La bourrasque qui l'accueille quand il sort sur le pont extérieur lui fait plisser les yeux, mais sa fraîcheur est loin de le gêner. Après la chaleur étouffante de l'intérieur, aggravée par l'alcool sur lequel il s'est lâché malgré les recommandations de Toria, un peu d'air est même plutôt bienvenu.
D'autant que s'il en croit le second message de Xander, il n'est pas prêt d'avoir froid.

Quand il ouvre à nouveau la conversation, après avoir jeté un coup d'œil derrière son épaule, il ne peut s'empêcher de sourire quand ses yeux tombent encore une fois sur le ventre du chevalier, accompagné d'un clin d'œil. Cette fois-ci en revanche, il prend le temps de lui répondre un simple "J'arrive" auquel il joint un emoji avec un grand sourire.

Trouver son petit ami n'est, au final, ni très long ni vraiment difficile, et pourtant quand il se penche sur le bon canot pour le découvrir la chemise ouverte, apparemment très occupé à essayer de prendre un selfie, il a l'impression que ça fait une éternité qu'il le cherche.

"Alors c'est là que tu te cachais?"

S'amuse-t-il, alors qu'il grimpe dans le canot et s'installe auprès de son petit ami, se penchant au-dessus de lui pour venir l'embrasser. Il laisse ses doigts se perdre le long de la mâchoire alors qu'il se redresse un peu pour le regarder.
J'ai rencontré une amie à toi, et ça s'est mal passé. A-t-il envie de dire, mais ça n'est pas le moment, et ça l'obligerait à tout expliquer, alors à la place il se mord la lèvre inférieure pour ne rien dire. C'est plus simple comme ça, plus facile d'embrasser encore une fois Xander, de se presser contre lui, de trouver du réconfort dans le simple fait qu'il est là.

"Je suis content que tu m'aies envoyé un message. J'aurais dû y penser, je me demandais où tu étais."

Il aurait sans doute envisagé l'idée, ou au moins celle de vraiment chercher le chevalier, une fois Ollie larguée auprès de sa chevalière... si ça n'avait pas été Toria. Mais ça non plus, il ne voulait pas y penser.

Quand l’inconnu sympa m’a laissé, j’ai pas réfléchi longtemps. J’avais pas envie se me replonger dans la foule, même s’il y avait quelques personnes avec qui j’avais envie d’être. J’étais cependant réaliste : Tori devait être en train de faire du gringue à la moitié du bateau, Tullio devait la couver jalousement, et les autres… Les autres, j’avais pas envie.

Je repérai rapidement les canots de sauvetages et eus un léger rire. Personne me voyait ou ne faisait attention, je pouvais discrètement me glisser là dedans et attendre la fin d‘après-midi en toute tranquilité, faire une sieste, par exemple… C’était inconfortable à souhait, mais j’étais à l’aise, au moins, et seul. Je posai mon bras sur mon visage pour cacher les rayons du soleil couchant et fermai un peu les yeux…

Il était beaucoup moins tôt lorsque j’ouvris un oeil. J’avais sûrement pris un coup de soleil, je sentais mon nez qui brûlait un peu. Et j’avais la gorge sèche, la bouche un peu pâteuse, la tête pas en super état. J’aurais clairement dû récupérer une bouteille avant de partir… De soft, de préférence, même si j’avais envie d’un autre verre de rhum. Pas bien, Xan…

Je me redressai, vérifiai qu’il n’y avait toujours personne et m’étirai longuement. Puis, ce fut mes lèvres qui s’étirèrent, en un sourire peut-être encore un peu aviné. Quand je récupérai mon téléphone, je réalisai que j’aurais bien aimé avoir un message de Tullio… Alors je pouvais bien lui en envoyer un ? Pas de réaction ? J’attendis quelques minutes avant d’en renvoyer un. Et souris largement devant la réponse.

J’étais en train d’essayer de prendre un selfie un peu plus sexy que les précédents lorsque Tullio se pencha sur le canot, et je me redressai pour aller à sa rencontre, tendre la main pour attraper la sienne et l’aider à s’installer, l’accueillir contre moi et l’embrasser à pleine bouche avant même de prendre la peine de répondre.

“J’avais pas envie de voir grand monde, vous aviez l’air occupés et… j’ai fait la sieste. Et toi ?”

Je fermai les yeux sous ses caresse, tournai la tête pour lui embrasser la paume de la main, et eus un rire. Je savais qu’il n’avait pas envoyé de message parce qu’il préférait être auprès de Tori, puisqu’ils étaient venus ensemble. Mais il était là, et pour mon cerveau enivré, c’était bien assez. Je laissai une main dériver pour lui caresser la hanche, le haut d’une fesse, et de l’autre je terminai de déboutonner ma chemise, passant mon noeud papillon défait sur ma peau couturée.

“Tu penses qu’on peut trouver à s’occuper, en attendant d’avoir le droit de partir ? Je veux pas retourner dans la foule...”

"On a dû se rater de peu." Regrette-t-il, avec une moue quand il essaye d'imaginer à quel point sa soirée aurait pu être différente. "Toria est allée rejoindre une amie, et après… après c'était vraiment nul, je te raconterais un jour."

Résume Tullio, parce qu'il n'a pas envie d'entrer dans les détails. Pas maintenant, pas ce soir, pas alors que Xander lui embrasse la main et rit pour une raison mystérieuse, ce qui a le mérite de le faire sourire.

"La prochaine fois, je t'appellerais au secours."

Murmure-t-il, ployant la nuque jusqu'à ce que leurs fronts reposent l'un contre l'autre, sans lutter contre le frisson déclenché par une main baladeuse. Il ne se redresse que pour mieux admirer le chevalier qui achève de déboutonner sa chemise, et il est obligé d'admettre que le costume débraillé et le nœud papillon défait lui vont vraiment, vraiment bien.

"Oh j'en suis certain. J'ai voulu m'échapper toute la soirée alors je compte bien rester ici. Avec toi."

Tout en parlant, le consultant glisse une main sur le ventre de son petit ami, longeant le pantalon jusqu'à rejoindre son flanc contre lequel il presse ses doigts, remontant lentement jusqu'à ce qu'ils reposent contre ses côtes.

"Est-ce que tu as des idées pour nous occuper?"

Tullio penche la tête et dépose un baiser affectueux contre la joue de Xander, pour lui laisser le temps de répondre, puis décide qu'il ne va pas s'arrêter en si bon chemin et descend embrasser sa mâchoire, suivant le contour de l'os jusqu'à se trouver sous l'oreille, d'où il entreprend de descendre vers le cou.

"Parce que moi j'en ai plein, et je blâme entièrement tes photos pour ça."

Admet-il avec un rire, promenant ensuite ses lèvres le long d'une clavicule.

"Je devrais les faire encadrer, et les accrocher aux murs de ma chambre."

Quoiqu'à la réflexion, ce serait sans doute le meilleur moyen de s'assurer que Toria ait de quoi se moquer de lui jusqu'à la fin des temps… et il n'était pas certain de vouloir partager ces photos. Il était même plutôt certain du contraire, en fait.

"Un jour je t'en enverrais aussi."

J’eus une petite moue lorsque Tullio m’expliqua son après-midi et début de soirée, ne pouvant empêcher le pincement de tristesse et jalousie, emplifié par l’alcool, de s’attaquer à mon torse. Je lui passai la main sur la joue, cette barrière d’intelligence et de retenue usuelle qui empêchait ma bouche de débiter les conneries que pensait mon cerveau étant soigneusement mis à bas.

“T’en es encore à ressasser et être jaloux de tout ceux qui discutent avec Tori ?”

C’était dur de pas s’en rendre compte, surtout depuis qu’on s’était rapproché. Je comprenais pas, car de mon côté… Tant que quelqu’un lui faisait pas du mal, elle était grande, elle faisait ce qu’elle voulait. Et si elle se plantait, y’avait juste des gens qui allaient manger leurs dents à la paille, et j’espérais que savoir que j’étais là en backup l’aidait à se lancer, si un jour elle avait des doutes…

Mais je n’arrivais pas à cerner ce que cherchait Tullio, et… Et ils étaient plus proches, plus intimes, du même âge… Je passai un bras autour de mon petit-ami et le serrai contre moi, fermant les yeux pour faire passer le malaise, avant de lui sourire quand il me demanda mes idées. Tout pour lui virer Victoria de la tête ? C’était pathétique.

“hnnn, j’ai quelques capotes dans mon porte-feuille... C’est pas l’grand confort mais je suppose que j’aurais qu’à me retourner un peu et...”

Direct, sans prise de gants - quand bien même ils auraient été fort utiles - et je le fixai, rougissant vaguement de faire une proposition aussi directe dans un endroit où de toute évidence, nous ne serions pas discrets. Comme si ça pouvait ne le faire penser qu’à moi…

Je passai une main de mon torse au sien, sa ceinture, posai la main sur sa braguette et … Une secousse, suivie de plusieurs autres, l’arrêt des moteurs… Tout ça m’arrêta en plein mouvement, et je me redressai.

“Ah… Attends, y’a quelque chose qui va pas. C’est pas normal.”

Je manquai de me cogner, sortis débraillé du canot et regardai autour de moi. Le bruit, à l’intérieur, le noir soudain… Ca aidait pas vraiment le mal de crâne.

“Il se passe un truc, ça va vraiment pas. Reste là, j’vais voir ce qui c’passe.”

J’étais pas clair, mais ça allait bien se passer quand même. Première mission, trouver de l’eau et s’en asperger, pour avoir les idées un peu plus claires… Malgré tout, je scrutai l’eau et le pont, cherchant ce qui pouvait bien se passer.

Est-ce que c'est vraiment ce qu'il fait? Est-ce qu'il est jaloux de tout ceux qui parlent avec Toria? Il ne pense pas, mais… il n'a pas le temps, et pas l'envie d'y réfléchir. Il préfère sourire à Xander et embrasser le premier morceau de peau qui passe à sa portée, pendant qu'il écoute la proposition qu'il a réclamée.

"Tu crois qu'on saura être assez silencieux?"

Interroge Tullio, avec un sourire en coin, avant qu'il ne se morde la lèvre inférieure au contact d'une main indiscrète contre son torse. Ses propres doigts papillonnent contre les côtes de son petit ami, glissent contre son ventre et commencent à descendre lorsqu'une secousse les interrompt. Plusieurs autres suivent et il fait soudainement plus sombre.

Il soupire, s'écartant pour laisser le chevalier se redresser, et lève la tête pour voir si les lumières reviennent. Après tout, peut-être que le bateau a simplement calé comme une voiture. Sauf que non seulement le moteur n'a pas l'air de vouloir redémarrer, mais en plus maintenant Xander sortait du canot pour aller voir… et lui ordonnait de rester là.

"Et puis quoi encore?"

Sortir du canot est plus difficile que d'y entrer mais il y parvient sans trop de soucis, et son premier réflexe est d'activer la fonction lampe de poche de son smartphone. A voir les quelques points de lumière qui se dessinent de l'autre côté des vitres, il n'est pas le seul à y avoir pensé.

"Je viens avec toi."

Annonce-t-il d'un ton qui ne laisse pas de place à la négociation, tendant les doigts pour attraper la main de son petit ami avant de se raviser. Xander avait beau lui reprocher d'avoir été occupé avec Toria, lui aussi avait paru très occupé avec l'ex de la chevalière, et il n'avait pas non plus essayé de venir le voir.

"Tu veux aller voir où?"

Il faudrait sans doute qu'ils aillent vers la cabine… ou peu importe comment ça s'appelait, où se trouvait le type qui manœuvre le bateau. Trouver le capitaine pourrait être une bonne idée aussi, pour essayer d'obtenir des explications, encore qu'avec ce type-là ils ne risquaient pas d'entendre autre chose qu'un "tout va bien" qui, évidemment, serait faux.

"Si on se rend compte que ça craint, je voudrais qu'on essaye de trouver Elana. Je sais pas où elle est, ni avec qui elle est, et ça me rassure pas."

Et dire que sa soirée avait failli s'améliorer.

Je grognai vaguement quand Tullio affirma qu’il n’allait pas rester en sécurité. Bien sûr, non, autant qu’il vienne là où c’était dangereux, après tout, je vivrais parfaitement bien qu’il s fasse blesser… Mais s’il restait là et qu’il se faisait quand même blesser, hein ? Je me passai les mains dans les cheveux, claquant la langue de frustration. L’intérieur était noir, mais pas comme on aurait pu le penser : c’était noir comme si on avait décidé de peindre les fenêtres dans une peinture trop épaisse.

“Ptain, je vois rien...”

Aller là dedans et chercher des gens à l’aveugle ? Je plaçais ça comme le top de l’idée pas maline du siècle, mais certainement obligée, ou… Ou, si ça n’était pas normal, trouver qui déclenchait ça. De l’extérieur certainement ? Je boutonnai rapidement ma chemise et récupérai mon téléphone.

“J’envoie un message à Tori pour connaître la situation dedans. En fonction, soit on les attend là pour mettre ta soeur en sécurité et la surveiller et… J’devrais aussi demander de l’eau, je crois. Envoie un message à Elana.”

Je tapotai rapidement un message avant de l’envoyer.

21h03

Tori, dis moi que t’as été intelligente, je sais que tu l’es, et que tu as ton téléphone sur toi et au moins une arme. Qu’Elana était à portée de vue et maintenant avec toi et qu’on a pas été assez boulets tous les 3 pour laisser une gamine toute seule dans une soirée avec beaucoup trop de viande bourrée ? Je suis avec Tullio, on va bien.

Puis j’attrapai la main de Tullio et lui souris rapidement, le plaçant sans discrétion derrière moi. J’étais pas encore clean, mais l’adrénaline aidait bien à faire passer la sensation d’ivresse.

“J’ai peur de rien voir si on entre là dedans. Donc… Je te propose de faire le tour du pont, voir si on croise quelqu’un de louche.”

Tullio hausse un sourcil quand son petit ami lui indique ne rien voir. Il veut bien admettre qu'il fait noir, mais… On y voit quand même. Peu, parce qu'il fait nuit, mais pas au point de ne rien y voir, si…?

"Oh, euh, oui, tu as raison."

Bredouille-t-il, quand Xander lui suggère d'envoyer un message à Elana, en se maudissant de ne pas y avoir pensé tout de suite. Il tape rapidement sur l'écran tactile, et espère qu'elle va écouter pour une fois. C'est une foutue tête brûlée, et il est à peu près certain que si sa soeur a l'occasion de se mettre en danger, elle ne la laissera pas passer.

Il vient de ranger son téléphone dans sa poche quand les doigts du chevalier glissent contre les siens et, malgré la situation, il ne peut pas s'empêcher de sourire. Il aurait mieux fait d'écouter sa colocataire et de ne pas trop boire, mais c'est trop tard maintenant.

"Moi je vois. Enfin, il fait noir, mais je vois les silhouettes des gens alors avec la lumière du téléphone ça va le faire. Et je sais où te trouver de l'eau."

Plutôt que de rester sagement derrière Xander, le consultant choisit de garder sa main dans la sienne et de passer devant lui pour l’entraîner à l’intérieur.

"Il y a du bordel près de l’estrade."

Même si au milieu de la foule personne ne devrait les entendre, en tout cas maintenant que le silence stupéfait est passé, Tullio préfère garder la voix basse tandis qu’il entraîne son petit ami à l’opposé, vers le coin bar. Les employés ont apparemment déserté, alors il ne se gêne pas pour l’attirer derrière et utilise la lumière de son téléphone jusqu’à trouver de l’eau.

"Tiens, j’ai trouvé."

Murmure-t-il, en lui pressant la bouteille contre les doigts tandis qu’il guette ce qu’il se passe autour d’eux.

"Si tu as de quoi voir les créatures sur toi, ça vaut peut-être le coup d’essayer?"

Je fixai Tullio lorsqu’il m’annonça y voir parfaitement, fronçai les sourcils et plissai les yeux. Non, définitivement, rien. C’était stressant de savoir que lui voyait et moi absolument pas… Je secouai finalement la tête - mauvaise idée - et soupira.

“Que dalle, j’y vois vraiment rien.”

Mon petit-ami passa devant moi et je me renfrognai : j’aurais dû être celui qui le protégeait, parce que j’avais l’immense joie d’être chevalier à plein temps et lui était barman. Je ne voulais pas qu’il soit blessé. Je m’en serais voulu à vie s’il l’avait été, même si j’appréciais de voir son dos. Jusqu’à l’intérieur, au moins, et lorsqu’il s’arrêta, je posai mon front contre son omoplate. L’ivresse et l’inquiétude ne me donnaient pas envie d’être discret, alors que c’était ce qu’il y avait de plus sage à faire.

Je m’éloignai malgré moi, lui relâchai les doigts pour ouvrir la bouteille et descendre celle ci en quelques gorgées. C’était… Déjà ça. J’avais la gorge un peu moins sèche, et l’estomac vaguement moins “clapotant”. Du moins, c’était l’impression que me donnait tout le liquide dans mon estomac.

“J’en ai pris ce matin, comme d’habitude...”, avouai-je. On ne refaisait pas un vieux parano qui n’avait pas envie d’aller caresser un chat dans la rue si au final, celui-ci était une manticore miniature qui allait s’amuser à vous piquer du bout de la queue. “Mais tant pis, avec le téléphone je vois vaguement mes pieds, ça suffira, je suppose. Merci pour l’eau. Tu peux me passer une autre bouteille, au cas où ? et si t’as une bouteille de champagne vide, ou pleine, on s’en fout c’est pour taper.”

Je jettai un coup d’oeil à mon téléphone, sans réponse pour l’instant, et inspirai longuement. J’avais un peu moins envie de vomir, et la bateau tanguait un peu plus “normalement”. Etait-ce intelligent de chercher Victoria et Elena dans la foule, à l’aveugle ? D’essayer de les appeler ? Et si le “souci” venait de l’intérieur ? Ca n’aurait pas été la première fois...

“On s’en tient au plan ? On les cherche, mais… Discrètement. On ne sait pas qui sont des alliés ou non et je t’assure, les personnes en qui j’ai confiance ici se comptent sur le doigt d’une main.”

Parce qu’en huis-clos, l’attaque ne pouvait venir que de l’intérieur…

Quand Xander s'éloigne, il ramène son regard sur lui le temps de poser une main sur sa taille, puis reprend son observation de la salle. Peu importe qu'il ne voie pas, il ne le laissera pas se demander s'il est toujours proche ou non.

"Euh oui, bien sûr. Il doit y en avoir pas loin."

Effectivement, un coup d'œil et un balayage avec la lumière de son téléphone lui suffisent à repérer une caisse de bouteilles vides. Il en attrape donc une, qu'il vient presser contre la main de son petit ami, alors qu'un nouveau coup d'œil autour de lui le pousse à se mordre la lèvre inférieure.

"J'ai l'impression que tout le monde est… aveugle. J'en vois qui agitent leur lampe dans tous les sens."

Ça aurait pu être rassurant, en un sens, de se dire que son chevalier n'était pas le seul à ne rien voir. Mais au final c'est plus inquiétant qu'autre chose, parce que ça veut dire que jusqu'à preuve du contraire il est le seul à y voir quelque chose.
Ils sont clairement dans la merde.

"Peut-être… peut-être que c'est mieux qu'on ne les trouve pas."

Commence Tullio, les sourcils froncés, alors qu'il essaye d'organiser sa réflexion.

"S'ils avaient voulu tous nous tuer, ils se seraient pas emmerdés à nous plonger dans le noir. Il aurait suffit de mettre un truc dans les boissons, ou de faire sauter le bateau. Ils doivent compter sur le fait qu'on y voie rien pour agir tranquilles."

Explique-t-il, alors qu'il relève les yeux vers l'estrade. Il est évidemment inquiet à l'idée qu'Elana puisse être seule quelque part sur ce bateau, mais l'idée de la mettre en danger l'inquiète plus encore.

"Est-ce qu'on ferait pas mieux de se rapprocher de l'estrade pour essayer de comprendre ce qu'il se passe?"

Suggère le consultant, et cette fois-ci il n'entraîne pas Xander derrière lui mais attend sa réponse.

Je restais aux aguets, même armé. Il y avait de toute évidence quelque chose d’anormal ici, et j’étais sur la défensive. “On” “nous” attaquait, même si je n’étais pas encore certain du “on” ni du “nous”. La bouteille de champagne pesait dans ma main comme une arme bien futile. Ca n’allait jamais suffire…

“Je vois quasi rien, ouais.”, confirmai-je, refusant d’énumérer mes idées. Les pilules qui permettaient de “voir les petites créatures magiques” qui avaient été rendues inefficace ? Il aurait été facile de nous droguer avec le champagne qui circulait parmi les convives. Soudainement, le liquide tiède et poisseux qui coulait du goulot de la bouteille sur ma main me semblait mortifère.

Tullio ne semblait pas vouloir retrouver Tori ni Elena, et je le fixai au possible, avant de soupirer. Je savais que Victoria pouvait se débrouiller seule… Mais ça ne me rassurait pas. Cela dit, essayer de comprendre ce qui se passait n’était pas un mauvais plan non plus… J’hésitai encore, cherchant n’importe quoi qui aurait pu me donner des indices. Et puisque j’étais privé de la vue…

Ca sentait l’alcool, la transpiration, mais aussi une odeur d’huile - le moteur ? - et de fer.

“Attends, j’entends des trucs...”, murmurai-je, me rapprochant de lui. Il fallait que je lève la tête pour atteindre son oreille. “Genre, que des gens ont attrapé quelqu’un ou quelque chose ? Et ça sent fort, pas des odeurs de soirée. Allons voir. Enfin. Tu gère le côté vision.”

C’était un bien pathétique gourdin, si j’étais incapable de viser quoi que ce soit. La main glissée dans celle de mon petit-ami, je le laissai me guider, tendu au possible. Ca devait se sentir. J’avais l’impression qu’il y avait de l’agitation, devant nous, mais comment être sûr ? Comment savoir, si nous croisions quelqu’un, si c’était un allié ou un ennemi ? Il n’y aurait pas eu Tori et Elena, j’aurais tiré Tullio dans un canot pour partir. Je savais que je n’allais plus pouvoir faire confiance à grand monde après ça…

“Et… J’veux pas que tu sois blessé, Tullio.”, précisai-je, ayant du mal à contenir l’inquiétude de ma voix. “S’il te plait… on joue pas les héros, d’accord ?”

“Tu” joues pas les héros, surtout, mais ça… Il aurait pas été d’accord.

Xander s'inquiétait. Il pouvait le sentir, pouvait l'entendre, pouvait le voir quand il se tournait vers lui. Et, pour être tout à fait honnête, Tullio s'inquiétait aussi.

"Promis." Souffla-t-il donc, quand il fut question de ne pas jouer les héros. "On va faire gaffe et rester prudents." C'était une promesse qu'il comptait tenir… jusqu'à un certain point. Le plus prudent aurait sans doute été de s'éloigner, de trouver Elana et de se planquer dans un coin. Au lieu de ça, le consultant entraîna son petit ami à sa suite pour découvrir de quoi il s'agissait exactement.

Les murmures parlaient de sang, parlaient de mort et de corps, et ça aurait sans doute dû pousser Tullio à s'arrêter. Mais Xander, lui, était un chevalier et il n'avait sans doute pas l'habitude de renoncer aussi facilement.
Alors il continua.
S'avança.

Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de doute possible sur ce qu'il s'était réellement passé.

Il ne savait pas si son petit ami pouvait le voir ou non, mais il reconnaissait le corps. Le capitaine avait été assassiné, et le ou les responsables étaient peut-être encore sur le bateau.

Et il n'était pas certain de vouloir les chercher.