interroge sur d'éventuels autres médecins de terrain.

"Effectivement, le plus souvent les chevaliers ne peuvent pas partir avec un soignant. Je crois qu'on ne se déplace que pour les missions vraiment longues, ou les missions où l'on sait que des soins seront nécessaires."

J'essaye, vraiment fort, de ne pas penser à la mission que nous avons échouée avec Ambrose. A tout ces enfants que nous n'avions pas pu sauver.

"C'est une des premières formations reçues, il me semble. Le métier de chevalier est dangereux et l'ordre en est conscient, je pense."

Le thé a fini d'infuser et je nous en sers une tasse chacun, avant de sortir un pot de lait et un sucrier, ainsi qu'une petite assiette pour y disposer les biscuits qu'il m'avait offerts.

"Que pensez-vous d'Old Fyre, pour l'instant?"

Je n'avais pas l'habitude de devoir être aussi professionnelle, aussi peu moi-même, en fait, et je me demandais sous quel angle il allait répondre à ma question. J'aurais voulu qu'il se détende un peu, qu'on passe à quelque chose de moins formel mais… je ne pouvais évidemment pas l'y obliger.

"Etes-vous bien installé?"

J'avais beau ne pas vraiment savoir comment m'y prendre, je voulais qu'il sache que j'étais là s'il avait besoin d'aide pour quoique ce soit. Comme j'étais là pour Tullio, pour Cheryl, pour Victoria, pour tout les autres.

"En tout cas le thé est excellent, vous l'avez très bien choisi."

Malheureusement, la jeune infirmière confirme mes craintes. Pas assez de médecins ou d'infirmiers pour envoyer dans chaque mission. Fort heureusement, elle me confirme quand même qu'ils sont formés. Cependant, ça ne me rassure pas non plus totalement. Par qui ont-ils été formés? S'ils n'ont pas d'autre médecin de guerre ici, qui s'en est chargé? Un spécialiste des premiers secours, un pompier, un..? Je réfléchis sur ce qui pourrait être le mieux, lui souriant pour la remercier quand elle m'apporte mon thé. J'ai pris ce qui me plaisait, je n'ai pas honte de le dire. Il y a quelque chose d'apaisant dans les fortes odeurs d'agrume qui remontent de ce Grey, juste adouci par une pointe de bouton de rose. Il y en a un autre que j'aime, un Grey aux bleuets. Si elle aime le thé, je le lui conseillerai peut-être. Mais ce n'est pas la priorité de ma pensée pour l'instant.

"Vous pensez qu'il serait possible d'organiser une session d'évaluation de leur niveau en premiers secours? Un petit rafraîchissement? Peut-être même proposer à quelques volontaires de faire quelques jours, ou une semaine de cours intensifs pour être un peu plus efficace en mission? Partent-ils avec juste une trousse de secours? Vous savez ce qu'il y a dedans? Avec quoi partez-vous quand vous savez que vous allez arriver sur un sinistre, qu'il y aura des victimes? Vous avez quand même quelques médecins sur place, des consultants, qui peuvent accompagner? Même faire venir des gens qu'un autre sanctuaire? J'ai encire un peu de mal à appréhender l'organisation logistique des missions de sauvetage de l'ordre, même si cela commencera probablement quand je pourrai effectivement en faire moi-même..."

Je me doute que ça finira par arriver. Pour l'instant, je me sens juste un peu frustré. J'ai l'impression de troquer une prison pour une autre, à tourner comme un lion ne cage. Je commence à tapoter un doigt sur ma tasse dans un rythme régulier, si un peu rapide. J'essaie d'une part de ne pas me ronger les ongles, et d'autre part de ne pas penser à des prisons. Il faut vraiment que je trouve un psychologue sur place. Le décalage horaire ne convient pas à mon habituel. Je prends une gorgée de thé un peu trop chaud, mais parfaitement infusé, sans sucre, sans lait, sans rien. Pourquoi le choisir bon et de qualité pour rajouter des choses dedans? Autant prendre une mixture immonde comme du café, si c'est ça. Je me souviens à ce moment-là qu'elle m'a posé une question sur mon installation. Je lui adresse un petit sourire contrit.

"Je viens d'arriver, donc je cherche encore un appartement, mais on se rend vite compte qu'il s'agit du quartier général. L'endroit est bien plus peuplé que là où j'étais avant."

D'accord, je suis conscient que ma remarque n'est pas très personnelle. Mais honnêtement, je ne suis pas là pour raconter ma vie. C'est une visite courtoise, oui, mais pas de courtoisie. Un jour, peut-être, j'envisagerai à nouveau d'avoir des amis. Pour l'instant... pas encore. Je ne suis pas prêt.

"Je pense que ce serait possible, oui. Du moins, pour les chevaliers passant régulièrement au QG. Pour les autres cela me paraît plus compliqué, à moins de les forcer à revenir. Peut-être faire repasser la formation au bout de deux ou trois ans? Pour s'assurer que c'est toujours acquis?"

Je commence, pour la première question de Brennan. Puis, je lui donne tous les détails dont j'ai connaissance. Du contenu de la trousse de secours standard, du fait que je ne pense pas que les chevaliers en emportent systématiquement une. Des précautions supplémentaires qui sont prises, au cas par cas, quand on sait à quoi on va avoir affaire. Du fait qu'on peut faire appel à des consultants, mais qu'on évite les hôpitaux et les médecins classiques compte tenu de la nature des blessures. Qu'effectivement, on peut demander à quelqu'un d'un autre sanctuaire d'intervenir, mais qu'en général les chevaliers ne sont pas affectés à un endroit particulier. De tout ce dont je me souviens, au fond, même si la partie qui concerne le terrain n'est clairement pas celle où je m'y connais le mieux.

"Pour le reste, il faudra demander à l'hôpital, j'imagine que vous allez y travailler entre deux missions, ou à l'administration. Ils sauront mieux vous renseigner que moi."

Je souris à Brennan, peut-être un peu contrariée à la fois qu'il me demande tant de détails sur des choses que je n'avais pas de raisons de connaître, et à la fois de n'avoir pas su répondre à la hauteur de ses espérances.

Je suis aussi, sans doute, un peu déçue qu'il soit si professionnel même quand il se décide à répondre à ma propre question, passée à la trappe jusque là.
Au fond, c'est sans doute pour le mieux.
Les humains sont doués pour se rendre indispensables puis disparaître.

"J'espère que vous trouverez rapidement un logement à votre convenance, dans ce cas."

Je réponds, poliment, parce que c'est la chose à faire quand on veut entretenir une relation cordiale avec ses collègues. Sourire et être poli. C'est mon lieu de travail mais, soudain, je me sens agacée d'être bombardée de questions chez moi.

"Avez-vous d'autres questions?"

J'espère que non, surtout si ce sont encore des questions pour lesquelles je ne pourrais fournir que des demi-réponses, mais je me sens obligée de lui demander. De toute façon il me les posera s'il en a, alors autant faire bonne impression, n'est-ce pas?

Je hoche la tête, buvant mon thé, probablement trop chaud, mais c'est comme ça que je le préfère. Beaucoup de détails sur le fonctionnement de la santé dans les sanctuaires, et également pendant les missions. Il faudra que je trouve un moyen de la remercier correctement à un moment ou un autre. Tout cela me donne envie d'en apprendre beaucoup plus, et en même temps, de me jeter un peu dans l'arène. Malgré le traumatisme, l'adrénaline des missions me manque, et j'ai vraiment hâte de pouvoir y aller. Bientôt, j'espère.

Au fur et à mesure de ses réponses, je formule et reformule mon programme de formation, en allant jusqu'aux affiches que je veux poster un peu partout dans le QG, dans l'hôpital, et peut-être dans d'autres endroits stratégiques si ceux-ci existent. Personne ne devrait être ignorant des gestes de premiers secours, même dans sa vie quotidienne. Ils peuvent littéralement sauver des vies. Ou des membres. Je ne suis pas un spécialiste de la prévention des accidents domestiques, mais après, pourquoi pas, même si ma cible principale reste les chevaliers.

Bien que perdu dans mes réflexions, je détecte un léger changement de ton chez mon interlocutrice. Une petite glaciation, peut-être? Je sais que mes questions sont souvent agaçantes, et nombreuses. Et certainement stupides, aussi. Je finis rapidement mon thé, sentant que j'arrive à la limite de l'hospitalité. J'en ai assez l'habitude pour détecter les signes. Je lui accorde un petit sourire, mon maximum en ce moment.

"Pas pour l'instant. Merci beaucoup pour votre patience et vos réponses, Danaé. Je ne doute pas que nous aurons l'occasion de nous recroiser dans un contexte plus professionnel, mais je ne devrais pas autant vous accaparer, vous avez certainement beaucoup à faire."

Je me lève et lui adresse un petit salut.

"Ne bougez pas, je trouverai la porte. J'espère que vous apprécierez au moins le thé et les gâteaux. Une excellente journée à vous."

Je dépose ma tasse dans l'évier avant de sortir, non sans l'avoir une nouvelle fois saluée. Je poursuis ma route distraitement, pensant encore une fois à ce que je pourrais faire, et à ce que je dois faire également. Tellement de choses. Mais au moins, cela me distraira un peu.

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