Des pas dévalèrent le sol de la forêt, accompagnés par des lourds souffles erratiques. Yermolai s’accota contre un arbre, se réfugiant auprès d’une écorce dure et rugueuse. Haletant, il secoua sa veste pour faire de l’air. De sueurs froides perlèrent de son front, venant tremper son visage irradiant de chaleur. L’odeur des pins atteignit son nez, donnant accès à l’humidité qui se colla avec plaisir dans sa gorge. Ses mains contre ses genoux, il vomit le peu qu’il avait mangé de cette journée. Un liquide chaud et collant ruissela sur sa peau, suintant à travers ses doigts. Comme le goût de sel et de fer s’écoulèrent de sa bouche, il réalisa. Cette mission était un échec complet.
Une force irrégulière serra sa poitrine, entravant sa capacité à crier à l'aide –ou à crier tout court. Il prit une grande inspiration, laissant une bouffée d’air rafraîchir ses poumons. Il plissa les yeux, essayant de regagner sa vision qui s’estompa. Son entourage se brouilla alors qu’il soupira. Il ne savait plus où il était, ni même s’il était encore dans le sanctuaire. Au moins, ce dernier fût relativement tranquille, ne serait-ce que le chant des grillons résonnant parmi la végétation. Yermolai n’avait clairement pas de temps à perdre; il avait absolument besoin de renforts! Mais, l'aide était introuvable et l’hôpital le plus proche se situait sûrement à des kilomètres de sa position.
Un groupe d’oiseaux vola bruyamment dans le ciel. Le chevalier se résolut à le suivre, se disant que ces volailles pourraient bien lui montrer le chemin. Au travail, il fût plutôt un homme de stratégie; comparant toutes les options possibles avant d’entreprendre une action. Par contre, ceci fût une situation désespérée: un seul faux pas et sa survie serait en plus grand danger! Il commença donc à marcher, restant aux aguets en surveillant le monde autour de lui. Visiblement, il ne pouvait plus continuer dans cet état, encore moins connaître le chemin vers la sûreté! Mais, il le poursuivit quand même, déterminé à survivre –ou n’était-ce que la folie prenant contrôle sur son âme?
Ses jambes s’engourdirent à mesure que le temps passait, empêchant l’aventurier de mettre un pied devant l’autre. Ses bras étaient inutiles: ils ne firent que pendre mollement dans le vide. Yermolai se sentit impuissant face à sa défaite. Qu’adviendrait-il s’il arrêterait de marcher? Qui trouvera son corps, perché sur un rocher commun? Ou serait-il dévoré par une créature quelconque? Le russe ne voulût pas penser à la mort, mais celle-ci s’incrusta dans sa conscience, n’éprouvant aucun désir de le lâcher. Pouvait-il vraiment succomber à la douleur? Qu’en était-il du travail à terminer, de ses valeurs?
Le jeune homme s’immobilisa. Une chaude sensation monta à l’intérieur de lui. Il sût ce qu’il allait se passer. Toute son énergie restante était concentrée à observer les oiseaux se disperser. Dans la noirceur de la nuit, il sourit, apaisé.
Il n’avait plus besoin de courir maintenant.
Tandis que le monde bascula devant ses yeux, Yermolai s’effondra, étourdi… et vaincu.