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Promenons-nous dans les bois

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Dim 9 Fév - 11:27

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Nawar Nasri

Nawar Nasri
La brume commençait doucement à disparaître, et avec elle son voile d’ombre humide pour nous dévoiler du vert… Du vert partout… Du vert à perte de vue. C’était à se demander pourquoi les locaux avaient surnommé ce lieu « la forêt noire » tant il arborait une multitude de nuances colorées une fois la journée bien avancée. Je n’avais jamais eu l’occasion de venir dans cette partie de l’Europe auparavant, mais je n’avais pas boudé mon plaisir lorsque l’on m’en avait fait la requête. Je n’avais jamais voyagé aussi peu que depuis que j’avais quitté Istanbul et cela me manquait atrocement, aussi avais-je sauté sur l’occasion sans me poser de questions. Et puis quitter la chaleur infernale de l’Australie pour la fraîcheur du vieux continent avais achevé de me convaincre. D’autant plus que la mission était intéressante : partir à la recherche de manifestations bénéfiques dans la forêt, probablement provoquée par des Omniôms, étudier leurs population le cas échéant et leurs effets sur la végétation… Une mission sans drame, où la patience et l’amour de l’observation étaient des atouts majeurs.

Et je n’étais pas déçu ! Tout mes sens étaient comblés par le spectacle que la forêt leur offrait ; j’avais l’impression de pouvoir en capter tous les bruits, depuis le craquement d’une branche à l’envolée soudaine d’un oiseau. Des animaux courraient se tapir loin de nos pas tandis que les insectes s’affairaient à leur œuvre sans nous porter attention, jouant dans les courant d’air froids qui faisaient frémir les arbres. Et cette odeur… un mélange d’humidité, d’humus, de champignon, de charogne aussi un peu… C’était un véritable appel à la contemplation de l’endroit. Je m’y sentais un peu comme à ma place...

Seule ombre au tableau : mon partenaire. Les chevaliers allaient souvent de paire pour les missions, et j’avais blêmi en découvrant que le mien serait incarné par Tullio. Je n’avais aucun grief envers lui particulièrement, mais nous n’avions simplement pas grand-chose en commun et, par conséquent, pas grand-chose à nous dire. Ou plutôt, moi je n’avais pas grand-chose à lui dire et j’ignorais s’il en était de même pour lui, car j’avais des relations sommes toutes particulières avec les femmes qui gravitaient autour de sa vie, et je n’avais aucune idée de son degré de connaissance sur les évènements qui nous liaient elles et moi. J’étais l’agresseur de l’une, le protecteur silencieux de l’autre, et j’espérais sincèrement qu’il ne soit au courant de rien du tout.

Je pensais, peut-être à tort, que le silence relatif qui avait pesé sur notre voyage jusqu’en Allemagne allait dans le sens de cet espoir. Mais ce silence s’invitait jusque dans cette forêt que nous explorions depuis trois bonnes heures maintenant, et cela commençait à me rendre nerveux. Les feuilles mortes craquaient sous nos pas, venant accentuer encore un peu plus notre mutisme. Nous étions encore à plusieurs kilomètres des coordonnées GPS de la première zone à explorer. Devais-je briser la glace ? Après tout, nous allions passer plusieurs jours ensemble, c’était probablement l’occasion pour apprendre à nous connaître un peu plus. Peut-être aussi celle de glaner des informations sur les femmes de l’italian team.

Bon bon bon… c’est le moment d’être un peu subtil. Tourne autour du pot, fait le naïf, et ça devrait aller.


« C’est vraiment agréable cet air frais, tu ne trouves pas ? Ça ressemble davantage à des vacances qu’à une mission si tu veux mon point de vue. Dommage que ce soit si loin d’Old Fyre... »

Puis de rajouter.
« Ne le prends pas mal, mais j’ai été étonné de voir que tu étais mon partenaire. Je pensais que tu resterais davantage à Old Fyre maintenant que ta sœur t’y a rejoint. Je pensais que tu ne voudrais pas la laisser seule. »

Ok, pour la subtilité, on repassera.
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Mer 12 Fév - 7:52

★★
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Tullio Cavaleri

Tullio Cavaleri
Après quelques mètres dans la forêt, Tullio s'était arrêté un instant et avait fermé les yeux. Ça sentait la forêt de son enfance, et les chants d'oiseaux étaient les mêmes que ceux dont ils se souvenait. En se concentrant un peu, il était certain qu'il aurait pu avoir… quel âge avait-il déjà, à l'époque? Il ne se rappelait pas exactement. Moins de quatorze ans, c'était certain. Peu importe, au fond, mais il aurait certainement été capable d'être un petit garçon émerveillé pendant quelques minutes, à la recherche d'omniôms plutôt que de fées mais tout de même.

Sauf qu'il était là pour une mission et qu'il n'était pas tout seul. Les binômes étaient toujours aléatoires mais à quel point fallait-il être malchanceux pour tomber sur l'ex de la fille qu'on aime? Malchanceux comme moi. Avait pensé le consultant, un peu amèrement. Au moins pour le moment, le brun s'était révélé être de compagnie pas désagréable. Il était silencieux, en fait, et cela lui allait très bien.

"Ouais, c'est sûr que ça change de l'Australie et de la dernière mission."

Répond Tullio, sans pouvoir retenir un sourire, quand Nawar se met à parler de l'air frais et du fait que ça ressemble plus à des vacances qu'à une mission. C'était bien de pouvoir être en mission sans se demander à quoi on servait ou quelle serait la prochaine horreur découverte. La suite lui fit hausser un sourcil mais, effectivement, s'il était sorti avec Toria il devait forcément être au courant pour Elana donc rien de choquant.

"J'essaye, ouais. Mais vu que j'suis officiellement consultant, faut bien que je fasse des missions de temps à autre. Et comme celle-ci avait l'air peinarde… j't'avoue que j'ai pas hésité longtemps."

Commence l'italien, avant de s'interrompre parce qu'il a cru voir quelque chose. Mais comme après quelques instants d'observation attentive plus rien n'attire son attention, il reprend.

"Et puis j'suis pas grand frère depuis longtemps, j'pense que c'est mieux pour nous deux si je la lâche de temps à autre."

Continue-t-il, parce qu'après tout s'il est effectivement sorti avec Toria il doit de toute façon être au courant.

"Et toi, alors?"

Autant mettre les pieds dans le plat, puisqu'il ne se gêne pas pour le questionner.

"Ça doit pas tout les jours être facile d'être sur la même petite île que son ex, tu dois être soulagé d'être en mission."

La chevalière avait eu l'air vraiment ébranlée face à lui, et ce n'était pas quelque chose qu'il avait déjà eu l'occasion de voir vers elle. Quitte à être coincés tout les deux, pourquoi ne pas essayer de tâter un peu le terrain? Au pire, ça lui apprendra à éviter les questions indiscrètes pour le reste de la mission.
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Sam 15 Fév - 9:50

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Nawar Nasri

Nawar Nasri
J’aurai peut-être dû briser la glace plus tôt avec Tullio. Pas plus tôt dans cette journée non, mais plus tôt lors de nos rencontres multiples. Il avait été mon voisin, mon collègue à l’école, et l’une des personnes que je croisais le plus sur l’île de manière générale, mais jamais je ne lui avait porté de réel intérêt. Son activité professionnelle y avait certainement contribué un peu – je mettais un point d’honneur à ne jamais mettre un pied à l’Aquarium – mais je crois que c’était sa proximité avec Victoria qui m’avait totalement freiné. Encore et toujours elle. Or, dès la première réponse de l’italien, je compris que nous étions sur la même longueur d’onde : se faire une petite mission tranquille, au vert, sans pression, sans danger. En bref, à la cool.

Et être à la cool n’empêchait à priori pas mon compagnon d’être à l’affût, puisqu’il se montrait bien plus attentif que moi-même à notre environnement proche. Je crois que j’oubliais un peu par moment ce qu’était la vie sans posséder des sens exacerbés, particulièrement dans un tel biotope. Toute la vie qui grouillait ici m’apparaissait si clairement et sans efforts ! En tout cas, j’appréciais ce sérieux que je n’aurai pas imaginé chez lui, et m’en suis voulu d’autant plus d’avoir été par trop direct en lui parlant sans détour de sa sœur.

« C’est qu’elle a du caractère la p’tite. » ne pus-je m’empêcher de lâcher en me remémorant la première rencontre – assez amusante - que j’avais eu avec la jeune fille, avant de rajouter rapidement « Du moins, c’est l’impression qu’elle m’a faite à l’école. Hum hum… Je… Je comprends ce que tu veux dire, ce besoin de se laisser respirer par moments. Se retrouver à assumer la charge de quelqu’un du jour au lendemain c’est jamais évident tu sais… Faut simplement essayer de faire au mieux et puis laisser le temps faire... ». Du moins, quand la vie nous le permet. Je serrai fort contre mon esprit l’image de mes filles à cette pensée, lorsqu’il me lança d’un ton enjoué ce « Et toi, alors ? » qui me décontenança totalement. Me parlait-il d’une quelconque fratrie que j’aurai laissée chez moi, oui bien avait-il su lire entre les lignes pour y voir le fantôme de ma vie perdue ? Je m’apprêtai à bafouiller quelque chose quand il précisa sa pensée. Et je ne savais pas si je devais m’en sentir soulagé. Encore Elle. Toujours Elle. Victoria... Elana avait déjà fait la supposition que mes rapports tendus avec Elle résultait d’une histoire de cœur difficile, et à l’époque je n’avais pas démenti l’hypothèse, bien trop content d’avoir trouvé une explication somme toute plus jolie que la réalité. Cette petite peste avait dû en parler à son frère. Arghhhlll… je la détesterai si je ne l’appréciais pas tant. Mais elle ne payait rien pour attendre.

« C’est pas facile, je te le confirme… ». Bien qu’un peu à côté de la plaque, sa question était d’une incroyable justesse. J’hésitai un temps à m’étendre davantage sur le sujet, mais il y avait quelque chose chez ce type qui invitait à en dire plus qu’on ne l’aurait souhaité…

« Je lui ai fait beaucoup de mal et c’est ça le plus difficile je crois parce que… enfin tu vois, j’peux rien effacer, rien réparer, et chaque fois que je la croise elle me renvoi cette image douloureuse et…  bah… pfff…  » . Et c’était vrai. Du moins la plupart du temps. Mais si je pouvais avouer sans problèmes combien je me sentais mal en présence de Victoria, il m’était plus délicat de partager tous les autres sentiments qu’elle animait en moi tout en gardant la cohérence de mon pseudo-mensonge.  « J’imagine que beaucoup d’histoires finissent comme ça. » Ou pire… Ma vie sentimentale passée était un beau foutoir et son avenir était condamné, alors je n’avais clairement pas envie de continuer sur ce terrain-là.

« Mais c’est la vie hein ! Les amours ça va, ça vient, tu sais ce que c’est. T’es barman, t’es italien, tu as un look, hum, disons atypique… t’as dû en faire tourner des têtes. » lui lançai-je d’un air complice.
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Sam 15 Fév - 17:11

★★
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Tullio Cavaleri

Tullio Cavaleri
Quand Nawar lâche qu'Elana a du caractère, Tullio commence par hausser un sourcil puis secoue la tête. Evidemment qu'elle a été repérée pendant la mission à River Stone High. D'autant que puisqu'il était sorti avec Toria, il avait forcément dû en entendre parler à un moment ou à un autre. Et effectivement, du… caractère, pouvait être une façon de décrire le tempérament de sa sœur.

La confirmation que non, ce n'est pas facile de côtoyer son ex, lui tire une moue qui aurait pu être de la compassion si seulement l'ex en question n'avait pas été sa colocataire qui était, accessoirement, la femme la plus importante de sa vie.

"J'pense que j'vois, ouais."

Répond simplement le consultant, parce qu'il n'a pas envie d'expliquer qu'il est plutôt de l'autre côté, du côté de la personne que l'on blesse et qui doit apprendre à vivre à côté de la personne qui lui a fait du mal et à faire comme si tout allait bien même si ça n'était pas le cas.

"C'est triste mais ouais, j'imagine."

Il est vrai que Tullio ne connaît pas beaucoup de couples heureux. Lui l'est avec Xander, mais en y réfléchissant il a plutôt l'impression de faire figure d'exception. Toria est plutôt du genre à papillonner de conquête en conquête, pour autant qu'il sache tout ses amis sont célibataires quant à ses parents… mieux valait ne pas y penser du tout.

Les paroles suivantes de Nawar tombent d'ailleurs à pic, puisque l'italien oublie tout de sa famille quand il commence à entendre parler d'amours qui vont, qui viennent, et du fait qu'il doit faire tourner des têtes.

"Quoi, moi?" Il s'étouffe presque sur le second mot, avant de reprendre : "Non, je… enfin si mais…"

La suite de la phrase se perd dans un grognement frustré alors que Tullio presse ses paumes contre ses pommettes brûlantes qu'il a senties rougir à toute allure. Il est hors de question qu'il parle de son petit ami avec l'ex de sa colocataire qui, elle, n'est toujours pas au courant.

"Genre, ok, j'admets, j'ai eu pas mal de… de regards intéressés on va dire. De clientes, surtout, mais en même temps c'est pas comme si je voyais beaucoup de gens en dehors de mon boulot. Et j'ai jamais donné suite."

Il est cramoisi, maintenant, et à priori ça ne sert à rien d'essayer de le dissimuler si ce n'est à rendre la chose encore plus évidente alors ses mains quittent son visage pour aller se fourrer dans les poches de sweatshirt.

"J'suis jamais sorti avec une meuf. Genre, jamais."

Ok, ça, c'est sans doute un peu trop personnel. Et ça ne couvre que la moitié de la vérité. Mais si l'autre peut partir du principe qu'il est hétéro…

"Et la seule meuf qui s'est montrée, genre, très claire sur le fait que je lui plaisais, ben, si j'pouvais plus jamais la revoir ça m'irait très bien. Et tant qu'à faire, elle a qu'à se faire bouffer par une horde de pluks enragés."

Ou alors il décidait qu'il en avait marre qu'Anya fasse partie, même de loin, de sa vie et il pourrait demander à Xander de la tenir pour qu'il puisse lui arracher les ailes.

"Brefffff. Apparemment nos vies sentimentales sont deux désastres absolus. Ça fait au moins un point commun. Au fait t'as pris un truc pour voir les bestioles?"

Il avait suffisamment baratiné sur sa vie sentimentale comme ça, alors s'il pouvait gentiment ramener le sujet vers la mission qu'ils devaient exécuter… ça ne serait pas plus mal.
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Sam 22 Fév - 5:12

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Nawar Nasri

Nawar Nasri
Je m’attendais à tout sauf à une réaction aussi gênée de la part du consultant. Cela avait quelque chose d’amusant, après tout, chacun son tour… Mais tout de même, pour un sujet si banal ? Même moi j’avais l’air moins troublé lorsqu’il avait évoqué Victoria…

« C’est tout à ton honneur de ne pas profiter du fait qu’ils aient bu. Et puis, sortir avec un pilier de bar, ça n’a rien de très excitant selon moi. » admis-je afin d’essayer de le valoriser. Je ne comprenais pas pourquoi c’était si embarrassant pour lui et pourquoi il continuait à rougir à vitesse grand V.

"J'suis jamais sorti avec une meuf. Genre, jamais."

Jamais ? Non mais, jamais ? Comment c’était possible ça ? Décidément, les rangs des chevaliers comptaient une faune bien éloignée de la norme. Je me suis senti tout aussi gêné qu’il pouvait l’être devant cette révélation, même si j’essayai de rester impassible pour ne pas accroître son trouble. Mais quand même… Il était dans les ordres ou quoi ? Y avait-il un serment secret que l’on devait faire en devenant chevalier ? Parce que pour ma part, je n’en avais fait aucun… Et quand bien même, la chasteté n’aurait pas été mon choix premier, même si dans les faits, elle m’était relativement imposées par ma « situation ». Je le plaignis tout à coup, et je n’avais pas fini de le faire au vue de la suite de ses révélations empreintes d’une certaine rage. Je n’avais pas même envie de savoir pourquoi il détestait autant cette « meuf ».

« Hummm, je vois » conclus-je finalement, ne sachant trop comment rebondir, et j’accueillis avec soulagement sa tentative pour dévier définitivement le sujet, et ce même si je devais lui mentir. De toute évidence, Tullio ne savait pas pour moi car il ne savait pas que je n’avais besoin d’aucun « truc pour voir les bestioles », et j’estimai que nous avions eu suffisamment de révélation pour l’heure.

« Oui, t’en fais pas pour ça, je vois très bien… Ou plutôt, je vois très bien qu’il n’y a rien à voir. C’est à se demander comment est né tout le folklore germanique autour de cette forêt tellement y’a rien à voir. Où sont les elfes, les fées et les licornes bon sang ?! Même un lutin je serai preneur ! » dis-je d’un air amusé, mais un peu agacé aussi.

Mais cette vérité allait peut-être changer car nous étions tout proche du premier endroit à explorer. D’ailleurs, trop pris par notre conversation, je n’avais pas remarqué combien l’atmosphère avait subtilement changée. Je n’aurai su dire exactement ce qui était différent, j’étais loin d’être un expert, mais il y avait – ou avait eu – clairement de la magie ici. Je partageai mon impression à mon partenaire alors que arrivions sur la zone « à explorer ». Cependant, je ne sentais rien de significatif pour appuyer ce sentiment, et j’espérais que Tullio soit plus apte que moi, sinon, nous étions prêts pour nous remettre en route vers le prochain point GPS. A moins qu’on ne décide de faire une halte ; il commençait à faire faim non ?
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Dim 1 Mar - 5:39

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Tullio Cavaleri

Tullio Cavaleri
Non mais vraiment, qu'est-ce qui va pas chez moi? Il aurait mieux fait de ne rien dire du tout. Parce que maintenant Nawar devait croire qu'il était ce genre de pauvre type qui a toujours été, et sera probablement toujours, célibataire. Il devait aussi, certainement, penser qu'il était un pauvre petit puceau qui n'avait jamais eu la chance de connaître la "chaleur d'une femme" comme il avait pu lire quelque part. Sauf que non seulement c'est faux, parce que techniquement il a couché avec une femme, mais en plus… en plus maintenant il a envie de rectifier la vérité pour ne pas trop passer pour un loser.

J'vais penser à autre chose, hein?

"C'est clair."

Commente Tullio, quand son collègue s'interroge sur la naissance du folklore germanique autour de la forêt. Lui non plus ne voit rien mais en revanche il ne partage pas son engouement et préfère les choses ainsi. Voir une créature était rarement une bonne nouvelle, même quand on était chevalier.

Quoiqu'il en soit, ils continuent de progresser jusqu'au premier endroit qu'on leur avait indiqué, et le consultant hausse un sourcil quand l'autre lui signale un changement dans l'atmosphère, peut-être lié à de la magie.
La magie, ça pue encore plus que les créatures.

"Attends."

Murmure le barman en tendant une main vers son collègue, les sourcils froncés parce qu'il a l'impression d'avoir vu quelque chose se déplacer à la limite de son champ de vision.

"T'as fait tes dévotions avant de partir? J'ai vu un truc."

Continue-t-il sur le même ton, alors qu'il fait un pas en arrière et se tourne lentement pour faire face à la potentielle menace. En bon employé de l'ordre, il faudrait qu'il aille de l'avant et essaye de découvrir ce que c'était mais, en toute objectivité, il avait plutôt envie de partir dans l'autre sens et de faire comme s'il n'avait rien vu du tout. Des fois que ça soit un truc dangereux.
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Mar 17 Mar - 15:13

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le narrateur

le narrateur


Entre les longs troncs dégarnis qui pointent vers un haut plafond de feuilles opaques, la lumière filtre difficilement. Malgré tout, une lumière au coin de vos yeux attire votre attention.

Elle disparait avant que vous n’ayez pu clairement la regarder, comme emportée par la brise qui se lève et qui rit entre les feuilles.  




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Jeu 19 Mar - 12:46

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Nawar Nasri

Nawar Nasri
Je m’étais stoppé net à la demande de mon collègue que je dévisageais d’un air interrogateur. Son ton était grave et empreint d’une certaine angoisse. Lentement je l’ai imité, me tournant vers l’endroit qui semblait être la source de toute son attention. Ou plutôt, de toute sa tension. Car Tullio avait brutalement blêmi, délaissant son teint de jaspe pour un plus lactescent. Merde alors !
Je ne ressentais pourtant rien de dangereux... Mais ce n’était pas le moment de douter de mon collègue, j’avais beau avoir des sens exceptionnels, Tullio devait lui aussi certainement posséder de bonnes capacités ou une solide expérience.

Évitant de bouger mais les muscles tendus, je me mis à scruter avec attention les feuillages balayés par une fine brise, mais rien. Ou du moins, rien qui justifie que nous fassions nos prières ou qui puisse provoquer une quelconque vésanie de nos esprits. A priori, l’instinct de Tullio n’était pas bien calibré, ou alors, calibré par un manque évident de confrontation à des situations réellement dangereuses. Je me relaxai presque aussitôt et j’ai commencé à m’avancer, intimant d’une main à mon collègue de rester en retrait, un sourire au coin des lèvres. T’inquiète preux chevalier, je vais occire cette fougère qui te provoque tant d’émoi !

Après plusieurs mètres à travers les herbes folles et fougères, je manquai de m’entraver dans une racine un peu fourbe. Ah vraiment, le danger était partout ma parole ! Puis, mon regard fut attiré par une couleur vive qui se détachait du marron monotone de la forêt endormie. C’était une belle narcisse, d’un jaune éclatant, qui avait percé à travers le tapis de feuilles mortes. Un peu plus loin, des dizaines d’autres s’épanouissaient lentement, corolles en suspend. C’était beau mais… wait, what !?! Des fleurs en cette saison ? Nous venions à peine de passer l’équinoxe d’hiver, et s’il était vrai qu’il faisait à présent doux au cœur de la forêt noire, la saison était plus aux perce-neige non ? Les paysages de l’Allemagne m’étaient apparus si nivaux depuis notre arrivée que je ne pouvais décemment envisager des fleurs s'y épanouir.

Intrigué, je me suis rapproché du couvert doré pour observer de plus près ces curieuses fleurs. Je remarquai ainsi bien vite qu’elles n’étaient pas les seules à pousser de manière si étonnante, puisque toute la végétation alentour semblait être mue par une prodigieuse vitalité la menant déjà vers le printemps à peine l’hiver entamé. Un micro-climat ? Non.. de la magie. De ce que j’avais lu sur les Omniôms, ces derniers avaient une action plutôt bénéfique sur leur environnement proche, et si ce petit bout de printemps ne pouvait être que la preuve de leur présence récente. Peut-être étaient-ils toujours là, mais si bien dissimulés que même nos dons particuliers ne nous permettaient pas de les trouver. Je me sentis tout à coup comme un enfant devant un cadeau encore emballé.

« Tullio, viens voir ça, dis-je à mon compagnon dont je n’avais fait aucun cas de ses mouvements ou de ses réactions, trop absorbé par ma découverte. Et fais attention où tu marches, y’a des racines maléfiques.

Quand il m’eut rejoins, je poursuivis : Ce genre de fleurs ne poussent pas en cette saison, je me trompe ? A la suite de quoi je sorti mon appareil pour prendre quelques clichés de l’endroit : outre le fait de confirmer qu’il y avait bien eu ce que nous venions chercher, nous devions essayer d’estimer ce périmètre à la magie printanière, prendre quelques notes et pourquoi pas des échantillons.

« Hey… Au fait, ne t’éloigne pas trop, on sait jamais... que je puisse intervenir si elles essaient de te bouffer, dis-je en rigolant. Assurément, cette mission ne comportait aucun danger, et nous venions d’en avoir à nouveau la preuve. Cependant, une petite voix me disait qu’en cas de situation plus critique, j’allais devoir gérer un compagnon un chouilla trop nerveux…
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Sam 21 Mar - 9:42

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Tullio Cavaleri

Tullio Cavaleri
Quand Nawar lui fait signe de rester en retrait, Tullio ne voit déjà plus l'espèce de lumière qui s'était glissée au bord de son champ de vision, et qui n'aurait pas dû être là. Il espère, un instant, que son collègue l'a remarquée aussi, qu'il l'a prévenu à temps, mais le sourire qu'il voit flotter sur son visage semble indiquer que non.

Pourtant le consultant s'exécute et reste en retrait, ne lâchant le chevalier des yeux que pour chercher une trace de ce qu'il a vu. Parce qu'il en est certain : il y avait quelque chose. Alors il attend, jusqu'à être invité à s'avancer, et il se mord l'intérieur des joues quand il entend la boutade sur les racines maléfiques.

"Je crois pas, non."

Répond sobrement l'italien, un peu vexé, quand il est interrogé sur la floraison pour le moins… abondante du morceau de forêt devant lequel ils se trouvaient. Puis il se sent soulagé, brièvement, quand Nawar lui indique de ne pas s'éloigner au-cas où… avant de rire en parlant des fleurs, ou des racines maléfiques, impossible de savoir.

"On a qu'à faire comme ça."

Marmonne Tullio, les mains fourrées dans la poche kangourou du sweat à capuche qu'il porte et les yeux baissés sur le sol. Il a l'impression d'être de retour en Italie, à l'époque où personne ne le croyait jamais, où tout le monde, au mieux, le prenait en pitié. Ou se moquait carrément de lui. Ce n'est pas quelque chose qu'il s'attendait à ressentir une fois consultant, même s'il veut bien avouer que sa dégaine ne l'aide certainement pas à être pris au sérieux.

"En fait non, on va pas faire comme ça."

Crache-t-il soudainement, relevant les yeux sur le chevalier qu'il assassine du regard.

"J'te dis que j'ai vu un truc. Tu m'crois ou pas, c'est ton problème, mais tu te fous pas de ma gueule. J'ai vu. Un truc. J'ai passé suffisamment de temps dans une forêt de c'genre pour savoir de quoi j'parle. J'y suis pour rien si t'es aveugle."

Le consultant regrette presque, mais seulement presque, ses doutes dernières paroles. C'est sans doute à cause de ce presque qu'il en rajoute une couche.

"J'sais bien qu'on est ici pour un truc peinard, mais si tu pouvais faire au moins semblant de chercher au lieu de t'promener la truffe en l'air, ça s'rait pas mal parce qu'à c'rythme là si une licorne t'passe sous l'nez tu vas chercher un poney."

Tullio est bien conscient, au fond, qu'il exagère. Qu'il surréagit à une toute petite moquerie de rien du tout. Mais il est aussi douloureusement conscient du fait qu'une fois de plus on ne le croit pas, alors qu'il se trouve au seul endroit où ça peut arriver. Alors qu'on l'a envoyé sur cette mission précisément pour sa capacité à voir les choses et, dans certains cas, à communiquer avec elles.

"Parce que si t'en as rien à foutre de la mission, et que t'es là pour te moquer, on peut s'épargner cette peine et tu fais demi-tour tout de suite. C'pas parce que la mission est peinarde que j'compte pas la faire sérieusement."
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Ven 27 Mar - 9:56

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Nawar Nasri

Nawar Nasri
J’étais satisfait de constater que mon compagnon était également intrigué par l’endroit, et je commençais à parcourir la végétation à travers l’objectif de mon appareil, espérant détecter par ce biais quelque chose d’autre. Cependant, la remarque de l’italien me stoppa net et je le regardai d’un air interrogateur. « Tu penses qu’on devrait faire autrement ? » le questionnai-je innocemment, sans m’attendre à la déferlantes de reproches qui allait suivre. Mais quelle mouche l’avait piqué ? Il se mettait dans cet état pour une simple boutade ? Il était sérieux là ?  Je l’avais réellement mal jugé, moi qui l’avais doté d’un savoir rigoler, en fait ce type n’avait aucun humour !

Maladroitement, j’essayai de me justifier : «  J’me moque pas de toi ok ? Faut que tu me fasses confiance c’est tout, je suis ta protection », mais il fit mine de ne pas entendre et continuait de plus belle sa diatribe acerbe, m’accusant de laxisme sans Aucune Foutue Raison ! Mais s’il croyait que j’allais gentiment me laisser insulter pour rien du tout, il se trompait gravement. Non mais pour qui il se prenait exactement à me faire la morale tout d’un coup là ? A peine eut-il fermé la bouche, le temps de reprendre son souffle ou son courage, que je me jetai dans la brèche pour faire voir un peu ma façon de penser à son pauvre petit égo blessé.

«  Ça y est t’as fini ta petite crise ? Je peux en placer une ? Ouais, je suis persuadé que t’as vu quelque chose, je te fais confiance sur ça, ok ? Alors fais-moi confiance quand je te dis qu’il n’y a rien à craindre bordel ! Je le saurai si c’était pas le cas, alors descend de tes grands chevaux ou de tes licornes deux minutes tu veux ! »

Je m’étais rapproché de lui, absolument pas intimidé par sa soudaine saute d’humeur, et je continuai sans vraiment pouvoir m’arrêter :  Et Non j’en ai pas rien à foutre, contrairement à ce que tu as l’air de penser. Depuis quand déconner un peu est un crime au juste ?  C’est pas parce que j’suis détendu que je ne suis pas capable de faire les choses sérieusement. Mais en fait, je crois que le vrai problème n’est pas là, je me trompe ? En vrai t’es jaloux. Tu es complètement jaloux parce que tu vis avec une femme séduisante et pas farouche qui n’a jamais posé les yeux ou la bouche sur toi alors que moi j’l’ai eu et j’l’ai usée pendant que toi tu galères depuis des plombes coincé dans ton slip ! Mais tu peux t’en prendre qu’à toi même mec ! C’est pas ma putain de faute si tu t’y prends comme un manche alors ferme-la !

Je lui hurlai littéralement dessus.

«  Maintenant que les choses sont clarifiées, on s’y remet « sérieusement » comme tu dis, et dans la bonne humeur. Mais si tu te considères encore comme le seul mec sérieux ici, c’est pas un soucis, j’peux très bien me casser, et contrairement à toi j’me fais pas dessus dès qu’une feuille frémit parce que je sais que je suis bien plus dangereux que tout ce qu’il peut bien traîner dans cette putain de forêt déserte ! »

Une partie de moi adorait ce moment de tension extrême et ma raison avait bien du mal à lutter pour me conseiller de retrouver mon calme. Aussi, j’espérai simplement qu’il aurait assez de jugeote pour ne pas jeter davantage d’huile sur le feu.
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Ven 27 Mar - 18:53

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Tullio Cavaleri

Tullio Cavaleri
Ma protection? Ce petit maigrichon est supposé me protéger? C'est, à peu près, tout ce que Tullio retient de la première tirade du chevalier, avec le fait qu'apparemment il est supposé le croire sur parole quand il lui annonce qu'il n'y a aucun danger. Il envisage, quelques instants, de lui rétorquer que s'il n'a pas vu la même chose que lui il n'en sait foutre rien de si c'est dangereux ou non, quand Nawar l'accuse d'être jaloux.

"Quoi?"

Lâche le consultant presque plus surpris qu'autre chose, alors que le brun continue et continue. Lui, jaloux de Nawar? Pour une fois, il peut sincèrement se dire que non, il n'est pas jaloux.

"Toi? Dangereux? M'fait pas rire."

Raille Tullio, qui profite allègrement de ses quelques centimètres de plus pour toiser le chevalier.

"Et pourquoi je s'rais jaloux d'un pauv' type qu'elle a jeté comme une merde? Parce que c'est ça qui s'est passé, hein? Elle t'a jeté et t'es tellement dégoûté de plus pouvoir la toucher que t'en viens à m'accuser d'être jaloux. La vérité c'est que j'en ai rien a foutre que t'ais été avec elle."

Il pourrait le narguer en lui expliquant que si, Toria avait déjà posé les yeux sur lui, et plus d'une fois. Qu'à un moment il n'aurait eu qu'un mot à dire pour qu'elle pose la bouche sur lui parce que même si ça serait omettre beaucoup de détails, dont le fait qu'il avait refusé, ça serait quand même la vérité.
Sauf que ça n'est pas ce qui a retenu le plus son attention.
Et qu'au fond, tout ça, on s'en fout.

Alors il attrape Nawar par le col et le fixe avec le regard le plus noir dont il est capable.

"En revanche tu causes plus JAMAIS de Toria comme si c'était un objet, parce que j't'assure que si tu r'commences je te casse la gueule."

Ce n'est pas l'envie qui lui manque de procéder là, tout de suite, mais malgré toute la colère que Tullio ressent il arrive encore à se rappeler qu'il est supposé être en mission, et pas supposé frapper ses collègues. Alors il s'oblige à lâcher le chevalier et lui adresse un signe de tête pour lui signifier qu'il passe devant.
Dans la bonne humeur, mon cul ouais.
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Sam 4 Avr - 14:12

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Nawar Nasri

Nawar Nasri
J’avais fait volte-face, dédaignant volontairement l’italien. Il fallait que l’on continue et que l’on avance, qu’on enterre tout ça, et surtout, qu’il ferme son claque-merde. Je n’étais plus en mesure de réfléchir clairement à la situation ou de me demander à quel degré de connaissance ou de méconnaissance sur mon état était le pauvre Tullio, mais il avait intérêt à se ranger, sinon sa tignasse bleue allait côtoyer  la stratosphère en touffe désorganisée. Puis, après ça, je commencerai à m’amuser.

Je pensais qu’il avait saisi quand il remit en doute ma parole, aboyant sa moquerie avant de me toiser de toute sa hauteur relative. S’il croyait que ça se jouait à quelques centimètres comme lorsqu’on a 15 ans, il se plantait. En agissant ainsi, il s’imaginait sans doute doté du courage d’un loup mal luné. Pour un peu, j’aurai presque eu peur qu’il mordre ! Mais j’allais vite lui faire comprendre qu’il n’y avait qu’un loup ici et qu’il n’était qu’un teckel qui jappe parce qu’il est effrayé. Avait-il sérieusement pensé qu’on nous enverrait dans un lieu si magique sans que l’un des deux partenaires n’aie un tant soit peu des compétences physiques au cas où les choses tourneraient mal, même si ça ne devait probablement jamais arriver ? Il avait quoi à la place du cerveau sans rire ?! De la guimauve fondue ?! Merde, même si c’était sensé être tranquille, c’était pas une mission au Club Med !

- Tu ne sais pas à quel point je peux l’être, lui répondis-je avec un sourire à peine déguisé et nullement impressionné. J’avais bien envie de lui exposer une bonne dizaines d’idées qui pourrait lui prouver qu’il avait tort, mais s’étant senti poussé une paire il continuait sur sa lancée sans que j’en ai eu l’occasion.

Lorsqu’il eu fini, je ne pus m’empêcher de rire bêtement, à la fois amusé et profondément agacé. C’était vraiment ce qu’elle lui avait raconté ? Qu’elle m’avait jeté ? Ou n’était-ce que la conclusion idiote à laquelle son cerveau, si peu habitué à s’activer, était parvenu à mettre en forme pour protéger l’image sacrée qu’il avait d’elle ? Désolé mais j’avais un peu plus de valeur que ça, et tout était bien plus compliqué qu’il ne pouvait l’imaginer ! Je devais lui ouvrir les yeux et détruire ce mythe auquel il s’accrochait. Quitte à frapper fort… Quitte à frapper tout court aussi.

- Mais arrête de la défendre et de l’aduler ! Tu comprends pas que c’est ça qui la fait mouiller ! Elle aime nous voir ramper à ses pieds quand elle vient de nous jeter comme une cigarette qu’elle a bien tirée ! Réveille-toi ! Ta Victoria c’est pas la statue de la sainte vierge devant laquelle se prosterner ! C’est qu’une...

Putain ! Il venait de m’attraper par le col et me fixait avec un regard qui aurait pu me transpercer tant il était furieux. Tout d’abord surpris par son geste, je me laissai volontiers malmené par ses menaces à peine crédibles, soutenant son regard avec défi. Qu’il essaie seulement de me frapper, je n’attendais que ça ! Mes poings étaient fermés et prêts à répliquer au moindre signe un peu trop tendu de ce guignol aux allures de schroumpf. Allez vas-y grogne, cogne, frappe ! Mais vas-y !! Que les coups partent, que les chairs s’épousent avec violence, que les dents trinquent, que le sang pisse ! Fais émerger cette gloire qui fait que je te suis infiniment supérieur, qui fait que je suis si dangereux et qu’il y a, cette fois, toutes les raisons d’avoir peur !

Mais même s’il était hors de lui, je le voyais déjà se relâcher. Non ! Allez ! Continues ! Vas-y bordel ! Il devait entendre cette voix acide et sans pitié qui appelait à la cruauté et qui suintait par tous les ports de ma peau ! J’avais envie de lui cracher au visage la vérité pour le secouer, de lui décrire quand et comment que je l’avais violée sa précieuse Victoria. J’avais envie qu’il frappe pour pouvoir répliquer et cogner sur lui sans m’arrêter. J’voulais l’éclater... car son indignation n’était que le reflet de mon inhumanité. Mais il me relâcha et s’éloigna promptement, prenant les devants d’un futur qui n’avait plus de sens et il emportait avec lui mes espoirs de briser le miroir.

Je le regardai avancer sans se retourner. J’étais si tendu que tout mon corps vibrait. Notre lutte avortée me laissait un goût amer dans la bouche, ma soif de violence était inétanchée et les lèvres me brûlaient de lui crier qu’il se trompait pour pouvoir tout recommencer. Oui, je l’avais considérée comme un objet. L’objet d’une quête impossible. L’objet de mon désir et celui de ma perte, comme une clé qui ouvre une porte qu’on voulait garder verrouillée.

Moi j’avais voulu que Victoria soit une lanterne, ne serait-ce qu’une nuit, pour me sentir vibrer, pour me sentir vivant, pour me sentir aimer, pour me sentir aimé… Moi le solitaire forcé, moi le délaissé au milieu de la vie qui m’avait arraché mes amours et ma flamme et ma vie. J’aurai voulu qu’elle soit l’étoile qui ne finit pas de briller quand le mal a choisi votre âme pour empire et que tout le reste est noir et dévasté. J’avais voulu qu’elle soit cette objet magique qui me fasse oublier qui j’étais et oublier le monde pendant quelques secondes sacrées.

Comment nier que ce jour-là j’aurai tant voulu être un autre que moi ? De ceux en qui l’on peut croire et qui n’aurait pas bafoué l’innocence cachée sous son insolence. J’aurai tant voulu être autre chose que ça et me laisser jeté à terre, comme tous les autres peut-être, oui mais pas sans avoir pu expérimenté mon humanité dans le creux de son ventre. Notre histoire aurait été morte-née, mais elle aurait existé juste le temps d’une union. Juste le temps de baiser.

Comment me taire et ne pas lui avouer qu’au lieu de ça je l’avais blessée au point qu’elle ne pourrait oublier, pas même dans les verres d’alcool, que je lui avais pris sa lueur et un bout de son être ? Qu’elle avait désormais tatoué dans la peau l’horreur d’une nuit qui n’appelle pas le jour…

J’avais tellement envie de frapper. De hurler. Et de m’enterrer.

Sans que je comprenne, je me mis à rire. Un de ces rires jaunes et tristes, plus proches du sanglots que de l’éclat. À croire que je n’en pouvais plus de cette vie qui n’existait plus que pour la haine et les drames et le sang. La colère qui m’habitait n’était que culpabilité déguisée, et je me sentis m’effondrer à l’intérieur. Il n’y avait plus guère que les murs pour tenir ce qu’il restait de mon esprit éclaté. C’était vraiment pas le moment pour craquer mais je n’y pouvais rien... J’aurai souhaité ne pas perdre la face, surtout en compagnie de ce foutu ado qui osait se la jouer chevalier servant et me faire la leçon, mais c’était plus fort que moi. Immobile, le corps toujours tendu et les yeux fermés, j’imposais mon rictus pathétique à la forêt sans me soucier de qui pouvait l’entendre.

Et c’est dans les ruines de mes émotions folles qu’une vérité se fit évidence. Ce fut à cet instant précis que je sus ce que je devais faire. Je ne voulais plus être celui que l’on ne voit que par le prisme de ses erreurs, à jamais poursuivi par la faute d’une nuit. Et si dans les yeux de mes collègues, de l’ordre ou même de Dieu, je ne pouvais plus changer ni ce passé ni l’ombre que j’étais, il était un être sur Terre pour qui j’étais un soleil et l’été. Un être sur Terre qui méritait que je brille encore, quitte à en crever. Je devais partir retrouver ma fille, ma perle, mon horizon, cette partie de moi qui affirmait haut et fort mon appartenance à l’humanité.

Cette certitude, comme une lumière au bout d’un tunnel, me fit retrouver un peu mon calme, du moins, juste assez pour arrêter de glousser et affronter de nouveau le monde. Et Tullio.

- Ne t’avises plus de porter la main sur moi, le menaçai-je de manière à peine voilée lorsque nous fûmes à la même hauteur.


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